30 mars 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les relations franco-chinoises, à Pékin le 30 mars 2011.

Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,
Monsieur le Premier ministre,
Cher Jean-Pierre,
Madame,
C'est donc ma cinquième visite en Chine depuis mon accession à la Présidence de la République, quelques mois après la visite d'État particulièrement réussie du Président HU Jintao en France, et moins d'un an après ma visite pour l'ouverture de l'Exposition universelle de Shanghai. J'aurai tout à l'heure le plaisir de m'entretenir avec le Président HU Jintao des principaux dossiers qui intéressent nos deux pays. Mais auparavant, je suis très heureux d'inaugurer la nouvelle ambassade de France en Chine, même si j'ai compris, Madame, que vous n'avez pas encore pris possession des bureaux.
Quel plus beau symbole que de refonder ce qui constitue le cur même de notre relation ? L'histoire de cette ambassade épouse celle des relations franco-chinoises, elle est le signe d'une amitié sans pareille dans le monde.
1964, la France, premier pays occidental à reconnaître la République populaire de Chine en décidant un échange d'ambassadeurs. Le général de GAULLE avait alors salué, je le cite, « la profonde gestation qui se produit dans l'énorme Chine et qui la destine à un rôle mondial de premier plan ». 1964, nous sommes aujourd'hui au XXIe siècle, chacun peut juger de ce propos visionnaire : la Chine est l'un des principaux acteurs sur la scène internationale et la Chine est devenue la deuxième économie du monde. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que la Chine soit pleinement associée aux travaux de la présidence française du G20. Avec les autorités chinoises, nous organisons demain à Nankin un séminaire pour réfléchir à une réforme du système monétaire international.
L'amitié, encore, depuis qu'en 2009, M. Jean-Pierre RAFFARIN, grand témoin de l'amitié franco-chinoise, a posé la première pierre de cette ambassade.
Je souhaite qu'avec cette inauguration s'ouvre un nouveau chapitre des relations franco-chinoises.
La nouvelle ambassade se devait d'être un projet inédit.
C'est la première fois que la France conçoit sa propre implantation en Chine populaire. Le pari est réussi, grâce au talent de l'architecte Alain SARFATI, qui a proposé un projet ambitieux, moderne, respectueux de l'environnement. Ce magnifique bâtiment offre à la France une véritable vitrine au cur de la nouvelle zone diplomatique de la capitale chinoise.
Cette ambassade, mes chers compatriotes, est désormais la maison des Français de Chine, c'est donc la vôtre.
Plus de 2 000 implantations témoignent de la présence des entreprises françaises en Chine.
On oppose parfois de manière caricaturale le commerce réalisé avec la Chine depuis la France et les investissements français en Chine. Dans la majorité des cas, lorsqu'une entreprise française vient s'implanter en Chine, cela ne la conduit pas à fermer des usines ni à supprimer des emplois en France. C'est bien plutôt l'opportunité de s'ouvrir à de nouveaux marchés. Votre présence, mes chers compatriotes, ici est indispensable, pour s'inscrire dans les perspectives du marché chinois et participer à la compétition économique qui s'y joue. Non seulement il est indispensable que vous soyez ici, parce que comment les entreprises françaises ne pourraient-elles pas être présentes sur le marché de la deuxième économie du monde ? Mais votre présence est indispensable parce qu'ici, vos entreprises, vos collaborateurs découvrent la réalité de l'économie mondiale, de celle de demain, pas de celle d'hier. Et être ici en Chine, c'est pour nous apprendre à comprendre le monde d'aujourd'hui.
Alors certains craignent que le succès de la Chine ne se construise contre le succès de la France. Vous qui représentez les entreprises françaises, n'hésitez donc jamais à expliquer l'impact positif que vos activités en Chine peuvent avoir sur la croissance et l'emploi en France.
J'ai évoqué l'alliance de la raison et du cur pour qualifier la relation franco-chinoise. Les années linguistiques croisées qui vont débuter très prochainement, la multiplicité de nos projets culturels, comme par exemple la présence à Pékin à l'automne, pour la première fois, chère Muriel MAYETTE, de la Comédie française. Et comme je suis content que la Comédie française soit à Pékin ! Pour moi, c'est un projet - je le dis au ministre -, c'est un projet qui me tient très à cur, d'abord parce que j'aime beaucoup Muriel MAYETTE, elle le sait, mais parce que la Comédie française, son rôle, c'est de rayonner dans le monde entier.
Enfin, c'est pour vous tous ici, mes chers compatriotes, vous qui avez fait le choix de venir vous installer en Chine, que cette année inaugure un renouveau.
Je sais combien le fait de s'expatrier demande de la ténacité. Mais vos familles ne doivent pas en souffrir de vos choix. Je mesure combien, à l'étranger, le lycée français international symbolise le cur de la communauté française pour les familles, les élus, les enseignants, et les entreprises.
Cette année sera lancé le chantier du nouveau lycée français international de Pékin. J'y attache un très grand prix. Il y a 2 ans, un appel à candidature avait permis de sélectionner le projet de l'architecte français Jacques FERRIER, à qui nous devons le magnifique Pavillon français de l'Exposition universelle de Shanghai. Je sais combien ce nouveau lycée français international vous tient à cur. Sachez - je le dis aux autorités chinoises - que pour nous, c'est une priorité, car comment imaginer que la communauté française en Chine puisse se développer si nous ne vous donnons pas les moyens d'avoir pour vos familles, pour vos enfants, un établissement digne des attentes de la communauté ?
Le rayonnement de la France, vous en êtes les acteurs. La communauté française en Chine progresse à un rythme rapide. Près de 30 000 Français sont inscrits au registre des Français établis en Chine, probablement 40 000 en incluant les non-inscrits.
Je voudrais vous dire, mes chers compatriotes, que vous n'êtes pas les seuls dans l'aventure de l'expatriation. Vous allez avoir, d'ici un peu plus d'un an, à faire un geste civique qui n'a jamais été donné aux Français de l'étranger puisque, maintenant, vous serez représentés par des députés des Français de l'étranger. J'ai pensé qu'il n'était pas normal que 2 100 000 Français qui vivent à l'étranger ne soient pas représentés. 2 100 000 Français, c'est l'équivalent de la population de Paris. C'est comme si tous les Parisiens n'étaient pas représentés à l'Assemblée nationale. Eh bien désormais, vous serez représentés par l'intermédiaire de 21 députés et je suis très heureux que vous puissiez l'année prochaine, en 2012, voter pour ceux qui vous représenteront à l'Assemblée nationale.
Je veux également vous dire que dans cette aventure qu'est l'expatriation, je tiens beaucoup à ce que l'on continue à assurer le respect de mes engagements de campagne : c'est la gratuité des études pour les Français expatriés. Je ne comprends pas, et je n'ai jamais compris pourquoi, lorsqu'on est en métropole et lorsqu'on va dans un lycée public, les études y sont gratuites et lorsqu'on est à l'étranger et qu'on participe au rayonnement de la France, on doit payer des frais de scolarité extrêmement importants. Donc, nous avons commencé, puisque désormais la Terminale, la 1ère et la 2nde sont gratuites. Je pense que ce n'est pas aux entreprises de payer ces frais-là. Je pense que c'est l'égalité qui est au frontispice de tous nos établissements publics qui doit être respectée. On me dit : « pourquoi avez-vous commencé par la Terminale, pas par la Maternelle ? ». Il faut bien commencer par un coin ! J'ai pensé que si j'avais commencé par la Maternelle, on m'aurait dit « oui, parce que là, c'est moins cher, un enfant à la Maternelle, qu'un enfant en Terminale ! ». Connaissant et respectant nos compatriotes, j'ai donc choisi comme convenance par la Terminale et, naturellement, on continuera ainsi.
Enfin, les derniers mots seront pour vous dire : ici, ce qu'ont fait nos amis Chinois pour transformer la Chine, c'est extraordinaire. Extraordinaire. Cela ne veut pas dire que tout est parfait. Cela ne veut pas dire que nous sommes d'accord sur tout, mais quel chemin parcouru !
On me dit : « pourquoi, venez-vous si souvent en Chine ? ». Parce que c'est mon devoir, c'est un plaisir et c'est mon devoir. La France doit être là où bat le cur du monde au XXIe siècle. Elle ne doit pas être absente de cela. Vous comprendrez bien que vous avez, vous mes chers compatriotes français en Chine, un rôle très important pour expliquer aux Français, dans leur ensemble, quelle est la réalité du monde d'aujourd'hui, la compétition, le travail, l'exigence, les efforts, l'ouverture. Dans ce monde-là, la France ne peut pas moins travailler, faire moins d'efforts, plus se refermer alors que le monde s'ouvre. C'est cela qui est en cause.
Je le dis parce que j'avais trouvé que les Jeux olympiques de Pékin étaient une réussite exceptionnelle. Exceptionnelle. D'ailleurs, souvenez-vous, où se trouvent les polémiques ? Nombreux avaient dit : « il faut boycotter ». J'avais refusé et j'étais venu. J'avais vu une fête magnifique organisée de façon exceptionnelle par nos amis Chinois. Cela restera pour moi un grand souvenir. Et ensuite l'Exposition universelle. Que le Pavillon français, pour lequel on s'était donné beaucoup de mal, cher Jean-Pierre RAFFARIN, ait été l'un des pavillons les plus visités, c'était exceptionnel aussi.
Comprenez-moi bien : encore une fois, cela ne veut pas dire que - les autorités chinoises le savent -, que nous sommes d'accord sur tout, mais cela veut dire que nous avons l'obligation de discuter pour se comprendre et pour faire avancer les choses. En tout cas la France, présidente du G20, a besoin de la participation de la Chine pour faire avancer tous les grands dossiers qui vous concernent, vous les chefs d'entreprise, vous les entrepreneurs : le prix des matières premières qui explose - il faut lutter contre la spéculation -, l'instabilité monétaire qui risque de réduire à néant les efforts de compétitivité que vous faites les uns avec les autres, la paix dans le monde. On ne peut pas, on ne peut pas faire comme si le monde d'aujourd'hui ressemblait au monde d'hier. On doit discuter. On doit parler. Le partenariat stratégique entre la France et la Chine est quelque chose à laquelle je tiens tout particulièrement.
Voilà, merci de m'avoir permis de m'exprimer devant vous. Je disais à notre ambassadrice que cela donne envie d'être ambassadeur de France en Chine. Je la félicite et j'espère qu'elle se trouvera bien dans ce bâtiment, et je lui demande de veiller à ce que le chantier du lycée français à Pékin ne prenne aucun retard parce qu'une nouvelle ambassade, un nouveau lycée, une communauté française qui se développe, voilà tout ce que je souhaite pour vous.
Ce soir tard, je serai à Nankin et puis demain soir, j'irai à Tokyo porter l'expression de la solidarité de la France à l'endroit de nos amis Japonais qui ont été frappés par une catastrophe considérable et qui ont fait face à cette catastrophe avec dignité et avec courage.
Merci à tous.