2 mars 2010 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les relations franco-russes, à Paris le 2 mars 2010.

Monsieur le Président,
Madame,
Votre visite d'Etat en France pour cette année de la Russie en France et de la France en Russie s'inscrit dans la grande tradition des événements franco-russes qui ont marqué l'histoire de l'Europe et parfois l'histoire du monde : l'accueil de la flotte russe à Toulon, l'inauguration du pont Alexandre III, la visite à Moscou du général de Gaulle en 1966... Notre histoire commune est rythmée de symboles forts et votre présence, Monsieur le Président, à Paris au moment où nous avons inauguré cette exposition du Louvre, Sainte Russie, est un moment fort.
Vous les Russes, vous renouez les fils de votre histoire et nous voulons y avoir notre part, car pour nous Français, la relation avec la Russie s'inscrit dans une continuité millénaire. Nous savons ce que nous devons à la Russie et nous ne l'avons pas oublié : la bataille de la Marne qui n'aurait pas pu être gagnée sans l'offensive russe improvisée à la demande de la France par l'Empereur Nicolas II, Verdun n'aurait pas pu être conservé sans l'offensive Broussilov et la victoire sur le nazisme que nous allons célébrer ensemble le 9 mai, sur la Place Rouge, a été payée du prix des millions de morts russes sur les champs de bataille. Même quand l'idéologie nous a séparés, nos dirigeants ont recherché, par delà le rideau de fer, le chemin de l'entente et de la coopération.
Nous devons resserrer nos rangs, Russes et Français, car nos objectifs sont les mêmes contre la prolifération nucléaire et balistique, en Iran et ailleurs, qui menace notre survie ! Contre le terrorisme qui tue aveuglément nos concitoyens, contre les trafics et notamment les trafics de drogue, pour la paix en Asie, la Russie et la France ont tant de choses à faire ensembles.
Pour traiter toutes ces menaces, pour réformer notre système économique, financier et monétaire, pour lutter contre le réchauffement climatique, nous avons besoin d'une nouvelle gouvernance mondiale. Nous voulons l'imaginer à vos côtés, Monsieur le Président Medvedev.
La Russie elle-même a traversé trois décennies de changements majeurs et c'est l'honneur du peuple russe que la transformation qu'il a lui-même décidée de son régime soviétique en une société ouverte au monde qui a permis l'émancipation sans effusion de sang de peuples jusqu'alors empêchés de choisir leur destin. Et c'est pour cela qu'aujourd'hui nous pouvons construire une Europe réconciliée où les rancoeurs du passé s'effacent devant la volonté de construire l'avenir ensemble. Je vous le dis, Monsieur le Président, nous voulons tourner la page de la guerre froide qui n'a apporté que du malheur, que des destins brisés, que des familles endeuillées.
Votre présence ici ce soir, Monsieur le Président, Madame, est la preuve que tout ceci est derrière nous. Bien sûr, il y a eu des hésitations et des tâtonnements, peut-être même des occasions manquées. C'est tellement facile de conserver des habitudes, spécialement lorsqu'elles sont mauvaises, et c'est tellement difficile d'imaginer avec audace l'avenir, spécialement lorsqu'il faut construire la paix.
Monsieur le Président, je connais votre contribution personnelle au développement des relations franco-russes, je sais aussi, Monsieur le Président, votre engagement pour moderniser la société russe. Combien ici nous souhaitons vous encourager à aller jusqu'au bout des réformes, jusqu'au bout de la modernisation, jusqu'au bout de toutes les idées qui sont les vôtres contre la corruption, pour l'Etat de droit, vous qui êtes un juriste, pour le respect de la parole donnée.
Aucun secteur n'échappe à notre coopération. Les investissements français en Russie - le sait-on ici en France -, ont dépassé les investissements de nos amis américains en Russie. Au moment où notre place dans le commerce extérieur russe s'améliore, je serai très heureux Monsieur le Président, d'être en juin au Forum de Saint-Pétersbourg avec une délégation de chefs d'entreprises français qui ont confiance dans la Russie, qui ont confiance en vous et qui veulent investir dans votre pays.
Le fondement de notre propre affinité reste cependant la culture. Issue de siècles d'échanges, de lectures croisées, de fécondation réciproque. Ici, Monsieur le Président, Madame, la littérature russe a imprégné notre imaginaire collectif, Pouchkine, Tolstoï, Grossman, Gogol, Tourgueniev, Boulgakov, Dostoïevski. L'âme de la Russie façonnée par ces maîtres est dans le coeur des Français. Vos peintres sont si proches de nous qu'ils sont parfois devenus les nôtres : Soutine, Chagall, Kandinsky ont marqué l'histoire de l'art. Et que dire de vos musiciens qui ont rythmé l'histoire du XXème siècle ! Votre grande culture, je veux dire la grande culture russe, c'est aussi la nôtre et c'est celle qui fait la culture de l'humanité toute entière. Il est d'autant plus important que l'enseignement de la langue russe en France et de la langue française en Russie, l'une et l'autre vecteur de culture, se développe et s'enracine.
Enfin, Monsieur le Président,
Vous êtes un juriste, élève de Sobtchak, le premier maire élu de Saint-Pétersbourg et cela compte pour la patrie des droits de l'Homme. J'ai été avocat, je connais la valeur du droit. Monsieur le Président, votre attachement à l'Etat de droit, au respect des lois, à la sécurité juridique, à la défense des droits de l'Homme, facilite beaucoup le rapprochement entre nos deux pays. Nous voulons vous aider à conduire et à promouvoir dans votre pays d'audacieuses réformes et de profonds changements. Votre succès, Monsieur le Président, sera le succès de tous ceux qui veulent en Europe la paix et la démocratie. La France sera pour la Russie un partenaire toujours disponible.
Monsieur le Président,
Le peuple russe a affronté depuis un siècle des épreuves absolument terribles. Le peuple russe a surmonté ces épreuves avec un courage qui force l'admiration. Le peuple russe a décidé de se reconstruire aujourd'hui avec succès. Croyez bien Monsieur le Président qu'ici en France, nous sommes heureux de ces succès et nous vous disons que nous voulons contribuer à cette forme de renaissance russe. La culture russe, la langue russe, le peuple russe ont besoin de la liberté. Cette liberté et cette modernité, vous êtes en train de les leur rendre et de les construire. Comment manquer ce rendez-vous pour la France ?
Permettez-moi, Monsieur le Président, en vous disant en compagnie de Carla, la joie que nous avons à vous recevoir avec votre épouse qui, de surcroît, nous fait l'honneur d'être francophone, de partager notre langue et notre culture. Je voudrais, Monsieur le Président, Cher Dmitri, que vous compreniez que, lorsque je vais lever mon verre à notre partenariat stratégique et privilégié, au renouveau du grand peuple russe, à l'amitié entre la France et la Russie, c'est une volonté sincère. Nous formons des voeux pour votre succès, le succès de votre pays. Croyez bien, Monsieur le Président, que la France est la grande amie de la grande Russie. Merci.