Le préfet Bertrand Landrieu s’est éteint dans la nuit de vendredi à samedi.

Cet homme qui avait le souci de l’intérêt général chevillé au corps a consacré sa vie au service de l’Etat. C’était sa vocation et il avait tout fait pour en faire son métier : des études de droit, des sciences politiques, puis l’ENA. Cet appel brûlant qui avait saisi le jeune garçon était devenu la raison d’être de l’homme adulte : Bertrand Landrieu était entré dans le corps préfectoral comme d’autres entrent dans les ordres, embrassant la carrière de l’Etat avec la ferveur de ceux qui embrassent une religion.

Il fut, en effet, investi d’une très haute mission : celle d’incarner l’Etat dans nos territoires, d’y faire appliquer les lois de la République et d’y faire régner l’ordre public. Il aura accompli ce sacerdoce républicain durant des décennies avec autant d’exigence que de bienveillance, avec une rigueur toute gaullienne et des rondeurs très chiraquiennes, lui qui était un ardent admirateur du général et un soutien indéfectible de l’élu corrézien.

Au fil de ses affectations préfectorales, Bertrand Landrieu n’a cessé d’arpenter la France.

Sous-préfet au Mans, sur les terres sylvestres de la Sarthe qu’il parcourait souvent en chasseur passionné, à Ussel dans le fief de Jacques Chirac, à Saint Lô dans les embruns de la Manche, et à ce carrefour de l’Europe qu’est Strasbourg, ce grand émissaire de l’Etat a sillonné notre pays de long en large et a su en prendre toute la mesure. Devenu préfet, il officia en Savoie, où l’amateur de ski qu’il était prépara avec talent l’organisation des Jeux Olympiques d’Albertville, avant d’être appelé de nouveau dans la Manche, puis dans le Limousin.

Au gré des régions qu’il a servies, des élans qu’il a accompagnés, des énergies qu’il a fédérées, des drames et des crises auxquelles il a fait face, Bertrand Landrieu avait développé une connaissance intime de nos villes et nos villages, de la France et des Français. Cette compréhension profonde, presque charnelle, de notre pays, de sa géographie comme de son histoire, de ses hommes et de ses femmes, faisait de lui l’une des grandes boussoles des décideurs publics dont il a souvent guidé le chemin.

C’est ainsi que cet homme dont le cœur était tout entier donné à la préfectorale a plusieurs fois quitté son uniforme de préfet pour fouler les couloirs des ministères et les coulisses du pouvoir, en particulier lorsque Jacques Chirac y était appelé. Chef de cabinet ministériel à plusieurs reprises, en particulier auprès de Joël Le Theule, il devint le directeur de cabinet de Jacques Chirac à la Présidence de la République tout au long de son premier septennat. Fidèle parmi les fidèles, Bertrand Landrieu devint par la suite le directeur du cabinet de l’ancien Président, sis au 119 rue de Lille.

Entre temps, après avoir dirigé la maison élyséenne avec cette même droiture qu’il mettait à toute chose, il fut nommé préfet de la région Ile-de-France et préfet de Paris. Ce fut pour lui une double consécration : celle de servir notre capitale, le cœur battant du pays, et celle de servir sa ville de naissance, lui qui avait vu le jour sur les bords de Seine et qui pouvait y jeter l’ancre, comme s’il rentrait à bon port après un long et beau voyage sur les rives de France, avec les honneurs de celui qui a achevé son Iliade et dont c’est l’Odyssée, désormais, qui s’accomplit.

En Bertrand Landrieu s’étaient fondues des qualités dont l’alliage se retrouve rarement dans la même personne. Il avait la simplicité de l’homme de terrain et l’intelligence du stratège. Aux sommets de l’Etat, il insufflait le pragmatisme de celui qui connaît le quotidien des Français et s’est colleté avec la réalité du pays, tandis que dans les territoires qu’il servait, il savait agir avec une hauteur de vue qui lui évitait tous les enlisements.

Le Président de la République salue cette très haute figure du corps préfectoral qui fut une grande vigie de notre République et adresse à sa famille, ses proches et tous ceux qui ont travaillé à ses côtés ses plus sincères condoléances.

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