23 décembre 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Luiz Inacio Lula Da Silva, Président de la République fédérative du Brésil, notamment sur les relations franco-brésiliennes, à Rio de Janeiro le 23 décembre 2008.

Mon Cher Ami et Président de la France, Nicolas SARKOZY,
Messieurs les Ministres français,
Monsieur le Ministre brésilien, Gouverneur de l'Etat de Rio de Janeiro, mon camarade Sergio CABRAL, le Gouverneur de l'Etat de Minas Gerais,
Aussi bien Rio de Janeiro qu'à Minas Gerais ont su bénéficier de cet accord pour la production d'hélicoptères, parce que l'hélicoptère va être assemblé au Minas Gerais et ici à Rio de Janeiro.
Le gouverneur va recevoir l'usine qui va produire les turbines pour l'hélicoptère. Je souhaite saluer la presse et vous dire qu'aujourd'hui, c'est une journée historique dans les rapports France-Brésil. Nous sommes déjà en train de préparer la nouvelle visite du Président SARKOZY au Brésil, le 7 septembre 2009, à l'occasion de la célébration du jour de l'indépendance du Brésil. C'est l'invité spécial et, en même temps, nous allons justement célébrer notre grandiose fête de l'année de la France au Brésil.
C'est avec une joie profonde que je reçois le Président SARKOZY à Rio de Janeiro. Sans doute, après votre première visite, vous allez pouvoir nous aider à divulguer la beauté de Rio de Janeiro et, comme nous ne sommes pas en train de discuter avec la France, nous allons peut-être compter sur votre appui pour que les Jeux Olympiques aient lieu dans un pays sud-américain, puisque la France est l'unique pays européen qui a une partie de son territoire dans le continent sud-américain.
Sous votre leadership, la France s'est placée à l'avant-garde pour trouver des réponses à la turbulence financière sans précédent que nous connaissons. Nous sommes engagés dans les débats des grands thèmes de l'agenda global et engagés aussi avec un ordre international multipolaire et plus juste. Nos gouvernements connaissent la responsabilité qui leur revient d'assurer la protection aux segments les plus vulnérables, en ce moment de crise. Pour cela, nous avons l'occasion aujourd'hui d'approfondir le dialogue que nous avons lancé aux rives de l'Oyapock au début de cette année. Nous sommes en train d'adopter le plan d'action de notre partenariat stratégique qui guidera notre coopération dans les prochaines années. Grâce à lui, nous allons avancer dans des projets commerciaux de partenariats industriels et technologiques qui offrent une réponse au défi de créer des emplois, des revenus et du développement. L'augmentation dans les investissements est révélatrice, en 2007, les capitaux français au Brésil ont augmenté de 62% en atteignant 1 milliard 200 millions de dollars et faisant de la France, notre quatrième investisseur. En 2007, notre commerce a augmenté exponentiellement, se rapprochant des 7 milliards de dollars.
La France est aujourd'hui un marché prioritaire pour les exportations brésiliennes. Nous sommes décidés à diversifier notre palette en faveur de produits à plus grande valeur ajoutée. Pour cela, le groupe de travail de haut niveau sur le commerce et les investissements que nous sommes en train de constituer ainsi que la création de la Chambre de commerce franco-brésilienne seront des outils de grande valeur.
Notre programme de coopération dans le domaine de la défense est indissociable du caractère stratégique de notre partenariat. Ceci permettra au Brésil de faire le bond technologique nécessaire pour restructurer ses forces armées et remettre en oeuvre la nouvelle stratégie de défense du Brésil. Un exemple, c'est l'accord signé aujourd'hui pour la construction conjointe de sous-marins conventionnels, ainsi que pour développer et conclure le sous-marin brésilien à propulsion nucléaire. Notre marine de guerre aura la technologie de dernière génération pour mieux patrouiller sur l'étendue du littoral brésilien. Nous allons augmenter substantiellement la capacité brésilienne de produire des hélicoptères avec la technologie de pointe.
La coopération spatiale est un autre domaine où nous sommes en train d'unir nos connaissances et nos compétences. L'agence spatiale brésilienne et le centre d'études spatiales de la France vont promouvoir un échange plus grand d'informations et d'expériences.
Unir les capacités en matière de recherche, de connaissance et d'innovation technologique est aussi décisif pour protéger la vaste richesse et les exceptionnelles potentialités de notre patrimoine naturel. Voilà l'objectif du centre franco-brésilien d'étude de la biodiversité amazonienne que nous allons créer.
Nous savons que la France fera preuve d'une semblable vision de leadership au sein de l'Union européenne, dans la recherche d'un accord sur le changement actuel dans le standard de production et de la consommation. Nous ne pouvons pas gaspiller les opportunités pour définir des actions concrètes qui aident à faire reculer la crise financière qui menace de déstabiliser l'économie mondiale. Tel fût le message que le Président SARKOZY et moi, avons emmené, ensemble à la réunion du G20 financier à Washington.
Lors de la prochaine rencontre à Londres, nous allons nous unir pour défendre des mécanismes de régulation transparents et efficaces du système financier international. Nous sommes d'accord que les risques d'une récession globale renforcent l'importance de conclure au plus vite le cycle des lois. Il est essentiel que les pays en développement ne se voient pas frustrés de leurs aspirations à la croissance. La crise actuelle dépasse le domaine financier, elle reflète l'inadéquation de l'actuel ordre international.
Le partenariat entre le Brésil et la France prouve que les pays développés en développement peuvent travailler ensemble pour rendre les organes de décisions internationaux plus légitimes et efficaces. C'est ainsi que nous interprétons l'appui ferme et public du Président SARKOZY à l'aspiration brésilienne d'occuper un siège permanent dans un Conseil de Sécurité réformé.
Je souhaite aussi exprimer ma reconnaissance au rôle du Président SARKOZY dans le dialogue du G8 élargi. Je garde le meilleur souvenir des commémorations de l'année du Brésil en France en 2007. Je suis certain que l'année de la France au Brésil en 2009 renforcera encore plus les liens d'affinité et d'aspiration entre deux peuples décidés à construire ensemble un futur meilleur.
Plus de 700 projets montreront tout ce que nous pouvons atteindre en matière d'art, de coopération scientifique, technologique et académique. Dans le domaine économique de promotion commerciale, la programmation amènera des artistes et des chercheurs d'origines multiethniques, originaires des régions d'Afrique, d'Asie et du Proche-Orient. Nous aurons un portrait de la France contemporaine qui, comme le Brésil, a trouvé dans les migrants de nouvelles nuances pour construire son identité. Finalement, j'enregistre avec plaisir que le Brésil recevra, à nouveau, le Président SARKOZY en 2009, pour les commémorations de notre 7 septembre.
Mon ami SARKOZY, mes amis, je pense qu'une fois prononcé mon discours, -j'ai suivi le protocole-, je souhaite vous parler de quelque chose qui va au-delà de ce que l'âme peut écrire, parce que je souhaite dresser un portrait de ce que je ressens en ce moment. D'abord, enregistrer devant la presse brésilienne, devant nos autorités, ici présentes, civils et militaires, Ministres et Gouverneurs, que le Président SARKOZY, depuis qu'il a assumé ses fonctions a été un Président qui a pris des décisions extrêmement importantes sur la scène internationale pour collaborer avec le Brésil. Depuis qu'il a assumé ses fonctions, le Président SARKOZY, non seulement a défendu l'entrée du Brésil au Conseil de Sécurité de l'ONU mais aussi, il a défendu la participation du Brésil au G8, un G8 reformulé qui, en fait, a dans son sein les principales économies du monde en même temps, après tous ces discours, et après avoir été pratiquement l'auteur de la proposition du G20 à Washington, parce que le Président BUSH n'était pas tout à fait décidé à faire cette réunion. Aujourd'hui, le sommet de cette relation c'est la signature de tous ces protocoles et la confirmation de notre accord stratégique France-Brésil et il est important que vous tous, vous sachiez que, dans les mots, dans les paroles du Président SARKOZY, dans mes paroles, ceci n'est pas un accord de ceux pour faire en sorte que le Président et les Ministres signent des protocoles et puis chacun revient à ses affaires. Le Président SARKOZY revient en France, moi, je reste ici au Brésil, puis, après dix ans, nous nous retrouvons et les accords que nous avons signés n'ont pas évolué, n'ont pas marché, rien n'a eu lieu. Cela ne peut pas être comme cela. Le Président SARKOZY est un homme pratique, il est angoissé même, je suis angoissé aussi et pratique. Toutefois, j'ai été très critique et bien des fois, nous avons signé beaucoup de choses dans le domaine international et les choses mettent trop longtemps pour se réaliser, plus que le mandat que nous avons. Et, bien des fois, je pourrais citer l'exemple du pont sur le fleuve Oyapock en faisant la liaison entre la Guyane française et le Brésil. Le Président CHIRAC, le Président Fernand-Henrique CARDOSO, il y a plus de 8 ans, ont fait une fête sur les rives de l'Oyapock pour mettre la pierre fondamentale, mais ce pont n'est pas encore construit. Maintenant, le Président SARKOZY et moi, nous allons assumer l'engagement jusqu'en 2010, parce que son mandat va au-delà, mon mandat finit en 2010, qu'il faut inaugurer ce pont, pour l'amour de Dieu, car il y aura deux mandats de 8 ans qui se seront écoulés, si nous n'inaugurons pas ce pont. C'est presque une honte dans les rapports bilatéraux.
Deuxième point que je trouve extrêmement important, Monsieur le Président SARKOZY, c'est que ces accords que nous avons signés dans le domaine de la défense, j'ai toujours eu la conviction qu'il y a trois possibilités pour qu'un pays se transforme en une puissance et soit respectée partout dans le monde. L'une d'entre elles, c'est la capacité technologique de ce pays, la quantité d'argent qu'il est capable de produire, son PIB, ses réserves, mais une autre qui ne peut pas être inéluctable, c'est la capacité militaire d'un pays. Non pas la capacité militaire pour attaquer qui que ce soit, mais la capacité militaire en pensant à se défendre. Un pays qui a le courage et la capacité de dire non quand il faut dire non. Un pays qui possède l'Amazonie que possède le Brésil, un pays qui a 8000 kilomètres de côtes maritimes, un pays qui, peut-être, détient la plus grande quantité de fleuves d'eau douce navigables au monde, ne peut pas être en dehors d'être totalement préparé du point de vue des forces d'armée de terre, de l'air, de la marine. Il faut que le Brésil assume la grandeur que Dieu lui a concédée quand il a créé le monde et que nos diplomates nous ont donnée quand ils ont réussi à faire la division de l'espace géographique au siècle dernier. Mais, il faut que nous ayons bien présent que concéder de l'importance aux forces armées, c'est aussi se doter au Brésil de connaissances technologiques, et c'est exactement ceci que la France offre au Brésil. Donc, la France n'est plus disposée à vendre ses avions, ses navires, ses hélicoptères, elle est disposée à les construire ensemble, à établir des partenariats avec le Brésil, à faire des transferts de technologies, pour que le Brésil puisse être doté de l'industrie de défense, de l'importance du pays dans ce continent, de l'importance du Brésil dans le monde. Je suis convaincu que nous allons le construire et que le Brésil sera toujours reconnaissant au gouvernement français pour la compréhension de vouloir construire un partenariat et pas seulement un rapport de marchés entre deux pays qui souhaitent vendre.
Enfin, j'ai dit personnellement au Président qu'il m'a surpris, pour la fermeté avec laquelle il a agi sur la scène internationale. Il est extrêmement important de voir ce comportement de la France face à la crise financière. C'est extrêmement important le comportement de la France lors des débats que nous tenons dans les forums multilatéraux où participent les pays les plus importants du monde, tel que le G8, le G20, et la fermeté avec laquelle le Président SARKOZY a prononcé dans tous les coins du monde que le gouvernement français ne veut pas faire des pactes pour que des spéculateurs reçoivent de l'argent du trésor de n'importe quel pays. Quand ces spéculateurs ne sont pas préoccupés de la production, de produire des postes de travail. Je pourrais dire aux camarades brésiliens que nous sommes aujourd'hui plus partenaires de ce que nous étions hier et, sans doute, demain, nous serons encore plus partenaires de ce que nous sommes aujourd'hui. Dans notre vision du monde, nous avons des affinités par rapport aux choses qui sont en train d'avoir lieu dans le monde, nous avons des affinités par rapport à la crise financière, par rapport aux genres de modèles financiers que nous souhaitons créer dans le monde, avec un modèle de régulation, que le système financier soit donc soumis, subordonné au secteur productif et non pas au secteur spéculatif. En même temps, il faut que nous ayons le courage de créer une régulation pour le marché futur. On ne peut plus spéculer sur ce qu'il va arriver d'ici trois, quatre ans, sans placer une partie de fonds aujourd'hui pour savoir si les gens veulent vraiment faire des choses sérieuses dans le futur ou simplement spéculer. Pour tout cela, Président SARKOZY, Ministres français, je souhaite vous dire qu'aujourd'hui le Brésil connaît un jour très important, la France est plus proche du Brésil, le Brésil est plus proche de la France, le Brésil et la France ensemble, se transforment dans une force économique importante. La connaissance technologique du Brésil va faire en sorte que le Brésil puisse s'occuper mieux de son Amazonie, va faire en sorte que le Brésil puisse s'occuper mieux de notre pétrole, qui est dans des eaux profondes à plus de 300 kilomètres de nos côtes et nous souhaitons nous transformer dans une grande nation, du point de vue militaire, économique et technologique. Si Carlos MINC, le ministre de l'Environnement, nous aide nous allons défendre l'environnement et on va défendre la planète.
Je vous remercie.
LE PRESIDENT
Mesdames et Messieurs,
Vous l'avez compris, en remerciant le Président LULA, ce que souhaite faire la France, c'est donner un contenu à un partenariat stratégique qui permettra au Brésil et à la France de parler d'une même voix dans les rendez-vous internationaux d'une importance capitale que l'année 2009 va connaître. Nous voulons que le Brésil puisse compter dans la gouvernance mondiale. Nous voulons que le leadership d'un Président LULA soit entendu et nous voulons qu'ensemble, au sommet de Londres, le 2 avril, nous portions un message, celui de la régulation, de la refondation de l'ordre financier mondial. Nous souhaitons porter ensemble un message du refus du protectionnisme dans les discussions à l'OMC et nous prendrons des initiatives ensemble. Nous souhaitons porter le message que les institutions de gouvernance internationale sont celles du XXème siècle, alors qu'avec le Président Lula, nous voulons nous inscrire dans le XXIème siècle. Et, au fond, tous ces accords, tous ces contrats que nous avons signés sont la conséquence d'une volonté du Brésil et de la France de s'allier, de s'additionner pour favoriser la paix et la sécurité dans le monde.
Lorsque la France choisit de signer des accords de transferts technologiques, de construction d'hélicoptères à partir du Brésil qui permettront à nos sociétés de rayonner sur toute l'Amérique Latine, nous avons conscience d'aider le Brésil à avoir un statut de puissance militaire au service de la paix, comme il a un statut de puissance mondiale économique et un statut de puissance mondiale politique. Ce que nous allons faire avec les quatre sous-marins SCORPENE et avec notre collaboration technologique pour construire les coques des futurs sous-marins à propulsion nucléaire brésiliens, c'est une décision historique. Parce que nous pensons, la France pense qu'un Brésil puissant c'est un élément de stabilité pour le monde. Le Président LULA le sait, j'ai toujours pensé que le G8 ne pouvait plus continuer à se réunir sans le Brésil, sans la Chine, sans l'Inde, que c'était profondément incompréhensible. Que le Conseil de Sécurité par ses membres permanents devait évoluer profondément parce qu'il n'est pas possible, il n'est pas pensable qu'un continent comme l'Afrique n'ait aucun représentant dans cette instance permanente. Il se trouve que moi, je me trouve très proche du Président LULA, de sa façon de vouloir réhabiliter la politique, le volontarisme, de dire les choses. Nous ne sommes adversaires de personne, mais nous voulons que le monde se dote des institutions multilatérales, parce que le monde est multipolaire.
Par ailleurs, le Président LULA a bien voulu dire combien la France était appréciée au Brésil. Je peux lui dire que la réciproque est vraie et que le Brésil en France c'est comme une seconde patrie. Mais ce que nous voulons nous, le Président LULA, ses Ministres, les Ministres français et moi, c'est que ce ne soit pas simplement des discours d'amour, d'amitié, d'affection sans lendemain. Le Président LULA a pris l'exemple du pont sur l'Oyapock. Nous avons été ensemble à la frontière entre la Guyane et le Brésil et vous savez, pour moi, c'est une vraie fierté que la France ait des frontières communes avec le Brésil. Il faut en convaincre les écoliers français mais il suffit de regarder la carte pour comprendre cela. Mais quand on dit oui à la construction d'un pont, on ne met pas 10 ans pour le construire. Les appels d'offres ont été lancés, le dossier débloqué et nous inaugurerons ensemble le pont sur l'Oyapock. Je dois à la vérité dire que ce n'est pas simplement l'intérêt de nos amis brésiliens mais la seule façon pour la Guyane française d'avoir une chance de se développer, c'est d'encourager les liaisons avec cette puissance exceptionnelle, cette puissance mondiale qu'est le Brésil. Sinon, la Guyane française se trouve dans une impasse. C'est dans notre intérêt aussi, que de le faire. Je voudrais dire combien je crois d'ailleurs aux initiatives dont avait parlé le Président LULAN : l'université de la biodiversité en plein coeur de l'Amazonie. Eh bien, puisque j'ai le grand honneur d'être réinvité le 7 septembre pour la fête de l'indépendance au Brésil, on s'est mis un défi avec le Président LULA, c'est que l'on pose la première pierre des locaux, -on verra où on les met-, qui recevront en permanence des chercheurs brésiliens, français, au service de ce fantastique laboratoire mondial de la biodiversité qu'est la forêt amazonienne. C'est notre devoir de travailler ensemble avant de développer une université commune.
Puis, il y a tous les projets futurs. Notre collaboration avec le Président LULA est sans limite. Il y a le problème du nucléaire. Je sais que le nucléaire avait été arrêté, il y a quelques années et que vous réfléchissez pour relancer cela. La France est à la disposition du Brésil pour travailler avec vous. Il y a le spatial, avec des potentialités extraordinaires pour l'agriculture, pour la forêt, pour la connaissance de nos territoires et de nos richesses. Il y a le soldat du futur, il y a les avions de combat, bref, c'est un moment très important, parce que c'est le moment ou deux grandes puissances dans le monde décident d'additionner leurs réseaux, leurs influences, leurs forces pour construire un avenir meilleur dans le monde.
Je voudrais dire au Président LULA combien moi j'ai apprécié son ouverture d'esprit. C'est vrai que quand on s'est retrouvé dans un certain nombre de sommets, le premier, c'est à Hokkaido pour le G8, je me souviens, le Président LULA n'était pas de très bonne humeur, parce qu'on lui avait fait faire une partie du tour du monde pour avoir le droit de participer à une heure de discussion. Moi, je me souviens, je lui ai dit : vous avez raison, parce que je serais le Président du Brésil, je me demande même si je serai venu. Nous donnons, c'est vrai, des coups de boutoir pour faire avancer les choses pour que les G8 deviennent des G14, et même sur l'évolution du G8, on était parti sur le G13, on arrive sur le G14, parce que, dans notre esprit, on ne peut pas traiter les grandes affaires du monde sans un pays arabe, et l'Egypte et ses 80 millions d'habitants sont un élément essentiel du monde. On est différents, on n'a pas forcément toujours les mêmes choix politique, mais dans cette année 2009, les clivages politiques ne sont pas les mêmes. Il y aura ceux qui veulent que cela change pour que jamais une crise comme celle que nous connaissons se reproduise et puis ceux qui veulent que le monde reste immobile. Le Président LULA et moi, le Brésil et la France nous sommes résolument du côté du progrès, du mouvement, du changement. Au fond, c'est la devise du drapeau brésilien, cette devise là, si vous me le permettez, amis du Brésil, la France voudrait la faire sienne.
QUESTION - Monsieur le Président LULA, Monsieur le Président SARKOZY. Hier, monsieur le Président, vous avez démontré de l'optimisme en disant que le Brésil est préparé pour faire face aux turbulences. Vous travaillez avec une prévision de 4% de croissance pour le PIB du Brésil pour l'année prochaine. Qu'avez-vous à dire, sur la diminution de 40 000 emplois au Brésil le mois dernier ? Comment allez-vous poursuivre la route de l'optimisme, qu'aurait à dire le Président SARKOZY sur ce même fait ? Monsieur le Président SARKOZY, pour vous, est-ce que la France va faire un paquet pour stimuler l'industrie automobile dans votre pays ?
LE PRESIDENT LULA - D'abord, vous dire que, depuis janvier 2007 jusqu'en octobre 2008, nous avons créé, ici, au Brésil, 4 millions de postes de travail régulier, que du 1er janvier 2008 à octobre 2008, nous avons créé en 10 mois 2 millions 200 000 postes de travail régulier. Ce chiffre, par lui seul, prouve ce qui a eu lieu au cours des six dernières années au Brésil : plus de 11 millions de postes de travail ont été créés. Lorsque la crise économique s'est révélée, surtout après la crise du système financier aux Etats-Unis, le Brésil a été peut-être le pays au monde qui a le plus rapidement pris toutes les mesures nécessaires pour éviter que la crise n'atteigne l'économie réelle. Ce que nous n'avons pas pu contrôler, c'est le problème du crédit international qui a disparu, parce qu'en très peu de mois, 31 000 milliards de dollars ont disparu des bourses. Les pays les plus riches ont été obligés de placer 100 milliards de dollars pour voir s'ils pouvaient sauver ce système financier et, au Brésil, même en ayant un système financier stable, solide, qui n'était pas mêlé aux subprimes, le système financier qui avait du crédit, 30% du crédit brésilien était pris à l'extérieur.
Il n'y avait pas d'argent pour tout le monde, parce que nous étions habitués à financer 70 de notre crédit et pas 100%. Même le journaliste a dû accompagner les décisions rapides que nous avions prises pour libérer justement l'encaisse auprès de la Banque centrale pour refaire des lignes de crédit surtout dans les domaines considérés les plus tirés de l'industrie. L'industrie automobile par son importance dans le PIB industriel correspond à 24% de notre production industrielle.
Puis, il fallait aussi faire l'irrigation du bâtiment, des petites et les moyennes entreprises, puis l'agriculture. Nous avons adopté toutes les mesures qu'il fallait adopter. Peut-être, j'ai été le premier brésilien depuis l'indépendance du Brésil qui a fait la publicité en faveur de la consommation pour essayer de retirer de la tête de la société la panique qui s'est répandue dans la société brésilienne. Et, aujourd'hui, je sais que la panique est mondiale.
Mais j'ai dit publiquement aux travailleurs brésiliens que s'ils doivent acheter qu'ils achèteront. Parce que ce que vous n'achetez pas, c'est là que vous aller perdre votre emploi. Je l'ai même dit aux journalistes. S'il n'y a pas une croissance de l'économie, s'il y a vraiment une perte de revenu publicitaire, les journalistes aussi vont être mis au pas.
Donc, j'ai essayé de faire cette campagne. Je vais continuer à la faire, parce que je crois au potentiel du Brésil. Je pense que le Brésil est le meilleur pays préparé pour faire face à cette crise. Nous allons annoncer les mesures qui seront nécessaires pour que le Brésil puisse reprendre sa croissance. Il est important aussi de rappeler ce que j'ai dit et répété pendant tout le temps. Dieu merci, le Brésil a diversifié ses rapports commerciaux et aujourd'hui nous ne dépendons plus exclusivement d'un seul pays, de deux pays. Dieu merci, grâce à cette diversification de nos rapports commerciaux, nous qui avions 30% de nos échanges avec les Etats-Unis, nous n'avons plus que 14%. Ceci nous permet une marge de manoeuvre beaucoup plus grande. C'est pour cela que nous avons augmenté en Amérique latine, en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient. Ceci a permis que le Brésil soit un pays plus tranquille. Bien entendu, lorsque le crédit manque, pour que quelqu'un achète, pour qu'une petite entreprise puisse justement faire tourner l'affaire, il y a des choses qui peuvent arriver. Si c'est cela qui a causé ces 40 000 pertes d'emplois que j'ai vues à la une d'un journal aujourd'hui, je suis certain que nous allons récupérer quelques-uns de ces postes de travail au courant de l'année prochaine. Parce que ce cycle garantit notre pacte d'accélération de la croissance. Ce cycle garantit les politiques de développement du gouvernement. Ce cycle garantit les nouveaux programmes que nous allons annoncer l'année prochaine.
Je souhaite transmettre à mes amis journalistes que, la crise, on ne peut pas y faire face en pleurant ou avec du pessimisme, ou en pleurnichant. Il faut faire face à la crise avec de l'investissement et avec du travail. C'est cela que je vais continuer à faire, parce que je crois au potentiel du Brésil.
LE PRESIDENT - Nous avons décidé de nous soutenir notre industrie automobile comme tous les pays du monde, notamment les Etats-Unis d'Amérique. Il y aura un plan automobile français indépendamment de ce que nous avons déjà annoncé, d'ici à la fin du mois de janvier. Il ne s'agit pas pour nous de mesures protectionnistes. Je ne crois pas que le protectionnisme soit une solution. Il s'agit d'aider nos industriels à construire les voitures du futur, des voitures moins consommatrices en énergie, des voitures plus propres, des voitures technologiquement plus innovantes, des voitures électriques notamment dans un pays, la France, qui n'a pas de gaz, qui n'a pas de pétrole, mais qui a toujours investi dans le nucléaire, qui a des géants de l'électricité comme grands groupes français. Il me paraît normal que nos industriels soient à la tête de la production des voitures hybrides, des voitures électriques, des voitures propres du XXIème siècle.
Quant au chômage au Brésil, j'ai déjà bien assez de soucis en France. Je serais étonné que mon ami le Président Lula commente les chiffres français. Cela me permettra de ne pas commenter les siens, ne connaissant pas la réalité de ce côté, ayant bien assez avec mes propres problèmes. Prudemment, je me retire sur la pointe des pieds, s'agissant du Brésil et de ses débats.
QUESTION - Bonjour Monsieur le Président, c'est une question pour le Président Sarkozy. Je voudrais vous poser une question à propos d'un point qui n'est pas dans la déclaration finale du Sommet Union européenne/Brésil et dont vous n'avez pas parlé aujourd'hui, mais c'est un point important. Hier, Gilberto Gil a chanté "touche pas à mon pote" et je voudrais savoir si vous avez discuté de la question de l'immigration, si vous avez abordé le pacte européen sur l'immigration et la directive du retour qui ne sont pas très bien acceptés ni au Brésil, ni en Amérique latine. Donc, où en sont vos discussions là-dessus ?
LE PRESIDENT - Merci madame, c'est une question tout à fait pertinente. Nous en avons longuement parlé avec le Président Lula et avec ses ministres. Il y avait à mes côtés le Président Barroso et le Commissaire Jacques Barrot en charge de ces questions-là. J'ai indiqué à nos amis Brésiliens que l'Europe resterait ouverte. Je leur ai précisé que l'Europe était la première destination d'émigrants du monde. Il n'y a pas un continent dans le monde qui soit plus ouvert et qui accueille plus de migrants. Nous allons continuer dans ce sens. Je leur ai également indiqué que nous étions 27 pays -cela tombe bien d'ailleurs, parce que je crois qu'il y a 27 états au Brésil-, il y a 27 pays en Europe, que sur les 27 on est 23 ou 24 dans l'espace Schengen, c'est-à-dire qui ont supprimé leurs frontières. Et qu'à partir du moment où on peut passer en Europe d'un pays à l'autre, il est normal que nous nous dotions de la même politique d'immigration puisqu'un pays européen qui accepte un émigré sur son sol, il l'accepte sur le sol des autres pays.
J'ai également indiqué que nous étions dans une politique de migration concertée et que nous allions discuter avec le Brésil pour accueillir davantage d'étudiants brésiliens, davantage de chefs d'entreprises brésiliens, davantage de scientifiques brésiliens, davantage d'hommes et de femmes de culture du Brésil. Ils sont les bienvenus en Europe. Et que nous demandions en échange la collaboration du Brésil comme de tous les autres pays pour la lutte contre les réseaux qui exploitent la misère du monde, les trafiquants, ceux qui profitent de la misère du monde pour faire venir des malheureux qui n'ont ni logement, ni emploi. Alors, je sais parfaitement que c'est un sujet sensible au Brésil. Madame, c'est un sujet sensible partout. C'est un sujet sensible en Europe, c'est un sujet sensible au Brésil, c'est un sujet sensible en Afrique. C'est normal puisque c'est une question de dignité humaine.
Et enfin, j'ai précisé que la difficulté de l'Europe, c'est que nous n'avions en quelque sorte pas de frontières géographiques. Nous avons l'immigration qui vient de l'Est. Il n'y a pas d'océan à traverser. Nous avons l'immigration qui vient du Sud, il y a 12 kilomètres par le détroit de Gibraltar. Il y a 1 milliard d'africains dont 475 millions ont moins de 17 ans. Alors, il est vrai que pour l'immigration qui vient de l'Ouest, il y a un océan.
Donc vous voyez on a parlé de ces questions-là. On va les approfondir. Nos ministres vont travailler ensemble pour concerter nos positions sur le sujet. Et, comme toujours avec le Président Lula, on s'est parlé franchement, librement. Parce qu'il n'y a que comme cela qu'on trouve des solutions et qu'on lève des malentendus. Il n'y a pas lieu à avoir des malentendus sur ce sujet.
LE PRESIDENT LULA - D'abord, ce n'est pas prudent qu'un Président de la République puisse commenter la réponse d'un autre Président. Lors de la conversation que nous avons eue hier avec le Président José Manuel Barroso et avec le Président Sarkozy, en réalité, nous avons demandé que l'on puisse maintenir un dialogue de haut niveau pour que l'on puisse résoudre ces problèmes dans la mesure où ils commencent à surgir. Dans le cas du Brésil, nous avions un problème avec l'Espagne, nous l'avons résolu. Nous avions eu un problème avec le Portugal, moindre, nous l'avons résolu aussi. Ce qui est important, ce que l'on comprend, c'est que ces thèmes à dimension politique différenciée en fonction du pays dans un moment de crise économique. Ceci acquiert une importance beaucoup plus large, parce que les politiques internes de chaque pays vont commencer à donner, à écouter les syndicats, les travailleurs qui vont dire qu'ils ne souhaitent plus des émigrants parce que ceux-ci leur enlèvent leur emploi. Ceci peut avoir lieu n'importe où dans le monde.
Alors, comme il s'agit du droit d'aller, de déplacement des gens, des droits de l'Homme, il est important que de ne pas perdre de vue le besoin de maintenir le dialogue de haut niveau pour que l'on puisse résoudre les cas au fur et à mesure qu'ils se présentent.
QUESTION - Ma question, au nom de mes collègues, je l'adresse aux deux Présidents. Quelques hommes d'affaires au cours de cette rencontre ont critiqué un peu la position du Brésil par rapport au Mercosur. Ils ont demandé que le Brésil ait une attitude un peu plus indépendante par rapport à ce bloc et soit plus libre pour établir des accords avec d'autres économies. Je pose la question si vous êtes d'accord avec cette thèse que le Mercosur serait de cette façon une entrave pour le futur commercial du pays. Cette situation pourrait se compliquer en plus avec l'entrée du Venezuela.
LE PRESIDENT LULA - Cette question ne pourrait pas être adressée dans un meilleur moment. Parce que quelqu'un qui peut avoir fait cette affirmation doit avoir une dose de préjugé que nous avons déjà battu dans les rapports du Brésil avec les pays d'Amérique latine. Nous avons encore des gens au Brésil qui aimeraient que nous restions à peine en train de regarder, porter le regard vers les Etats-Unis, vers l'Europe, vers le Japon et que nous ne portions notre regard vers l'Amérique latine qui est aujourd'hui là, où il y a le plus grand nombre de volume d'échanges commerciaux. C'est exactement avec l'Amérique latine où les échanges commerciaux, avec le Mercosur, que les échanges commerciaux sont les plus importants.
Le Brésil est d'avis que le Mercosur est extrêmement important non seulement du point de vue commercial, mais aussi du point de vue politique. Notre pays a des frontières avec des petits pays, avec des pays plus pauvres que le Brésil, avec des pays avec un potentiel technologique inférieur au Brésil. Et nous avons l'obligation politique, économique, morale et éthique d'aider ces pays à se développer à avoir du commerce avec eux parce que, sinon, il n'y a aucun sens si le Brésil a des échanges seulement avec les pays riches et si les pays les plus pauvres d'à côté restent plus pauvres. Pour nous, c'est stratégique ces rapports avec l'Amérique du sud, avec le Mercosur. Notre rapport avec la France est stratégique, avec l'Europe. Mais c'est aussi stratégique avec l'Afrique. Ne pensez pas que nous allons démocratiser, n'imaginez pas que nous allons voir l'Afrique se démocratiser si nous ne nous occupons pas d'aider au développement économique de l'Afrique. Il n'y a pas de démocratie au monde qui puisse supporter la faim de génération en génération. Ce sont donc des pays tels que le Brésil, tels que la France, tels que les Etats-Unis, comme l'Union européenne, tels que le Japon, ce sont nous les pays qui avons le plus grand potentiel. Nous devons nous occuper avec le plus grand soin des pays qui n'ont pas réussi encore à se développer. Parce que les émigrations vont augmenter, sinon les conflits intérieurs vont augmenter, parce que sinon il va y avoir des convulsions sociales. Si nous souhaitons construire un monde de paix, nous devons d'abord porter notre regard à l'intérieur de notre maison. Et le Mercosur, c'est notre maison. Donc, nous devons nous en occuper avec beaucoup de soin.
QUESTION - Bonjour Monsieur le Président. Cette question s'adresse au Président français. Vous prolongez votre séjour ici de six jours, au Brésil. François Fillon, Premier ministre est en Egypte jusqu'au 30 décembre. Le Parti Socialiste parle de vacance du pouvoir et dénonce l'absence des deux têtes de l'exécutif pendant si longtemps, loin de Paris, quelle est votre réaction à ce sujet ? Merci.
LE PRESIDENT - Aucune. Le Parti Socialiste, c'est son droit d'ailleurs, jusqu'au 23 décembre à dénoncé l'omni-président qui s'occupait de tout. Voilà qu'avec un souci de la cohérence et de la logique, le Parti Socialiste dénonce un Président qui, entre le 23 décembre et le 29 décembre, ne s'occupe de rien. Franchement, j'ai bien de la chance d'avoir un Parti Socialiste de cette qualité et d'avoir trouvé un journaliste pour relayer sa question. Mais puisque vous souhaitez les points sur les "i", je vous ai entendu à la radio, Monsieur, décrire avec beaucoup de précisions mes vacances. Si vous m'aviez posé la question, cela vous aurait évité de commettre des erreurs. Comme vous êtes un homme honnête, je suis sûr que c'est une erreur et pas une volonté. Vous avez décrit et indiqué que je resterai à Rio de Janeiro quelques jours, j'aurais beaucoup aimé. Mais je vais devoir vous quitter. Je ne resterais pas une minute de plus à Rio de Janeiro. J'irai rejoindre le père de ma femme avec nos enfants dans un autre endroit du Brésil. Je pense qu'il est très important, pour nous, les responsables politiques d'être transparents, de répondre à vos questions. Il est très important aussi quand vous avez des questions à nous de nous les poser. On y répondra. Parce que pour vos auditeurs, c'est mieux que vous donniez des informations justes que des informations erronées. Je ne dis pas que c'est important, parce que le Brésil est magnifique. Et que je sois ici ou ailleurs, c'est la même chose.
Enfin, dernier point, en 2008 j'ai eu tellement de plaisir à m'occuper de tant de choses. 2009 ne vous décevra pas. Et s'il devait y avoir la moindre inquiétude, le moindre problème, je serai vite à mon bureau. Vous savez, j'avais déjà connu un mois d'août pendant lequel le Parti Socialiste avait fait un grand dégagement pour dire que je devais interrompre mes vacances, car je ne m'occupais pas de la Géorgie. Les pauvres, ils ne savaient pas qu'à ce moment-là, j'étais avec Bernard Kouchner dans l'avion qui m'amenait à Moscou puis Tbilissi.
Voilà, vous savez on fait ici des choses sérieuses mais, au moment des fêtes, si on ne pouvait pas se faire un petit plaisir en répondant aux questions qui le sont moins, alors ce ne serait pas vraiment les fêtes.