31 mars 2011 - Seul le prononcé fait foi
Point de presse conjoint de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Naoto Kan, Premier ministre du Japon, sur le soutien de la France au Japon après le séisme du 11 mars 2011 et sur la sureté nucléaire, à Tokyo le 31 mars 2011.
Mesdames et Messieurs,
Nous allons donc commencer la conférence conjointe des deux chefs d'État et du gouvernement de la France et du Japon.
Nous allons tout d'abord demander à Monsieur KAN d'intervenir.
M. NAOTO KAN - Monsieur le Président de la République française, M. SARKOZY, est venu au Japon au moment où nous souffrons de séismes et des dégâts de la centrale nucléaire. Nous sommes très heureux de l'accueillir et nous sommes très touchés qu'il ait voulu nous exprimer la solidarité internationale. Je voudrais donc le remercier profondément et je suis très heureux de l'accueillir. Monsieur le Président nous a dit que le peuple japonais vivait une situation très difficile, l'épreuve la plus dure depuis 1945. Il nous a dit que notre peuple japonais y fait face avec beaucoup de courage. Le président nous a dit qu'il saluait ce courage des Japonais et il nous a également assuré que le Japon pourra certainement être ressuscité. Pour ma part, je lui ai parlé de la situation du tsunami, des séismes et également de ce qui se passe à la centrale de Fukushima, et nous avons pu effectuer échanger à ce sujet. Dans ce contexte, Monsieur le Président SARKOZY nous a dit que pour la réunion à Deauville du G8, il souhaitait me passer la parole au début, pour que je puisse intervenir sur le sujet de l'accident de la centrale nucléaire, et que ce thème serait inscrit à l'ordre du jour. C'était la proposition de M. SARKOZY et j'ai répondu que je serais très heureux qu'il en soit ainsi.
M. SARKOZY m'a également proposé de me rendre en visite officielle avant le sommet, mais vu la situation actuelle, je lui ai dit que je voudrais voir quelle sera la situation à ce moment-là avant de lui répondre. En même temps que le G8, au mois de mai, aura lieu la réunion du G20 au sein duquel nous souhaitons aussi avoir des occasions de discuter du problème nucléaire. Egalement, au mois de juin, au sein de l'AIEA, le président nous a proposé de discuter de la sécurité en matière nucléaire. En effet, l'expérience que nous avons connue au Japon dans ce domaine est une épreuve très dure, mais pour que cela ne se reproduise plus, il faut diffuser les informations de manière très précise aux autres pays du monde. Nous pensons que c'est un devoir qui nous incombe, c'est pourquoi nous serons très favorables à ce qu'il y ait une discussion sur les normes de sécurité de toutes les centrales nucléaires dans le monde et nous accueillons favorablement la proposition du président de la République. Ce que nous devons faire, c'est mettre à plat pour nos interlocuteurs toute l'expérience que nous avons.
Egalement, la France étant connue comme très avancée dans le domaine nucléaire, y compris dans le domaine des robots et des matériels aussi, elle a bien voulu nous apporter un soutien. Nous avons déjà reçu beaucoup d'aide mais nous allons pouvoir également bénéficier de l'expertise et du matériel qui proviennent de la France. Nous voulons donc discuter de ce sujet avec la France.
Non seulement nous avons parlé du problème du séisme, mais il y a aussi le problème de l'accord entre le Japon et l'Union européenne. Nous voulons remercier le président de la République pour sa position très favorable pour promouvoir cet accord. En tout cas, nous voulons souligner que nous sommes sur la même position. Il nous a parlé d'un proverbe : « Quand il pleut, un ami qui vient un jour de pluie, c'est un véritable ami ». C'est pour dire combien nous sommes reconnaissants de la visite de Monsieur le Président de la République qui a bien voulu venir dans une telle situation.
LE PRESIDENT - Monsieur le Premier ministre, je voudrais dire au peuple japonais combien la France se sent proche de lui, combien les Français ont admiré la dignité, le courage et la solidarité des Japonais devant la plus grande catastrophe depuis 1945. Les images de votre pays martyrisé, Monsieur le Premier ministre, ont fait le tour du monde mais elles ont bouleversé mes compatriotes. Le Japon est un pays qui, lorsqu'il y a une catastrophe dans le monde, c'est le pays qui est le plus généreux et le plus réactif. Le monde le sait, le monde connaît cette générosité. Eh bien aujourd'hui, c'est au monde de vous rendre cette générosité et cette solidarité. Le Japon doit savoir qu'il n'est pas seul dans cette catastrophe, que tous les pays du G20, que la France préside pour cette année, sont à la disposition du Japon pour lui manifester concrètement notre solidarité.
Avec le Premier ministre - d'abord, je veux le remercier de l'analyse très lucide qu'il nous a présentée de la situation au sujet de la centrale de Fukushima. La France propose au Japon de fournir des robots qui permettent d'intervenir en zone contaminée. La France propose son expertise et son expérience s'agissant du démantèlement de centrales, des mesures de radioactivité, et nos équipes travaillent en ce moment-même pour renforcer cette solidarité. Et Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, qui restera jusqu'à samedi au Japon, est chargée de prendre contact avec ses homologues, membres de votre gouvernement, Monsieur le Premier ministre, pour que l'aide concrète de la France soit la plus efficiente.
S'agissant du G8, j'ai proposé au Premier ministre japonais d'être le premier à prendre la parole et nous préparerons une déclaration des chefs d'États et de gouvernement du G8 sur le nucléaire, en accord avec nos amis Japonais. Par ailleurs, il faut remédier à cette incongruité qu'il n'existe pas de normes internationales de sûreté en matière nucléaire. La France a proposé, et je remercie le Premier ministre de l'avoir accepté, que soient réunies à Paris, par Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, l'ensemble des autorités indépendantes de sûreté nucléaire des pays du G20 pour préparer, fournir des éléments à la réunion très utile de l'AIEA qui se tiendra au mois de juin. Il n'y a pas opposition entre le travail du G20 et le travail du G8, et au contraire complémentarité. Ce qui compte, c'est qu'avant la fin de l'année, il y ait des normes internationales de sûreté.
Voilà, Mesdames et Messieurs, j'aurais préféré venir au Japon dans d'autres conditions, mais il m'a semblé, en tant que président du G20, de mon devoir d'apporter la solidarité, le témoignage de solidarité des 19 autres pays membres du G20. Ce n'est donc pas simplement la France mais les 19 autres pays du G20 qui disent au Japon notre confiance dans l'avenir. Vous vous relèverez de cette catastrophe, plus forts encore.
Et puis je voudrais terminer en disant combien nous avons été bouleversés par l'héroïsme de vos sauveteurs, et la solidarité de tous ceux qui, ayant tout perdu, ont trouvé le moyen de se mettre à la disposition de leurs compatriotes.
Sachez, mes chers amis Japonais, que dans cette catastrophe épouvantable, le monde vous regarde et le monde vous admire.
Les images que nous avons reçues ont profondément choqué l'esprit cartésien et l'esprit raisonnable des Français. Ce déchaînement de la nature dont vous avez été la victime a bouleversé à la fois par l'émotion et en même temps par la raison, on se demandait si cela était possible, une telle violence et un tel déchaînement. Et au fond, cela doit nous conduire à faire preuve de beaucoup d'humilité devant la force de la nature, qu'il convient de ne pas opposer au progrès. Mais nous devons regarder tout ceci avec lucidité et en tirer toutes les conséquences, cela sera notre devoir.
Merci, Monsieur le Premier ministre.
QUESTION - Une question à M. KAN. Depuis le séisme, le Premier ministre a principalement consacré ses efforts pour trouver des solutions sur la centrale, mais après cette expérience, de quelle manière vous voulez revoir la politique énergétique ? Lors de l'entretien avec le Secrétaire général du Parti communiste, vous avez, je crois, évoqué une révision de la politique énergétique, mais je voudrais savoir un peu plus concrètement de quelle manière vous voulez revoir cette politique. Par ailleurs, il faut également parler de la reconstruction et du rétablissement du pays, il faut s'organiser pour cela. Comment allez-vous organiser les structures et les ministres pour y faire face ?
Également une question qui s'adresse à M. SARKOZY : la France est connue pour être un pays très avancé en matière de nucléaire, un pays qui est capable de nous fournir beaucoup d'expertise et de conseils, mais après cet accident, dans le monde, il y a une certaine méfiance qui se développe. Au sein du G8 et du G20, vous avez dit que vous allez travailler pour établir des normes de sécurité internationale. Mais d'après vous, quelle est la priorité, quelle est l'action prioritaire qu'il faudrait prendre dans ce contexte ?
M. NAOTO KAN - Ce que j'ai fait pendant ces trois semaines, après le séisme et le tsunami. Il y avait des sinistrés, il fallait sauver ces sinistrés, une vie de plus pour sauver et apporter le maximum de soutien à ces sinistrés.
C'était la priorité des priorités et en même temps, il y a eu cet accident qui est survenu à la centrale nucléaire. Je devais travailler sur ces deux fronts.
Je ne veux pas que vous pensiez que j'ai travaillé uniquement pour trouver des solutions pour la centrale nucléaire. Dans ce contexte, en ce qui concerne l'accident de la centrale, la gravité était évidente dès le premier moment, je l'ai tout de suite reconnu, et c'est pourquoi j'ai voulu m'investir autant que possible pour faire face à ce problème autant que pour sauver les sinistrés.
Vous avez parlé de la révision de la politique énergétique, mais pour le moment, il faut d'abord travailler pour enrailler les dégâts que pourrait poser la centrale. Il faut déployer tous nos efforts pour résoudre ce problème de l'accident, et lorsque nous allons arriver à une étape plus stabilisée, il faudra à ce moment-là commencer le travail d'analyse et mener une réflexion sur les raisons qui nous ont conduits à cela. C'est après cette analyse et cette vérification qu'on pourra trouver des solutions. D'ailleurs, nous en avons discuté avec M. SARKOZY £ il faudrait, je pense, lancer un débat et une discussion internationale sur ce qui aura pu causer cet accident. Et dans notre politique énergétique, nous voulons intégrer la réflexion qui aura été menée sur cet accident et nous devons reprendre la discussion pour revoir la politique énergétique du Japon.
En ce qui concerne le problème du rétablissement, de la reconstruction de notre pays : étant donné que nous sommes le 31 mars, que c'est la fin de l'exercice budgétaire et que demain est le premier jour de la nouvelle année fiscale, nous avons pu voter le collectif budgétaire pour l'exercice suivant. Mais entre le moment où nous avons proposé le projet de loi des finances et maintenant, il y a eu beaucoup de choses, la priorité n'est plus la même. C'est pourquoi il faudra passer du soutien aux sinistrés vers la voie de reconstruction, il faudrait donc tracer un chemin pour aller dans ce sens.
Au mois d'avril, nous allons essayer de faire des travaux de déblayage. Il faudra voter un autre collectif budgétaire pour cela et en même temps, pour préparer la reconstruction, nous allons recevoir différentes propositions d'experts, mettre en place des commissions ou des groupes de travail avec ces experts pour examiner les voies de reconstruction. D'ailleurs, nous avons déjà commencé à travailler dans ce sens £ dès demain, j'assisterai à une conférence de presse et peut-être, demain, je pourrai vous en dire un peu plus à ce sujet.
LE PRESIDENT - Ecoutez, pour nous, Madame, c'est le retour d'expérience sur ce qui s'est passé au Japon. Notre devoir à nous qui avons fait le choix du nucléaire, il y a bien longtemps, choix que nous confirmons, c'est d'assurer les normes de sûreté les plus importantes au monde. Donc nous avons décidé d'avoir un retour d'expérience sur ce que vous avez vécu et de l'appliquer à un audit systématique de toutes nos centrales en France. Et les centrales qui ne passeront pas le test de cet audit, alors elles seront fermées.
Pour nous, le choix est simple : le nucléaire et la sûreté. Et le monde entier doit comprendre que le nucléaire n'est possible qu'avec des normes de sureté et de sécurité exceptionnelles. C'est le choix qu'a fait la France il y a bien des années et c'est le choix que nous confirmons.
QUESTION - Avec mes collègues, je voudrais présenter au Premier ministre KAN les condoléances de tout le monde pour les difficultés et la douleur des Japonais. Je voulais vous poser quand même une question après cette catastrophe, Monsieur le Ministre. Vous considérez que le nucléaire a un avenir ou pas ? Et comment vous pouvez rétablir ou non la confiance de la population après les critiques qu'il y a eu sur le manque de transparence et sur l'usage du nucléaire par des entreprises privées ?
A Monsieur le Président SARKOZY : vous voulez des normes internationales, mais est-ce que ces normes internationales doivent être les mêmes dans un pays comme le Japon, qui est sur zone sismique soumise à tsunami, ou dans des pays plus calmes comme, par exemple, la France ? Merci.
M. NAOTO KAN - Je voudrais tout d'abord vous remercier pour la sympathie que vous avez bien voulu nous manifester. L'accident que nous avons connu cette fois-ci est le plus grave, le plus dur que nous ayons jamais connu. Pourquoi sommes-nous arrivés à cet état-là, à cette gravité ? Eh bien, il faut l'examiner à fond. Après cette analyse poussée, il faut mener une réflexion sur les modalités d'utilisation de l'énergie nucléaire. Pour l'humanité, l'énergie nucléaire est en quelque sorte un fruit de la sagesse de l'être humain, mais en même temps, cette énergie peut aussi provoquer des accidents comme celui-ci. Aussi il faudra faire en sorte qu'il n'y ait plus d'accidents provoqués par l'utilisation de l'énergie nucléaire. Il faut que le nucléaire atteigne un niveau de sécurité maximum tant au Japon qu'au niveau international.
Vous avez parlé de l'entreprise privée. En effet, au Japon, les compagnies d'électricité japonaises ont la forme de sociétés privées. Pour le moment, étant donné que nous n'avons pas encore réussi à résoudre le problème de la centrale, nous pensons qu'il est trop prématuré de discuter des modalités, du statut de ces exploitants, mais lorsque nous en aurons terminé avec cet accident, nous allons peut-être examiner le statut de ces exploitants, y compris le devenir, la survie de ces exploitants.
LE PRESIDENT - Ce seront aux autorités indépendantes et aux experts, ce sera à eux de déterminer la norme internationale, et si cette norme doit être renforcée dans certaines situations géographiques ou climatiques, c'est à eux de le dire Ce que nous, nous souhaitons, c'est qu'il y ait une norme internationale, parce que la planète - pas simplement du fait de la mondialisation - mais, parce que la planète est un village, ce qui se produit ici, au Japon, peut avoir des conséquences ailleurs, et donc ce n'est pas simplement la question de tel pays, c'est la question de la sécurité du monde. Peut-être que ces experts détermineront des normes plus importantes en fonction de risques sismiques ou climatiques.
J'attire votre attention sur le fait que le problème qui s'est passé vient non pas du tremblement de terre mais du tsunami, non pas du nucléaire mais de la vague qui a détruit le système de générateurs destiné à refroidir l'eau. Le bâtiment a résisté au tremblement de terre. Les moteurs, le Premier ministre me le disait, se sont coupés, les réacteurs se sont coupés automatiquement quand il y a eu le drame et puis il y a eu ce tsunami. Effectivement, nous devons revoir nos protections au regard du risque tsunami. Je le dis au Japon, et comment n'y aurait-il pas une émotion intense, au Japon comme ailleurs, d'ailleurs ! Mais nous devons regarder tout ceci avec sang-froid pour qu'une telle catastrophe ne puisse pas se reproduire. Et en même temps, tenir compte du fait que tous, nous avons pris des engagements de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, tous. Et pour remplir ces engagements, il n'y a pas 150 solutions, il y a l'énergie nucléaire.
Voyez-vous, dans mon esprit, je le dis et je le dis au Japon, le problème est plus un problème d'élévation des normes de sûreté, que le problème du choix d'une énergie nucléaire pour laquelle il n'y a pas d'alternative à l'heure actuelle, compte tenu de l'importance qu'elle a prise dans un certain nombre de pays développés. La France elle-même a pris des engagements - je parle sous le contrôle de Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET - très importants de développement des énergies renouvelables. Nous-mêmes, Monsieur le Premier ministre, nous n'avons pas fait le choix que du nucléaire, nous avons fait le choix du nucléaire et des énergies renouvelables.
Je le dis : en mobilisant toute notre volonté au service des énergies renouvelables, nous ne compensons pas, et nous ne compenserons pas, ce cas même d'énergie nucléaire. La question, me semble-t-il, c'est plutôt la sûreté, c'est le nucléaire et la sûreté, parce que si demain on devait décider d'arrêter toutes les centrales nucléaires qui fonctionnent dans le monde, par quelle énergie le remplacerons-nous ? Et comme vous l'avez dit vous-même, les centrales n'ont pas le même âge, ce n'est pas les mêmes technologies. Je voudrais dire que les dernières centrales que nous construisons en France, les centrales EPR avec la double coque notamment, ont un niveau de sûreté bien supérieur encore à ce qui était construit il y a 40 ans. C'est vraiment un audit dont nous avons besoin, mais nous, Monsieur le Premier ministre, l'audit que nous allons faire, ce n'est pas tant sur le choix du nucléaire, qui est un choix qui a été confirmé depuis des décennies - et d'ailleurs, est-ce vraiment un choix ? Y a-t-il une autre solution ? -, c'est le retour d'expérience sur ce que vous avez connu, vous Japonais, pour assurer une sûreté maximale. Le débat doit porter sur la question de la sûreté. Je crois que c'est là où le débat pourrait être le plus utile.
Je vous remercie.
Nous allons donc commencer la conférence conjointe des deux chefs d'État et du gouvernement de la France et du Japon.
Nous allons tout d'abord demander à Monsieur KAN d'intervenir.
M. NAOTO KAN - Monsieur le Président de la République française, M. SARKOZY, est venu au Japon au moment où nous souffrons de séismes et des dégâts de la centrale nucléaire. Nous sommes très heureux de l'accueillir et nous sommes très touchés qu'il ait voulu nous exprimer la solidarité internationale. Je voudrais donc le remercier profondément et je suis très heureux de l'accueillir. Monsieur le Président nous a dit que le peuple japonais vivait une situation très difficile, l'épreuve la plus dure depuis 1945. Il nous a dit que notre peuple japonais y fait face avec beaucoup de courage. Le président nous a dit qu'il saluait ce courage des Japonais et il nous a également assuré que le Japon pourra certainement être ressuscité. Pour ma part, je lui ai parlé de la situation du tsunami, des séismes et également de ce qui se passe à la centrale de Fukushima, et nous avons pu effectuer échanger à ce sujet. Dans ce contexte, Monsieur le Président SARKOZY nous a dit que pour la réunion à Deauville du G8, il souhaitait me passer la parole au début, pour que je puisse intervenir sur le sujet de l'accident de la centrale nucléaire, et que ce thème serait inscrit à l'ordre du jour. C'était la proposition de M. SARKOZY et j'ai répondu que je serais très heureux qu'il en soit ainsi.
M. SARKOZY m'a également proposé de me rendre en visite officielle avant le sommet, mais vu la situation actuelle, je lui ai dit que je voudrais voir quelle sera la situation à ce moment-là avant de lui répondre. En même temps que le G8, au mois de mai, aura lieu la réunion du G20 au sein duquel nous souhaitons aussi avoir des occasions de discuter du problème nucléaire. Egalement, au mois de juin, au sein de l'AIEA, le président nous a proposé de discuter de la sécurité en matière nucléaire. En effet, l'expérience que nous avons connue au Japon dans ce domaine est une épreuve très dure, mais pour que cela ne se reproduise plus, il faut diffuser les informations de manière très précise aux autres pays du monde. Nous pensons que c'est un devoir qui nous incombe, c'est pourquoi nous serons très favorables à ce qu'il y ait une discussion sur les normes de sécurité de toutes les centrales nucléaires dans le monde et nous accueillons favorablement la proposition du président de la République. Ce que nous devons faire, c'est mettre à plat pour nos interlocuteurs toute l'expérience que nous avons.
Egalement, la France étant connue comme très avancée dans le domaine nucléaire, y compris dans le domaine des robots et des matériels aussi, elle a bien voulu nous apporter un soutien. Nous avons déjà reçu beaucoup d'aide mais nous allons pouvoir également bénéficier de l'expertise et du matériel qui proviennent de la France. Nous voulons donc discuter de ce sujet avec la France.
Non seulement nous avons parlé du problème du séisme, mais il y a aussi le problème de l'accord entre le Japon et l'Union européenne. Nous voulons remercier le président de la République pour sa position très favorable pour promouvoir cet accord. En tout cas, nous voulons souligner que nous sommes sur la même position. Il nous a parlé d'un proverbe : « Quand il pleut, un ami qui vient un jour de pluie, c'est un véritable ami ». C'est pour dire combien nous sommes reconnaissants de la visite de Monsieur le Président de la République qui a bien voulu venir dans une telle situation.
LE PRESIDENT - Monsieur le Premier ministre, je voudrais dire au peuple japonais combien la France se sent proche de lui, combien les Français ont admiré la dignité, le courage et la solidarité des Japonais devant la plus grande catastrophe depuis 1945. Les images de votre pays martyrisé, Monsieur le Premier ministre, ont fait le tour du monde mais elles ont bouleversé mes compatriotes. Le Japon est un pays qui, lorsqu'il y a une catastrophe dans le monde, c'est le pays qui est le plus généreux et le plus réactif. Le monde le sait, le monde connaît cette générosité. Eh bien aujourd'hui, c'est au monde de vous rendre cette générosité et cette solidarité. Le Japon doit savoir qu'il n'est pas seul dans cette catastrophe, que tous les pays du G20, que la France préside pour cette année, sont à la disposition du Japon pour lui manifester concrètement notre solidarité.
Avec le Premier ministre - d'abord, je veux le remercier de l'analyse très lucide qu'il nous a présentée de la situation au sujet de la centrale de Fukushima. La France propose au Japon de fournir des robots qui permettent d'intervenir en zone contaminée. La France propose son expertise et son expérience s'agissant du démantèlement de centrales, des mesures de radioactivité, et nos équipes travaillent en ce moment-même pour renforcer cette solidarité. Et Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, qui restera jusqu'à samedi au Japon, est chargée de prendre contact avec ses homologues, membres de votre gouvernement, Monsieur le Premier ministre, pour que l'aide concrète de la France soit la plus efficiente.
S'agissant du G8, j'ai proposé au Premier ministre japonais d'être le premier à prendre la parole et nous préparerons une déclaration des chefs d'États et de gouvernement du G8 sur le nucléaire, en accord avec nos amis Japonais. Par ailleurs, il faut remédier à cette incongruité qu'il n'existe pas de normes internationales de sûreté en matière nucléaire. La France a proposé, et je remercie le Premier ministre de l'avoir accepté, que soient réunies à Paris, par Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, l'ensemble des autorités indépendantes de sûreté nucléaire des pays du G20 pour préparer, fournir des éléments à la réunion très utile de l'AIEA qui se tiendra au mois de juin. Il n'y a pas opposition entre le travail du G20 et le travail du G8, et au contraire complémentarité. Ce qui compte, c'est qu'avant la fin de l'année, il y ait des normes internationales de sûreté.
Voilà, Mesdames et Messieurs, j'aurais préféré venir au Japon dans d'autres conditions, mais il m'a semblé, en tant que président du G20, de mon devoir d'apporter la solidarité, le témoignage de solidarité des 19 autres pays membres du G20. Ce n'est donc pas simplement la France mais les 19 autres pays du G20 qui disent au Japon notre confiance dans l'avenir. Vous vous relèverez de cette catastrophe, plus forts encore.
Et puis je voudrais terminer en disant combien nous avons été bouleversés par l'héroïsme de vos sauveteurs, et la solidarité de tous ceux qui, ayant tout perdu, ont trouvé le moyen de se mettre à la disposition de leurs compatriotes.
Sachez, mes chers amis Japonais, que dans cette catastrophe épouvantable, le monde vous regarde et le monde vous admire.
Les images que nous avons reçues ont profondément choqué l'esprit cartésien et l'esprit raisonnable des Français. Ce déchaînement de la nature dont vous avez été la victime a bouleversé à la fois par l'émotion et en même temps par la raison, on se demandait si cela était possible, une telle violence et un tel déchaînement. Et au fond, cela doit nous conduire à faire preuve de beaucoup d'humilité devant la force de la nature, qu'il convient de ne pas opposer au progrès. Mais nous devons regarder tout ceci avec lucidité et en tirer toutes les conséquences, cela sera notre devoir.
Merci, Monsieur le Premier ministre.
QUESTION - Une question à M. KAN. Depuis le séisme, le Premier ministre a principalement consacré ses efforts pour trouver des solutions sur la centrale, mais après cette expérience, de quelle manière vous voulez revoir la politique énergétique ? Lors de l'entretien avec le Secrétaire général du Parti communiste, vous avez, je crois, évoqué une révision de la politique énergétique, mais je voudrais savoir un peu plus concrètement de quelle manière vous voulez revoir cette politique. Par ailleurs, il faut également parler de la reconstruction et du rétablissement du pays, il faut s'organiser pour cela. Comment allez-vous organiser les structures et les ministres pour y faire face ?
Également une question qui s'adresse à M. SARKOZY : la France est connue pour être un pays très avancé en matière de nucléaire, un pays qui est capable de nous fournir beaucoup d'expertise et de conseils, mais après cet accident, dans le monde, il y a une certaine méfiance qui se développe. Au sein du G8 et du G20, vous avez dit que vous allez travailler pour établir des normes de sécurité internationale. Mais d'après vous, quelle est la priorité, quelle est l'action prioritaire qu'il faudrait prendre dans ce contexte ?
M. NAOTO KAN - Ce que j'ai fait pendant ces trois semaines, après le séisme et le tsunami. Il y avait des sinistrés, il fallait sauver ces sinistrés, une vie de plus pour sauver et apporter le maximum de soutien à ces sinistrés.
C'était la priorité des priorités et en même temps, il y a eu cet accident qui est survenu à la centrale nucléaire. Je devais travailler sur ces deux fronts.
Je ne veux pas que vous pensiez que j'ai travaillé uniquement pour trouver des solutions pour la centrale nucléaire. Dans ce contexte, en ce qui concerne l'accident de la centrale, la gravité était évidente dès le premier moment, je l'ai tout de suite reconnu, et c'est pourquoi j'ai voulu m'investir autant que possible pour faire face à ce problème autant que pour sauver les sinistrés.
Vous avez parlé de la révision de la politique énergétique, mais pour le moment, il faut d'abord travailler pour enrailler les dégâts que pourrait poser la centrale. Il faut déployer tous nos efforts pour résoudre ce problème de l'accident, et lorsque nous allons arriver à une étape plus stabilisée, il faudra à ce moment-là commencer le travail d'analyse et mener une réflexion sur les raisons qui nous ont conduits à cela. C'est après cette analyse et cette vérification qu'on pourra trouver des solutions. D'ailleurs, nous en avons discuté avec M. SARKOZY £ il faudrait, je pense, lancer un débat et une discussion internationale sur ce qui aura pu causer cet accident. Et dans notre politique énergétique, nous voulons intégrer la réflexion qui aura été menée sur cet accident et nous devons reprendre la discussion pour revoir la politique énergétique du Japon.
En ce qui concerne le problème du rétablissement, de la reconstruction de notre pays : étant donné que nous sommes le 31 mars, que c'est la fin de l'exercice budgétaire et que demain est le premier jour de la nouvelle année fiscale, nous avons pu voter le collectif budgétaire pour l'exercice suivant. Mais entre le moment où nous avons proposé le projet de loi des finances et maintenant, il y a eu beaucoup de choses, la priorité n'est plus la même. C'est pourquoi il faudra passer du soutien aux sinistrés vers la voie de reconstruction, il faudrait donc tracer un chemin pour aller dans ce sens.
Au mois d'avril, nous allons essayer de faire des travaux de déblayage. Il faudra voter un autre collectif budgétaire pour cela et en même temps, pour préparer la reconstruction, nous allons recevoir différentes propositions d'experts, mettre en place des commissions ou des groupes de travail avec ces experts pour examiner les voies de reconstruction. D'ailleurs, nous avons déjà commencé à travailler dans ce sens £ dès demain, j'assisterai à une conférence de presse et peut-être, demain, je pourrai vous en dire un peu plus à ce sujet.
LE PRESIDENT - Ecoutez, pour nous, Madame, c'est le retour d'expérience sur ce qui s'est passé au Japon. Notre devoir à nous qui avons fait le choix du nucléaire, il y a bien longtemps, choix que nous confirmons, c'est d'assurer les normes de sûreté les plus importantes au monde. Donc nous avons décidé d'avoir un retour d'expérience sur ce que vous avez vécu et de l'appliquer à un audit systématique de toutes nos centrales en France. Et les centrales qui ne passeront pas le test de cet audit, alors elles seront fermées.
Pour nous, le choix est simple : le nucléaire et la sûreté. Et le monde entier doit comprendre que le nucléaire n'est possible qu'avec des normes de sureté et de sécurité exceptionnelles. C'est le choix qu'a fait la France il y a bien des années et c'est le choix que nous confirmons.
QUESTION - Avec mes collègues, je voudrais présenter au Premier ministre KAN les condoléances de tout le monde pour les difficultés et la douleur des Japonais. Je voulais vous poser quand même une question après cette catastrophe, Monsieur le Ministre. Vous considérez que le nucléaire a un avenir ou pas ? Et comment vous pouvez rétablir ou non la confiance de la population après les critiques qu'il y a eu sur le manque de transparence et sur l'usage du nucléaire par des entreprises privées ?
A Monsieur le Président SARKOZY : vous voulez des normes internationales, mais est-ce que ces normes internationales doivent être les mêmes dans un pays comme le Japon, qui est sur zone sismique soumise à tsunami, ou dans des pays plus calmes comme, par exemple, la France ? Merci.
M. NAOTO KAN - Je voudrais tout d'abord vous remercier pour la sympathie que vous avez bien voulu nous manifester. L'accident que nous avons connu cette fois-ci est le plus grave, le plus dur que nous ayons jamais connu. Pourquoi sommes-nous arrivés à cet état-là, à cette gravité ? Eh bien, il faut l'examiner à fond. Après cette analyse poussée, il faut mener une réflexion sur les modalités d'utilisation de l'énergie nucléaire. Pour l'humanité, l'énergie nucléaire est en quelque sorte un fruit de la sagesse de l'être humain, mais en même temps, cette énergie peut aussi provoquer des accidents comme celui-ci. Aussi il faudra faire en sorte qu'il n'y ait plus d'accidents provoqués par l'utilisation de l'énergie nucléaire. Il faut que le nucléaire atteigne un niveau de sécurité maximum tant au Japon qu'au niveau international.
Vous avez parlé de l'entreprise privée. En effet, au Japon, les compagnies d'électricité japonaises ont la forme de sociétés privées. Pour le moment, étant donné que nous n'avons pas encore réussi à résoudre le problème de la centrale, nous pensons qu'il est trop prématuré de discuter des modalités, du statut de ces exploitants, mais lorsque nous en aurons terminé avec cet accident, nous allons peut-être examiner le statut de ces exploitants, y compris le devenir, la survie de ces exploitants.
LE PRESIDENT - Ce seront aux autorités indépendantes et aux experts, ce sera à eux de déterminer la norme internationale, et si cette norme doit être renforcée dans certaines situations géographiques ou climatiques, c'est à eux de le dire Ce que nous, nous souhaitons, c'est qu'il y ait une norme internationale, parce que la planète - pas simplement du fait de la mondialisation - mais, parce que la planète est un village, ce qui se produit ici, au Japon, peut avoir des conséquences ailleurs, et donc ce n'est pas simplement la question de tel pays, c'est la question de la sécurité du monde. Peut-être que ces experts détermineront des normes plus importantes en fonction de risques sismiques ou climatiques.
J'attire votre attention sur le fait que le problème qui s'est passé vient non pas du tremblement de terre mais du tsunami, non pas du nucléaire mais de la vague qui a détruit le système de générateurs destiné à refroidir l'eau. Le bâtiment a résisté au tremblement de terre. Les moteurs, le Premier ministre me le disait, se sont coupés, les réacteurs se sont coupés automatiquement quand il y a eu le drame et puis il y a eu ce tsunami. Effectivement, nous devons revoir nos protections au regard du risque tsunami. Je le dis au Japon, et comment n'y aurait-il pas une émotion intense, au Japon comme ailleurs, d'ailleurs ! Mais nous devons regarder tout ceci avec sang-froid pour qu'une telle catastrophe ne puisse pas se reproduire. Et en même temps, tenir compte du fait que tous, nous avons pris des engagements de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, tous. Et pour remplir ces engagements, il n'y a pas 150 solutions, il y a l'énergie nucléaire.
Voyez-vous, dans mon esprit, je le dis et je le dis au Japon, le problème est plus un problème d'élévation des normes de sûreté, que le problème du choix d'une énergie nucléaire pour laquelle il n'y a pas d'alternative à l'heure actuelle, compte tenu de l'importance qu'elle a prise dans un certain nombre de pays développés. La France elle-même a pris des engagements - je parle sous le contrôle de Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET - très importants de développement des énergies renouvelables. Nous-mêmes, Monsieur le Premier ministre, nous n'avons pas fait le choix que du nucléaire, nous avons fait le choix du nucléaire et des énergies renouvelables.
Je le dis : en mobilisant toute notre volonté au service des énergies renouvelables, nous ne compensons pas, et nous ne compenserons pas, ce cas même d'énergie nucléaire. La question, me semble-t-il, c'est plutôt la sûreté, c'est le nucléaire et la sûreté, parce que si demain on devait décider d'arrêter toutes les centrales nucléaires qui fonctionnent dans le monde, par quelle énergie le remplacerons-nous ? Et comme vous l'avez dit vous-même, les centrales n'ont pas le même âge, ce n'est pas les mêmes technologies. Je voudrais dire que les dernières centrales que nous construisons en France, les centrales EPR avec la double coque notamment, ont un niveau de sûreté bien supérieur encore à ce qui était construit il y a 40 ans. C'est vraiment un audit dont nous avons besoin, mais nous, Monsieur le Premier ministre, l'audit que nous allons faire, ce n'est pas tant sur le choix du nucléaire, qui est un choix qui a été confirmé depuis des décennies - et d'ailleurs, est-ce vraiment un choix ? Y a-t-il une autre solution ? -, c'est le retour d'expérience sur ce que vous avez connu, vous Japonais, pour assurer une sûreté maximale. Le débat doit porter sur la question de la sûreté. Je crois que c'est là où le débat pourrait être le plus utile.
Je vous remercie.