Jacques Dessange, haute figure de la coiffure française, qui éleva son savoir-faire au rang d’art et fit de son nom celui d’un empire international, nous a quittés mardi à 94 ans.
Il s’est éteint là où il était né, dans une maison de briques roses au cœur de la Sologne, comme si, d’une rive à l’autre de sa vie, le destin ne l’avait pas mené au milieu des podiums, des projecteurs et des paillettes, entre les stars de cinéma et des géants de l’industrie française.
Son histoire tient des légendes dorées républicaines : c’est celle d’une ascension sociale tracée à l’encre du labeur et du talent, ce talent qui débordait déjà de ses mains lorsqu’il assistait son père dans le petit salon de coiffure de son village solognot de Souesmes.
Comme les héros de nos livres d’enfance, il connut les péripéties les plus décourageantes, se faisant renvoyer pas moins de douze fois en un an pendant son apprentissage parisien. Mais il fut remarqué par les grands couturiers, devint coiffeur des mannequins Dior, Chanel, Carven, et ouvrit bientôt deux palais capillaires dans des hauts lieux du luxe, à Paris avenue Franklin Roosevelt puis à Saint-Tropez.
Bientôt ses doigts domptèrent la crinière blonde de Brigitte Bardot, modelèrent les boucles d’Ava Gardner, lustrèrent les bandeaux de jais d’Elizabeth Taylor et le casque d’or de Jean Seberg. Le cinéma le couronna partenaire officiel de ses plus grands festivals, Cannes, Marrakech, Deauville.
Il ciselait les chevelures et en façonnait les volumes avec la virtuosité d’un sculpteur. Avec lui, les cheveux ne se figeaient pas : nul hiératisme dans son style, il faisait souffler sur la tête des femmes un vent de liberté et de modernité.
Il portait une vision très française du style, sans rien en lui qui ne pèse ni ne pose, une mode démocratique qui n’utilise pas le corps comme prétexte mais qui le sert et le sublime.
Dessange, en effet, réconcilia ce qu'on pouvait croire antithétique : le confort et l'élégance, la simplicité et la recherche, le naturel et l’exceptionnel, le coiffé et le décoiffé. La coupe courte, à laquelle il donna ce nom au début de années 80, suscita l’engouement collectif et éleva son nom au pinacle. Plus qu’un phénomène de mode, le coiffé-décoiffé fut un phénomène de société. Sans doute Dessange sut-il saisir et exprimer un esprit contemporain, une quête de renouveau, d’affirmation de soi, conscient que le besoin de changement d’apparence correspond parfois à un besoin de changement plus profond, qu’en quelque sorte le coiffeur pour dames est souvent un coiffeur pour âmes.
Ce créateur était aussi un entrepreneur à succès, qui essaima son savoir-faire à travers un réseau de centres de formation, créa un système de franchises, déclina sa marque dans des versions plus abordables, Camille Albane et Frédéric Moreno, lança une ligne de cosmétiques. Jamais le soleil ne se couchait sur son empire de 1600 salons disséminés dans 43 pays. Au soir de sa vie, il transmit son sceptre à son fils pour mieux se retirer dans son fief d’enfance et se donner plus que jamais à l’art, troquant les ciseaux pour les pinceaux.
Le président de la République salue la carrière d’un créateur audacieux qui sut révéler la beauté de chacun et fut un ambassadeur du chic français dans le monde entier. Il tient à exprimer à ses proches ses condoléances les plus sincères.
À consulter également
Voir tous les articles et dossiers-
7 octobre 2024 Résolution sur les situations de crise, de sortie de crise et de consolidation de la paix dans l’espace francophone
-
7 octobre 2024 Déclaration de solidarité avec le Liban.
-
7 octobre 2024 Déclaration de Villers-Cotterêts.
-
4 octobre 2024 Appel de Villers-Cotterêts - Pour un espace numérique intègre et de confiance dans l’espace francophone.