7 février 2011 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, Bronislaw Komorowski, Président de la République de Pologne, et Mme Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d'Allemagne, sur les relations entre la France, l'Allemagne et la Pologne dans le cadre européen, à Varsovie le 7 février 2011.

M. BRONISLAW KOMOROWSKI -- Mesdames et Messieurs, je voudrais exprimer ma satisfaction du fait que, par des efforts communs, nous parvenions à renforcer la coopération entre la Pologne, l'Allemagne et la France dans le cadre du Triangle de Weimar.
C'est le 20ème anniversaire du Triangle de Weimar. Aujourd'hui il fonctionne à tous les niveaux. Nous avons des rencontres et des actions communes au niveau des ministres des Affaires étrangères, des ministres de la Défense, des Premiers ministres. Nous avons aussi des rencontres au niveau parlementaire. Je vous rappelle que lorsque j'étais Maréchal de la Diète, j'ai organisé la première rencontre des présidents des parlements allemand, français et polonais.
Aujourd'hui nous avons cette rencontre au sommet et c'est l'expression de notre aspiration commune à soutenir l'intégration européenne. Pour la Pologne, c'était important aussi pour notre prochaine présidence de l'Union européenne. Aujourd'hui nous avons parlé aussi bien des questions liées à ce qui se passe au sein de l'Union européenne dans le domaine de la lutte contre la crise, mais nous avons aussi parlé des priorités de la présidence polonaise, en particulier de la politique étrangère de sécurité et de défense. La Pologne se prononce pour l'approfondissement de cette politique et nous espérons que nous pourrons faire des progrès dans ce domaine lors de la présidence polonaise.
Autre question qui peut vous intéresser, c'est l'accord pour approfondir la coopération dans le domaine de la politique sociale.
Je tiens ici à mentionner notre volonté de soutenir les échanges de jeunes qui ont beaucoup fait pour les relations franco-allemandes. Nous voudrions que ce type de coopération fonctionne le mieux possible dans les relations entre la Pologne et l'Allemagne.
Nous avons aussi établi une coopération dans le domaine de la formation des diplomates, cela est aussi important dans le cadre des processus d'unification et de transmission de savoir, de capacité.
Nous avons aussi parlé de la possibilité de l'approfondissement de la coopération dans le cadre des instituts scientifiques qui étaient des instituts franco-allemand. Nous voudrions que cela embrasse aussi l'engagement polonais. Nous avons parlé aussi des perspectives de coopération de la télévision. A une certaine époque, il y a eu un accord de coopération entre ARTE et la télévision publique polonaise. Cette coopération a été rompue. Nous avons décidé dans la mesure du possible, après les changements à la télévision publique polonaise, de relancer cette coopération importante pour former l'image de nos pays, pour la transmission du savoir sur nos pays.
LE PRESIDENT -- Je voudrais dire à mon tour au président polonais mon grand plaisir d'être ici. Je me réjouis que la Pologne, dont j'ai toujours considéré qu'elle était un des grands pays d'Europe, veuille prendre toute sa place et jouer tout son rôle dans l'Union européenne, notamment dans le cadre de l'Europe de la défense qui est une priorité française. Et je veux dire combien nos convergences de vues avec la Pologne sur le sujet sont importantes dans ce monde instable. Dans ce monde dangereux l'Europe ne peut pas se permettre de baisser la garde et partant, les efforts faits par la Pologne pour assurer l'Europe de la Défense comme une de ses priorités dans le cadre de sa future présidence, sont particulièrement bienvenus.
Je voudrais également saluer le courage et la détermination du Président KOMOROWSKI dans son rapprochement, dans sa volonté de rapprochement entre la Pologne et la Russie. C'est extrêmement important et c'est tout à fait conforme avec les décisions que nous avions prises à Deauville avec la Chancelière MERKEL.
Enfin je veux souligner l'importance de la Pologne dans ses relations avec l'est de notre continent européen. Nos trois pays l'Allemagne, la Pologne et la France veulent développer la coopération entre l'Union européenne et ses voisins de l'est dans le cadre du partenariat oriental.
J'ajoute que j'approuve les propositions du président pour que le Triangle de Weimar ne s'incarne pas seulement pas des sommets, mais que les relations entre nos sociétés civiles, les relations entre les jeunes et même les projets pour associer nos amis polonais à ARTE -- les associer plus -- me semblent être des initiatives extrêmement pertinentes.
MME ANGELA MERKEL -- Je voudrais également remercier le président polonais, M. KOMOROWSKI, de nous avoir invités dans ce très beau château de Wilanow près de Varsovie. Nous avons accepté avec plaisir cette invitation pour discuter des dossiers que nous avons en commun entre nos trois pays.
C'est d'abord l'approfondissement de la coopération européenne et donc l'approfondissement des contacts avec nos voisins. Nous allons pleinement soutenir la Pologne lors de sa présidence européenne, en particulier sur les priorités fixées à l'égard de la Biélorussie, à l'égard de l'Ukraine, mais également à l'égard d'autres régions du partenariat oriental.
D'autre part, le triangle de Weimar n'existe pas seulement au niveau des chefs d'Etats et de gouvernement, mais les ministres des Affaires étrangères et les ministres de la Défense ont pris des initiatives communes intéressantes que nous soutenons pleinement. Du point de vue politique, Nicolas SARKOZY vient de souligner l'importance de la défense, l'Allemagne va tout à fait dans ce sens également.
Troisièmement, le triangle de Weimar peut avoir une grande importance à l'égard de nos sociétés civiles. Il existe un office germano-polonais de la jeunesse, un office franco-allemand de la jeunesse et nous nous félicitons de voir que ces offices de la jeunesse coopèrent entre nos trois pays. Il y a l'institut Genshagen qui était d'abord franco-allemand, auquel la Pologne doit être associée, ce qui permettra d'avoir des projets trilatéraux. Je me félicite qu'ARTE se voit dotée d'un pilier polonais pour que cela devienne une chaîne franco-germano-polonaise. Nous faisons de la formation commune de diplomates, nous avons des festivals de cinéma communs, ... Tout cela est extrêmement important pour que nos pays se rapprochent davantage, parce que c'est cela aussi l'Europe : des hommes et des femmes. Et là il y a un accord total entre nous.
Donc merci beaucoup pour qu'après pas mal de temps, nous ayons la possibilité de nous voir et d'avoir ces échanges. Nous aurons d'autres échanges politiques pendant le déjeuner tout à l'heure.
QUESTION -- Une question aux trois personnes. Avez-vous parlé du budget de l'Union et des futures perspectives financières ? Est-ce que Paris et Berlin sont prêts à soutenir les démarches polonaises afin de ne pas limiter ce budget et surtout les moyens structurels dont profite la Pologne, mais aussi la France à travers la politique agricole commune ?
M. BRONISLAW KOMOROWSKI -- Nous avons parlé d'argent, mais pas dans le cadre des futures perspectives financières, car actuellement nous attendons les propositions de la Commission européenne à ce sujet. C'est la preuve que le débat sur le budget, sur les priorités est en cours. Les attentes polonaises sont bien sûr liées à notre engagement pour renforcer la politique de cohésion.
MME ANGELA MERKEL -- Je suis absolument d'accord. Là nous attendons les propositions de la Commission et les trois pays que nous sommes, nous sommes de bons européens. Ce seront des négociations difficiles, certainement, mais nous voulons un accord et je crois que nous avons encore un peu de temps. Nous n'en avons pas parlé de façon détaillée aujourd'hui, nous avons simplement rappelé notre engagement à l'égard de l'Europe en la matière.
LE PRESIDENT -- Oui, je ne veux pas dire la même chose que mes deux collègues. Simplement chacun doit bien comprendre que comme nous sommes tous confrontés à la nécessité de réduire nos déficits, on ne peut pas agir avec le budget européen de façon totalement différente, qu'avec les budgets nationaux, le budget européen étant l'addition des budgets nationaux. Je m'en remets donc au courrier que j'avais signé en son temps avec Madame MERKEL et avec M. CAMERON.
QUESTION -- Madame la Chancelière, vendredi vous avez annoncé ce pacte de croissance et de compétitivité, mais vous avez explicitement invité les pays hors zone euro à rejoindre ce pacte. Quel est le rôle que peut jouer le Triangle de Weimar dans cette voie. C'est-à-dire, vous avez deux pays forts, membres de l'Euro et un pays qui n'est pas membre de l'Euro. Quel rôle avez-vous prévu pour la Pologne ?
MME ANGELA MERKEL -- Nous venons de discuter du fait que la Pologne a prévu dans sa législation un plafonnement des déficits. C'est un pays qui attache le plus grand sérieux à la rigueur budgétaire. La Pologne aspire à rejoindre l'euro et c'est pourquoi ce pacte de compétitivité a été conçu de telle façon que nous sommes prêts à inviter les pays qui veulent rejoindre ce pacte, mais qui n'ont pas encore l'euro aujourd'hui. Et en même temps nous avons également dit qu'il est possible que, le cas échéant, les pays de l'eurogroupe se réunissent entre eux pour discuter de certains problèmes spécifiques de l'euro qui ne concernent que les membres de l'euro. Cela s'était déjà produit lorsqu'il a fallu sauver le système bancaire. Aujourd'hui, nous allons peut-être le refaire. Mais le pacte de compétitivité est ouvert. Nous serions heureux que la Pologne y participe, parce que la Pologne est un pays de réformes, la Pologne est un pays qui a une tradition de consolidation, qui arrive à imposer contre les résistances intérieures un certain nombre de choses qui ne sont pas toujours faciles à faire passer.
QUESTION -- Une question au Président KOMOROWSKI, vous voyez toujours d'un oeil inquiet lorsque les Allemands et les Français se réunissent, par exemple comme à Deauville, avec les Russes. Là, il y a le Triangle de Weimar, est-ce que vous envisagez sous votre présidence d'organiser une rencontre à quatre avec le Président MEDVEDEV ?
Une question pour M. SARKOZY, vous êtes accompagné de Mme Michèle ALLIOT-MARIE, suite à sa mise en cause dans les affaires tunisiennes et son voyage en Tunisie, continuera-t-elle dans les prochains jours et les prochaines semaines à être ministre des Affaires étrangères de la France ?
M. BRONISLAW KOMOROWSKI -- C'est une bonne tradition que les rencontres dans le cadre du Triangle de Weimar, entre autres. La spécificité de la Pologne, l'intérêt à la politique européenne orientale, les hommes politiques des pays de l'Europe de l'Est en dehors de l'Union européenne, sont invités. C'est aussi au niveau des ministres des Affaires étrangères. Il serait bon, même attendu si on pouvait dans l'avenir faire en sorte qu'une telle rencontre inclue la participation du Président russe, comme invité. C'est une question qui s'inscrit dans le cadre du renforcement de la coopération entre la Russie et l'Union européenne en tant qu'entité, c'est aussi une question qui concerne le développement de la coopération et du dialogue entre la Pologne et la Russie.
LE PRESIDENT -- Trois remarques. La première, c'est que j'avais déjà dit combien je trouvais courageuse, intelligente et intéressante la démarche du président polonais à l'endroit de la Russie. Tout ce qui pourra faire comprendre que la guerre froide est derrière nous, sera positif. Bien sûr, s'il devait un jour y avoir une réunion de cette nature, la France y participera avec beaucoup de plaisir.
La deuxième remarque, c'est que, comme la Chancelière MERKEL, la France souhaite que la Pologne intègre la zone euro dans les meilleurs délais. Et la France, comme l'Allemagne, souhaite que la Pologne adhère à ce pacte de compétitivité et de convergence. De la même façon qu'avec Mme MERKEL, nous avons indiqué au président polonais qu'ayant une monnaie en commun, il est normal que les dix-sept pays se réunissent pour parler des questions strictes de cette monnaie.
Enfin, sur votre dernière question, vous comprendrez qu'à Varsovie, comme d'ailleurs dans les autres capitales, je ne dise pas un mot de problèmes de politique intérieure, sur lesquels j'aurai l'occasion de m'exprimer cette semaine.