16 mars 2009 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les relations franco-libanaises, à Paris le 16 mars 2009.

Monsieur le Président,
C'est pour nous un très grand honneur que de vous accueillir aujourd'hui parce que le Liban est si cher au coeur des Français. On peut même dire qu'entre nos deux pays, c'est une histoire de famille !
La France a célébré la naissance du Liban. La France s'est réjouie de son épanouissement. La France a été meurtrie par la guerre civile qui a déchiré le Liban et les conflits régionaux qui l'ont durement et injustement frappé. La France ne fut jamais indifférente, elle a toujours déployé les efforts nécessaires, indispensables et partagé les souffrances de son frère du Levant.
Monsieur le Président, votre élection en juin a couronné une année d'efforts diplomatiques intensifs, où la France a essayé de prendre toute sa part. Dès mon arrivée à la tête de l'Etat, la réunion de la Celle Saint-Cloud puis les visites innombrables à Beyrouth de Bernard Kouchner ont témoigné de notre acharnement, malgré les obstacles, à favoriser la réconciliation des Libanais, l'unité et l'indépendance du Liban. J'ai été très heureux d'être le premier chef d'Etat occidental à vous rendre visite après votre élection.
Monsieur le Président, vous avez choisi la carrière des armes dès votre plus jeune âge : au Liban un peu plus qu'ailleurs, on ne choisit pas la carrière des armes par hasard. Surtout, on n'y excelle pas, comme vous avez su le faire, sans un très grand courage, un esprit de sacrifice, une rigueur de commandement, une hauteur de vue et un sens de l'Etat. Quand tout semblait s'écrouler dans votre pays, l'armée libanaise était là pour maintenir l'entente entre les communautés et faire prévaloir l'intérêt général.
C'est sous vos ordres que l'armée libanaise s'est déployée à partir de 2006 au Sud Liban, qu'elle a mené une lutte ferme et efficace contre les terroristes et qu'elle a incarné l'unité du pays dans une période où les divisions étaient si profondes.
Aujourd'hui, vos qualités, vous les mettez au service du Liban tout entier. Votre élection a marqué l'entrée du Liban dans une ère nouvelle.
En quelques mois, votre bilan est déjà remarquable. Les institutions fonctionnent à nouveau, le gouvernement d'union nationale gouverne, le parlement légifère, la vie politique a repris son cours et se focalise, comme c'est normal dans une démocratie, sur les élections législatives du mois de juin prochain. Le Liban revit, le Liban va mieux, c'est l'oeuvre de l'ensemble des Libanais mais c'est d'abord l'oeuvre du premier d'entre eux, la vôtre Monsieur le Président. La France veut vous dire son admiration et son soutien le plus total. Vous avez redonné ses lettres de noblesse à la fonction présidentielle. Dans votre pays où chaque mot compte, où tout geste est sujet à interprétation, vous réussissez à mener une politique tout à la fois déterminée et volontariste et respectueuse des équilibres particuliers du pays du Cèdre. Et, de nouveau, le Liban avance dans la voie du renouveau.
En ce moment si important de son histoire, la France continue à se tenir aux côtés du Liban.
Monsieur le Président, la mort de Rafic Hariri, je veux dire son assassinat, ne doit pas rester impuni. La longue litanie des meurtres qui ont frappé les meilleurs fils du Liban ne doit pas demeurer impunie. La France soutiendra tous les efforts pour que les coupables aient à rendre des comptes, pour que le dialogue se poursuive et que les armes se taisent à jamais et pour que la coexistence et la tolérance prévalent sur la violence et la dissension. Les criminels doivent assumer leurs responsabilités et porter le poids des actes qu'ils ont commis.
La France poursuit aujourd'hui ce qu'elle considère comme une mission : son soutien à l'Etat libanais et donc à son armée. La France s'honore d'avoir des soldats au sein de la FINUL, en appui à votre armée. La FINUL apporte une contribution essentielle à la mise en oeuvre de la résolution 1701 du Conseil de sécurité pour que plus jamais le Liban ne revive les heures noires de l'été 2006. Comme si quand quelque chose ne va pas dans cette région du monde, il fallait que tout le monde se mette d'accord pour que ce soit le Liban qui en paie le prix. Le Liban est une victime, le Liban n'est pas coupable et la France est l'amie du Liban.
La France reste très attentive à la stratégie de défense que vous conduisez dans un Etat souverain. Nul en dehors des autorités libanaises ne doit être le garant de la sécurité. La France reconnaît et discutera avec toutes les forces politiques du Liban, mais que les choses soient claires : les forces politiques n'entretiennent pas de milices et de forces militaires. La force militaire légitime, c'est celle de l'Etat libanais.
Monsieur le Président, votre élection a ouvert un autre chapitre prometteur, celui des relations du Liban avec son environnement. Vous incarnez l'indépendance et la souveraineté du Liban.
Vous avez eu le courage de prendre le chemin de Damas - je veux dire au propre, pas au figuré - en août dernier, un mois après le sommet de Paris pour la Méditerranée, où je me dois de présenter des excuses à votre épouse et à votre famille, parce que ce sommet n'avait pas exactement calculé un événement heureux de la vie de la famille. Avec votre homologue syrien, vous avez tracé, et c'est historique, la route d'une pleine reconnaissance du Liban par la Syrie, d'une relation d'égal à égal entre la Syrie et le Liban, relation faite de respect mutuel et de compréhension des intérêts réciproques.
La France n'ignore pas qu'il reste du chemin à parcourir. Mais vous pouvez compter sur la France pour appuyer cette démarche nécessaire, dans l'intérêt des peuples libanais et syrien. Ce fut toujours le discours de la France à l'endroit du président syrien, le Liban est indépendant.
Le Liban ne s'est pas laissé entraîner dans la tourmente qui a frappé le Proche Orient, il y a quelques semaines. Vous savez à quel point la France est attachée à la paix. Elle veut dialoguer avec l'ensemble des acteurs de la région pour trouver avec eux les voies d'un règlement global. Et je vous le dis, Monsieur le Président, la France ne laissera jamais sacrifier le Liban sur l'autel des rivalités régionales. Que ceux qui ont des comptes à régler ne les règlent pas sur le dos du Liban, c'est la demande de la France à tous vos voisins.
2009 doit être l'année de la paix au Proche-Orient et le Liban doit en être un acteur. Je n'oublie pas que c'est à Beyrouth, en 2002, que l'Initiative arabe de paix a été proclamée. Je souhaite que le Liban trouve toute sa place dans un accord global intégrant les trois volets du processus de paix israélo-arabe.
Pourquoi attendre 2010 alors que 2009 doit nous occuper à la paix ?
Ces progrès vers la paix doivent permettre au Liban de redevenir ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être : un havre d'entente, de prospérité, un modèle de diversité acceptée. Dieu sait que cette région du monde a besoin de la diversité et le Liban doit être préservé parce que le Liban est un modèle de diversité. Le Liban est fort parce qu'il est divers.
Le Liban est une mosaïque, une mosaïque culturelle, une mosaïque religieuse. Ce n'est pas une faiblesse, c'est une richesse. Votre peuple, Monsieur le Président, est un éloge à la diversité. On ne peut qu'être fasciné à l'énumération des communautés qui le composent. Bon, ce n'est pas très facile d'organiser un dîner d'Etat tant les invités souhaitent être nombreux et représenter toute la diversité de la société libanaise.
Aujourd'hui la société libanaise bruisse de projets pour l'avenir. Un formidable potentiel de talents, d'ingéniosité, d'initiatives.
Vous pouvez compter sur la France, ici encore, pour vous encourager.
Nous voulons nous appuyer sur le lien affectif entre le Liban et la France, ce tissu humain exceptionnel qui nous unit.
Je veux, en terminant, saluer particulièrement la communauté libanaise de France, une communauté dont je connais le dynamisme, l'esprit d'initiative, l'attachement si fort à nos deux pays. Je salue également la communauté française et francophone du Liban qui, avec tant de talent apporte chaque jour sa contribution à l'épanouissement de nos relations.
Car enfin, le lien qui nous unit, c'est aussi celui de la langue. Le Liban a offert à la littérature francophone d'hier et d'aujourd'hui certains de ses écrivains et de ses poètes les plus talentueux, je pense à Andrée Chedid, à Amin Malouf, à Alexandre Najjar. Certains, j'en suis très heureux, sont parmi nous ce soir. Je n'oublie pas les écrivains français qui ont chanté le Liban et pas n'importe lesquels : Chateaubriand et sa fascination pour le foisonnement des croyances au Liban, Lamartine, dont la France vous a offert les éditions originales, et ses descriptions inspirées des paysages inoubliables du Liban, Nerval et son amour pour Saléma, sa muse venue du Chouf. Monsieur le Président, la Francophonie, le français, nous les partageons ensemble. 100.000 visiteurs au Salon du livre francophone de Beyrouth : c'est la première manifestation culturelle de votre pays. Cette année 2009 sera riche en événements : les Sixième Jeux de la Francophonie à l'automne prochain, la Journée de la francophonie à la fin de cette semaine à Beyrouth £ et en 2010 "Paris-Beyrouth. Beyrouth-Paris".
Qu'il me soit permis en terminant, Monsieur le Président, de vous dire qu'ici nous sommes les amis de tous les Libanais. Et la France vous le dit, Monsieur le Président, nous n'avons pas à choisir entre les Libanais, nous les aimons tous, nous les soutenons tous, nous les comprenons nous, nous ne posons qu'une seule condition, c'est que ce soient des Libanais attachés à l'indépendance du Liban. C'est cela le message de la France, Monsieur le Président.
Permettez-moi, Cher Michel, au nom de notre amitié, de l'amitié entre nos deux peuples et du courage dont vous avez fait preuve, de vous dire mon admiration et au nom de mon épouse, l'honneur de vous recevoir avec votre épouse.
Alors Mesdames et Messieurs,
Vive le Liban !
Vive la France !
Et vive les liens indéfectibles entre ces deux pays, dont le monde peut avoir besoin.
Merci.