20 novembre 2009 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la réforme territoriale et de la taxe professionnelle, à Paris le 20 novembre 2009.
Monsieur le président de l'Association des maires de France,
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le président du Sénat,
Madame et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les présidents d'associations d'élus,
Mesdames et Messieurs les maires,
Je suis très heureux de vous accueillir ce matin au Palais de l'Élysée, avec les membres du Gouvernement et le Premier ministre qui portent à mes côtés la réforme territoriale.
Selon les archives de la Présidence de la République, c'est donc la première fois qu'autant de maires sont réunis au Palais de l'Élysée. Des délégations spécifiques, comme les maires de la Guadeloupe en 1962, ou ceux de La Réunion en 1998, ainsi que l'Association des maires de France à de nombreuses reprises, ont été reçues au Palais de l'Elysée. Mais autant de maires, représentatifs de toutes les communes de France, grandes ou petites, urbaines ou rurales, du littoral ou de la montagne, c'est la première fois, même si on est loin bien sûr des deux grands banquets républicains de 1888 et 1900 que chacun a naturellement gardés en mémoire. Je me souviens, quand j'étais à l'école moi-même, je voyais dans les livres d'histoire la photo du grand banquet.
Permettez-moi également de saluer parmi vous une très jeune femme, Mlle Alice TOURNEUR, qui a 16 ans, qui préside le conseil municipal des jeunes de sa commune, dans le département de la Somme. Elle n'aura pas toute sa vie 16 ans - je la préviens charitablement - et donc je veux la féliciter pour son engagement précoce.
Je voudrais également vous présenter mes excuses, parce que mardi et mercredi j'étais en Arabie Saoudite et au Qatar et je n'ai donc pas pu, contrairement à mes habitudes, venir à votre Congrès. Sachez que je le regrette, même si le Premier ministre s'y est rendu et s'est expliqué avec beaucoup de clarté, et je l'en remercie une nouvelle fois.
Mais je tenais absolument à vous rencontrer aujourd'hui, parce que nous avons engagé une réforme majeure et que ce n'est pas mon genre de ne pas faire face à mes responsabilités. Je veux que vous compreniez pourquoi nous avons fait des choix, des choix difficiles, des choix importants, et je ne m'adresse pas simplement à vous en tant que maires, je m'adresse à vous en tant que citoyens, en tant que Français. Parlons des problèmes de notre pays.
Depuis mai 2007 avec le Premier ministre, avec le Gouvernement, avec le Parlement, nous entreprenons des réformes difficiles. Vous savez, les réformes faciles m'ont été épargnées £ par un hasard extrêmement curieux les réformes faciles ont déjà été réalisées £ la pile des réformes faciles, elle est toute, toute petite, on a bien cherché avec le Premier ministre, on n'a rien trouvé. En revanche du côté des réformes difficiles nous avons le choix. J'ai été élu Président de la République pour apporter une réponse aux problèmes de la France£ pour affronter les problèmes et tenter de les résoudre. C'est pour cela que j'ai été élu et j'irai absolument jusqu'au bout.
L'axe central de l'action du Gouvernement, c'est la modernisation de la France. Le monde change, c'est une banalité que de le dire, le monde bouge à une rapidité stupéfiante, et la question qui est posée, c'est comment nous adapter sans nous renier. Y a-t-il une seule personne ici qui pense qu'on peut avoir la mondialisation, le monde qui bouge à la vitesse où il bouge, et nous, rester immobiles ? Personne £ personne, qu'il soit de gauche, de droite, du centre, non inscrit, indépendant, peu importe, personne. Comment peut-on le faire sans nous couper de nos racines, sans singer des modèles étrangers ? C'est toute la question de la modernisation de la France. La France doit se délester de ce qui aujourd'hui la retarde, de ce qui la rend moins agile que les autres, de ce qui inhibe ses potentialités au lieu de les développer. C'est une question centrale pour tout Gouvernement, quel qu'il soit.
La diversité de nos territoires est incontestablement une composante fondamentale de notre identité, et en cela la France ne ressemble pas aux autres pays. Nos 36 000 communes d'abord, qui sont les 36 000 paroisses de l'Ancien régime. Elles ne sont nées ni du doigt de l'Eglise, ni de celui de la Révolution, elles sont issues d'un long processus de regroupement des populations selon des principes d'ailleurs rationnels et compréhensibles. Ce qui fait que tout au long de ma vie politique, j'ai été opposé à la suppression des communes au titre d'une prétendue rationalisation. Jamais personne, et Dieu sait que je fais de la politique depuis longtemps, n'a jamais pu relever un seul de mes propos plaidant pour la suppression administrative de communes. Parce que la France n'est pas une page blanche et que la réalité communale est issue de l'histoire £ et ce qui est décrit, technocratiquement parlant, comme un inconvénient, pour moi est une richesse - et une richesse démocratique. D'ailleurs je vais plus loin en disant que jamais l'intercommunalité, à mes yeux, ne remplacera la commune £ jamais. Et de ce point de vue aussi, je mets au défi qui que ce soit d'avoir jamais trouvé un propos contraire de ma part. Cela ne veut pas dire que l'intercommunalité n'est pas utile et n'est pas nécessaire, mais ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même démarche et cela ne répond pas au même besoin démocratique.
Nous avons donc les communes, et à nous seuls, dans notre pays, nous avons autant de communes qu'il y en a dans le reste de l'Europe £ c'est une forme d'identité. Nous avons les départements ensuite, qui ont une légitimité historique : deux siècles, ce n'est pas rien. Et puis il y a les régions, beaucoup plus récentes, mais qui ont une légitimité économique incontestable.
A moi-même, dans mon passé politique, il est arrivé de dire comme les autres que l'on ne pouvait plus continuer avec les communes, l'intercommunalité, les départements, les régions, l'Etat, l'Europe £ nous l'avons tous dit, nous l'avons tous pensé. Et puis quand on regarde le sujet on se dit : « D'accord, mais supprimer quoi ? ». Personne n'est d'accord et je ne suis pas persuadé que la suppression d'un niveau soit possible, ni même souhaitable.
C'est la réalité devant laquelle nous nous trouvons. A partir de ce moment-là, comment fait-on ?
Lorsque j'ai fait campagne pour les élections présidentielles, le leitmotiv qui est revenu de tous vos territoires, absolument de tous vos territoires, c'est le problème des délocalisations. Il n'y a pas un seul endroit où je me sois rendu et où l'on ne m'ait dit : « On perd des emplois ». La France a perdu un demi-million d'emplois ces dernières années. Des grands pays industriels européens, la France est le plus désindustrialisé, plus que l'Allemagne, plus que l'Italie. Partout on me dit : « Nos territoires, et notamment nos territoires ruraux se vident de leur sang économique. Nos entreprises délocalisent, nos industries ferment, qu'est-ce qui se passe ? » Partout on me l'a dit. Et tous les maires se trouvent face à cette réalité : du jour au lendemain, quand une entreprise ferme, quand elle délocalise, vous avez beau avoir la taxe professionnelle telle qu'elle est aujourd'hui, quand l'assiette s'épuise il n'y a plus de taxe professionnelle. Qui peut contester cette réalité ? Tous, vous me l'avez dit. Comment revitaliser vos territoires, comment créer des emplois ? La première raison qui a poussé le Gouvernement et moi-même à la réforme de la taxe professionnelle et de l'administration territoriale, sur laquelle je vais revenir, la première, je dirais même la seule, c'est comment créer des emplois dans notre pays. Si les entreprises s'en vont, si les usines ferment, qui donnera des emplois à vos enfants et à vos populations, qui ? Et je ne parle pas pour les villes, puisque je sais que parfois on m'accuse de ne penser qu'aux villes, aux métropoles - je parle pour les territoires ruraux. Qui ? Et si nous continuons comme cela, mes chers amis, dans dix ans, à garder la taxe professionnelle telle qu'elle est, il n'y aura plus d'assiette et donc il n'y aura plus de recettes. Parce que le phénomène de la délocalisation, il ne fera qu'amplifier. Et quand on vient me dire que ce n'est pas grave que l'industrie ferme, que les usines ferment, et qu'il y a les services, je m'inscris en faux, totalement : parce que quand les usines s'en iront, les services se délocaliseront. Et ils se délocaliseront encore plus rapidement que pour les industries. Je demande à chacun d'entre vous, quelle que soit sa sensibilité politique et je la respecte bien sûr, de penser qu'avec le Gouvernement, nous n'agissons pas pour les deux ans qui viennent mais nous agissons en nous inscrivant dans un processus de modernisation qui sera poursuivi, je l'espère, par mes successeurs, quels qu'ils soient.
Deuxième remarque. François MITTERRAND a décrit la taxe professionnelle comme un impôt « imbécile ». Jacques CHIRAC a condamné à de multiples reprises la taxe professionnelle. Il n'y a pas une seule formation politique qui l'ait défendue. Voilà la situation : un pays qui se vide de ses emplois industriels et des responsables politiques, toutes tendances confondues, qui dénoncent dans la taxe professionnelle un impôt étrange qui n'existe nulle part ailleurs en Europe et qui pèse sur l'investissement, alors même que le premier problème de la France c'est un déficit d'investissement. Et on continue, on se ferme les yeux, on se bouche les oreilles et on attend que le ciel nous tombe sur la tête. Voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous ne pouvons pas être les seuls en Europe à garder un impôt qui pèse sur les investissements alors que nous souffrons d'un déficit d'investissement. Nous ne pouvons pas être les seuls en Europe à taxer les entreprises et les usines alors que le phénomène de délocalisation est si préoccupant.
Nous avons donc décidé avec le Premier ministre, et Christine LAGARDE et Eric WOERTH, de supprimer la taxe professionnelle pour alléger le poids de la fiscalité sur les investissements des entreprises. C'est un choix sur lequel nous ne reviendrons pas. Parce que ce choix, c'est celui de la compétitivité. Alors je sais bien : quand on fait une réforme, celui à qui elle profite est d'une discrétion de bluette, la preuve qu'il est extrêmement content c'est qu'il ne dit rien. Et celui - et c'est normal, j'ai été élu local pendant si longtemps - qui s'inquiète, celui-là on l'entend. Je comprends parfaitement vos inquiétudes. Elles sont doubles : « On sait ce que l'on a, on ne sait pas ce que l'on va avoir » et s'agissant des rapports avec l'Etat, vous avez été tant de fois échaudés que vous vous dites : « ils vont encore une fois nous rouler dans la farine ». Voilà très exactement ce que pensent les maires. C'est très exactement ce que vous pensez mais en même temps, vous pensez aussi que l'on ne peut pas rester immobiles.
Nous avons par ailleurs dû résoudre une question extrêmement difficile, qui était la suivante : comment garder un lien entre la commune et le tissu économique ? Parce que si l'on supprime tout lien entre la commune et l'usine, personne n'aura d'usine sur son territoire, tout le monde voudra des jardins. C'est la raison pour laquelle nous avons inventé la cotisation sur la valeur ajoutée, en la plafonnant pour, naturellement, ne pas pénaliser les entreprises les plus modernes, celles qui créent le plus de valeur ajoutée.
On a discuté beaucoup. Le texte a été a l'Assemblée, il est maintenant au Sénat. François FILLON en arrivant me dit : « Fais attention parce que tu as été à Bruxelles hier soir, tu es rentré tard, au Sénat ils avancent, ne les déstabilise pas ». Je ne veux déstabiliser personne, je veux simplement vous donner une explication. Un certain nombre d'entre vous, même des amis me disent : « On n'y comprend plus rien, le texte change ». Cela devient compliqué ! Partout on me dit qu'il faut écouter £ mais si on écoute, on change, et quand on change on me dit que cela donne le tournis. Il faut savoir ! Apparemment il faudrait écouter, mais sans rien changer, qui plus est dans un système bicaméral : on arriverait avec un texte à l'Assemblée, on n'écouterait personne, on ne changerait rien, puis on arriverait avec le même texte au Sénat, on n'écouterait personne, on ne changerait rien. Ce n'est pas la démocratie. Je comprends parfaitement qu'il y ait un moment où on a du mal à s'y retrouver, mais c'est le temps du dialogue, de la discussion et de l'écoute nécessaire.
Avec les ministres, nous répondrons à vos questions. Je ne veux pas monopoliser la parole et je souhaite vraiment que l'on puisse avoir un échange. Mais je voulais que vous connaissiez les grands principes.
Une dernière remarque sur la taxe professionnelle, mais qui me tient à coeur, et je parle sous le contrôle de Michel MERCIER et de Brice HORTEFEUX. Il y a deux aspirations parfaitement contradictoires et je veux vous les faire toucher du doigt. Il y a tous ceux qui me disent que l'indépendance des élus, c'est l'autonomie financière, fiscale. Je peux comprendre. Mais il y a tous les autres qui me disent que la justice, c'est la péréquation £ or la péréquation, c'est un taux national pour que les plus pauvres bénéficient des recettes des plus riches. Il faut bien comprendre que ceux qui me demandent plus d'autonomie fiscale et de liberté dans l'augmentation des taux, ceux-là ne peuvent pas dans le même temps demander plus de péréquation, parce que la péréquation qui permettra aux territoires ruraux de s'en sortir passe par un taux national.
Je veux faire une autre remarque. C'est le problème de l'affectation des recettes fiscales aux différents niveaux de collectivités. J'ai fait toute ma carrière politique en dénonçant l'affectation du même impôt à plusieurs niveaux. Et quand nous sommes rentrés - je parle sous le contrôle de Dominique PERBEN - dans la réforme, avec Alain MARLEIX et Brice HORTEFEUX nous nous sommes dits qu'on allait affecter un impôt à un niveau. Mais je me suis rendu compte que cela ne pouvait pas marcher. Pourquoi ? Parce que cela revenait, en vérité, à donner aux communes la part de la nouvelle contribution économique territoriale assise sur l'immobilier et à donner au département ou à la région la part assise sur la valeur ajoutée. Vous étiez les perdants parce que vous avez une base, le foncier, qui n'est pas dynamique alors que les autres auraient eu une base, la valeur ajoutée, qui est dynamique. Nous avons préféré ne pas donner suite à cette idée de la spécialisation, qui est une bonne idée théorique mais qui s'avère absolument impossible à appliquer pour assurer l'équité entre les différents niveaux territoriaux.
Nous avons pris des engagements de compensation intégrale. Nous les vérifierons par une clause de revoyure. On me demande des simulations. Mais la meilleure simulation, c'est la clause de revoyure. On s'est engagés, individuellement pour chaque commune, n'est-ce pas François ? À garantir la recette £ et on se revoit au bout de six mois pour voir ce que vous avez eu et ce que vous auriez dû avoir. D'ailleurs, c'est une question qui m'a toujours taraudé : pourquoi se bat-on tellement au moment du budget, qui est un acte de prévision, et ignore-t-on totalement le compte administratif, qui est un acte de réalisation ? On ferait mieux d'avoir les grands débats politiques, y compris dans vos communes, au moment de l'adoption du compte administratif. C'est la même chose pour les simulations.
Je vais vous dire une chose : je pense que le nouvel impôt sera bien meilleur pour vous - pour une raison simple : il sera assis sur une assiette qui est la valeur ajoutée, qui est dynamique. On ne sera plus dans la situation d'un certain nombre de communes qui se sont trouvées du jour au lendemain sans recettes parce que pour des raisons comptables, une entreprise décidait de délocaliser ses équipements.
J'en viens à la réforme territoriale. On me dit, y compris parmi mes amis : « Mais enfin Nicolas, tu vas trop vite, pourquoi faire les deux en même temps ? ». Il est quand même intelligent, me semble-t-il, de parler en même temps des ressources et des compétences, en même temps des moyens et de l'organisation, plutôt que de faire comme toujours en France, prendre un petit bout du quatre-quarts, constater qu'il est un peu bourratif et renvoyer la suite à plus tard, moyennant quoi la suite ne vient jamais.
A partir de ce moment-là, comment a-t-on résolu le problème des communes, des départements et des régions ?
D'abord, un premier engagement politique que le Gouvernement assume, c'est que le seul niveau pertinent pour avoir la clause de compétences générale est la commune. La commune doit garder la clause de compétences générale. L'Etat aussi bien sûr. La commune qui est le niveau de base de la démocratie, l'expression de la démocratie au niveau le plus proche du terrain £ et l'Etat qui est l'expression de l'intérêt général. Dans la réforme territoriale, le niveau qui ne bouge pas, qui est préservé, qui est défendu, c'est le niveau communal. C'est un choix que j'assume. On m'a dit que le congrès des maires serait difficile. Ecoutez, le congrès des maires j'ai toujours vu que c'était difficile. Je n'ai jamais vu un congrès des maires qui soit une promenade de santé pour le Gouvernement. D'ailleurs, si le congrès des maires était facile, si c'était un lieu où l'on se fait applaudir spontanément, ou l'on est remercié somptueusement pour l'action extraordinaire que l'on conduit, tous les présidents de la République y seraient allés. Mais le Gouvernement de François FILLON est le premier qui dit clairement que la commune est le coeur et qu'il ne faut pas y toucher. La réforme doit porter sur le département et sur la région.
Jusqu'à présent, Mesdames et Messieurs, le raisonnement technocratique consistait à dire, entre ceux qui créaient les pays et ceux qui réfléchissaient aux intercommunalités, qu'il fallait rayer de la carte tant de communes qui ne correspondaient à rien. Ce n'est pas nous, Monsieur le président du Sénat £ nous, nous défendons l'idée parfaitement contraire.
Comment faire ensuite avec le département et la région ? Nous avons eu une idée qui, je pense, est assez novatrice, et je voudrais d'ailleurs rendre hommage à M. BALLADUR, comme à Jean-Patrick COURTOIS et à Dominique PERBEN qui sont nos rapporteurs. C'est l'idée qu'au fond, supprimer un niveau serait absurde, voire impossible, mais qu'au lieu d'avoir la concurrence entre le département et la région on devrait avoir la complémentarité. Est-ce que cette idée est compréhensible ? Il y a chaque année 20 Mds d'euros de dépenses des départements et des régions sur les mêmes domaines. Les mêmes ! Que l'on ne vienne pas me dire que ce phénomène ne se produit que lorsque le département n'est pas de la même couleur politique que la région £ quand ils sont de la même couleur politique, dans le meilleur des cas ils se parlent peu, dans le pire ils se concurrencent en permanence.
Vous tous, qui faites campagne au moment des élections municipales, que dites-vous ? On n'y comprend plus rien, c'est long, c'est complexe, on ne sait pas où il faut s'adresser, on est pris en otages dans des problèmes politiques qui nous dépassent, qui ne nous concernent pas, et plus personne n'y comprend rien. Oui ou non ? Je suis prêt à parier qu'ici, il n'y en a pas un seul parmi vous qui n'ait jamais pesté contre la complexité de notre organisation territoriale et qui ne se fasse l'écho de sa population qui dit : « Ecoutez, franchement, faites attention dans les dépenses, parce que ce sont les impôts que l'on paye, on vous demande d'être plus rigoureux et d'être plus efficaces ».
Là vient le grand tabou. Si l'on veut se faire applaudir il faut dire que les élus locaux dépensent mieux que l'Etat £ succès garanti ! Eh bien je ne le dirai pas. Je ne dirai pas non plus qu'ils dépensent moins bien. Je dis que devant le contribuable citoyen, nous sommes tous à égalité de responsabilité. Parce que le contribuable local ou national, c'est le même contribuable, qui nous demande des comptes et auquel nous en devons. Notre devoir est de faire en sorte que la France cesse d'être le champion d'Europe de la dépense publique, quelle soit locale, départementale, régionale ou nationale. En 2007 nous venons de dépasser la Suède dans le poids des dépenses publiques. La question n'est pas de se renvoyer les problèmes. La question n'est pas de se dire : « C'est de ta faute ou de la mienne ». La question est de regarder la situation telle qu'elle est. Comment peut-on alléger le poids des dépenses publiques et donc des impôts de sorte que, lorsqu'il y a de la croissance, la France en profite davantage ?
Alors qu'allons-nous faire ? Nous allons créer le conseiller territorial. Le conseiller territorial, c'est la même femme ou le même homme qui représentera à la fois son département et sa région. Est-il est impossible de faire comprendre qu'il n'est pas absurde que le même homme ou la même femme représente son département et sa région ?
Se pose le problème de la diminution par deux du nombre des élus territoriaux. Je n'aime pas beaucoup qu'on critique les élus. Par parenthèse, je l'ai été et je le suis encore. Sinon je ne serais pas là £ je voudrais quand même le rappeler. Je n'aime pas beaucoup les observateurs qui critiquent les élus et qui, en général, n'ont pas le courage de se présenter à des élections, ce qui leur ferait le plus grand bien. J'ajoute, à l'intention de tous ceux qui adorent les autorités indépendantes, que j'ai toujours pensé que l'expression du suffrage universel donne à l'élu plus de représentativité que bien des spécialistes qu'on déclare ou qu'on décide indépendants.
Ceci posé, nous sommes obligés de faire une réforme, une modification du contour des cantons. Le Conseil constitutionnel l'a d'ailleurs demandé. La population dans vos cantons va de 1 à 45, est-ce raisonnable ? Croyez-vous que cela nous amuse ? Pensez-vous que j'aie si peu d'expérience politique que j'ignore que lorsqu'on fait un découpage, il y a forcément des polémiques ? On doit le faire. On le fera.
Mais j'ai voulu, et François FILLON peut en porter témoignage, qu'on garde le canton. Nombreux étaient ceux qui en proposaient la suppression. Je pense que le canton est une réalité française. On va donc le garder le canton parce qu'ainsi, tous vos territoires seront représentés. Aucun département n'aura moins de 15 conseillers territoriaux. Et quand ils se réuniront, ils se réuniront un jour comme département et puis un autre jour comme région.
Je ne fais pas une publicité de la suppression de la moitié des élus régionaux et départementaux. Je ne m'en excuse pas non plus. Et que ceux qui y sont hostiles aillent jusqu'au bout de leur logique £ ils n'ont qu'à proposer de les doubler ! Vous verrez comment les Français réagiront. J'ajoute que c'est la seule façon de sortir du piège du mandat unique, qui est la fausse bonne idée par excellence. Parce que c'est celle qui consiste à couper les élus nationaux des élus territoriaux, à créer deux catégories d'élus, une catégorie nationale et une catégorie locale, pour être sûrs qu'il n'y ait aucun contact entre les deux £ il y aurait les spécialistes qui iraient à l'Assemblée nationale et au Sénat, et puis il y aurait ceux qui sont sur le terrain - et les deux ne se parleraient pas. Grâce aux conseillers territoriaux, on peut sublimer ce débat.
Se pose la question de la cause de compétence générale. Je suis de ceux qui pensent qu'il faut en discuter, que donner la compétence générale aux communes, donner la compétence générale aux départements, donner la compétence générale à la région, donner la compétence générale à l'Etat, c'est un système qui est fou. Parce que naturellement, quand vous avez la compétence générale, que vous soyez conseiller régional ou conseiller général, et qu'un groupe de pression, qu'une association vient vous voir, vous ne pouvez pas refuser. On m'a dit, c'était même un débat entre nous : « La clause de compétence générale, ce n'est pas important ». Si, c'est important. Beaucoup plus qu'on ne le dit. C'est important bien sûr, parce que quand on peut tout faire, on fait tout. Parce qu'il y a la pression de la base qui monte et on fait tout. Quelle est notre idée ? Qu'on définisse un bloc de compétences pour les départements, un bloc de compétences pour les régions, et qu'on garde la compétence générale pour la commune. Cela me paraît simple.
Il y a bien sûr un certain nombre de questions, peut-être en reparlera-t-on pendant le débat. Est-ce que cela empêchera les départements d'aider les communes ? Mais on peut parfaitement, dans les compétences, pour les communes de montagne, pour les territoires ruraux, pour les communes du littoral, prévoir que les départements peuvent aider un certain nombre de petites communes qui sans cela ne peuvent pas s'en sortir. C'est parfaitement imaginable.
Alors il y a un débat avec le président du Sénat, qui est mon ami. Il me dit qu'il faut donner du temps au temps. Franchement, depuis le temps que la France donne du temps au temps... Je vais vous dire une chose : je pense que plus on perd du temps, plus on crée de l'inquiétude. Les élus qui sont là, quels qu'ils soient, veulent savoir quelle sera leur organisation et quelles seront leurs recettes. Prenons le temps pour travailler bien sûr, mais ne faisons pas trop durer le plaisir. Et puis nous verrons bien les amendements et les amodiations que nous ferons à la réforme que nous aurons ainsi débattue.
Je ne vais pas être trop long, je ne veux pas rentrer dans le détail des métropoles, si ce n'est pour dire une chose. Arrêtons d'opposer les métropoles aux territoires ruraux. Je sais bien que je suis Président de la République de toute la France. Mais ce n'est pas faire insulte aux territoires ruraux que de dire que la France a un grand problème de métropoles. Pourquoi ? Parce qu'au XXe siècle, on s'est développés derrière des frontières et avec des statuts. Au XXIe siècle, on se développe par réseaux qui ignorent les frontières et par bassins de population. La question des métropoles est une question centrale. Oui, quand Nancy et Metz ont la très bonne idée de mettre en commun leurs potentiels universitaires, cela donne quelque chose de formidable. Parce que nous voulons les meilleures universités du monde £ or si Metz veut garder son université, si Nancy veut garder son université, et que les deux ne veulent pas se parler, on ne pourra pas s'en sortir. La métropole, telle que nous l'avons prévue dans le texte, est absolument incontournable. On ne peut pas regrouper les communes de façon obligatoire £ mais en même temps, un ensemble de communes ne peut pas être empêché de se regrouper parce qu'une seule refuse. Chacun connaît la diversité du personnel politique local et les tempéraments parfois bien affirmés.
Restera la question de la ruralité. Le problème est très difficile et en même temps, il faut qu'on s'y attache dès maintenant. Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas ? Parce que la politique d'aménagement du territoire a été construite par la DATAR pour des territoires qui perdaient la population. Ce qui était la réalité des territoires ruraux. Mais depuis une dizaine d'années cela a changé, ce sont des territoires qui gagnent de la population. La politique d'aménagement du territoire ne peut pas rester la même. Au fond, la politique d'aménagement du territoire a été conçue au XXe siècle pour accompagner des territoires qui allaient mourir parce qu'ils perdaient leur population. Il faut qu'avec Michel MERCIER et François FILLON, nous inventions une politique d'aménagement du territoire pour accompagner des territoires qui revivent parce qu'ils reprennent de la population. D'où, d'ailleurs, l'importance que j'attache au critère de la population dans la répartition des dotations.
Il y a des choses qui fonctionnent. Michel MERCIER a relancé les pôles d'excellence ruraux, auxquels je crois énormément. Nous nous sommes engagés dans la rénovation complète de notre politique agricole. Mais c'est un caillou dans mon soulier, je le reconnais bien volontiers : il faut imaginer une politique d'aménagement du territoire rurale qui soit beaucoup plus dynamique et qui tienne compte d'autre chose. Je l'ai vu avec l'affaire de La Poste. Excusez-moi, j'en termine par là mais j'ai envie de m'expliquer avec vous parce que je sais ce que vous représentez en France et ce que vous apportez.
La Poste est une entreprise organisée pour distribuer du courrier. Avec internet, avec les SMS, il y a de moins en moins de courrier. Si nous laissons La Poste uniquement organisée autour de la distribution de courrier, La Poste mourra. Quelle est notre idée ? Faire de La Poste, entreprise de courrier, une entreprise de logistique. Parce que s'il y a de moins en moins de courrier à distribuer, il y a de plus en plus de colis à livrer puisque maintenant on commande beaucoup par internet. Si on veut en faire une entreprise de logistique, il faut lui permettre d'acheter des trains, des avions, des camions, de se réorganiser. Mais naturellement, le maire se dit : « Que va-t-il advenir de mon bureau de poste ? »
Lorsqu'on a fait la réorganisation de la carte judiciaire qui attendait depuis 1958, et supprimé un tiers des tribunaux, un certain nombre d'entre vous ont souffert. On a aussi voté la loi de réorganisation hospitalière pour les communautés hospitalières de territoires, parce qu'on ne peut pas épuiser le pays à entretenir des services où il n'y a personne. Vous avez souffert, et donc cette politique d'aménagement du territoire doit tenir compte aussi de cette réalité : quels sont les services publics adaptés ?
Moi, je pense qu'un service public de qualité, ce n'est pas pour chaque sous-préfecture un tribunal d'instance, ce n'est pas pour chaque village un hôpital, mais c'est la possibilité pour tous les bassins ruraux d'avoir, à proximité, l'internet, l'hôpital, dans une réflexion de carte des services publics définie avec vous au niveau départemental.
Ce qui est inacceptable, c'est que la même ville voie supprimés sa sous-préfecture, son commissariat, sa brigade de gendarmerie, son hôpital, son tribunal. Et ce à quoi avec Michel MERCIER et François FILLON nous appelons, c'est à une discussion département par département, avec vous, de la meilleure carte des services publics. Au lieu de quoi, dans le climat de méfiance entre l'Etat centralisateur et les élus décentralisateurs, chacun reste sur son quant à soi. Voilà la logique de laquelle il convient de sortir aujourd'hui.
Mesdames et Messieurs les Maires, nous allons maintenant nous livrer à vos questions. J'aimerais, pour terminer, que vous compreniez. Ce n'est pas une question de tempérament si je veux faire toutes ces réformes et si je me bats avec tant de force. Si je ne cède pas, ce n'est pas une question d'entêtement, c'est parce que la France doit faire les efforts que les autres ont faits avant nous. Nous n'avons pas le choix, les autres l'ont fait et ils ont de meilleurs résultats que nous. Je ne peux pas me résoudre à ce que nous n'ayons pas les meilleures universités du monde, je ne peux pas me résoudre à ce que l'on perde tant d'argent en s'épuisant à financer une carte hospitalière alors qu'on a besoin de pôles d'excellence, de nouveaux traitements, de nouvelles machines, de nouveaux professeurs, d'une meilleure carte de l'implantation médicale.
Si je réforme en même temps la taxe professionnelle et les échelons territoriaux, c'est parce que de toute manière, ce rendez-vous est incontournable. Nous n'avons pas le choix, il faut le faire. Ceux qui sont contre, une fois qu'ils ont organisé les sifflets, ils sont contents, mais qu'est-ce que cela vous amène ? Donner une image politicienne d'un congrès qui en général est un congrès d'hommes et de femmes de bonne volonté, c'est prendre en otage des élus. Le plus important pour moi ce matin, c'est de créer un climat de confiance, où chacun pourrait s'appuyer sur la parole de l'Etat et se dire qu'on peut emprunter cette voie parce qu'aussi il y a une possibilité de revenir en arrière si cela ne marche pas. C'est l'importance de la clause de revoyure. Nous serons à votre écoute, nous sommes prêts à amender notre projet, mais on ne renoncera pas à l'objectif et on ne renoncera pas à la ligne structurelle de ce projet.
Mesdames et Messieurs, je me livre avec le Premier ministre à vos questions.
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le président du Sénat,
Madame et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les présidents d'associations d'élus,
Mesdames et Messieurs les maires,
Je suis très heureux de vous accueillir ce matin au Palais de l'Élysée, avec les membres du Gouvernement et le Premier ministre qui portent à mes côtés la réforme territoriale.
Selon les archives de la Présidence de la République, c'est donc la première fois qu'autant de maires sont réunis au Palais de l'Élysée. Des délégations spécifiques, comme les maires de la Guadeloupe en 1962, ou ceux de La Réunion en 1998, ainsi que l'Association des maires de France à de nombreuses reprises, ont été reçues au Palais de l'Elysée. Mais autant de maires, représentatifs de toutes les communes de France, grandes ou petites, urbaines ou rurales, du littoral ou de la montagne, c'est la première fois, même si on est loin bien sûr des deux grands banquets républicains de 1888 et 1900 que chacun a naturellement gardés en mémoire. Je me souviens, quand j'étais à l'école moi-même, je voyais dans les livres d'histoire la photo du grand banquet.
Permettez-moi également de saluer parmi vous une très jeune femme, Mlle Alice TOURNEUR, qui a 16 ans, qui préside le conseil municipal des jeunes de sa commune, dans le département de la Somme. Elle n'aura pas toute sa vie 16 ans - je la préviens charitablement - et donc je veux la féliciter pour son engagement précoce.
Je voudrais également vous présenter mes excuses, parce que mardi et mercredi j'étais en Arabie Saoudite et au Qatar et je n'ai donc pas pu, contrairement à mes habitudes, venir à votre Congrès. Sachez que je le regrette, même si le Premier ministre s'y est rendu et s'est expliqué avec beaucoup de clarté, et je l'en remercie une nouvelle fois.
Mais je tenais absolument à vous rencontrer aujourd'hui, parce que nous avons engagé une réforme majeure et que ce n'est pas mon genre de ne pas faire face à mes responsabilités. Je veux que vous compreniez pourquoi nous avons fait des choix, des choix difficiles, des choix importants, et je ne m'adresse pas simplement à vous en tant que maires, je m'adresse à vous en tant que citoyens, en tant que Français. Parlons des problèmes de notre pays.
Depuis mai 2007 avec le Premier ministre, avec le Gouvernement, avec le Parlement, nous entreprenons des réformes difficiles. Vous savez, les réformes faciles m'ont été épargnées £ par un hasard extrêmement curieux les réformes faciles ont déjà été réalisées £ la pile des réformes faciles, elle est toute, toute petite, on a bien cherché avec le Premier ministre, on n'a rien trouvé. En revanche du côté des réformes difficiles nous avons le choix. J'ai été élu Président de la République pour apporter une réponse aux problèmes de la France£ pour affronter les problèmes et tenter de les résoudre. C'est pour cela que j'ai été élu et j'irai absolument jusqu'au bout.
L'axe central de l'action du Gouvernement, c'est la modernisation de la France. Le monde change, c'est une banalité que de le dire, le monde bouge à une rapidité stupéfiante, et la question qui est posée, c'est comment nous adapter sans nous renier. Y a-t-il une seule personne ici qui pense qu'on peut avoir la mondialisation, le monde qui bouge à la vitesse où il bouge, et nous, rester immobiles ? Personne £ personne, qu'il soit de gauche, de droite, du centre, non inscrit, indépendant, peu importe, personne. Comment peut-on le faire sans nous couper de nos racines, sans singer des modèles étrangers ? C'est toute la question de la modernisation de la France. La France doit se délester de ce qui aujourd'hui la retarde, de ce qui la rend moins agile que les autres, de ce qui inhibe ses potentialités au lieu de les développer. C'est une question centrale pour tout Gouvernement, quel qu'il soit.
La diversité de nos territoires est incontestablement une composante fondamentale de notre identité, et en cela la France ne ressemble pas aux autres pays. Nos 36 000 communes d'abord, qui sont les 36 000 paroisses de l'Ancien régime. Elles ne sont nées ni du doigt de l'Eglise, ni de celui de la Révolution, elles sont issues d'un long processus de regroupement des populations selon des principes d'ailleurs rationnels et compréhensibles. Ce qui fait que tout au long de ma vie politique, j'ai été opposé à la suppression des communes au titre d'une prétendue rationalisation. Jamais personne, et Dieu sait que je fais de la politique depuis longtemps, n'a jamais pu relever un seul de mes propos plaidant pour la suppression administrative de communes. Parce que la France n'est pas une page blanche et que la réalité communale est issue de l'histoire £ et ce qui est décrit, technocratiquement parlant, comme un inconvénient, pour moi est une richesse - et une richesse démocratique. D'ailleurs je vais plus loin en disant que jamais l'intercommunalité, à mes yeux, ne remplacera la commune £ jamais. Et de ce point de vue aussi, je mets au défi qui que ce soit d'avoir jamais trouvé un propos contraire de ma part. Cela ne veut pas dire que l'intercommunalité n'est pas utile et n'est pas nécessaire, mais ce n'est pas la même chose, ce n'est pas la même démarche et cela ne répond pas au même besoin démocratique.
Nous avons donc les communes, et à nous seuls, dans notre pays, nous avons autant de communes qu'il y en a dans le reste de l'Europe £ c'est une forme d'identité. Nous avons les départements ensuite, qui ont une légitimité historique : deux siècles, ce n'est pas rien. Et puis il y a les régions, beaucoup plus récentes, mais qui ont une légitimité économique incontestable.
A moi-même, dans mon passé politique, il est arrivé de dire comme les autres que l'on ne pouvait plus continuer avec les communes, l'intercommunalité, les départements, les régions, l'Etat, l'Europe £ nous l'avons tous dit, nous l'avons tous pensé. Et puis quand on regarde le sujet on se dit : « D'accord, mais supprimer quoi ? ». Personne n'est d'accord et je ne suis pas persuadé que la suppression d'un niveau soit possible, ni même souhaitable.
C'est la réalité devant laquelle nous nous trouvons. A partir de ce moment-là, comment fait-on ?
Lorsque j'ai fait campagne pour les élections présidentielles, le leitmotiv qui est revenu de tous vos territoires, absolument de tous vos territoires, c'est le problème des délocalisations. Il n'y a pas un seul endroit où je me sois rendu et où l'on ne m'ait dit : « On perd des emplois ». La France a perdu un demi-million d'emplois ces dernières années. Des grands pays industriels européens, la France est le plus désindustrialisé, plus que l'Allemagne, plus que l'Italie. Partout on me dit : « Nos territoires, et notamment nos territoires ruraux se vident de leur sang économique. Nos entreprises délocalisent, nos industries ferment, qu'est-ce qui se passe ? » Partout on me l'a dit. Et tous les maires se trouvent face à cette réalité : du jour au lendemain, quand une entreprise ferme, quand elle délocalise, vous avez beau avoir la taxe professionnelle telle qu'elle est aujourd'hui, quand l'assiette s'épuise il n'y a plus de taxe professionnelle. Qui peut contester cette réalité ? Tous, vous me l'avez dit. Comment revitaliser vos territoires, comment créer des emplois ? La première raison qui a poussé le Gouvernement et moi-même à la réforme de la taxe professionnelle et de l'administration territoriale, sur laquelle je vais revenir, la première, je dirais même la seule, c'est comment créer des emplois dans notre pays. Si les entreprises s'en vont, si les usines ferment, qui donnera des emplois à vos enfants et à vos populations, qui ? Et je ne parle pas pour les villes, puisque je sais que parfois on m'accuse de ne penser qu'aux villes, aux métropoles - je parle pour les territoires ruraux. Qui ? Et si nous continuons comme cela, mes chers amis, dans dix ans, à garder la taxe professionnelle telle qu'elle est, il n'y aura plus d'assiette et donc il n'y aura plus de recettes. Parce que le phénomène de la délocalisation, il ne fera qu'amplifier. Et quand on vient me dire que ce n'est pas grave que l'industrie ferme, que les usines ferment, et qu'il y a les services, je m'inscris en faux, totalement : parce que quand les usines s'en iront, les services se délocaliseront. Et ils se délocaliseront encore plus rapidement que pour les industries. Je demande à chacun d'entre vous, quelle que soit sa sensibilité politique et je la respecte bien sûr, de penser qu'avec le Gouvernement, nous n'agissons pas pour les deux ans qui viennent mais nous agissons en nous inscrivant dans un processus de modernisation qui sera poursuivi, je l'espère, par mes successeurs, quels qu'ils soient.
Deuxième remarque. François MITTERRAND a décrit la taxe professionnelle comme un impôt « imbécile ». Jacques CHIRAC a condamné à de multiples reprises la taxe professionnelle. Il n'y a pas une seule formation politique qui l'ait défendue. Voilà la situation : un pays qui se vide de ses emplois industriels et des responsables politiques, toutes tendances confondues, qui dénoncent dans la taxe professionnelle un impôt étrange qui n'existe nulle part ailleurs en Europe et qui pèse sur l'investissement, alors même que le premier problème de la France c'est un déficit d'investissement. Et on continue, on se ferme les yeux, on se bouche les oreilles et on attend que le ciel nous tombe sur la tête. Voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous ne pouvons pas être les seuls en Europe à garder un impôt qui pèse sur les investissements alors que nous souffrons d'un déficit d'investissement. Nous ne pouvons pas être les seuls en Europe à taxer les entreprises et les usines alors que le phénomène de délocalisation est si préoccupant.
Nous avons donc décidé avec le Premier ministre, et Christine LAGARDE et Eric WOERTH, de supprimer la taxe professionnelle pour alléger le poids de la fiscalité sur les investissements des entreprises. C'est un choix sur lequel nous ne reviendrons pas. Parce que ce choix, c'est celui de la compétitivité. Alors je sais bien : quand on fait une réforme, celui à qui elle profite est d'une discrétion de bluette, la preuve qu'il est extrêmement content c'est qu'il ne dit rien. Et celui - et c'est normal, j'ai été élu local pendant si longtemps - qui s'inquiète, celui-là on l'entend. Je comprends parfaitement vos inquiétudes. Elles sont doubles : « On sait ce que l'on a, on ne sait pas ce que l'on va avoir » et s'agissant des rapports avec l'Etat, vous avez été tant de fois échaudés que vous vous dites : « ils vont encore une fois nous rouler dans la farine ». Voilà très exactement ce que pensent les maires. C'est très exactement ce que vous pensez mais en même temps, vous pensez aussi que l'on ne peut pas rester immobiles.
Nous avons par ailleurs dû résoudre une question extrêmement difficile, qui était la suivante : comment garder un lien entre la commune et le tissu économique ? Parce que si l'on supprime tout lien entre la commune et l'usine, personne n'aura d'usine sur son territoire, tout le monde voudra des jardins. C'est la raison pour laquelle nous avons inventé la cotisation sur la valeur ajoutée, en la plafonnant pour, naturellement, ne pas pénaliser les entreprises les plus modernes, celles qui créent le plus de valeur ajoutée.
On a discuté beaucoup. Le texte a été a l'Assemblée, il est maintenant au Sénat. François FILLON en arrivant me dit : « Fais attention parce que tu as été à Bruxelles hier soir, tu es rentré tard, au Sénat ils avancent, ne les déstabilise pas ». Je ne veux déstabiliser personne, je veux simplement vous donner une explication. Un certain nombre d'entre vous, même des amis me disent : « On n'y comprend plus rien, le texte change ». Cela devient compliqué ! Partout on me dit qu'il faut écouter £ mais si on écoute, on change, et quand on change on me dit que cela donne le tournis. Il faut savoir ! Apparemment il faudrait écouter, mais sans rien changer, qui plus est dans un système bicaméral : on arriverait avec un texte à l'Assemblée, on n'écouterait personne, on ne changerait rien, puis on arriverait avec le même texte au Sénat, on n'écouterait personne, on ne changerait rien. Ce n'est pas la démocratie. Je comprends parfaitement qu'il y ait un moment où on a du mal à s'y retrouver, mais c'est le temps du dialogue, de la discussion et de l'écoute nécessaire.
Avec les ministres, nous répondrons à vos questions. Je ne veux pas monopoliser la parole et je souhaite vraiment que l'on puisse avoir un échange. Mais je voulais que vous connaissiez les grands principes.
Une dernière remarque sur la taxe professionnelle, mais qui me tient à coeur, et je parle sous le contrôle de Michel MERCIER et de Brice HORTEFEUX. Il y a deux aspirations parfaitement contradictoires et je veux vous les faire toucher du doigt. Il y a tous ceux qui me disent que l'indépendance des élus, c'est l'autonomie financière, fiscale. Je peux comprendre. Mais il y a tous les autres qui me disent que la justice, c'est la péréquation £ or la péréquation, c'est un taux national pour que les plus pauvres bénéficient des recettes des plus riches. Il faut bien comprendre que ceux qui me demandent plus d'autonomie fiscale et de liberté dans l'augmentation des taux, ceux-là ne peuvent pas dans le même temps demander plus de péréquation, parce que la péréquation qui permettra aux territoires ruraux de s'en sortir passe par un taux national.
Je veux faire une autre remarque. C'est le problème de l'affectation des recettes fiscales aux différents niveaux de collectivités. J'ai fait toute ma carrière politique en dénonçant l'affectation du même impôt à plusieurs niveaux. Et quand nous sommes rentrés - je parle sous le contrôle de Dominique PERBEN - dans la réforme, avec Alain MARLEIX et Brice HORTEFEUX nous nous sommes dits qu'on allait affecter un impôt à un niveau. Mais je me suis rendu compte que cela ne pouvait pas marcher. Pourquoi ? Parce que cela revenait, en vérité, à donner aux communes la part de la nouvelle contribution économique territoriale assise sur l'immobilier et à donner au département ou à la région la part assise sur la valeur ajoutée. Vous étiez les perdants parce que vous avez une base, le foncier, qui n'est pas dynamique alors que les autres auraient eu une base, la valeur ajoutée, qui est dynamique. Nous avons préféré ne pas donner suite à cette idée de la spécialisation, qui est une bonne idée théorique mais qui s'avère absolument impossible à appliquer pour assurer l'équité entre les différents niveaux territoriaux.
Nous avons pris des engagements de compensation intégrale. Nous les vérifierons par une clause de revoyure. On me demande des simulations. Mais la meilleure simulation, c'est la clause de revoyure. On s'est engagés, individuellement pour chaque commune, n'est-ce pas François ? À garantir la recette £ et on se revoit au bout de six mois pour voir ce que vous avez eu et ce que vous auriez dû avoir. D'ailleurs, c'est une question qui m'a toujours taraudé : pourquoi se bat-on tellement au moment du budget, qui est un acte de prévision, et ignore-t-on totalement le compte administratif, qui est un acte de réalisation ? On ferait mieux d'avoir les grands débats politiques, y compris dans vos communes, au moment de l'adoption du compte administratif. C'est la même chose pour les simulations.
Je vais vous dire une chose : je pense que le nouvel impôt sera bien meilleur pour vous - pour une raison simple : il sera assis sur une assiette qui est la valeur ajoutée, qui est dynamique. On ne sera plus dans la situation d'un certain nombre de communes qui se sont trouvées du jour au lendemain sans recettes parce que pour des raisons comptables, une entreprise décidait de délocaliser ses équipements.
J'en viens à la réforme territoriale. On me dit, y compris parmi mes amis : « Mais enfin Nicolas, tu vas trop vite, pourquoi faire les deux en même temps ? ». Il est quand même intelligent, me semble-t-il, de parler en même temps des ressources et des compétences, en même temps des moyens et de l'organisation, plutôt que de faire comme toujours en France, prendre un petit bout du quatre-quarts, constater qu'il est un peu bourratif et renvoyer la suite à plus tard, moyennant quoi la suite ne vient jamais.
A partir de ce moment-là, comment a-t-on résolu le problème des communes, des départements et des régions ?
D'abord, un premier engagement politique que le Gouvernement assume, c'est que le seul niveau pertinent pour avoir la clause de compétences générale est la commune. La commune doit garder la clause de compétences générale. L'Etat aussi bien sûr. La commune qui est le niveau de base de la démocratie, l'expression de la démocratie au niveau le plus proche du terrain £ et l'Etat qui est l'expression de l'intérêt général. Dans la réforme territoriale, le niveau qui ne bouge pas, qui est préservé, qui est défendu, c'est le niveau communal. C'est un choix que j'assume. On m'a dit que le congrès des maires serait difficile. Ecoutez, le congrès des maires j'ai toujours vu que c'était difficile. Je n'ai jamais vu un congrès des maires qui soit une promenade de santé pour le Gouvernement. D'ailleurs, si le congrès des maires était facile, si c'était un lieu où l'on se fait applaudir spontanément, ou l'on est remercié somptueusement pour l'action extraordinaire que l'on conduit, tous les présidents de la République y seraient allés. Mais le Gouvernement de François FILLON est le premier qui dit clairement que la commune est le coeur et qu'il ne faut pas y toucher. La réforme doit porter sur le département et sur la région.
Jusqu'à présent, Mesdames et Messieurs, le raisonnement technocratique consistait à dire, entre ceux qui créaient les pays et ceux qui réfléchissaient aux intercommunalités, qu'il fallait rayer de la carte tant de communes qui ne correspondaient à rien. Ce n'est pas nous, Monsieur le président du Sénat £ nous, nous défendons l'idée parfaitement contraire.
Comment faire ensuite avec le département et la région ? Nous avons eu une idée qui, je pense, est assez novatrice, et je voudrais d'ailleurs rendre hommage à M. BALLADUR, comme à Jean-Patrick COURTOIS et à Dominique PERBEN qui sont nos rapporteurs. C'est l'idée qu'au fond, supprimer un niveau serait absurde, voire impossible, mais qu'au lieu d'avoir la concurrence entre le département et la région on devrait avoir la complémentarité. Est-ce que cette idée est compréhensible ? Il y a chaque année 20 Mds d'euros de dépenses des départements et des régions sur les mêmes domaines. Les mêmes ! Que l'on ne vienne pas me dire que ce phénomène ne se produit que lorsque le département n'est pas de la même couleur politique que la région £ quand ils sont de la même couleur politique, dans le meilleur des cas ils se parlent peu, dans le pire ils se concurrencent en permanence.
Vous tous, qui faites campagne au moment des élections municipales, que dites-vous ? On n'y comprend plus rien, c'est long, c'est complexe, on ne sait pas où il faut s'adresser, on est pris en otages dans des problèmes politiques qui nous dépassent, qui ne nous concernent pas, et plus personne n'y comprend rien. Oui ou non ? Je suis prêt à parier qu'ici, il n'y en a pas un seul parmi vous qui n'ait jamais pesté contre la complexité de notre organisation territoriale et qui ne se fasse l'écho de sa population qui dit : « Ecoutez, franchement, faites attention dans les dépenses, parce que ce sont les impôts que l'on paye, on vous demande d'être plus rigoureux et d'être plus efficaces ».
Là vient le grand tabou. Si l'on veut se faire applaudir il faut dire que les élus locaux dépensent mieux que l'Etat £ succès garanti ! Eh bien je ne le dirai pas. Je ne dirai pas non plus qu'ils dépensent moins bien. Je dis que devant le contribuable citoyen, nous sommes tous à égalité de responsabilité. Parce que le contribuable local ou national, c'est le même contribuable, qui nous demande des comptes et auquel nous en devons. Notre devoir est de faire en sorte que la France cesse d'être le champion d'Europe de la dépense publique, quelle soit locale, départementale, régionale ou nationale. En 2007 nous venons de dépasser la Suède dans le poids des dépenses publiques. La question n'est pas de se renvoyer les problèmes. La question n'est pas de se dire : « C'est de ta faute ou de la mienne ». La question est de regarder la situation telle qu'elle est. Comment peut-on alléger le poids des dépenses publiques et donc des impôts de sorte que, lorsqu'il y a de la croissance, la France en profite davantage ?
Alors qu'allons-nous faire ? Nous allons créer le conseiller territorial. Le conseiller territorial, c'est la même femme ou le même homme qui représentera à la fois son département et sa région. Est-il est impossible de faire comprendre qu'il n'est pas absurde que le même homme ou la même femme représente son département et sa région ?
Se pose le problème de la diminution par deux du nombre des élus territoriaux. Je n'aime pas beaucoup qu'on critique les élus. Par parenthèse, je l'ai été et je le suis encore. Sinon je ne serais pas là £ je voudrais quand même le rappeler. Je n'aime pas beaucoup les observateurs qui critiquent les élus et qui, en général, n'ont pas le courage de se présenter à des élections, ce qui leur ferait le plus grand bien. J'ajoute, à l'intention de tous ceux qui adorent les autorités indépendantes, que j'ai toujours pensé que l'expression du suffrage universel donne à l'élu plus de représentativité que bien des spécialistes qu'on déclare ou qu'on décide indépendants.
Ceci posé, nous sommes obligés de faire une réforme, une modification du contour des cantons. Le Conseil constitutionnel l'a d'ailleurs demandé. La population dans vos cantons va de 1 à 45, est-ce raisonnable ? Croyez-vous que cela nous amuse ? Pensez-vous que j'aie si peu d'expérience politique que j'ignore que lorsqu'on fait un découpage, il y a forcément des polémiques ? On doit le faire. On le fera.
Mais j'ai voulu, et François FILLON peut en porter témoignage, qu'on garde le canton. Nombreux étaient ceux qui en proposaient la suppression. Je pense que le canton est une réalité française. On va donc le garder le canton parce qu'ainsi, tous vos territoires seront représentés. Aucun département n'aura moins de 15 conseillers territoriaux. Et quand ils se réuniront, ils se réuniront un jour comme département et puis un autre jour comme région.
Je ne fais pas une publicité de la suppression de la moitié des élus régionaux et départementaux. Je ne m'en excuse pas non plus. Et que ceux qui y sont hostiles aillent jusqu'au bout de leur logique £ ils n'ont qu'à proposer de les doubler ! Vous verrez comment les Français réagiront. J'ajoute que c'est la seule façon de sortir du piège du mandat unique, qui est la fausse bonne idée par excellence. Parce que c'est celle qui consiste à couper les élus nationaux des élus territoriaux, à créer deux catégories d'élus, une catégorie nationale et une catégorie locale, pour être sûrs qu'il n'y ait aucun contact entre les deux £ il y aurait les spécialistes qui iraient à l'Assemblée nationale et au Sénat, et puis il y aurait ceux qui sont sur le terrain - et les deux ne se parleraient pas. Grâce aux conseillers territoriaux, on peut sublimer ce débat.
Se pose la question de la cause de compétence générale. Je suis de ceux qui pensent qu'il faut en discuter, que donner la compétence générale aux communes, donner la compétence générale aux départements, donner la compétence générale à la région, donner la compétence générale à l'Etat, c'est un système qui est fou. Parce que naturellement, quand vous avez la compétence générale, que vous soyez conseiller régional ou conseiller général, et qu'un groupe de pression, qu'une association vient vous voir, vous ne pouvez pas refuser. On m'a dit, c'était même un débat entre nous : « La clause de compétence générale, ce n'est pas important ». Si, c'est important. Beaucoup plus qu'on ne le dit. C'est important bien sûr, parce que quand on peut tout faire, on fait tout. Parce qu'il y a la pression de la base qui monte et on fait tout. Quelle est notre idée ? Qu'on définisse un bloc de compétences pour les départements, un bloc de compétences pour les régions, et qu'on garde la compétence générale pour la commune. Cela me paraît simple.
Il y a bien sûr un certain nombre de questions, peut-être en reparlera-t-on pendant le débat. Est-ce que cela empêchera les départements d'aider les communes ? Mais on peut parfaitement, dans les compétences, pour les communes de montagne, pour les territoires ruraux, pour les communes du littoral, prévoir que les départements peuvent aider un certain nombre de petites communes qui sans cela ne peuvent pas s'en sortir. C'est parfaitement imaginable.
Alors il y a un débat avec le président du Sénat, qui est mon ami. Il me dit qu'il faut donner du temps au temps. Franchement, depuis le temps que la France donne du temps au temps... Je vais vous dire une chose : je pense que plus on perd du temps, plus on crée de l'inquiétude. Les élus qui sont là, quels qu'ils soient, veulent savoir quelle sera leur organisation et quelles seront leurs recettes. Prenons le temps pour travailler bien sûr, mais ne faisons pas trop durer le plaisir. Et puis nous verrons bien les amendements et les amodiations que nous ferons à la réforme que nous aurons ainsi débattue.
Je ne vais pas être trop long, je ne veux pas rentrer dans le détail des métropoles, si ce n'est pour dire une chose. Arrêtons d'opposer les métropoles aux territoires ruraux. Je sais bien que je suis Président de la République de toute la France. Mais ce n'est pas faire insulte aux territoires ruraux que de dire que la France a un grand problème de métropoles. Pourquoi ? Parce qu'au XXe siècle, on s'est développés derrière des frontières et avec des statuts. Au XXIe siècle, on se développe par réseaux qui ignorent les frontières et par bassins de population. La question des métropoles est une question centrale. Oui, quand Nancy et Metz ont la très bonne idée de mettre en commun leurs potentiels universitaires, cela donne quelque chose de formidable. Parce que nous voulons les meilleures universités du monde £ or si Metz veut garder son université, si Nancy veut garder son université, et que les deux ne veulent pas se parler, on ne pourra pas s'en sortir. La métropole, telle que nous l'avons prévue dans le texte, est absolument incontournable. On ne peut pas regrouper les communes de façon obligatoire £ mais en même temps, un ensemble de communes ne peut pas être empêché de se regrouper parce qu'une seule refuse. Chacun connaît la diversité du personnel politique local et les tempéraments parfois bien affirmés.
Restera la question de la ruralité. Le problème est très difficile et en même temps, il faut qu'on s'y attache dès maintenant. Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas ? Parce que la politique d'aménagement du territoire a été construite par la DATAR pour des territoires qui perdaient la population. Ce qui était la réalité des territoires ruraux. Mais depuis une dizaine d'années cela a changé, ce sont des territoires qui gagnent de la population. La politique d'aménagement du territoire ne peut pas rester la même. Au fond, la politique d'aménagement du territoire a été conçue au XXe siècle pour accompagner des territoires qui allaient mourir parce qu'ils perdaient leur population. Il faut qu'avec Michel MERCIER et François FILLON, nous inventions une politique d'aménagement du territoire pour accompagner des territoires qui revivent parce qu'ils reprennent de la population. D'où, d'ailleurs, l'importance que j'attache au critère de la population dans la répartition des dotations.
Il y a des choses qui fonctionnent. Michel MERCIER a relancé les pôles d'excellence ruraux, auxquels je crois énormément. Nous nous sommes engagés dans la rénovation complète de notre politique agricole. Mais c'est un caillou dans mon soulier, je le reconnais bien volontiers : il faut imaginer une politique d'aménagement du territoire rurale qui soit beaucoup plus dynamique et qui tienne compte d'autre chose. Je l'ai vu avec l'affaire de La Poste. Excusez-moi, j'en termine par là mais j'ai envie de m'expliquer avec vous parce que je sais ce que vous représentez en France et ce que vous apportez.
La Poste est une entreprise organisée pour distribuer du courrier. Avec internet, avec les SMS, il y a de moins en moins de courrier. Si nous laissons La Poste uniquement organisée autour de la distribution de courrier, La Poste mourra. Quelle est notre idée ? Faire de La Poste, entreprise de courrier, une entreprise de logistique. Parce que s'il y a de moins en moins de courrier à distribuer, il y a de plus en plus de colis à livrer puisque maintenant on commande beaucoup par internet. Si on veut en faire une entreprise de logistique, il faut lui permettre d'acheter des trains, des avions, des camions, de se réorganiser. Mais naturellement, le maire se dit : « Que va-t-il advenir de mon bureau de poste ? »
Lorsqu'on a fait la réorganisation de la carte judiciaire qui attendait depuis 1958, et supprimé un tiers des tribunaux, un certain nombre d'entre vous ont souffert. On a aussi voté la loi de réorganisation hospitalière pour les communautés hospitalières de territoires, parce qu'on ne peut pas épuiser le pays à entretenir des services où il n'y a personne. Vous avez souffert, et donc cette politique d'aménagement du territoire doit tenir compte aussi de cette réalité : quels sont les services publics adaptés ?
Moi, je pense qu'un service public de qualité, ce n'est pas pour chaque sous-préfecture un tribunal d'instance, ce n'est pas pour chaque village un hôpital, mais c'est la possibilité pour tous les bassins ruraux d'avoir, à proximité, l'internet, l'hôpital, dans une réflexion de carte des services publics définie avec vous au niveau départemental.
Ce qui est inacceptable, c'est que la même ville voie supprimés sa sous-préfecture, son commissariat, sa brigade de gendarmerie, son hôpital, son tribunal. Et ce à quoi avec Michel MERCIER et François FILLON nous appelons, c'est à une discussion département par département, avec vous, de la meilleure carte des services publics. Au lieu de quoi, dans le climat de méfiance entre l'Etat centralisateur et les élus décentralisateurs, chacun reste sur son quant à soi. Voilà la logique de laquelle il convient de sortir aujourd'hui.
Mesdames et Messieurs les Maires, nous allons maintenant nous livrer à vos questions. J'aimerais, pour terminer, que vous compreniez. Ce n'est pas une question de tempérament si je veux faire toutes ces réformes et si je me bats avec tant de force. Si je ne cède pas, ce n'est pas une question d'entêtement, c'est parce que la France doit faire les efforts que les autres ont faits avant nous. Nous n'avons pas le choix, les autres l'ont fait et ils ont de meilleurs résultats que nous. Je ne peux pas me résoudre à ce que nous n'ayons pas les meilleures universités du monde, je ne peux pas me résoudre à ce que l'on perde tant d'argent en s'épuisant à financer une carte hospitalière alors qu'on a besoin de pôles d'excellence, de nouveaux traitements, de nouvelles machines, de nouveaux professeurs, d'une meilleure carte de l'implantation médicale.
Si je réforme en même temps la taxe professionnelle et les échelons territoriaux, c'est parce que de toute manière, ce rendez-vous est incontournable. Nous n'avons pas le choix, il faut le faire. Ceux qui sont contre, une fois qu'ils ont organisé les sifflets, ils sont contents, mais qu'est-ce que cela vous amène ? Donner une image politicienne d'un congrès qui en général est un congrès d'hommes et de femmes de bonne volonté, c'est prendre en otage des élus. Le plus important pour moi ce matin, c'est de créer un climat de confiance, où chacun pourrait s'appuyer sur la parole de l'Etat et se dire qu'on peut emprunter cette voie parce qu'aussi il y a une possibilité de revenir en arrière si cela ne marche pas. C'est l'importance de la clause de revoyure. Nous serons à votre écoute, nous sommes prêts à amender notre projet, mais on ne renoncera pas à l'objectif et on ne renoncera pas à la ligne structurelle de ce projet.
Mesdames et Messieurs, je me livre avec le Premier ministre à vos questions.