20 mai 2010 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les efforts en faveur d'une réduction du déficit des finances publiques, à Paris le 20 mai 2010.
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs,
La deuxième conférence sur le déficit a permis de faire le point sur la situation de nos finances publiques et sur la stratégie que nous entendons mener pour rétablir leur équilibre.
J'avais souhaité lors de la première conférence que plusieurs groupes de travail se réunissent et remettent les rapports dont nous venons de discuter. Je veux remercier l'ensemble des groupes de travail et les auteurs des rapports pour la qualité de leur diagnostic et de leurs propositions.
Nos échanges ont été particulièrement riches et je remercie chacun de sa participation.
La zone euro traverse la crise la plus grave de son histoire. Grâce à la mobilisation du couple franco-allemand, de l'ensemble des Etats-membres, de l'ensemble des institutions européennes, nous avons mis en place un plan exceptionnel de 750 Mdseuros pour lutter contre la spéculation et soutenir les efforts de redressement mis en oeuvre par certains Etats-membres de la zone euro.
Au delà de ces mesures, les citoyens attendent que nous engagions les réformes nécessaires pour consolider le Pacte de stabilité, doter l'Europe d'une véritable stratégie de croissance et réaliser le gouvernement économique pour lequel la France a tant plaidé. Nous ferons rapidement des propositions à nos partenaires en ce sens.
La situation des finances publiques dans la zone euro est aujourd'hui au coeur du débat. Le cap de notre politique économique doit être clairement défini et expliqué. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur nos objectifs, ni sur les moyens de les atteindre, ni sur notre mobilisation.
Après la crise financière de 2008, nous avons mené une politique de relance pour soutenir l'activité. Nous avons accepté les pertes de recettes liées au ralentissement économique. Nous avons choisi d'agir sur l'investissement de façon à ne pas sacrifier l'avenir au présent.
Cette politique a porté ses fruits. Les mesures ciblées que nous avons prises ont été efficaces. Elles ont permis d'atténuer l'impact de la crise sur nos concitoyens. Sans l'action du gouvernement, l'évolution de la croissance aurait été proche de -5%, au lieu de -2,6% selon les derniers chiffres de l'Insee. L'impulsion budgétaire a relancé la croissance dès le 2ème trimestre 2009, sur un rythme moyen de +0,3% par trimestre depuis 1 an déjà.
Mais ce plan de mobilisation sans précédent contre la crise était voulu et conçu dès l'origine comme temporaire. Le déficit ne peut en effet pas raisonnablement rester à son niveau de sortie de crise sans constituer une menace pour la croissance future.
L'arrêt progressif des mesures de soutien en 2010 et la réduction des déficits à partir de 2011 ne constituent donc ni une nouveauté ni un problème s'il l'on souhaite garantir une croissance durable et soutenable.
Au fur et à mesure de la reprise, nous devons aujourd'hui reprendre le chemin de l'équilibre de nos finances publiques. Le creusement de nos déficits pendant la crise était pleinement justifié parce qu'il a soutenu l'économie. Avec la reprise, le redressement de nos finances publiques est tout aussi justifié. Il ne s'agit ni de rigueur, ni de laxisme, mais de responsabilité : c'est la politique que nous menons, avec le gouvernement, avec constance et détermination.
En annonçant des mesures d'économie, nous ne cédons ni à la pression des marchés ni à l'affolement. Nous n'engageons pas aujourd'hui un tournant de la rigueur annonciateur de hausses d'impôts massives et de baisses de salaires. Je refuse cette stratégie qui casserait la reprise de la croissance.
Le rapport de MM. CHAMPSAUR et COTIS constitue le point de départ de cette deuxième session. J'ai souhaité qu'il soit rendu public pour que nous puissions partager ce constat.
Que nous dit ce rapport ? J'en retiens trois enseignements majeurs.
La crise a certes creusé nos déficits, mais le problème auquel nous devons nous attaquer est beaucoup plus ancien. Depuis trente ans, notre pays a connu une augmentation du poids de la dépense publique et une augmentation de sa dette. Depuis 1974 nous n'avons pas voté de budget en équilibre alors qu'il aurait fallu être en excédent de façon régulière. En trente ans, la dette publique est passée de 21% du PIB à 77% du PIB en 2009. Ceci démontre que, si la crise a accéléré nos difficultés, elle est loin d'en être la seule responsable.
Deuxième enseignement : l'effort de rétablissement de l'équilibre de nos finances publiques ne peut être qu'un effort collectif. Il doit concerner l'ensemble des acteurs de la dépense : l'Etat bien sûr, mais aussi les administrations de sécurité sociale et les collectivités locales, dont les dépenses ont connu une croissance très rapide au cours des 20 dernières années.
Troisième enseignement, l'ajustement de nos finances publiques n'est pas incompatible avec une stratégie de croissance, au contraire. Augmenter les impôts ou accepter que les dépenses publiques représentent une part croissante de notre richesse nationale compromettrait gravement notre compétitivité.
On ne peut pas séparer l'état de nos finances publiques de la compétitivité de notre économie et de la pérennité de notre système de protection sociale. Les réformes structurelles que nous menons sont l'une des clés de l'assainissement des comptes publics. Avec le grand emprunt, nous investissons massivement dans la recherche et dans l'innovation. Avec la réforme de la taxe professionnelle et le triplement du crédit impôt recherche, nous faisons de la France un des pays les plus attractifs pour les investissements et les centres de recherche. Avec la réforme des retraites, nous encouragerons l'activité et préserverons l'équilibre de notre système social en tenant compte des évolutions démographiques.
Notre stratégie est claire, elle est cohérente, elle s'inscrit dans le long terme. A partir de 2011, nous renforcerons strictement la maîtrise de la dépense, nous refuserons les hausses générales d'impôts, nous procéderons au rythme de la reprise économique et nous poursuivrons les réformes qui redressent la croissance. C'est cette stratégie qui nous permettra de concilier rétablissement de nos comptes publics et reprise de la croissance.
A mes yeux, l'effort sur la dépense doit présenter deux caractéristiques essentielles. Il doit être maintenu sur longue période : c'est un effort de longue haleine. Il doit être partagé par toutes les administrations : c'est un effort collectif. L'objectif auquel nous nous sommes engagés, de revenir à un déficit de 6% du PIB en 2011, et à 4,6% du PIB en 2012, doit être respecté.
Il ne s'agit pas de procéder à des coupes aveugles dans la dépense publique. Il s'agit de mettre en place les règles qui vont permettre durablement, sur l'ensemble de la décennie, de maîtriser strictement la dépense.
1) Commençons par l'Etat. Nous allons poursuivre et approfondir les méthodes de rationalisation que nous avons mises en place depuis 3 ans.
Première décision, les dépenses de l'Etat ne progresseront pas en valeur sur les trois prochaines années, hors pensions et charge de la dette.
Deuxième décision : nous poursuivrons le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite : 34.000 postes de fonctionnaires continueront à être supprimés en moyenne chaque année. Cette politique a permis de supprimer 100 000 emplois publics depuis le début de la législature. Cet effort sera étendu aux opérateurs de l'Etat (3000 suppressions de postes dès 2011, 9000 d'ici 2013). Comme c'est le cas depuis 3 ans déjà, ces suppressions d'emplois s'appuieront sur de vraies réformes, examinées et validées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Elles ne se font donc pas de façon forfaitaire, au prix d'un service rendu de moindre qualité. Au contraire, les réformes permettent d'améliorer la qualité et l'efficacité des services publics.
Troisième décision : sur les dépenses de fonctionnement et d'intervention, le gouvernement s'est fixé pour objectif de les réduire de 10% d'ici 2013, dont 5% dès 2011.
Je tiendrai d'ici à l'été un Conseil de modernisation des politiques publiques. L'ensemble des réformes venant à l'appui de ces économies y seront présentées.
Quatrième décision : nous menons actuellement un exercice de recensement de l'ensemble des niches fiscales et sociales avec pour objectif de supprimer 5 Mdseuros de niches. Ces suppressions seront décidées à l'automne dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
2) En ce qui concerne les dépenses d'assurance maladie, les mesures prises par le gouvernement depuis 2007 ont permis d'infléchir la dynamique des dépenses de maladie sans compromettre la qualité des soins.
L'objectif de progression des dépenses d'assurance maladie a été fixé à 3% en 2010, après 3,3% en 2009. Nous continuerons d'infléchir cet objectif : il sera fixé à 2,9% en 2011 et 2,8% en 2012.
De plus, alors qu'il a parfois été difficile de respecter l'objectif de dépense maladie, toutes les mesures seront désormais prises pour qu'il soit atteint. Ce sera le cas dès 2010, où nous tiendrons le 3% annoncé.
Le rapport de M. Raoul BRIET identifie plusieurs mesures pour renforcer notre système de pilotage de la dépense maladie. Ces propositions seront mises en place. En particulier :
- Le rôle du comité d'alerte sera étendu. Celui-ci pourra désormais se prononcer ex ante sur la construction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Il assurera en outre un rôle de veille en continu et remettra dès le 15 avril aux ministres un premier avis sur l'exécution de l'objectif de dépenses maladie de l'année précédente £
- Le seuil de l'alerte, fixé aujourd'hui à 0,75%, sera progressivement abaissé à 0,5% d'ici 2012-2013 £
- Tout ou partie des mesures nouvelles ne sera mis en oeuvre que si l'objectif de dépenses maladie est respecté. De même, une fraction des dotations sera mise en réserve en début d'année et sera déléguée au fur et à mesure de la bonne exécution de l'objectif de dépenses maladie.
3) S'agissant des collectivités locales, le rapport Champsaur-Cotis démontre que les dépenses locales ont augmenté plus vite que ne peut l'expliquer la décentralisation.
Aux termes de la Constitution, les collectivités locales sont financièrement autonomes. Mais il n'y a pas un contribuable local et un contribuable national, il n'y a qu'un seul contribuable, le contribuable français. Les collectivités locales doivent donc impérativement contribuer à l'effort de la nation pour redresser les comptes publics. Pour cela, il est nécessaire de parvenir à mettre en place une véritable modération de la dépense locale.
Je remercie M. Gilles CARREZ et M. Michel THENAULT qui ont conduit les travaux du groupe de travail dédié aux dépenses locales. Je vous annonce aujourd'hui trois décisions.
- Premier point : le foisonnement des normes qui conduit à une augmentation de la dépense locale n'est plus acceptable. Je demande donc qu'un moratoire soit appliqué immédiatement sur les normes réglementaires concernant les collectivités locales, en dehors d'éventuelles normes internationales d'application obligatoire. J'encourage aussi les travaux en cours qui examinent le coût pour les collectivités locales du stock de normes existant.
- Deuxième point : les transferts de l'Etat aux collectivités locales resteront désormais stables en valeur. Il est normal que l'Etat applique aux collectivités locales la règle qu'il adopte pour ses propres dépenses. C'est une mesure de responsabilisation collective sur les enjeux du redressement de nos finances publiques.
- Troisième point, je souhaite que ce gel des dotations de l'Etat aux collectivités locales s'accompagne d'un vrai renforcement de la péréquation, à l'intérieur de l'enveloppe des concours de l'Etat, en particulier au niveau des communes et des intercommunalités. En outre, ces dotations seront modulées selon des critères de bonne gestion pour encourager les collectivités locales à réduire leurs dépenses dans les mêmes proportions que l'Etat. Je demande au Gouvernement d'étudier, en lien avec le Parlement et les associations d'élus, les modalités que pourrait revêtir cette modulation.
En maîtrisant la dépense et en conduisant des réformes, dans la durée et avec des mécanismes incitant à des comportements responsables, nous réduirons nos déficits sans compromettre la reprise.
Mais je voudrais aller encore plus loin.
Il faut aujourd'hui changer notre façon de piloter les finances publiques, en réformant profondément la gouvernance financière des administrations, et en particulier de l'Etat et de la sécurité sociale. J'avais annoncé dès la première session de nos travaux, en janvier dernier, que je souhaitais que la France se dote d'une règle d'équilibre pour l'ensemble de ses administrations publiques. Je vous le confirme aujourd'hui.
Le redressement des finances publiques ne doit pas être l'engagement d'un Gouvernement, mais de la Nation.
Il doit donc s'inscrire dans la durée et pour cela, la gouvernance de nos finances publiques doit être modifiée.
C'est pourquoi je souhaite la mise en oeuvre d'une réforme constitutionnelle : je demande au Premier ministre d'engager la consultation des partis politiques et des groupes politiques de l'Assemblée Nationale et du Sénat sur la base des conclusions définitives du rapport de Michel Camdessus qui me sera remis au mois de juin.
Cette réforme devrait permettre :
- tout d'abord, de confier à la loi de finances la compétence exclusive sur les dispositions fiscales £
- ensuite, de renforcer le pouvoir du Parlement en lui permettant de voter sur les engagements en matière de finances publiques que nous prenons vis-à-vis de nos partenaires européens £
- Enfin, cette réforme ferait obligation à chaque Gouvernement issu des urnes de s'engager pour cinq ans sur une trajectoire de déficit. Chaque gouvernement devrait simultanément s'engager sur la date à laquelle l'équilibre des finances publiques est atteint.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs : le redressement de nos finances publiques nous engage tous, au-delà des clivages politiques et au-delà d'une seule législature. Ce redressement, il sera concentré sur la dépense, il sera partagé entre l'Etat, les collectivités locales et la sécurité sociale. Il sera mis en oeuvre dans la durée, il sera inscrit dans notre loi fondamentale.
L'enjeu de toute cette stratégie, c'est encore et toujours la croissance. En l'absence d'ajustement budgétaire, c'est notre croissance et notre modèle social qui sont menacés. C'est dans ce but qu'ont été prises les décisions que je viens de vous présenter.
Je vous remercie.
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs,
La deuxième conférence sur le déficit a permis de faire le point sur la situation de nos finances publiques et sur la stratégie que nous entendons mener pour rétablir leur équilibre.
J'avais souhaité lors de la première conférence que plusieurs groupes de travail se réunissent et remettent les rapports dont nous venons de discuter. Je veux remercier l'ensemble des groupes de travail et les auteurs des rapports pour la qualité de leur diagnostic et de leurs propositions.
Nos échanges ont été particulièrement riches et je remercie chacun de sa participation.
La zone euro traverse la crise la plus grave de son histoire. Grâce à la mobilisation du couple franco-allemand, de l'ensemble des Etats-membres, de l'ensemble des institutions européennes, nous avons mis en place un plan exceptionnel de 750 Mdseuros pour lutter contre la spéculation et soutenir les efforts de redressement mis en oeuvre par certains Etats-membres de la zone euro.
Au delà de ces mesures, les citoyens attendent que nous engagions les réformes nécessaires pour consolider le Pacte de stabilité, doter l'Europe d'une véritable stratégie de croissance et réaliser le gouvernement économique pour lequel la France a tant plaidé. Nous ferons rapidement des propositions à nos partenaires en ce sens.
La situation des finances publiques dans la zone euro est aujourd'hui au coeur du débat. Le cap de notre politique économique doit être clairement défini et expliqué. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur nos objectifs, ni sur les moyens de les atteindre, ni sur notre mobilisation.
Après la crise financière de 2008, nous avons mené une politique de relance pour soutenir l'activité. Nous avons accepté les pertes de recettes liées au ralentissement économique. Nous avons choisi d'agir sur l'investissement de façon à ne pas sacrifier l'avenir au présent.
Cette politique a porté ses fruits. Les mesures ciblées que nous avons prises ont été efficaces. Elles ont permis d'atténuer l'impact de la crise sur nos concitoyens. Sans l'action du gouvernement, l'évolution de la croissance aurait été proche de -5%, au lieu de -2,6% selon les derniers chiffres de l'Insee. L'impulsion budgétaire a relancé la croissance dès le 2ème trimestre 2009, sur un rythme moyen de +0,3% par trimestre depuis 1 an déjà.
Mais ce plan de mobilisation sans précédent contre la crise était voulu et conçu dès l'origine comme temporaire. Le déficit ne peut en effet pas raisonnablement rester à son niveau de sortie de crise sans constituer une menace pour la croissance future.
L'arrêt progressif des mesures de soutien en 2010 et la réduction des déficits à partir de 2011 ne constituent donc ni une nouveauté ni un problème s'il l'on souhaite garantir une croissance durable et soutenable.
Au fur et à mesure de la reprise, nous devons aujourd'hui reprendre le chemin de l'équilibre de nos finances publiques. Le creusement de nos déficits pendant la crise était pleinement justifié parce qu'il a soutenu l'économie. Avec la reprise, le redressement de nos finances publiques est tout aussi justifié. Il ne s'agit ni de rigueur, ni de laxisme, mais de responsabilité : c'est la politique que nous menons, avec le gouvernement, avec constance et détermination.
En annonçant des mesures d'économie, nous ne cédons ni à la pression des marchés ni à l'affolement. Nous n'engageons pas aujourd'hui un tournant de la rigueur annonciateur de hausses d'impôts massives et de baisses de salaires. Je refuse cette stratégie qui casserait la reprise de la croissance.
Le rapport de MM. CHAMPSAUR et COTIS constitue le point de départ de cette deuxième session. J'ai souhaité qu'il soit rendu public pour que nous puissions partager ce constat.
Que nous dit ce rapport ? J'en retiens trois enseignements majeurs.
La crise a certes creusé nos déficits, mais le problème auquel nous devons nous attaquer est beaucoup plus ancien. Depuis trente ans, notre pays a connu une augmentation du poids de la dépense publique et une augmentation de sa dette. Depuis 1974 nous n'avons pas voté de budget en équilibre alors qu'il aurait fallu être en excédent de façon régulière. En trente ans, la dette publique est passée de 21% du PIB à 77% du PIB en 2009. Ceci démontre que, si la crise a accéléré nos difficultés, elle est loin d'en être la seule responsable.
Deuxième enseignement : l'effort de rétablissement de l'équilibre de nos finances publiques ne peut être qu'un effort collectif. Il doit concerner l'ensemble des acteurs de la dépense : l'Etat bien sûr, mais aussi les administrations de sécurité sociale et les collectivités locales, dont les dépenses ont connu une croissance très rapide au cours des 20 dernières années.
Troisième enseignement, l'ajustement de nos finances publiques n'est pas incompatible avec une stratégie de croissance, au contraire. Augmenter les impôts ou accepter que les dépenses publiques représentent une part croissante de notre richesse nationale compromettrait gravement notre compétitivité.
On ne peut pas séparer l'état de nos finances publiques de la compétitivité de notre économie et de la pérennité de notre système de protection sociale. Les réformes structurelles que nous menons sont l'une des clés de l'assainissement des comptes publics. Avec le grand emprunt, nous investissons massivement dans la recherche et dans l'innovation. Avec la réforme de la taxe professionnelle et le triplement du crédit impôt recherche, nous faisons de la France un des pays les plus attractifs pour les investissements et les centres de recherche. Avec la réforme des retraites, nous encouragerons l'activité et préserverons l'équilibre de notre système social en tenant compte des évolutions démographiques.
Notre stratégie est claire, elle est cohérente, elle s'inscrit dans le long terme. A partir de 2011, nous renforcerons strictement la maîtrise de la dépense, nous refuserons les hausses générales d'impôts, nous procéderons au rythme de la reprise économique et nous poursuivrons les réformes qui redressent la croissance. C'est cette stratégie qui nous permettra de concilier rétablissement de nos comptes publics et reprise de la croissance.
A mes yeux, l'effort sur la dépense doit présenter deux caractéristiques essentielles. Il doit être maintenu sur longue période : c'est un effort de longue haleine. Il doit être partagé par toutes les administrations : c'est un effort collectif. L'objectif auquel nous nous sommes engagés, de revenir à un déficit de 6% du PIB en 2011, et à 4,6% du PIB en 2012, doit être respecté.
Il ne s'agit pas de procéder à des coupes aveugles dans la dépense publique. Il s'agit de mettre en place les règles qui vont permettre durablement, sur l'ensemble de la décennie, de maîtriser strictement la dépense.
1) Commençons par l'Etat. Nous allons poursuivre et approfondir les méthodes de rationalisation que nous avons mises en place depuis 3 ans.
Première décision, les dépenses de l'Etat ne progresseront pas en valeur sur les trois prochaines années, hors pensions et charge de la dette.
Deuxième décision : nous poursuivrons le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite : 34.000 postes de fonctionnaires continueront à être supprimés en moyenne chaque année. Cette politique a permis de supprimer 100 000 emplois publics depuis le début de la législature. Cet effort sera étendu aux opérateurs de l'Etat (3000 suppressions de postes dès 2011, 9000 d'ici 2013). Comme c'est le cas depuis 3 ans déjà, ces suppressions d'emplois s'appuieront sur de vraies réformes, examinées et validées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. Elles ne se font donc pas de façon forfaitaire, au prix d'un service rendu de moindre qualité. Au contraire, les réformes permettent d'améliorer la qualité et l'efficacité des services publics.
Troisième décision : sur les dépenses de fonctionnement et d'intervention, le gouvernement s'est fixé pour objectif de les réduire de 10% d'ici 2013, dont 5% dès 2011.
Je tiendrai d'ici à l'été un Conseil de modernisation des politiques publiques. L'ensemble des réformes venant à l'appui de ces économies y seront présentées.
Quatrième décision : nous menons actuellement un exercice de recensement de l'ensemble des niches fiscales et sociales avec pour objectif de supprimer 5 Mdseuros de niches. Ces suppressions seront décidées à l'automne dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
2) En ce qui concerne les dépenses d'assurance maladie, les mesures prises par le gouvernement depuis 2007 ont permis d'infléchir la dynamique des dépenses de maladie sans compromettre la qualité des soins.
L'objectif de progression des dépenses d'assurance maladie a été fixé à 3% en 2010, après 3,3% en 2009. Nous continuerons d'infléchir cet objectif : il sera fixé à 2,9% en 2011 et 2,8% en 2012.
De plus, alors qu'il a parfois été difficile de respecter l'objectif de dépense maladie, toutes les mesures seront désormais prises pour qu'il soit atteint. Ce sera le cas dès 2010, où nous tiendrons le 3% annoncé.
Le rapport de M. Raoul BRIET identifie plusieurs mesures pour renforcer notre système de pilotage de la dépense maladie. Ces propositions seront mises en place. En particulier :
- Le rôle du comité d'alerte sera étendu. Celui-ci pourra désormais se prononcer ex ante sur la construction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Il assurera en outre un rôle de veille en continu et remettra dès le 15 avril aux ministres un premier avis sur l'exécution de l'objectif de dépenses maladie de l'année précédente £
- Le seuil de l'alerte, fixé aujourd'hui à 0,75%, sera progressivement abaissé à 0,5% d'ici 2012-2013 £
- Tout ou partie des mesures nouvelles ne sera mis en oeuvre que si l'objectif de dépenses maladie est respecté. De même, une fraction des dotations sera mise en réserve en début d'année et sera déléguée au fur et à mesure de la bonne exécution de l'objectif de dépenses maladie.
3) S'agissant des collectivités locales, le rapport Champsaur-Cotis démontre que les dépenses locales ont augmenté plus vite que ne peut l'expliquer la décentralisation.
Aux termes de la Constitution, les collectivités locales sont financièrement autonomes. Mais il n'y a pas un contribuable local et un contribuable national, il n'y a qu'un seul contribuable, le contribuable français. Les collectivités locales doivent donc impérativement contribuer à l'effort de la nation pour redresser les comptes publics. Pour cela, il est nécessaire de parvenir à mettre en place une véritable modération de la dépense locale.
Je remercie M. Gilles CARREZ et M. Michel THENAULT qui ont conduit les travaux du groupe de travail dédié aux dépenses locales. Je vous annonce aujourd'hui trois décisions.
- Premier point : le foisonnement des normes qui conduit à une augmentation de la dépense locale n'est plus acceptable. Je demande donc qu'un moratoire soit appliqué immédiatement sur les normes réglementaires concernant les collectivités locales, en dehors d'éventuelles normes internationales d'application obligatoire. J'encourage aussi les travaux en cours qui examinent le coût pour les collectivités locales du stock de normes existant.
- Deuxième point : les transferts de l'Etat aux collectivités locales resteront désormais stables en valeur. Il est normal que l'Etat applique aux collectivités locales la règle qu'il adopte pour ses propres dépenses. C'est une mesure de responsabilisation collective sur les enjeux du redressement de nos finances publiques.
- Troisième point, je souhaite que ce gel des dotations de l'Etat aux collectivités locales s'accompagne d'un vrai renforcement de la péréquation, à l'intérieur de l'enveloppe des concours de l'Etat, en particulier au niveau des communes et des intercommunalités. En outre, ces dotations seront modulées selon des critères de bonne gestion pour encourager les collectivités locales à réduire leurs dépenses dans les mêmes proportions que l'Etat. Je demande au Gouvernement d'étudier, en lien avec le Parlement et les associations d'élus, les modalités que pourrait revêtir cette modulation.
En maîtrisant la dépense et en conduisant des réformes, dans la durée et avec des mécanismes incitant à des comportements responsables, nous réduirons nos déficits sans compromettre la reprise.
Mais je voudrais aller encore plus loin.
Il faut aujourd'hui changer notre façon de piloter les finances publiques, en réformant profondément la gouvernance financière des administrations, et en particulier de l'Etat et de la sécurité sociale. J'avais annoncé dès la première session de nos travaux, en janvier dernier, que je souhaitais que la France se dote d'une règle d'équilibre pour l'ensemble de ses administrations publiques. Je vous le confirme aujourd'hui.
Le redressement des finances publiques ne doit pas être l'engagement d'un Gouvernement, mais de la Nation.
Il doit donc s'inscrire dans la durée et pour cela, la gouvernance de nos finances publiques doit être modifiée.
C'est pourquoi je souhaite la mise en oeuvre d'une réforme constitutionnelle : je demande au Premier ministre d'engager la consultation des partis politiques et des groupes politiques de l'Assemblée Nationale et du Sénat sur la base des conclusions définitives du rapport de Michel Camdessus qui me sera remis au mois de juin.
Cette réforme devrait permettre :
- tout d'abord, de confier à la loi de finances la compétence exclusive sur les dispositions fiscales £
- ensuite, de renforcer le pouvoir du Parlement en lui permettant de voter sur les engagements en matière de finances publiques que nous prenons vis-à-vis de nos partenaires européens £
- Enfin, cette réforme ferait obligation à chaque Gouvernement issu des urnes de s'engager pour cinq ans sur une trajectoire de déficit. Chaque gouvernement devrait simultanément s'engager sur la date à laquelle l'équilibre des finances publiques est atteint.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs : le redressement de nos finances publiques nous engage tous, au-delà des clivages politiques et au-delà d'une seule législature. Ce redressement, il sera concentré sur la dépense, il sera partagé entre l'Etat, les collectivités locales et la sécurité sociale. Il sera mis en oeuvre dans la durée, il sera inscrit dans notre loi fondamentale.
L'enjeu de toute cette stratégie, c'est encore et toujours la croissance. En l'absence d'ajustement budgétaire, c'est notre croissance et notre modèle social qui sont menacés. C'est dans ce but qu'ont été prises les décisions que je viens de vous présenter.
Je vous remercie.