10 juin 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les efforts en faveur de la recherche notamment biomédicale, à Paris le 10 juin 2011.

Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de vous retrouver pour la 3ème édition des rencontres internationales de la recherche biomédicale. C'est la marque de mon attachement au développement de la recherche et particulièrement de la recherche biomédicale. Cette rencontre des grands industriels internationaux et français avec nos institutions publiques et privées que je salue est une initiative très utile que je soutiens de toutes mes forces.
Vous avez choisi cette année le thème des maladies infectieuses. Immense sujet de préoccupation pour les décideurs du monde entier.
Il y a en effet 35 ans, avec la disparition de la variole dans le monde, on aurait pu croire que nous étions parvenus à juguler les grandes épidémies. C'était oublier que le paludisme reste endémique dans de nombreux pays : 1 million de morts l'an passé.
C'était oublier que de nouveaux agents infectieux surgissent sans cesse.
Le 4 juin 2011 marquait le 30ème anniversaire de l'observation du premier cas de ce qui allait devenir le SIDA.
Une équipe française menée par Luc MONTAGNIER, Françoise BARRÉ-SINOUSSI, en a identifié le virus en 1983.
Cette découverte leur a valu le prix Nobel en 2008.
En 82, une équipe américaine identifiait le prion, qui devait être rendu responsable de l'épidémie de maladie de Creutzfeld-Jacob à la fin des années 1990.
Je n'apprendrai rien aux spécialistes que vous êtes, mais je suis frappé de constater que les infections respiratoires causent encore 3 millions de décès chaque année,
les diarrhées infectieuses, 2,5 millions de morts chaque année,
la rougeole pour laquelle existe pourtant un vaccin, 750 000 morts chaque année. Nous savons également qu'au moins un tiers des cancers, utérins et ORL, sont liés à des agents infectieux.
Des maladies comme la tuberculose, que l'on croyait éradiquée, refont leur apparition sous nos latitudes.
Les résistances aux antibiotiques ne font que croître et vous devez sans cesse inventer de nouvelles ripostes.
Et l'actualité nous le rappelle chaque jour : les maladies infectieuses font partie de notre quotidien.
Je pense à l'épidémie de grippe H5N1, à l'épidémie de Chikungunya, et bien sûr aux contaminations alimentaires d'origine bactérienne comme celle qui frappe l'Europe depuis quelques jours.
Avec la mondialisation, l'accroissement des déplacements, la question des maladies infectieuses est devenue plus prégnante encore.
Nous ne pouvons pas nous permettre de relâcher nos efforts.
La France se doit d'être au rendez-vous de la solidarité internationale. Le paludisme, la tuberculose, le SIDA touchent de façon dramatique les pays en développement et notamment les pays d'Afrique sub-saharienne.
Et malgré un contexte financier que vous connaissez et qui est contraint, la France fera tout son devoir.
En septembre dernier, au Sommet de l'ONU, j'ai annoncé que la France ne se contenterait pas de maintenir sa participation au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, mais qu'elle augmenterait, la France, sa participation, de 20 %.Je ne sais pas si vous vous rendez compte du choix politique que cela représente d'augmenter de 20% les fonds que nous consacrons alors même que nous faisons diminuer notre budget. La France restera ainsi le deuxième contributeur du Fonds, derrière les États-Unis, avec 360 millions d'euros. C'est notre responsabilité.
La crise ralentit la croissance, diminue nos recettes fiscales mais pas les épidémies. Il n'y a aucune raison de baisser la garde.
Avec mon épouse, nous sommes particulièrement engagés dans la lutte contre le SIDA. Nous savons que des progrès majeurs sont accomplis chaque jour.
Si la mise au point d'un vaccin et d'un traitement curateur restent des objectifs prioritaires, nous devons renforcer sans relâche notre effort de prévention contre le VIH.
Des études récentes ont montré l'efficacité préventive des antirétroviraux notamment dans la lutte contre la transmission de la mère à l'enfant.
Le SIDA -- il faut le dire - tue encore 1,8 million personnes chaque année dont 250 000 enfants. Monsieur le Professeur DELFRAISSY, vous me permettrez de vous citer parce que cela m'a marqué, vous avez dit : « Le sida a été l'épidémie majeure du XXème siècle et reste celle du XXIème ».
En 30 ans, vous avez accompli des progrès considérables dans la lutte contre le VIH. Grâce à vous tous, grâce à la communauté des chercheurs, nous pouvons espérer que le XXIème siècle sera celui de la victoire, la victoire de la recherche contre SIDA.
Construire l'avenir, c'est donc donner aux chercheurs les moyens de travailler, de progresser et d'innover. Je me suis engagé à faire de la recherche biomédicale la première priorité de notre recherche. Les Français accordent une grande importance à leur santé.
Nous consacrons près de 12% de notre richesse nationale aux dépenses de santé. L'assurance-maladie est l'un des piliers de notre modèle social. Être en mesure d'assurer aux Français des soins de qualité, cela implique de soutenir sans relâche les efforts des chercheurs comme ceux des industriels.
L'an passé nous avons pris l'engagement mutuel de rendre compte de nos actions respectives.
Votre bilan est particulièrement fructueux. 28 millions d'euros de contrats de recherche ont été à ce jour signés sur la base de plus 150 échanges constructifs et structurants, initiés depuis notre première rencontre de 2009. En plus d'une vingtaine de contrats qui sont en phase de négociation très avancée. Je tiens à vous en féliciter.
Encourager l'excellence scientifique, récompenser la prise de risque d'industriels courageux et entreprenants c'est tout le sens de l'action que je veux mener et que je mène depuis 2007. Depuis 4 ans, ma responsabilité est de faire en sorte que la France puisse retrouver une économie compétitive, créatrice d'emplois, prospère. Une économie qui puisse financer notre modèle social. Pour cela il fallait donner aux universités françaises les moyens de leurs ambitions. C'est ce que nous avons fait avec Valérie PÉCRESSE.
Des moyens institutionnels d'abord. Aujourd'hui les universités françaises sont autonomes, comme toutes les grandes universités du monde. Elles peuvent nouer des partenariats, attirer les meilleurs chercheurs et les meilleurs enseignants et se battre à armes égales avec leurs concurrentes. Aujourd'hui cela paraît évident, cela parait simple, avant 2007 prononcer le mot autonomie, c'était l'assurance du blocage.
Des moyens financiers également dans le contexte que je vous indiquais. Depuis 2007, l'effort de l'État pour l'enseignement supérieur et la recherche -- tenez-vous bien c'est simple -- nous augmentons cet effort d'un milliard d'euros par an, y compris l'année 2009 où les recettes fiscales de la France ont diminuées de 22%. L'année où les recettes fiscales de la France ont diminuées de 22% nous avons augmenté les moyens de l'enseignement supérieur et de la recherche d'un milliard d'euros, et nous continuons chaque année.
Mais dans notre pays, depuis 30 ans, nous avions pris la mauvaise habitude de sacrifier l'investissement et de privilégier le court terme.
La crise a montré que cette stratégie était à bout de souffle. Non seulement la France dépensait trop, mais surtout la France dépensait mal.
Nous avons donc décidé une autre stratégie. Nous devons penser aux emplois et aux entreprises de demain.
Nous avons lancé en pleine crise un plan d'Investissements d'avenir de 35 milliards d'euros. Et je me souviens encore de la polémique qui était suscitée par mes propos « comment pouvez-vous - me disait-on - expliquer que la France est trop endettée et en même temps vous lancer un plan de 35 milliards d'euros d'investissement ! » Parce que la question n'est pas l'endettement, la question c'est qu'est-ce qu'on fait avec cet endettement. Si on s'endette pour investir on crée de la richesse. Si on s'endette pour payer des dépenses récurrentes de fonctionnement on prépare à la pauvreté et à la crise. Le Commissaire général à l'investissement René RICOL est chargé à la mise en uvre de ce plan.
20 milliards d'euros sont destinés à l'enseignement supérieur et à la recherche. 20 milliards d'euros. Vous savez quand nous nous comparons, pays voisins européens, je vois les coupes qui ont été faites dans ces budgets notamment de l'autre côté de la Manche. Je ne me permets pas de juger, je dis simplement, regardez la différence de politique, on verra celle qui finira par avoir le plus de résultats. J'ai tenu à ce que les projets soient sélectionnés selon des critères d'excellence -l'excellence n'est pas un gros mot. Tout le monde ne peut pas avoir droit aux mêmes moyens - et le choix se fait par des jurys internationaux de très haut niveau. J'ai bien conscience de cette révolution. Mais elle était incontournable et inéluctable.
Le domaine de la Santé et des Biotechnologies bénéficiera donc de 2,5 milliards d'euros d'investissements. Un milliard d'euros a d'ores et déjà été attribué à 74 projets dans des domaines qui sont au cur des défis sanitaires de notre époque : l'obésité et le diabète, les neurosciences et, votre préoccupation d'aujourd'hui, les maladies infectieuses.
La lutte contre les maladies infectieuses est l'un des domaines où l'effort des Investissements d'avenir est le plus important. Le projet d'institut hospitalo-universitaire POLMIT de l'Université de la Méditerranée, cher Yvon BERLAND, est ainsi l'un des 6 nouveaux IHU dont nous avons récemment arrêté la liste.
Tout le monde ne peut pas être IHU. Le pôle d'excellence tire tout le monde et il faut accepter cela. L'égalité ce n'est pas l'égalitarisme. C'est une idée qui est très forte. L'égalité c'est donner plus à celui qui le mérite, plus à celui qui a éventuellement des handicap, plus à celui qui est le plus excellent. Pour tirer tout le monde vers le haut.
Il sera consacré aux maladies infectieuses et tropicales. Porté par Didier RAOULT, il recevra plus de 72 millions d'euros de dotation.
Les IHU seront adossés à des fondations de coopération scientifique et disposeront à ce titre des moyens et de l'autonomie nécessaires à leur développement. La France pourra ainsi rivaliser avec les meilleurs centres de recherche biomédicale au monde. Grâce à ces IHU, sera assurée l'alliance entre l'excellence de la recherche, l'excellence des soins et la valorisation économique, la valorisation économique, là aussi ce n'est pas gros mot, ce n'est pas incongru. La recherche n'est pas dénaturée par la valorisation économique, elle est prolongée par la valorisation économique.
Au total, les IHU recevront une dotation de 850 millions d'euros. Pardon de tous ces chiffres, mais si c'était des chiffres en moins, vous me le reprocheriez, c'est des chiffres en plus.
L'Institut de recherche technologique de Lyon-Pasteur, dédié à l'innovation biomédicale en infectiologie, est également l'un des 6 premiers IRT labellisés.
Par ailleurs, plusieurs laboratoires engagés dans la lutte contre les maladies infectieuses ont reçu le label de Laboratoire d'excellence. Si vous saviez pour moi la satisfaction que cela représente de pouvoir utiliser le mot excellence sans provoquer un collapse de tout le système.
Maintenant on à le droit de parler d'excellence, n'imaginez pas le changement que cela représente. Bon il y a d'autre mot que l'on ne peut toujours pas prononcé, mais excellence, rappelez-vous ? Prononcez ce mot, alors qu'il est votre quotidien. C'était quelque chose d'hallucinant.
Dans ces laboratoires d'excellence, il y a l'Institut de Recherche sur le Vaccin de l'Université de Paris XII travaillant à un vaccin contre le VIH et l'hépatite C, ou encore du laboratoire sur les maladies infectieuses émergentes de l'Institut Pasteur. D'autres encore travaillent sur le lien cancer-maladies infectieuses.
Dans l'ensemble des champs de recherches sur les maladies infectieuses, les chercheurs français sont présents et actifs. Je tiens à saluer les résultats remarquables des équipes de recherche en infectiologie des universités désormais autonomes. Ces équipes représentent 12 % des forces françaises en biologie et santé mais 20 % des meilleures publications !
Je tiens également à saluer le travail de l'Alliance des Sciences de la Vie et de la Santé.
Son président André SYROTA qui coordonne à ma demande l'action stratégique et le pilotage national des organismes de recherches en science du vivant.
Les laboratoires d'excellence de nos universités doivent aussi pouvoir s'appuyer sur des entreprises et des PME dynamiques dans le domaine des sciences de la vie.
Nous avons besoin de cette coopération entre universités et entreprises. Là aussi, je suis très heureux, on peut dire cela sans être accusé de la marchandisation de l'université ou de l'arrivée du capitalisme dans les universités. Qu'est-ce que l'on fait de cette alliance entre les universités et les entreprises ? On développe des solutions pour combattre la résistance aux agents antimicrobiens, on développe de nouveaux traitements contre certains cancers £ on développe des agents antibactériens, notamment contre les infections sévères et difficiles à soigner.
Pour appuyer cette dynamique, les Investissements d'avenir prévoient 900 millions d'euros de dotation en capital pour des Sociétés d'Accélération du Transfert de Technologies. Le jury a déjà labellisé 5 projets. Ces 5 projets font toutes des sciences de la vie et de la santé une de leurs priorités.
C'était le chaînon manquant de la valorisation dans notre pays.
Des équipes professionnelles offriront un guichet unique aux chercheurs aux phases précoces où les investisseurs privés se font encore relativement rares et assez prudents.
L'État est pleinement dans son rôle en intervenant à ce stade critique de l'application industrielle. Entre des chercheurs de grand talent et des entreprises innovantes, l'État se doit d'être présent pour faciliter et prendre des risques quand le privé a besoin d'être un petit peu encouragé.
Depuis 4 ans, nous avons considérablement renforcé les moyens dont dispose la recherche en santé. Nous avons amélioré la coordination entre les acteurs concernés, tout au long de la chaîne de l'innovation. Là où il y avait des barrières, il y a aujourd'hui du dialogue et de la coopération.
J'ai conscience qu'il nous faut encore progresser. Comme nous l'avons fait pour le Plan Alzheimer, il nous faut faire mieux pour associer les forces vives de la nation à notre objectif commun : Préserver ce trésor qu'est notre santé.
Je pense à de grandes fondations d'entreprise, à des associations de patients, à des acteurs du secteur industriel et des services, qui dans la proximité de la vie quotidienne des Français, sont désireux d'agir et de s'engager à vos côtés.
Pour la lutte contre l'obésité, qui frappe de façon si injuste près de 20% des enfants, souvent dans les catégories sociales les moins favorisées.
Pour la lutte contre les maladies rares, qui frappent aveuglement tant de familles françaises. Pour être individuellement rares, elles sont collectivement si fréquentes : 3% des naissances et cela peut arriver à chacun d'entre nous !!!
Aussi, je demande à Valérie PÉCRESSE, à Xavier BERTRAND et Nora BERRA, ainsi qu'à l'Alliance autour d'André SYROTA, d'associer à leur effort tous les talents et toutes les bonnes volontés.
Je leur demande de parachever la création d'une Fondation de coopération scientifique, qui pourrait associer les organismes de recherche, les universités et les CHU. Pour que cette Fondation fonctionne de la façon la plus efficace, je rêve surtout qu'elle associe des acteurs de la vie quotidienne des Français. Je sais ainsi que certaines grandes entreprises sont d'ores et déjà désireuses de s'engager à vos côtés. Au cours des prochains mois, je compte sur vous pour rassembler ces énergies au service de la santé des Français.
En appelant de mes vux la création de cette nouvelle Fondation, il ne s'agit pas de mettre la main sur qui que ce soit, ni de contrôler quoi que ce soit !
Ni de se substituer aux fondations en cours de création dans les universités autonomes. Il faut qu'elles voient le jour.
Il ne s'agit pas non plus d'ajouter une couche de complexité à un dispositif que nous voulons au contraire simplifier.
Il s'agit seulement de fédérer les bonnes volontés. De simplifier le paysage et de remplacer les innombrables Groupements d'intérêt scientifique (GIS) crées au fil des années chaque fois qu'il fallait coordonner action publique et action privée.
Je suis depuis très longtemps convaincu que les sciences de la vie et la santé sont des atouts majeurs, pour la croissance de notre pays.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, la France change, elle devait changer et elle doit continuer à changer parce que le monde change et le monde ne nous attendra pas. Je voudrais que les laboratoires internationaux de recherche représentés ici aujourd'hui mesurent combien nous avons modifié en profondeur les conditions d'accueil des investissements dans notre pays £ avec le Crédit Impôt Recherche et avec la suppression de la taxe professionnelle.
Qu'ils mesurent combien nos équipes de recherches sont performantes. Combien la passation de contrats est à présent simplifiée, accélérée, professionnalisée.
Combien nous sommes déterminés à poursuivre et à amplifier notre action.
L'action publique française ne faiblit pas, elle s'amplifiera. Les premiers résultats sont là. Vos laboratoires, vos équipes, vos idées sont une chance pour la France. Vous êtes les bienvenus dans notre pays.
Toutes les actions que nous menons visent à vous donner les moyens de travailler et d'innover et s'il y en avait qui en doutait, ma détermination à poursuivre l'action engagée est totale, totale. Et si j'ai un regret, c'est que je trouve que l'on ne va pas encore assez vite et si j'ai un regret, c'est que l'on n'en a pas encore fait assez et si j'ai un regret c'est de ne pas assez convaincre que le temps ne nous appartient pas, que nous n'avons pas de temps, qu'il y a l'urgence du monde qui va à une vitesse stupéfiante et nul ne peut reprocher au Président de la France de vouloir que la France soit bien dans son siècle le XXIème et ne reste pas dans le précédent le XXème. Nous avons changé de siècle, nous avons changé de monde, c'est une chance et les vieux clivages et les vieilles oppositions n'ont aucun sens. C'est le passé, un passé beaucoup plus lointain qu'on ne l'imagine. Ce sont des débats d'autres temps. Aujourd'hui, vous avez besoin de moyens, nous vous les donnons, de réformes nous les mettons en uvre. Et j'espère que vous partagerez le même enthousiasme, la même détermination et que vous aurez la même excellence, les résultats que ceux que vous nous avez déjà apportés.
Je vous remercie de votre attention.