16 avril 1981 - Seul le prononcé fait foi

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Discours de M. Valéry Giscard d'Estaing à Ajaccio, lors de la campagne électorale pour l'élection présidentielle, jeudi 16 avril 1981.

Ajacciennes, Ajacciens, c'est le Président de la République qui vous parle. Quand je suis arrivé tout à l'heure à Ajaccio, un lâche attentat a été commis. Il a fait 8 victimes, 4 d'entre elles étaient des étrangers, des citoyens suisses, qui venaient passer leurs vacances en Corse, l'un d'entre eux, un jeune homme de 19 ans, a été transporté dans un -état très grave à Marseille, 4 autres sont des femmes, des femmes corses, l'une d'entre elles est la directrice d'un centre de rééducation d'Ajaccio.
- Voilà une attitude qui est indigne de la Corse ! et le Président de la République qui, naturellement, n'avait pas l'intention de modifier d'une minute ou d'un mètre l'horaire de sa visite en Corse en-raison d'un tel attentat, vous demande maintenant de vous lever et de manifester par vos applaudissements votre sympathie pour les victimes, victimes auxquelles, en vous quittant tout à l'heure, j'irai, en tant que Président de la République, rendre visite à l'hôpital d'Ajaccio. Et maintenant, nous commençons notre réunion.\
Mes chers amis d'Ajaccio, de la Corse-du-Sud,
- Mes chers amis,
- Monsieur le sénateur maire,
- Monsieur le sénateur, qui êtes mon mandataire pour la Corse-du-Sud,
- Madame le ministre des universités `Alice Saunier-Séité` - et il fallait venir à Ajaccio pour voir ce spectacle que vous ne reverrez pas, le Président de la République embrassant un de ses ministres - je vous remercie de vous accueil, ttout à l'heure l'accueil solennel à la mairie, monsieur le maire, et maintenant l'accueil populaire d'Ajaccio.
- Vous vous souvenez, je suis venu, il y a trois ans, en visite officielle en Corse, j'ai parcouru votre département de la Corse-du-Sud, j'y ai rencontré des femmes et des hommes de Corse, et j'ai noué avec eux un sentiment d'estime et d'amitié que je garde dans mon coeur.
- Ce soir, dans cette dernière réunion de la campagne électorale avant les fêtes de Pâques, parce que le candidat que je suis va respecter bien entendu l'esprit des fêtes de Pâques, cet esprit que vous allez retrouver demain, après-demain, dans la Corse traditionnelle, dans cette dernière réunion de ce soir, je voudrais d'abord vous dire ce que sont mes objectifs pour la France, je voudrais ensuite vous dire ce que sont mes objectifs pour la Corse et je voudrais enfin vous dire ce que je pense de ce que l'on appelle le problème corse.
- Dans cette campagne, je me suis fixé une règle qui est celle de dire la vérité, c'est-à-dire de dire à chacune et à chacun ce que je pense et je me suis fixé une autre règle qui est celle de proposer des objectifs pour la France et non pas d'entreprendre je ne sais quelle polémique, je ne sais quelle querelle pour diviser les Français, comme si le rôle des candidats était de se juger entre eux, alors que les seuls juges ce sont les Françaises et les Français et je fais confiance à leur jugement.
- Les 4 objectifs que je propose à la France c'est :
- - la liberté,
- le combat pour la paix,
- le progrès de la solidarité,
- c'est enfin l'espoir pour la France.\
La liberté, nous la garderons ensemble. Cette liberté pendant sept ans, dans un monde de violence et de passions, dont nous venons de retrouver aujourd'hui un triste et pitoyable exemple, je l'ai maintenue pour la France et j'ai la fierté de me dire qu'en avril 1981 la France est aussi libre et même sans doute plus libre que je ne l'avais trouvée en avril 1974.
- Je défendrai la liberté des Français. Certains me reprochent, curieux reproche, d'être un libéral inguérissable, mais je suis un libéral qui ne veut pas de guérison.\
Je continuerai mon combat pour la paix.
- La guerre, les guerres, la France tout entière, l'Ile de Corse, en ont souffert cruellement dans le passé £ les plus anciens d'entre vous ont participé comme moi aux combats de la guerre, beaucoup se souviennent de l'humiliation de l'Occupation, beaucoup se souviennent de ce qu'il a fallu reconstruire, est-ce que nous allons jouer avec la sécurité de la France ?
- C'est pourquoi, quand je suis arrivé à l'Elysée, en mai 1974, j'étais alors un presque jeune homme, j'avais 48 ans, le plus jeune Président de la République française qu'on ait jamais connu, je me suis fixé deux objectifs : que la France soit forte, et elle ne l'était pas, et que la France reste en paix malgré les risques du monde.
- La France n'était pas forte ... rappelez-vous en 1974 les Comités de soldats dans notre armée de terre, rappelez-vous le fait que quand nos permissionnaires arrivaient Gare du Nord ou Gare de l'Est, on les accueillait en leur distribuant des tracts anti-militaristes £ qui est-ce qui a rendu à la France sa force militaire, si ce n'est l'actuel Président de la République ?
- Je l'ai fait, il est vrai, avec d'excellents ministres, Bourges, Galley, Bigeard, qui ont travaillé avec moi au-cours de cette époque et qui me sont restés fidèles. La France est à l'heure actuelle la troisième puissance militaire du monde, le pays dont on vous parlait tout à l'heure, 53700000 habitants, et aussi longtemps que je serai Président de la République, la France le demeurera !
- Mais une puissance pour la paix, car je continuerai à être dans le monde le représentant de la majorité des Françaises et des Français dans mon combat et dans mon dialogue pour que nous préservions la paix du monde, et si l'on m'a reproché d'avoir poursuivi le dialogue avec les super-grands à la -recherche de la paix, on a pu me le reprocher, mais je continuerai de le faire pendant tout le prochain septennat.\
La solidarité ... c'eut été facile en période de crise d'aller flatter les égoismes et de dire : il y a la crise, tant pis, nous ne pouvons plus aider les autres. Or, pendant cette période de sept ans, non pas le Président de la République, Alice Saunier-Seité, le Président de la République agit avec les autres, il n'agit pas tout seul, il n'agit pas sur ses propres ressources, mais le peuple français a accompli un grand effort de solidarité dont je prends les Corses à témoin : effort de solidarité envers les personnes âgées, auxquelles nous avons rendu la dignité de leur vie et la sécurité de leurs ressources. Je demande aux femmes corses qui m'accueillent toujours avec leur poignée de riz de bien s'en souvenir.
- Nous avons traité le problème douloureux des handicapés, nous l'avons traité ensemble £ la France, malgré la crise, a adopté la législation la plus généreuse dans ses ressources, la plus compréhensive dans ses objectifs envers nos frères démunis et malheureux que sont les 500000 handicapés de France.
- Nous avons exercé la solidarité envers les familles, ces familles dont on parle naturellement toujours en période électorale. J'avais observé que pendant les sept ans précédent mon septennat, sept années de richesse, d'abondance, d'opulence, le pouvoir d'achat des familles n'avait pas progressé ... souvenez-vous, en sept ans, malgré la crise, la solidarité des Françaises et des Français a fait progresser le pouvoir d'achat des familles et particulièrement celui des familles nombreuses. Nous maintiendrons la solidarité entre les Français.\
Et, enfin, l'espoir : lorsque vous écoutez les gémissements des 9 pleureuses, vous entendez parler d'une France que je ne connais pas, d'une France qu'ils ont inventée pour les besoins de la campagne électorale, parce qu'ils pensaient qu'en décrivant une France abaissée, humiliée, incapable, ils augmentaient leurs chances de pouvoir un jour la diriger.
- Eh bien, ce ne sont pas ceux qui ignorent, ou qui nient les efforts de la France qui se désignent comme ayant la capacité, la dignité de chef d'Etat pour la conduire. Je rends témoignage aux efforts des Françaises et des Français. A cette France, je lui apporte l'espoir £ je lui apporte l'espoir parce que je lui trace un objectif qui est un.
- Tout à l'heure, j'étais en Haute-Corse, j'étais à Bastia £ il y avait un auditoire qui m'avait accueilli à l'arrivée, et mon mandataire d'ailleurs, M. Arrighi de Casanova était là et me recevait, et je disais à ces Corses de la Haute-Corse - mais, après tout je peux dire la même chose aux Corses de la Corse-du-Sud, je ne suis pas quelqu'un qui ait plusieurs langages suivant les auditoires, je dis la même chose aux Françaises et aux Français partout où je les rencontre, - je disais que ce qui est difficile dans le monde actuel c'est de faire entrer dans l'esprit humain un message simple. Vous êtes accablés de tant de paroles, de tant de promesses, de tant d'illusions démagogiques, que vous écoutez d'une oreille ouverte mais que votre esprit rejette ensuite comme irréalistes et mensongères, mais je voudrais faire entrer dans votre sagesse et dans votre mémoire ce que je veux dire par "l'espoir pour la France", parce que je voudrais que vous vous en souveniez quand vous serez chez vous, dans vos maisons, et aussi quand vous voterez, le 26 avril et le 10 mai.\
Qu'est-ce que c'est l'espoir, pour la France ? L'espoir que je vous propose c'est que, grâce-à à notre travail en commun, d'ici 1988 la France rejoigne le peloton des pays les plus avancés du monde, c'est-à-dire que la France se compte au nombre des 3 pays : les Etats-Unis d'Amérique, le Japon, la France, qui seront reconnus comme les plus avancés et comme les plus capables.
- Alors, naturellement, vous trouverez des esprits sceptiques, ces esprits qui se croient malins, mais que je n'ai jamais rencontrés dans les grandes tâches de la vie nationale ou internationale, pour vous dire : "Mais tout cela, c'est impossible". Pourquoi cela serait-il impossible ? Je vous donne 2 exemples :
- - Nous avons su faire de la France, avec nos seules ressources, nos seuls ingénieurs, nos seuls cadres, nos seuls ouvriers, la 3ème puissance militaire du monde. Si nous l'avons fait dans le domaine militaire, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire dans le domaine économique et social ?
- - Deuxième exemple : nous avons conduit le programme électro-nucléaire le plus important du monde occidental £ nous l'avons engagé en 1975, nous le voyons se dérouler à l'heure actuelle : 45 centrales en construction pour assurer l'indépendance énergétique de la France.
- A ceux d'entre vous qui ont connu l'Outre-Mer, qui ont servi, qui ont combattu Outre-mer, ce que nous avons déjà fait, avant ce que nous allons faire, représente l'équivalent pour la France de ce qu'aurait été la découverte sur notre sol de toutes les ressources pétrolières de l'Algérie. Cela, nous l'avons fait en six ans, ensemble.\
Alors, naturellement on vous dira - argument facile et que vous avez déjà dû entendre, et comme il a une certaine séduction, peut-être que dans vos discussions entre amis, ou discussions de famille, vous avez repris cet argument, - "Mais, ce que nous dit le Président, c'est très intéressant, c'est très encourageant, pourquoi ne l'a-t-il pas fait plus tôt ?"
- Eh bien, vous avez le droit de vous poser cette question, mais moi j'ai le droit de vous apporter la réponse : Tout cela, nous l'avons commencé depuis longtemps. Si nous commençons à avoir actuellement notre indépendance énergétique c'est parce que j'ai pris des décisions en 1975 £ si nous allons pouvoir offrir 1 million d'emplois aux jeunes Françaises et aux jeunes Français, aux jeunes Corses, dans les années à venir, pour leur offrir du travail ou une formation, c'est parce que les gouvernements successifs, parce que les ministres de l'université, de l'éducation, de la formation professionnelle ont commencé à préparer ce travail depuis longtemps.
- Nous avons construit les fondations, et lorsque j'étais il y a quelques jours, dans une réunion des chefs d'Etats européens, nous avons fait un tour de table où chacun exposait la situation de son pays, et je me suis rendu -compte que pour la première fois le pays que les autres jugeaient comme ayant les plus grandes chances de développement et de progrès, ce pays ce n'était plus l'Allemagne fédérale `RFA`, comme pendant des années : c'était la République française, c'était nous.\
Alors, après les fondations : les étages, et il est préférable que ce soit ceux qui ont construit les fondations qui bâtissent ensuite les étages.
- J'ai envie de vous raconter une fable, la fable suivante : il y a une famille française, une famille corse qui a décidé de construire une maison individuelle £ alors, elle a fait le choix entre plusieurs architectes, elle les a comparés £ il y avait de beaux parleurs, il y avait des démolisseurs et il y avait quelqu'un qu'elle a finalement retenu pour un premier septennat. Et cet architecte a commencé les travaux de la maison £ un dimanche - peut-être que c'est le dimanche de Pâques, - la famille vient voir sa maison et elle arrive sur le terrain £ l'architecte est là pour l'attendre, et puis il y a les autres architectes aussi qui sont sur le côté du chantier £ elle voit les fondations de la maison et, à côté, les matériaux accumulés pour la suite de la construction.
- Alors, les architectes évincés arrivent et disent à la famille : "Mais, vous voyez, on ne vous a rien construit, alors que si c'était nous, vous auriez déjà votre maison " et il y a même des architectes plus perfides pour dire : "Vous voyez, cet architecte il vous a même construit une maison souterraine, parce qu'il veut vous faire vivre sous le sol ". Et les autres proposent : "Laissez-nous prendre les matériaux du chantier, laissez-nous les emporter à la place de celui qui a commencé le travail et nous vous bâtirons ailleurs une maison sans fondations".
- Eh bien, la première chose, au premier débordement de la rivière - si c'était le choix qui était fait par cette malheureuse famille, - la maison sans fondation vous la verriez partir avec le torrent, et la famille avec. Et c'est pourquoi : "Faites confiance à celui qui a bâti les fondations pour achever la maison pendant le second septennat ".\
Je vous parle maintenant de ce qui a été fait, de ce qu'il faut faire en Corse. Ca n'est pas l'aspect politique, c'est l'aspect économique et social, je vous dirai ensuite un mot de l'aspect politique.
- En venant en Corse je remercie le sénateur d'Ornano de m'offrir un verre d'eau, j'aurais préféré du vin Corse, je ne sais pas si on peut en trouver dans le voisinage... En venant en Corse, je mets au défi quiconque de contester 2 évidences :
- La première, c'est que, de toutes les régions françaises, c'est la Corse qui s'est le plus transformée depuis sept ans.
- La deuxième évidence, c'est qu'aucune région n'a bénéficié au-cours de cette période autant que la Corse de la solidarité nationale, dont elle avait d'ailleurs légitimement besoin.
- Souvenez-vous, parce que la France n'est pas un peuple d'amnésiques, en 1974, ce qu'était la Corse ? C'était un département rattaché administrativement à la Provence - Côte d'Azur. J'en ai fait successivement deux départements, comme d'ailleurs le voulait la tradition politique de la Corse, et j'en ai fait une région, la région Corse, qui traite elle-même de son propre avenir. Voilà, à votre santé !.\
La Corse était sous-équipée pour les routes, pour les écoles, pour le téléphone £ elle souffrait de la lente hémorragie des pays de montagne, de la Corse intérieure dont les jeunes partaient vers les grandes villes ou vers le continent.
- Son économie et son agriculture ne parvenaient pas à surmonter le handicap de l'insularité. Tous les efforts pour implanter des activités industrielles en Corse avaient jusque-là échoué, et ce qui m'avait le plus frappé c'est que la France n'avait pas une vision claire de l'avenir à proposer aux jeunes Corses.
- Je suis venu en Corse, j'ai rencontré les Corses à Ajaccio, à Bastia, à Corte, à Calvi, à La Porta, en Balagne, dans la Castagniccia. Je suis allé partout. Je n'étais pas entouré d'un déploiement exceptionnel de moyens administratifs ou de forces de sécurité, j'avais fait confiance à l'honneur et à la dignité de la Corse.
- J'ai tenu plusieurs réunions de travail avec vos élus, dont certains sont sur cette tribune, à l'Elysée et également au Palais Lantivi.
- Le Premier ministre est venu sur place examiner la suite donnée aux décisions prises. Plus de la moitié des membres du gouvernement sont venus en Corse pour examiner la situation dans les différents secteurs. Avec les Corses, j'ai proposé, j'ai décidé, j'ai appliqué une politique de développement pour la Corse, et je vous rappelle ces 3 objectifs :
- accélérer le développement économique,
- assurer la formation et l'emploi des jeunes,
- réduire, puis effacer l'obstacle de l'insularité.
- Voilà ce que nous allons faire ensemble pendant le septennat nouveau.\
D'abord, l'agriculture. Je sais bien que je suis ici dans une grande agglomération urbaine, mais il y a sans doute certaines et certains d'entre vous qui viennent d'autres communes, d'autres villages, et je voudrais leur parler de l'agriculture corse.
- Les jeunes ont besoin de terre. Une aide spécifique a été mise en place pour faciliter l'installation des jeunes agriculteurs corses. Beaucoup d'exploitants souffrent de l'endettement. Vous avez noté qu'en 1980 nous avons pris des mesures pour alléger l'endettement de l'agriculture lorsqu'il était trop lourd pour l'exploitation. Des actions sont en-cours pour valoriser le potentiel agricole de l'île : la viticulture, dont la restructuration doit être poursuivie, la production d'agrumes qui sera soutenue, l'élevage, qui représente une ressource irremplaçable pour la Corse intérieure, que vous devez garder vivante, l'agriculture insulaire sera la première bénéficiaire de l'action que je mène sur-le-plan européen pour qu'il y ait enfin une politique agricole de la production méditerranéenne, et nous avons obtenu, vous le savez, de premiers résultats à cet égard.\
L'artisanat corse : lorsque j'ai été élu, il n'y avait pratiquement pas de formation artisanale en Corse, souvenez-vous, et un grand effort a été entrepris - avec d'ailleurs les responsables locaux, ce n'est pas le gouvernement central qui a tout fait - pour aider à la formation professionnelle de l'artisanat, à la création et au développement d'entreprises, et nous vous avons appliqué le régime d'aide le plus favorable qui existe sur le continent, c'est-à-dire celui que nous appliquons aux régions qui elles aussi ont besoin de se développer. Vous avez en Corse, et je ne peux pas mieux dire, le même régime d'aide à l'artisanat que nous avons en Auvergne.\
J'ai tenu à ce que la Corse devienne une de nos régions de pointe pour le développement des énergies renouvelables.
- J'ai entendu que l'on disait - car moi je tiens mes réunions, je ne peux pas entendre les autres - que nous avions fait le choix du tout nucléaire. Il est frappant de voir que les principaux candidats dans la campagne présidentielle, qui sont pourtant des députés, c'est-à-dire qui ont suivi ou qui ont dû suivre les débats de l'Assemblée nationale, paraissent ignorer certaines des réalités élémentaires de ce qui a été entrepris dans notre pays. Ont-ils jamais entendu parler du Commissariat à l'énergie solaire que j'ai créé ? Ont-ils entendu parler du four solaire que nous avons installé dans les Pyrénées-Orientales ? Ont-ils entendu parler de la première centrale solaire qui devra fonctionner en Corse d'ici l'été prochain ?\
La Corse, Alice Saunier-Seité, avec son coeur mais aussi, je dois le dire, avec son grand courage et avec son talent, vous a rappelé ce qui a été fait pour que tous nos grands organismes de recherche scientifique soient désormais implantés en Corse, où ils travaillent d'ailleurs à la valorisation de notre agriculture, à l'implantation de nouvelles constructions, et en même temps naturellement au développement des industries de pointe.
- C'est ainsi qu'au-cours des derniers mois nous avons pu décider l'implantation de deux entreprises industrielles en Corse, et voyez lesquelles, ce ne sont pas des indutries du passé, ce ne sont pas des industries condamnées, ce sont des industries nouvelles : l'une à Bastia, qui fabriquera des composants électroniques, l'autre à Ajaccio, qui fabriquera des pièces aéronautiques pour l'Airbus `avion` et pour nos hélicoptères. Ils offriront des emplois de haut niveau. Puisque l'on critique avec une telle litanie l'action du Président de la République, c'est d'ailleurs la seule litanie de ce type que l'on prononcera sans doute dans la période pascale où j'en préférerais d'autres, je peux vous donner quelques informations.\
Cette industrie aéronautique qu'on va implanter à Ajaccio, c'est moi qui l'ai demandée personnellement à mon retour de Corse au président de notre Société nationale aérospatiale `SNIAS`. Il était venu me voir pour me parler des projets de développement, à la suite des nombreuses commandes d'Airbus `avion` que nous avions reçues, et il m'avait dit : "Nous allons être amenés à développer nos ateliers". - "Et, lui ai-je dit, où allez-vous les développer ?" - Il m'a répondu : "Aux alentours des installations existantes". J'ai dit : "Non, il faut que vous installiez une usine en Corse parce qu'il y a là une jeunesse active et capable à laquelle il faut offrir des emplois qui correspondent aux activités nouvelles et aux techniques nouvelles".
- Quand il est revenu me voir il y a quelques mois, il m'a dit : "Voilà, nous allons construire une usine près d'Ajaccio". J'ai répondu : "Attention, dans cette usine il faudra que vous recrutiez de jeunes Corses. Il va falloir sans doute les former, mais il faudra mettre sur place des moyens de formation pour que de plus en plus nous utilisions la capacité, l'intelligence, le savoir de cette jeunesse corse que l'on décrit parfois avec une certaine dérision, et dont je suis sûr qu'elle nous apportera à nous tous sa capacité et son activité".\
Agriculture, artisanat, commerce, tourisme, énergie, industrie, recherche `recherche scientifique`, voilà la Corse nouvelle, voilà la Corse qui a désormais les fondements d'un développement économique équilibré et moderne.
- Regardez autour de vous. La Méditerranée -compte beaucoup d'îles. Certaines ont cédé sans retenue aux facilités du tourisme de masse. Elles y ont sacrifié leur âme et leur paysage. Regardez au contraire ce qu'est restée la Corse qui a su conserver sa personnalité, son âme, et qui en même temps dispose désormais d'un potentiel industriel et économique équilibré, et que nous allons développer ensemble pendant tout le deuxième septennat.\
Deuxième objectif, assurer la formation et l'emploi des jeunes. La Corse a été dotée d'une académie et d'une université pour la première fois depuis la Révolution. D'autres ont été au pouvoir £ qu'ont-ils fait pour l'enseignement en Corse ?
- Un plan de cinq ans de développement de la formation professionnelle et de l'enseignement secondaire est en-cours, et en 1985 la Corse disposera d'un potentiel de formation et d'éducation qui sera au moins égal à celui des meilleures régions du continent.
- Dans le même esprit, le gouvernement a accepté et a signé avec vos élus les orientations de la charte culturelle de la Corse, et je reviendrai tout à l'heure sur ce que nous voulons faire pour préserver l'âme et la personnalité du peuple corse. Jamais dans le passé, jamais, les problèmes d'enseignement, d'éducation et de recherche `recherche scientifique` n'avaient été aussi complètement traités en Corse. Il fallait enfin réduire le handicap de l'insularité. Vieux thèmes de campagne électorale ! Depuis que je suis entré dans la vie publique, j'entends parler du handicap d'insularité de l Corse, et je suis le premier à avoir fait admettre le principe de la continuité territoriale. Personne ne l'avait fait avant.\
D'ailleurs les élus de la région très honnêtement le reconnaissent. J'ai demandé à toutes les administrations de faire un effort supplémentaire pour rattraper les retards en-matière d'équipements publics, et pour mesurer cet effort je ne vous citerai qu'un seul chiffre : de 1974 à 1981, le montant total des crédits d'équipement de l'Etat dépensés en Corse a été multiplié par trois, et la dépense qui a été faite au-cours de mon septennat pour assurer la continuité territoriale, c'est-à-dire pour réduire le coût de transport des personnes et des biens qui accèdent et qui viennent en Corse, représente l'équivalent du coût de la construction d'une ligne de chemin de fer sur la distance qui sépare Nice de Calvi. Autrement dit, la dépense, c'est exactement la continuité territoriale.
- Malheureusement cette ligne de chemin de fer, nous ne pouvions pas la construire sur les flots. Nous avons donc employé les crédits autrement, mais nous avons fait les mêmes dépenses et nous continuerons à le faire, en-particulier dans le domaine des transports aériens où un premier effort a été accompli, mais où je souhaite des dessertes directes entre les grandes villes corses et la capitale.
- Je vous prends à témoin, et notamment les membres de ce qu'on appelle ici le Comité central, mais le bon comité central dont je souhaite que l'action et l'influence s'entendent au détriment de celles des autres, je veux dire le Comité central bonapartiste, je vous prends à témoin : y a-t-il eu une période depuis l'Empereur `Napoléon` où la Corse ait autant progressé en sept ans, malgré la crise ? Je vous pose la question, et je mets au défi quiconque de me citer une autre période où autant ait été fait !\
Je suis venu en Corse comme Président de la République, monsieur le maire. Si je suis élu pour un septennat nouveau, je reviendrai en visite officielle en Corse parce que je veux constater sur place la poursuite de notre effort avec vous.
- Je suis venu aussi vous retrouver pour vous parler de la France, de ses espérances et de son avenir, car tout ce que je répète au-cours de cette campagne électorale vous concerne, vous, comme tous les autres Français.
- Quand je rappelle, en cette période de tension internationale, que rien ne doit nous éloigner de notre volonté de paix, de la fidélité à nos alliances vous êtes concernés, car il est notoire que la Corse, par sa position stratégique, peut attirer sur elle les visées, ou un jour les menaces des puissances étrangères.
- Quand j'affirme que dans-le-cadre d'un septennat nouveau les jeunes arrivant sur le marché du travail disposeront soit d'un poste de travail, soit d'une formation, je traite un problème pour la Corse, car je sais que c'est un projet concret qui répond aux besoins de votre jeunesse.
- Quand je vous confirme que l'effort de solidarité envers les personnes âgées sera poursuivi et prolongé au-cours du prochain septennat, comme je l'ai fait sans discontinuer pendant sept ans, je m'adresse aussi à la Corse, car je sais que c'est un secteur du progrès auquel vous êtes définitivement attachés.
- Donc toutes les directions que je propose pour la France, ce sont aussi des directions que je propose pour la Corse. Mais en plus de ces directions, il y a ce qu'on appelle, en simplifiant trop, le problème corse, et je voudrais dans cette campagne `campagne électorale` être d'une clarté absolue sur ce sujet.
- Je voudrais qu'en sortant de ce chapiteau, de même que vous saurez ce qu'est l'espoir pour la France, que la France soit en 1988 dans le peloton de tête des trois puissances, un Français vaut un Japonais, un Français vaut un Américain, voilà mon espoir pour la France, je voudrais également que vous sachiez, qu'il n'y ait aucun doute dans votre esprit, quels sont mes principes pour la Corse, et je vous demande de m'écouter.\
L'avenir de la Corse repose sur trois principes : deux continuités et une personnalité. La première continuité, c'est la continuité républicaine. La Corse fait partie intégrante de la République française pour le présent et pour toujours.
- Deuxième continuité : la continuité territoriale, c'est-à-dire que vis-à-vis du continent tout doit être fait pour assurer la continuité territoriale de la Corse, afin d'assurer son développement économique et social.
- Ces deux continuités, la continuité républicaine et la continuité territoriale seront les principes de mon septennat nouveau pour la Corse. Rien ne m'en fera dévier.
- Et la personnalité, c'est la personnalité culturelle du peuple corse, en-raison de ses fortes et nobles traditions, en-raison de son âme, en-raison de sa culture, qui doivent être conservées et protégées au sein de la République française. Donc, voilà mes trois principes : continuité républicaine, continuité territoriale, personnalité culturelle du peuple corse. Voilà ce que nous ferons ensemble.
- Aussi, cette élection doit avoir en Corse le mérite définitif de la clarté. On ne doit pas vous faire vivre indéfiniment dans l'ambiguité, la confusion ou les à peu près, il faut que tout soit clair.
- Je dis solennellement à Ajaccio : ceux qui veulent pour la Corse un statut différent de celui des autres régions françaises, comme le proposent certains candidats, ceux là je leur demande de ne pas voter pour moi, parce que je ne le ferai pas : et donc il est tout à fait inutile qu'ils appellent eux-mêmes les Corses à ne pas voter pour moi. Je dis moi-même que ceux qui veulent un statut différent pour la région Corse au-sein de la République française, je leur demande de ne pas voter pour moi.
- Mais les autres, tous les autres, je leur demande leur soutien et vous verrez que ce sera, et de loin, l'immense majorité des Corses !\
Il y a une autre dimension au problème, comment ne l'évoquerais-je pas dans cette ville où une lamentable enchaînement de passions, il y a un an, fit d'innocentes victimes vers lesquelles s'est tournée et se tourne aujourd'hui ma pensée, comme tout à l'heure je vous parlais des victimes d'aujourd'hui.
- Cette dimension là, je vous demande d'y réfléchir, parce qu'elle concerne toute la communauté nationale. Il n'est pas digne d'une société démocratique et libre, où chacun peut exprimer son point de vue, où chacun peut déposer son bulletin de vote, de laisser s'insinuer durablement dans les moeurs et dans les esprits la violence aveugle, lâche, anonyme et nocturne, indigne d'une civilisation comme la nôtre, indigne de la fierté et de l'honneur du peuple corse !
- L'Etat défendra sans défaillance, dans-le-cadre des lois, la sécurité des citoyens, il fera le nécessaire pour l'assurer et malheur d'ailleurs, malheur à la République ou au pays s'il perdait de vue ce devoir fondamental et malheur à la Corse si elle devait un jour sombrer dans les excès aveugles de la violence et de la haine. C'est pourquoi nous maintiendrons la sécurité de la vie des citoyens en Corse.
- Mais l'ordre républicain ne doit pas reposer sur l'Etat tout seul, il doit reposer sur le soutien et sur la vie démocratique de tout un peuple. C'est pourquoi il faut en finir, et il faut en finir ici, avec l'équivoque, celle qui tend à distinguer les violences légitimes des violences illégitimes. Je n'ai jamais entendu parler dans ma vie de violences légitimes et je n'en connais pas, ou celles qui consistent à prôner la fermeté dans les antichambres parisiennes - comme j'en ai été le témoin - et à se faire les champions d'un dialogue plus ou moins abstrait, plus ou moins confus, dans les déclarations publiques !
- Il faut de l'honnêteté, de la clarté pour la Corse, afin que la Corse dissipe toutes les équivoques et qu'elle puisse enfin vivre dans la sécurité et dans la paix auxquelles elle aspire.\
Pour la Corse, je suis venu vous dire ce soir ma confiance et mon espoir. J'ai vu la transformation de la Corse au-cours des dernières années, je sais que vous irez beaucoup plus loin et je sais que nous conduirons ensemble le progrès de la Corse et de la France, dans une ouverture fraternelle des Corses entre eux et dans une ouverture vers la jeunesse.
- Je voudrais, bien que ce ne soit pas dans le vocabulaire électoral, vous souhaiter de bonnes Pâques. Je suis arrivé tout à l'heure à Ajaccio, j'étais un peu secoué au-dessus de la montagne, il y avait d'ailleurs de la neige, et puis, tout à coup, on a tourné, on est arrivés dans la baie d'Ajaccio, il y avait de la pluie, et c'était la pluie du jeudi de Pâques, c'était la pluie traditionnelle, qui est celle de la Semaine Sainte.
- Je vous souhaite, à toutes et à tous, d'interrompre comme moi, à-partir de demain, la campagne électorale et de retrouver l'esprit généreux, l'inspiration fraternelle qui est pour toutes les Françaises et tous les Français celui de la trêve de Pâques. Bonnes Pâques, Ajacciennes et Ajacciens.\
Avant de nous quitter, je vous rappellerai que j'ai étudié avec beaucoup de soin l'enseignement stratégique du grand Empereur `Napoléon`. J'ai étudié ses principales batailles, et d'ailleurs souvent le soir j'en ai imaginé pour moi-même le développement et le récit et dans cette campagne que je conduis, j'ai retenu le principe stratégique du grand Empereur. Il disait, vous le savez, à tous ceux qui combattaient avec lui : "Les victoires cela se gagne au centre". Et chaque fois qu'un de ses maréchaux se livrait à une diversion sur les ailes, il disait : "Non, non, vous vous trompez, vous perdez votre temps et vos efforts, les batailles, les victoires, cela se gagne au centre".
- Cette victoire, comme les autres, nous la gagnerons au centre, avec vous, les Corses !
- Nous la gagnerons au-sein de la grande République française, qui continuera de vous apporter sa compréhension et sa solidarité.
- Nous la gagnerons ensemble et je -compte sur vous pour m'apporter sa compréhension et sa solidarité.
- Nous la gagnerons ensemble et je -compte sur vous pour m'apporter l'élan du peuple corse dans cette victoire que je souhaite pour la Corse et pour la France.\