17 octobre 1980 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution prononcée par M. Valéry Giscard d'Estaing à l'occasion de la réception de la communauté française, lors de sa visite officielle en Chine, Pékin, Résidence de l'ambassadeur de France, vendredi 17 octobre 1980

`Politique étrangère ` relations franco - chinoises`Ï Mes chers compatriotes,Ï Je suis venu ici pour vous dire quelques mots à l'occasion de ce voyage officiel en Chine, le deuxième qui est fait par un Président de la République française £ le précédent, vous vous en souvenez, étant celui du Président POMPIDOU.Ï Le travail que vous accomplissez en République Populaire de Chine est très important pour un ensemble de raisons.Ï Première raison, la -nature particulière des liens entre la Chine et la France.Ï Deuxième raison, ce qui va se passer en Chine dans la période à venir et qui est certainement la perspective d'une grande évolution et d'un important développement.Ï Enfin, parce que vous représentez, au loin, l'esprit, l'activité et la qualité de la France.\
`Politique étrangère ` relations franco - chinoises`Ï D'abord, les liens entre la Chine et la France. Certains d'entre vous qui sont des spécialistes, enseignants, chercheurs, ont de ce pays une connaissance très supérieure à la mienne. Néanmoins, je suis de ceux qui se sont toujours intéressés à la Chine et qui se sont interrogés sur la -nature particulière de nos liens avec ce pays, qui fait que l'on peut dans une certaine mesure, dire que la Chine est une sorte de "France de l'Orient". Pourquoi avons-nous cet intérêt particulier ? Est-ce dû à notre situation géographique respective, chacun à l'extrémité de notre continent ? Est-ce dû au fait que nous avons des notions semblables, une notion de temps qui est identique, une certaine suprématie donnée à la civilisation sur les autres événements de vie ? En tout cas, il est clair qu'il y a entre la Chine et la France une affinité particulière, et que cette affinité, vous la constatez, vous la servez sur place, et vous êtes appelés, j'espère, à la renforcer. Je l'ai d'ailleurs senti en voyant les hauts dirigeants chinois. Il est hors de doute que nous avons avec eux une qualité, une intensité de rapports et de relations qui est exceptionnelle dans cette partie du monde. Et ils témoignent vis-à-vis de la France d'un intérêt, d'une bienveillance, que j'ai notés tout au long de mes entretiens.\
`Politique étrangère ` relations franco - chinoises`Ï Ensuite, j'ai le sentiment que la Chine est appelée à connaître d'importantes transformations. Ces transformations tiennent d'abord à des données objectives, données qui sont celles de son immense population, très active, également au fait que ses dirigeants sont décidés à conduire activement la tranformation du pays. Les entretiens que j'ai eus avec le Premier ministre, M. ZHAO ZIYANG, en-particulier, étaient très révélateurs à cet égard. Ils sont en train d'opter pour une forme d'organisation économique originale et l'on comprend bien que la Chine ne puisse pas copier les modèles économiques d'autres pays essentiellement conçus pour assurer le développement rapide de la vie économique chinoise. Incontestablement, leur préoccupation est de chercher et d'installer sur place des formes d'organisation économique et sociale permettant un développement rapide de leur pays. Or, quand on pense à la masse en cause, je ne parle pas seulement de la masse humaine `population`, je parle de la masse physique, on s'aperçoit, comme certains auteurs l'avaient pressenti, que lorsque cette masse se mettra en mouvement, notamment dans le domaine économique, ceci aura des conséquences d'une portée considérable. On aperçoit ce qu'est l'immense marché chinois, ce qu'est l'immense capacité de production qui se réveillera dans ce pays. Il est donc très important que la France ait une très bonne connaissance de ces perspectives d'avenir de la Chine, et en même temps que nos entreprises de toute -nature, grandes entreprises publiques, entreprises privées, soient présentes pour participer par leur apport, pour bénéficier, dans leur activité, des perspectives immenses de développement de la Chine.\
`Politique étrangère`Ï Enfin, vous représentez ici, au loin, au plus loin, la France. Vous êtes d'ailleurs, en Chine, malgré votre nombre modeste, à l'heure actuelle, une des colonies, une des présences étrangères les plus nombreuses. Les plus nombreux sont les Japonais. Les Français le sont relativement. Certains d'entre eux n'ont pas pu venir ici, tous ceux qui sont dans le nord-est et dans le centre de la Chine, pour des activités diverses, et qui, évidemment, je le comprends bien, ne peuvent pas franchir de telles distances.Ï Vous représentez ici la réputation de la France, dans un pays d'ancienne civilisation, dans un pays très observateur de tout ce qui se passe et de tout ce que l'on est £ et je sais que vous donnez de la France la meilleure image qui soit. Nous avons d'abord notre personnel diplomatique, personnel diplomatique qui nous représente et qui, en même temps, doit assurer l'accueil des Français. A cet égard, nous allons pouvoir ouvrir le consulat général de Shanghai. C'est le ministre des Affaires étrangères qui va le faire, et désormais il y aura deux points d'accueil pour les Français vivant en Chine : Pékin, Shanghai. Il y a d'autre-part les nombreux contacts que certains d'entre vous ont avec le milieu intellectuel et universitaire chinois. J'ai été très heureux de votre initiative, monsieur l'ambassadeur, d'inviter hier soir ici dans cette salle un certain nombre d'intellectuels chinois et j'ai vu qu'ils avaient des liens, en effet, étroits avec notre pays, des liens que nous sommes certainement appelés à beaucoup développer. Nous devons accueillir de plus nombreux étudiants chinois, monsieur le ministre des Affaires étrangères, ce sont en effet des édutiants ou des enseignants qui répondent à ce que nous souhaitons accueillir, puisqu'ils sont de haut niveau, ils sont en général de troisième cycle, ou ce sont des chercheurs qui viennent acquérir en France le complément de leur formation ou de leur activité intellectuelle £ ils rapportent ici un intérêt particulier pour les relations franco - chinoises, intérêt qu'ils conservent durablement tout au long de leur vie. Comme l'avaient fait d'ailleurs les premiers Chinois à être venus en France du temps, vous le savez, du Premier ministre ZHOU ENLAI et de M. DENG XIAOPING, qui garde aussi personnellement le souvenir de son séjour à Paris et qui possède quelques éléments de notre langue.Ï Il y a enfin ceux qui représentent les activités économiques, dont je souhaite que la présence s'amplifie largement sur place. M. DENIAU était venu il y a quelques semaines vous rencontrer. Il y aura des visites fréquentes de la part des autorités gouvernementales de notre pays et nous apporterons à ces activités économiques toute l'aide souhaitable. C'est à elle d'être l'avant-garde, c'est-à-dire de reconnaître le terrain, de le prospecter et de faire apparaître notre capacité technologique et économique.\
`Politique étrangère ` relations franco - chinoises`Ï Vous voyez donc qu'il y a beaucoup à faire pour vous en Chine. Lorsqu'on vient comme un visiteur, ce qui est mon cas, pour la première fois de ma vie, et en ayant la vue officielle du pays, il n'est naturellement pas possible de connaître les conditions de vie qui sont les vôtres, ce que représente l'éloignement, ce que représente l'isolement, ce que représentent des conditions matérielles d'existence évidemment très différentes de celles que vous pouvez trouver chez nous. Je souhaite que votre séjour ici, néanmoins, vous apporte un certain nombre de satisfactions, en-raison de l'importance de la tâche que vous accomplissez, de l'importance du pays et de la communauté humaine au-sein de laquelle vous vivez. Vous savez que je me préoccupe beaucoup du sort et de l'action des Français de l'étranger, pour une raison simple : c'est que la vision traditionnelle et ancienne de notre pays, qui était de considérer que les Français vivaient sur leur sol et que ceux qui étaient au loin étaient plus ou moins des expatriés, plus ou moins retranchés de notre communauté nationale, cette conception n'est plus adaptée à la réalité d'aujourd'hui. Aujourd'hui, les Français sont un peuple, certains des membres de ce peuple travaillent sur notre sol national, d'autres sont conduits, pour des raisons d'activité ou de carrière, à travailler au loin, mais c'est un même et un seul peuple. Et c'est pourquoi je me suis efforcé de faire que le sort des Français de l'étranger, et des Françaises bien entendu, ressemble de plus en plus, au point de vue légal, fiscal, social, au sort des autres membres de notre communauté nationale. Et de même, le ministre des Affaires étrangères veille avec beaucoup d'attention au sort de ces nombreuses et nombreux Français de l'étranger.\
`Politique étrangère ` relations franco - chinoises`Ï C'est pourquoi j'ai tenu à venir vous rendre visite aujourd'hui, accompagné de Madame GISCARD D'ESTAING, et de ma fille `Jacinthe`, vêtue de rouge, et qui nous accompagne dans ce voyage £ elle fait des études de vétérinaire et elle se renseigne sur la manière dont de telles études sont conduites en Chine. Nous avons tenu à vous voir ce matin, d'abord pour vous apporter le salut de la France, l'air de la France. La saison est la même qu'ici, nous n'avons pas senti de différence. L'horaire est paraît-il quelque peu décalé : je ne m'en suis pas rendu -compte, parce que je m'aperçois qu'on peut téléphoner à tout instant, la seule différence est que les voix sont réveillées quand vous êtes endormis et endormies quand vous êtes réveillés.Ï La France poursuit son activité économique, dans une situation internationale difficile, mais en faisant apparaître, année après année, le progrès de sa capacité et de son activité. La France de 1980 n'est déjà plus la France de 1974, elle n'est déjà plus la France de 1976, vous le savez puisque vous la faites, c'est un pays qui est plus moderne, plus actif et qui apparaît comme un des pôles solides de l'activité économique dans le monde.\
`Politique étrangère ` relations franco - chinoises`Ï Je suis accompagné par un certain nombre de personnalités françaises, parce que je pensais qu'il était important que ce premier contact avec les hauts dirigeants chinois de la nouvelle équipe soient aussi larges que possible, c'est pourquoi il y a le président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, M. LECANUET £ le président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale ne pouvant pas venir, c'est le premier vice-président qui est venu, M. Pierre SUDREAU, qui est le député-maire de Blois. M. LECANUET est, comme vous le savez, sénateur-maire de Rouen, s'il y a des normands parmi vous. Et j'ai amené M. Arthur CONTE également, parce que c'est un écrivain et un journaliste de talent, et j'ai pensé qu'il pouvait être intéressant pour lui d'avoir la sensibilité de l'avenir de cette immense Chine.Ï Voilà donc ce que je voulais vous dire au-cours de cette rencontre, en vous invitant à continuer votre travail, Françaises et Français de Chine, pour que la présence, l'activité et la réputation de la France en Chine continuent de s'inscrire dans la grande tradition qui a été la sienne, qui est à la fois une tradition de considération pour ce pays, d'amitié pour son peuple, et en même temps d'échanges réciproques pour ce qui est du bien de la Chine et du bien de la France. Je souhaite que vous gardiez en même temps l'esprit de la France dans ce pays, qui est attentif à l'esprit : l'esprit de liberté, d'indépendance et de dignité, qui est l'esprit de la France et qui fait que notre hymne national, la Marseillaise, a été, vous le savez, du temps de la Révolution chinoise, l'hymne même de la liberté.\