8 mai 1980 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution prononcée par M. Valéry Giscard d'Estaing à l'Ecole nationale des sous-officiers d'active de l'armée de terre, Saint-Maixent, le jeudi 8 mai 1980

Monsieur le maire de Saint-Maixent,
- généraux,
- mesdames,
- messieurs,
- J'ai tenu, malgré les circonstances internationales `obséques du Maréchal TITO`, à venir commémorer le trente-cinquième anniversaire de la capitulation de 1945 au milieu des sous-officiers de l'armée française.
- Au milieu de vous, qui servez dans nos forces, mais aussi au milieu de tous ceux qui ont instruit, entraîné, encadré et commandé les forces armées françaises au-cours des combats de notre époque. Au milieu de ceux qui nous ont appris, à mes camarades et à moi-même, à se servir de leurs armes pour la libération de notre sol et pour être présents, le 8 mai 1945, sur le terrain de l'ennemi vaincu.
- Pour ceux de ma génération, le mois de mai des années 40 `1940` est à la fois celui de la défaite amère, et celui du printemps de la victoire.
- N'oublions pas les erreurs, les faiblesses, les hésitations qui ont livré la France à l'occupation nazie. Ne les oublions pas, pour ne plus jamais les connaître.
- A l'appel solitaire du Général de GAULLE, la France a commencé de réagir.
- Une poignée de volontaires commence par le rejoindre. A l'intérieur, la Résistance s'organise.
- A l'extérieur, les Français, venus de partout dans le monde, participent aux combats sur divers fronts. Sous la conduite des maréchaux JUIN, LECLERC et de LATTRE dont j'ai fait aujourd'hui fleurir les tombes, nos armées gagnaient, avec leurs alliés, les batailles d'Italie, de France et d'Allemagne.
- Et vous étiez présents, les sous-officiers de l'armée française. C'est vous qui encadriez nos jeunes forces, où j'avais l'honneur de combattre, avec tous ceux de nos camarades qui avaient quitté leur famille et leur métier pour libérer notre cher pays, et auxquels j'adresse trente-cinq ans plus tard, le salut fraternel du Président de la République. C'est vous qui subissiez le choc direct des combats. Vous avez réussi à faire de ces divisions et de cette 1ere armée, une grande armée. Le 8 mai 1945, quand la France, cinq ans après sa défaite, est venue s'asseoir à la table de la victoire, vous vous teniez derrière elle.\
J'ai choisi de commémorer le 8 mai 1945 à Saint-Maixent. Dans cette école de formation des sous-officiers de l'armée de terre qui célèbre son centième anniversaire, et en présence des représentants des différentes écoles de sous-officiers des trois armées et de la gendarmerie, je dis à tous les sous-officiers mon estime et ma confiance.
- Vous constituez l'ossature des armées. Par votre nombre d'abord : vous êtes 183000. Et surtout, par la place que vous tenez dans l'organisation militaire, au-point de rencontre entre la décision et l'exécution. 23 écoles sont représentées ici et la variété de vos uniformes donne une faible idée de l'éventail de vos spécialités : plus de deux cents spécialités allant du chef de groupe de combat au mécanicien, du pilote au secrétaire, du conducteur de travaux au gendarme, du moniteur de sports à l'électronicien.
- Pourtant, il existe entre vous une unité profonde, construite sur la compétence, la responsabilité, et l'esprit de dicipline.
- Sans compétence, aujourd'hui, il n'est plus possible de commander. Sans compétence pour les servir, les armes et les outils sont inefficaces. Dans vos écoles spécialisées, et grâce-à une formation continue, vous acquérez et perfectionnez cette compétence, Vous devenez aptes à exercer efficacement votre métier et à transférer vos connaissances aux plus jeunes.\
Deuxième trait de votre métier : vous êtes responsables. Quelle que soit votre fonction, vous êtes tous investis de responsabilités : celle du fonctionnement du matériel qui vous est confié, de son -emploi et de son entretien, ou celle de l'instruction des jeunes appelés et de l'encadrement.
- La disponibilité constitue à la fois la grandeur et la servitude du métier que vous avez choisi. Disponibilité du temps de paix, qui vous conduit à donner souvent la priorité à votre métier, sur les droits de la famille ou sur les loisirs. Disponibilité du temps de guerre, que vous avez accepté une fois pour toutes.
- Enfin la discipline. Bien que les règles qui la définissent et les moyens par lesquels on l'applique aient changé, comme la société qui vous entoure, la discipline demeure à la base de la fonction militaire. La discipline pour tous ceux qui ont combattu n'est pas une fin en soi. Mais elle est la condition de l'éfficacité au combat et la meilleure protection de la vie du soldat. Votre rôle est de faire respecter cette discipline.
- Ce sont désormais votre compétence, votre désintéressement et votre exemple qui vous donnent l'autorité. Les jeunes qui viennent à vous sont plus instruits, mieux informés, plus émancipés qu'ils ne l'étaient autrefois. C'est pourquoi l'exercice de votre mission est plus difficile que dans le passé. Mais en contrepartie votre formation est incomparablement plus complète et plus développée que celle de vos prédécesseurs.
- A travers ses cadres, c'est-à-dire en-particulier à travers vous, l'armée apparait au pays comme une force unie, compétente, efficace et disponible.\
Pour tout cela, j'en témoigne aujourd'hui, la nation vous porte considération.
- N'écoutez pas ceux qui dénigrent, ceux qui ne vous connaissent pas, ceux qui critiquent l'armée sans savoir ce qu'elle est. Sachez que nos compatriotes, dans leur immense majorité, estiment et honorent l'armée française. Vous exercez un noble métier. Soyez fiers de ce que vous faites et de ce que vous êtes. J'ai veillé, vous le savez, à ce que la situation matérielle des cadres de l'armée soit améliorée. J'ai voulu que vos responsabilités soient augmentées et mises au-niveau de votre compétence. C'est, pour l'essentiel, chose faite maintenant.
- Chaque année, malgré les difficultés de la conjonture, l'accroissement du budget militaire permettra d'améliorer notre outil de défense. Vous en ressentez les effets. Le grand corps auquel vous appartenez est plus apte que jamais à remplir sa mission.\
Le monde traverse une période difficile. Partout des tensions apparaissent.
- La France est un pays pacifique mais elle est forte. Elle est une des grandes puissances militaires indépendantes. Notre pays est estimé parce que sa politique extérieure est juste et libérale.
- Il est respecté parce qu'on le sait capable d'assurer sa défense, fondée sur une armée disciplinée, organisée, entraînée, qui peut dissuader toute agression, et agir, comme on l'a vu, où il le faut et quand il le faut.
- Vous détenez, avec vos officiers et avec vos soldats, une part de la grandeur de la France.
- Je suis venu célébrer parmi vous l'anniversaire de la victoire de 1945, et aussi vous féliciter, au nom du Gouvernement de la République, de continuer à servir la France, comme l'ont fait vos aînés, dans l'honneur et dans la discipline.
- Vive la République !
- Vive la France !\