26 janvier 2012 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Alassane Ouattara, Président de la République de Côte d'Ivoire, sur les relations franco-ivoiriennes, à Paris le 26 janvier 2012.


LE PRESIDENT : Président Alassane OUATTARA, c'est un grand honneur et c'est un grand moment d'émotion pour la France que de vous recevoir. Recevoir, enfin, après tant d'années, un Président démocratiquement élu de la Côte d'Ivoire. Un homme en qui la France a confiance, un homme qui a gagné les élections en Côte d'Ivoire, un homme qui représente le choix libre des Ivoiriens.
C'était une grande souffrance que de ne pas pouvoir entretenir avec la Côte d'Ivoire, pendant toutes ces années, ces liens historiques, culturels, économiques que nous avions depuis tant d'années avec la patrie du Président Houphouët-Boigny.
Pendant dix ans, les Ivoiriens ont été privés d'élections et nous avons été heureux, sous mandat des Nations-Unies, d'aider à rétablir la paix civile en Côte d'Ivoire. Et nous sommes conscients d'avoir évité une guerre civile et, depuis son élection, le Président OUATTARA n'a eu de cesse que de témoigner, par des gestes, sa volonté de réconcilier le peuple ivoirien. Et le Président OUATTARA peut compter sur la solidarité de la France.
Nous avons signé un nouvel accord de défense. Je remercie le ministre de la Défense, Gérard LONGUET, de la part qu'il y a prise. Accords qui sont publiés, accords qui montrent que la France est aux côtés de la Côte d'Ivoire dans sa quête de sécurité. Mais l'armée française n'a pas vocation à s'ingérer ni de près, ni de loin, dans les affaires de la Côte d'Ivoire. Cette période, qui était la période du lendemain de la fin de la colonisation, est définitivement révolue. Le Président, la France n'a pas de candidat en Afrique £ la France ne soutient pas de candidat en Afrique. La France est intervenue aux côtés du Président OUATTARA parce que les Nations-Unies avaient reconnu l'élection du Président OUATTARA, la validité des élections, la régularité de la campagne. Et maintenant, la France va mettre tout son effort pour aider les Ivoiriens à reconstruire leur pays, à assurer la sécurité pour chacun et à donner un avenir à tous les jeunes Ivoiriens. C'est donc en ami qu'Alassane OUATTARA est reçu ici et je voudrais dire à titre personnel mon admiration pour son parcours, pour son courage, pour sa ténacité et pour la façon dont il continue à tendre la main à chacun en Côte d'Ivoire. Il n'y a que les gens forts qui tendent la main £ ce sont les gens forts qui réconcilient £ et cette jeunesse ivoirienne, après tant de débats, qui n'avaient aucun sens, sur l'ivoirité, après tant de divisions, a la chance d'avoir un président qui tient ses promesses et qui a une obsession : asseoir durablement la démocratie et le progrès dans son pays. Et sur ce chemin, la France, cher Président OUATTARA, sera à vos côtés.
LE PRESIDENT OUATTARA : Monsieur le Président, à mon tour, je voudrais vous saluer, vous remercier et vous dire que la démocratie, c'est le choix du peuple. Et le peuple ivoirien a choisi, dans sa grande majorité, de me porter à la tête de la Côte d'Ivoire, le 28 novembre 2010. Nous connaissons la suite des évènements, douloureux pour la Côte d'Ivoire, pour les Ivoiriens. La crise post-électorale a été particulièrement pénible pour mes concitoyens. Nombreux ont été assassinés (plus de 3 000), mais nous avons tenu bon et nous avons été comblés par tous les efforts qui ont été faits par la communauté internationale, en particulier par la France, qui a su mobiliser la communauté internationale pour soutenir le choix du peuple ivoirien. Bien entendu, la situation a duré des mois et, grâce à votre courage, la majorité des Ivoiriens a connu un dénouement heureux dans cette situation, car le mandat des Nations-Unies pour protéger les Ivoiriens, qui faisaient l'objet de massacres par centaines, tous les soirs, a pu donc dénouer cette situation malheureuse.
Je voudrais donc, au nom du gouvernement, au nom de tous les Ivoiriens, vous dire un grand merci et dire que nous admirons votre courage. Permettez-moi, Monsieur le Président, en tant qu'ami, de dire à quel point nous sommes convergents sur nos convictions. Nous croyons à la démocratie, au choix du peuple, nous croyons également que, en période de difficultés, il faut tenir bon, il faut convaincre, il faut aller de l'avant. Cela est essentiel pour une grande Nation comme la France.
La Côte d'Ivoire est maintenant en paix £ la Côte d'Ivoire poursuit son chemin sur le développement et une accélération de ce développement. En 2012, nous aurons un taux de croissance de 8 à 9 %, après une chute de la production en 2011.
Nous avons de nombreux investisseurs qui viennent et, bien entendu, j'en appelle aux opérateurs privés français de revenir en Côte d'Ivoire. Nous connaissons les difficultés qui ont été les leurs en novembre 2004, quand de nombreux Français ont dû être expatriés.
Mais grâce à votre courage, nous avons pu éviter cela en avril 2011. C'est un élément important que je voudrais souligner, parce que si les choses avaient été faites dans la précipitation, ce sont des milliers de Français qui seraient revenus par avion, par bateau, dans des conditions de détresse totale.
Maintenant que nous sommes de retour sur le chemin de la paix, et que la relance économique est totalement engagée, je voudrais saluer tous les efforts de la France. Que ce soit au plan diplomatique, au plan financier, car grâce à la France, dès la fin de la crise, les fonctionnaires ont pu être payés de leurs arriérés de salaire. La situation a pu être normalisée. Et, surtout, nous avons pu engager des efforts de reprise, de normalisation de la situation en Afrique de l'Ouest. Et, maintenant que la diplomatie ivoirienne a pu reprendre, je peux vous dire que la France a une place particulière dans nos curs.
Je n'ai jamais rencontré de famille française où tel ou tel n'a pas connu la Côte d'Ivoire dans son enfance. Et je rappelle souvent à certains de nos partenaires que notre premier Président a été membre du gouvernement français sous la IVème République. C'est dire l'étroitesse des liens, des liens historiques, des liens d'amitié, des liens de coopération.
Je terminerai en saluant tous les Français pour le soutien que nous avons eu. Et, M. le Président, je voudrais vous dire, et à vous, Mme Carla BRUNI-SARKOZY, toute notre amitié, de Dominique et moi-même. Et vous dire que je suis certain que cette amitié très forte entre la Côte d'Ivoire et la France continuera de se renforcer davantage.
Merci, M. le Président.
LE PRESIDENT -- Merci à tous. Peut-être une question du côté ivoirien et une question du côté français, si vous voulez ? S'il n'y en a pas, c'est bon ! Allez, Madame.
QUESTION -- Excellence, M. le Président, vous venez de signer un nouvel accord de défense. Est-ce que l'on peut savoir ce qui a changé, fondamentalement ?
LE PRESIDENT -- Le dernier accord datait de 1961 £ il était secret. Celui-ci sera discuté au Parlement et présenté et rendu intégralement public par le ministre de la Défense. Il n'y a plus d'accord de défense secret. Pour en dire l'esprit, c'est une coopération entre les forces ivoiriennes et les forces armées françaises, avec un effort d'équipement, un effort de formation, pour vous aider. Et une volonté très claire de n'accepter aucun mélange de genres. Mais le ministre, dans les jours qui viennent, publiera cet accord, et le défendra devant le Parlement français.
M. ALASSANE OUATTARA -- M. le Président, je peux vous assurer qu'avec la mise en place prochaine du Parlement ivoirien, ce traité de partenariat de défense fera l'objet bien sûr d'approbation par le Parlement ivoirien. Donc c'est un traité totalement transparent. L'accent est mis sur la formation, sur l'équipement, et nous considérons que ceci est opportun. Et la France continue d'avoir besoin de la Côte d'Ivoire £ et la Côte d'Ivoire, également, et surtout, a besoin de la France. Mais bien entendu nous souhaitons régler nos problèmes en Côte d'Ivoire, entre Ivoiriens.
QUESTION -- Une question pour M. le Président OUATTARA. Vous êtes venu à Paris avec notamment l'espoir que la France vous soutienne dans votre démarche pour obtenir l'allègement de la dette. Qu'en est-il, justement ?
M. ALASSANE OUATTARA -- Oui, je veux remercier. Nous avons parlé de cette question au Président SARKOZY. La Côte d'Ivoire a maintenant mis en uvre toutes les mesures demandées par les institutions de Bretton Woods. Notamment en matière de réforme de la filière café-cacao, en matière d'énergie £ et il n'y a plus de raison qu'il y ait une période d'observation ou d'attente. J'ai demandé au Président SARKOZY, au gouvernement français, d'intercéder auprès du Fonds Monétaire International, pour que cet allègement puisse être obtenu dès le premier trimestre de cette année.
LE PRESIDENT -- Nous demandons tout simplement que la Côte d'Ivoire bénéficie de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés. Et, compte tenu des décisions qui ont été prises par le gouvernement ivoirien, il n'y a aucune raison de mettre en observation la Côte d'Ivoire, qui a besoin dès maintenant que l'on annule sa dette et qu'on puisse l'aider à repartir de l'avant. C'est tout l'enjeu, parce que la réconciliation dépend des initiatives politiques et aussi des progrès économiques, pour que chacun puisse trouver un espoir en Côte d'Ivoire. C'est capital. Il n'y a pas de temps à perdre. Je vous remercie.