6 mai 1980 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. Valéry Giscard d'Estaing devant les élèves de la Légion d'Honneur, Ecole des Loges, Saint-Germain-en-Laye, le mardi 6 mai 1980

Monsieur le ministre,
- monsieur le grand chancelier de l'Ordre de la Légion_d_Honneur,
- madame la surintendante,
- monsieur le député-maire,
- mesdames les professeurs,
- mesdames, mesdemoiselles,
- J'ai lu dans la notice sur les maisons de la Légion_d_Honneur, que la tradition voulait que les grands maîtres de l'Ordre, c'est-à-dire les Présidents de la République, rendent visite une fois dans leur septennat aux maisons de la Légion_d_Honneur. Je l'ai déjà fait à Saint-Denis, je tenais à le faire aux Loges. Le général de BOISSIEU a rappelé que, bien que les grands maîtres viennent une fois par septennat, il fallait remonter à 150 ans pour trouver la visite précédente.
- Je tenais à vous rendre visite parce que je vous vois souvent. Vous venez en effet assister à un certain nombre de cérémonies : je vous vois dans la cour des Invalides, je vous vois à Notre-Dame et je pensais qu'il était normal que le Président de la République vous rende visite à son tour. D'autant plus qu'il doit y avoir entre Saint-Denis, les plus grandes `élèves`, et les Loges, les plus jeunes, une surveillance réciproque et qu'il ne faudrait pas que les plus jeunes se sentent ignorées ou dédaignées.\
Quand je vois les élèves de la Légion_d_Honneur, mon sentiment le plus simple, que je tenais à vous exprimer, c'est que je suis très fier de vous. J'ai l'occasion de circuler beaucoup dans le monde, je vois la jeunesse des différents pays et lorsque je me trouve dans une de vos maisons, devant vous, je suis très fier de la jeunesse française que vous représentez.
- Très fier de la jeunesse française : c'est un lieu_commun parfois de la critiquer ou de souligner tel ou tel trait de son adaptation aux circonstances du monde nouveau. Mais la jeunesse française fait preuve de vitalité, d'intelligence, d'initiative, c'est une jeunesse très vivante et quand je la compare aux autres j'en suis très fier et, au-sein de cette jeunesse, particulièrement de vous, parce que vous êtes à la fois les héritières et les continuatrices d'une très ancienne tradition française. D'abord, la tradition de vos familles en-raison des titres de vos pères, de vos grand-pères qui vous ont valu d'entrer dans ces maisons. Et puis en même temps la tradition historique plus lointaine qui est celle de vos maisons et qui retrouve de grandes pages de notre histoire nationale.\
A l'heure actuelle, les Françaises et les Français s'intéressent beaucoup à l'histoire, ils en lisent les livres, ils en suivent sur les écrans les grands récits, ils doivent aussi en conserver les fils lorsque les fils les relient directement à cette histoire, ce qui est votre cas puisque vous êtes les continuatrices des célèbres demoiselles de Saint-Cyr dont chacun connait la qualité des méthodes d'éducation et dont chacun connait aussi la contribution qu'elles ont apportée à l'éclat de notre Grand siècle. Et puis vous êtes les continuatrices de ces jeunes filles pour lesquelles l'Empereur NAPOLEON a ouvert les maisons de la Légion_d_Honneur, dans une période marquée par de nombreuses guerres, marquée donc par de nombreuses victimes, et la plupart des élèves des premières générations étaient les orphelines de ces combats.
- L'Empereur NAPOLEON n'avait pas pour l'éducation des jeunes filles une considération particulière. Dans le texte des instructions qu'il a données à M. de LACEPEDE, le grand chancelier de la Légion_d_Honneur, il parlait de la faiblesse du cerveau des femmes, et il ajoutait : "On peut enseigner aux plus âgées un peu de botanique et leur faire un léger cours de physique ou d'histoire naturelle et encore tout ceci peut-il avoir des inconvénients, il faut se borner en physique à ce qui est nécessaire pour prévenir une crasse ignorance et une stupide superstition et s'en tenir aux faits sans raisonnement qui tiennent directement ou indirectement aux causes premières". Voilà la conception que l'Empereur NAPOLEON, esprit cependant futuriste à d'autres égards, avait de l'éducation féminine.\
J'ai entendu marquer ma présence à la Présidence de la République par la promotion des femmes dans la société française - j'ai d'ailleurs été suivi à cet égard, puisque j'observe, M. le maire de Saint-Germain-en-Laye, que votre commune a dans son conseil_municipal une proportion particulièrement élevée de femmes -. Il faut donc que les jeunes Françaises disposent d'une éducation, d'une formation et même d'une formation professionnelle qui leur permette de tenir leur rôle, leur grand rôle dans la société de demain. C'est pourquoi la tâche de l'éducation et notamment la tâche de votre éducation est si importante. J'observe après le général de BOISSIEU que vos résultats dans les examens sont particulièrement satisfaisants, je devrais dire étaient particulièrement satisfaisants parce que les derniers sont ceux de l'année dernière, et qu'on va savoir dans quelques semaines si vous suivez, comme j'en suis sûr, les traces de vos devancières. Je souhaite qu'avec l'éminente coopération des dames qui assurent votre éducation, votre formation, vous atteignez aux meilleurs niveaux de connaissances, de savoirs, de préparation à la vie, que vous puissiez acquérir.
- Le grand chancelier bien entendu, mais également le grand maître de la Légion_d_Honneur, se préoccupent d'améliorer vos moyens matériels d'éducation au-point de vue des bâtiments et des équipements modernes, notamment sportifs £ je souhaite aussi que des filières nouvelles d'éducation et notamment d'éducation professionnelle puissent se développer dans vos maisons. Je sais qu'il y avait le désir de créer deux filières professionnelles : l'une permettant d'accéder à un secrétariat de haut niveau, l'autre une filière professionnelle en ce qui concerne la musique, non seulement l'enseignement de la musique, mais encore l'accès aux carrières de la musique. Les dispositions vont être prises pour que ces deux filières professionnelles puissent être créées dans les maisons de la Légion_d_Honneur.\
Avant de vous quitter, je voudrais remercier celles et ceux qui s'occupent de vous, d'abord les enseignants et les enseignantes dont je connais le très grand dévouement et la très remarquable compétence. Si vous avez d'aussi bons résultats, c'est que vous avez parmi vos professeurs une élite d'enseignants et je les remercie du soin qu'ils apportent à former cette promotion si brillante et si exemplaire de la jeunesse française. Je félicite aussi celles et ceux qui s'occupent de la vie matérielle des Loges. Vous êtes à un moment de la vie où tout ce qu'on observe autour de soi _compte beaucoup et où l'on est très attentif à la qualité de ce qui est fait pour vous et à la manière dont les problèmes de toutes -natures sont réglés et c'est pourquoi je sais avec quel soin le personnel assure la vie quotidienne de cette grande maison.
- En venant vous voir, je vous ai dit tout à l'heure que le Président de la République était fier des élèves de la Légion_d_Honneur, il n'en est pas fier seulement pour lui-même, il en est fier pour la France et, en-raison de la tradition que vous représentez, en-raison de la mission d'excellence qui est la vôtre, je souhaite que la France puisse rester longtemps fière de ce que sont et de ce que deviendront les élèves de la Légion_d_Honneur.\