26 septembre 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur le traitement des questions sociales dans le cadre du G20, à Paris le 26 septembre 2011.

Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs généraux,
Mesdames et Messieurs,
J'ai tenu à vous accueillir au Palais de l'Elysée pour vous témoigner l'importance que la France accorde à cette réunion des ministres du travail et de l'emploi des pays du G20, la deuxième du genre après celle qui s'est tenue à Washington en avril 2010.
Je sais que Xavier BERTRAND, que je remercie, a conduit avec vous une concertation intense en amont de cette réunion. Il me permettra de remercier très chaleureusement également Gilles de ROBIEN, qui a fait un travail remarquable d'écoute et de dialogue.
Mesdames et Messieurs les ministres, votre contribution doit être essentielle pour le succès du Sommet du G20 de Cannes.
Les questions sociales sont au cur des défis auxquels nos pays font face : la crise a provoqué des effets dévastateurs sur nos marchés du travail, 30 millions de chômeurs supplémentaires en moins de 2 ans ! Et l'onde de choc n'a épargné aucun pays.
Depuis votre dernière rencontre à Washington en 2010, la situation économique et sociale du monde n'a fait que renforcer l'impératif de mettre l'emploi au cur de nos priorités. Le G20 ne conservera sa légitimité que s'il parvient à démontrer son efficacité en faveur de la croissance et de l'emploi.
En mettant les questions sociales au cur de la réflexion mondiale, nous tirons les enseignements de la crise que nous avons vécue. Que nous a appris cette crise ? Que l'illusion de la toute puissance du marché, qui ne devait être contrariée par aucune contrainte, qui pouvait s'autoréguler, qui pouvait s'abstenir d'une supervision solide, que cette illusion a provoqué une crise absolument sans précédent. Il n'y a pas de liberté sans règle, il n'y a pas de marché sans règle.
La crise a montré que la mondialisation, si elle n'était pas équilibrée de toute urgence, n'est pas viable. Certes, grâce à la mondialisation des échanges, l'extrême pauvreté a reculé dans le monde, le nombre de personnes concernées baissant de 400 millions entre 1990 et 2005. Mais dans le même temps où l'extrême pauvreté a reculé, les inégalités se sont accrues, l'écart du PIB par habitant entre le milliard de personnes les plus pauvres et le milliard de personnes les plus riches ayant été quasiment multiplié par 2 dans le monde depuis le début de ce siècle.
Des inégalités qui se creusent, ce n'est pas davantage de croissance, mais c'est à coup sur davantage d'instabilité.
La France en tire la conclusion qu'à la régulation financière, à la régulation économique, il faut ajouter la régulation sociale. Et face à une crise qui a ébranlé nos sociétés, on ne peut plus se contenter d'afficher simplement de bonnes intentions, nous devons passer à l'action, car si nous ne le faisons pas, la réponse sera le protectionnisme et la « décroissance » et in fine la régression de la qualité de vie. S'il n'y a pas une régulation sociale qui se met en place, les pays pour se défendre, se tourneront vers cette mauvaise solution qu'est le protectionnisme. Il n'y a pas d'autre choix possible.
Le G20 doit prendre ses responsabilités, parce que le G20, c'est les 2/3 de la population et 85% du PIB mondial. Bien sûr, il y a eu des progrès, mais ils sont encore insuffisants. Mon ami Juan SOMAVIA est maintenant invité à toutes les réunions du G20. C'est le minimum, mais il a fallu que la France l'exige. Et je souhaite que Juan SOMAVIA tape du point sur la table quand il le faut pour dire un certain nombre de choses.
Tout au long de l'année, nous avons parlé de ces questions. Je suis très heureux que Xavier BERTRAND ait obtenu le principe d'une réunion ministérielle sur l'emploi lors de la prochaine présidence mexicaine et j'en remercie la présidence mexicaine.
Nous avons également obtenu la création d'un groupe de travail intergouvernemental sur l'emploi des jeunes, qui n'est pas un sujet franco-français, ni européen, mais bien mondial.
La question du renforcement de la protection sociale dans tous les pays est également une question qui est clairement posée. Croissance et renforcement de la protection sociale. Ce sont deux sujets qui doivent aller de paire. Les pays émergents qui ont été dans cette direction, je pense au Mexique avec le programme Seguro Popular de 2003, qui consistait à donner une assurance santé volontaire, pour un coût modéré, à des millions de personnes, ont montré qu'il n'y avait pas à choisir entre croissance et amélioration de la protection sociale. Les deux vont de paire.
Je souhaite saluer la contribution très utile du groupe consultatif des Nations Unies sur le socle de protection sociale présidée par Madame BACHELET, et auquel a participé Martin HIRSCH. Là encore, mettons-nous d'accord, il n'est pas question d'imposer un modèle social unique au monde. Personne n'a cette idée et surtout pas la France. Nous savons bien que les différences sont immenses mais nous devons avoir un impératif de protection pour les plus faibles et nous devons faire respecter les droits fondamentaux du travail.
Il faut que les pays membres du G20, qui sont également membres de l'OIT, ratifient les 8 conventions sur les normes fondamentales de l'OIT. Comprenez-moi bien, il y a un socle de protection minimale qui concerne tous les pays, comme l'aspiration à la démocratie concerne tous les pays. Je ne rentrerai pas dans le détail des 8 conventions, mais on ne fait pas travailler les enfants, on ne fait pas travailler les détenus, les femmes et les hommes doivent être traités à égalité. Quelle justification peut-il y avoir à ce qu'un pays membre de l'OIT ne ratifie pas les 8 normes de base de l'OIT ? Je souhaite que l'OIT le rappelle fortement à chacune des réunions du G20, car si les pays du G20 ne sont pas exemplaires sur le respect des droits fondamentaux du travail, alors comment pourrions- nous lutter efficacement contre le nivellement social par le bas ? Est-ce vraiment ce que nous voulons comme modèle, est ce que vraiment ce à quoi aspirent nos peuples ? Je pense que si tout le monde pousse dans la même direction, nous devons sortir du statu quo.
J'aimerais que l'on mette la même énergie à défendre les 8 normes sociales minimales de l'OIT, que l'on met à défendre les normes de la liberté du commerce de l'OMC. Si nos pays mettaient 10% de l'énergie qu'ils mettent à défendre l'OMC, à défendre l'OIT, je vous garantis que les choses changeraient.
Je souhaite que les grandes institutions internationales puissent collaborer entre elles. Je me réjouis que le FMI collabore avec le BIT pour évaluer la faisabilité de la création d'un socle de protection sociale. Le FMI a aussi son mot à dire sur la répartition des richesses et sur les normes fondamentales. La Banque Mondiale a également décidé, et c'est une bonne décision, que 12% de ses prêts seraient destinés à financer des actions de protection sociale, car de telles actions permettent d'aider à la croissance. C'est 4 fois plus que par le passé. L'OCDE, cher Angel GURIA, a de son côté fait un travail exemplaire d'identification des bonnes pratiques alliant développement de l'emploi et développement de la protection sociale, notamment dans les pays émergents. Là aussi, on ne peut pas traiter tous les pays de la même façon, mais que les pays émergents soient plus allant sur la protection sociale que les pays les plus pauvres du monde, cela me semble normal. Ce n'est quand même pas demander une chose extraordinaire que d'affirmer cela.
L'OIT a exprimé son souhait de pouvoir disposer d'un observateur au sein de l'OMC lors de la conférence du 23 mai. Ce n'est pas à moi d'en décider. Mais si c'était à moi d'en décider, je dirais « oui » et j'aimerais que l'on m'explique si la réponse était « non » quel est l'obstacle à la liberté du commerce que d'avoir un observateur de l'Organisation internationale du travail à l'OMC, alors que les membres des deux organisations sont les mêmes. Je voudrais malgré tout le rappeler.
Voilà le message que la France souhaite porter. Xavier BERTRAND le sait bien, quand nous avions fait ensemble l'ordre du jour, on me disait que c'était trop ambitieux. Moi, je pense que cela ne l'est pas assez, parce que naturellement tous les sujets sont liés.
Je me réjouis que la France organise en même temps pour la première fois la réunion des représentants des employeurs (B20 : Business 20), et une réunion des représentants des syndicats de salariés (L20 : Labour 20). Vous rendez-vous compte qu'il a fallu attendre pour cela ! Il était légitime que l'on reçoive les chefs d'entreprise et il serait illégitime que l'on reçoive les organisations des salariés ! Au nom de quoi ? Au nom de quelle vision du monde ? Au nom de quelle réalité ? J'ai tenu, François BAROIN peut en porter témoignage, à ce que le L20 soit traité dans les mêmes conditions que le B20. Car à mes yeux, il est aussi important de recevoir les organisations des salariés que de recevoir les chefs d'entreprise. Les deux sont des interlocuteurs et les deux sont au cur de la croissance mondiale.
Mesdames et Messieurs, je terminerai en vous disant ceci : les crises apportent leur lot de problèmes et les grandes crises apportent de grands problèmes. Mais les grandes crises sont aussi une opportunité de porter de grands changements, parce qu'il y a urgence et cette urgence doit nous conduire à pousser à ces grands changements pragmatiques, justes, avec l'objectif d'une croissance mondiale, mais des grands changements. On ne peut dans aucun pays au monde mettre la question sociale de côté. Et dans tous les pays du monde, la revendication est la même : protégez-nous.
Et c'est à ce défi que la présidence française a décidé de s'attaquer.
Je vous remercie.