12 juillet 2008 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Déclaration conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, Cheikh Hamad Bin Khalifa Al-Thani, émir de l'Etat du Qatar, Bachar Al-Assad, Président de la République arabe syrienne, et Michel Sleimane, Président de la République libanaise, sur la situation politique au Liban, le processus de paix entre Israël et la Syrie et sur la question palestinienne, à Paris le 12 juillet 2008.

Mesdames et Messieurs,
Merci de votre présence. Je prendrai la parole, d'abord. Son Altesse l'Emir du Qatar la prendra ensuite. Je crois qu'ensuite c'est le Président Bachar AL-ASSAD et enfin le Président SLEIMANE. Bien sûr, si vous avez quelques questions à poser, c'est avec plaisir que nous essayerons d'y répondre.
Je voudrais dire à l'Emir du Qatar et à sa délégation, et notamment au Premier ministre, combien la France est reconnaissante aux Qataris pour le rôle qu'ils jouent de façon constante au service de la paix dans la région et combien nous sommes heureux de leur présence à cette tribune. Le Qatar a joué un grand rôle et la France souhaite lui rendre hommage.
Je voudrais dire au Président SLEIMANE combien avec Bernard KOUCHNER qui s'est tant investi au service du Liban, d'un Liban indépendant, d'un Liban libre, d'un Liban démocratique, combien nous sommes heureux de son élection. J'ai déjà eu l'occasion de me rendre à Beyrouth et je voudrais lui dire combien c'est important pour la France que son premier déplacement à l'étranger soit pour Paris. Je voudrais également le féliciter pour la constitution de ce gouvernement, deuxième étape à la suite de l'accord de Doha. Il en reste d'autres, des étapes, mais ces deux étapes-là étaient essentielles.
Je voudrais enfin dire au Président Bachar AL-ASSAD combien il est important que la Syrie joue tout son rôle dans les affaires de la région et combien était important pour la France le dialogue que nous avons choisi d'emprunter : un dialogue lucide, un dialogue franc, un dialogue loyal. La Syrie y joue un rôle essentiel et c'est sur ces bases-là que nous avons évoqué des sujets de grande actualité et de grande importance. Je suis autorisé par le Président à les présenter puisqu'à la suite de nos conversations, nous nous sommes mis d'accord sur cette manière de faire.
D'abord, je voudrais dire combien pour la France, c'est un progrès historique que la volonté du Président Bachar AL-ASSAD d'ouvrir une représentation diplomatique au Liban et que le Liban ouvre une représentation diplomatique en Syrie. Peut-être cela peut vous paraître curieux que ce soit moi qui le dise, mais nous nous sommes mis d'accord, le Président Bachar AL-ASSAD et moi, pour que cela soit présenté ainsi. C'est historique, parce que cela n'a jamais eu lieu. Naturellement, il y a un certain nombre de questions juridiques qui doivent être réglées côté syrien, le Président en parlera, qui expliquent quelques délais sur le chemin de cette réalisation. Naturellement, cela doit être l'objet d'une volonté, le Président SLEIMANE en parlera bien mieux que moi, de l'ensemble de la société libanaise.
Vous comprendrez que, pour nous, Bernard KOUCHNER et moi, cette annonce, cette confirmation, cette volonté est absolument historique et c'est une grande nouvelle pour tous, et ils sont très nombreux en France qui aiment le Liban et qui sont concernés par tout ce qui se passe au Liban. J'ai d'ailleurs dit au Président SLEIMANE, dans notre entretien, que la France voulait être l'amie de tous les Libanais, que la France n'avait pas à choisir au Liban tel ou tel parti du Liban mais que la France soutenait les autorités légitimes du Liban, en l'occurrence, le Président de la République, Michel SLEIMANE et le Premier ministre SINIORA et son gouvernement.
Avec le Président Bachar AL-ASSAD nous avons également parlé de la paix et la France, Bernard KOUCHNER et moi-même, encourage le développement des pourparlers, pour l'instant indirects, entre la Syrie et Israël. C'est une initiative qui revient aux Syriens et aux Israéliens mais c'est une initiative positive dans une région du monde qui attendait depuis bien des années des bonnes nouvelles.
La France a dit à la Syrie combien elle serait heureuse que ces pourparlers indirects se transforment en discussions directes. Le Président Bachar AL-ASSAD vous dira sa pensée sur le sujet, mais je puis annoncer qu'il a demandé à ce que la France soit partie prenante le jour où des négociations directes auront lieu aux côtés des Etats-Unis, comme parrain en quelque sorte. Je ne sais pas si le mot parrain est le bon mot, comme témoin, comme aide, comme médiateur de ces négociations directes que nous espérons. Les conditions ne sont pas encore réunies pour l'instant, mais enfin on peut en parler, on peut l'évoquer, on peut même l'envisager et, naturellement, tout ce qui se passera aux Etats-Unis dans les mois qui viennent favorisera le processus.
Je voudrais également dire que nous avons évoqué de façon très franche, nous avons discuté de la question des droits de l'homme, nous avons encouragé le Président Bachar AL-ASSAD à faire des pas supplémentaires dans cette direction. J'ai d'ailleurs indiqué au Président qu'avec Bernard KOUCHNER, nous nous rendrons à Damas au mois de septembre. Vous avez bien compris que nous entamons de nouvelles relations. Pas pour quelques jours, pas pour quelques semaines, des relations structurelles, stratégiques et que, naturellement, la vitesse du développement de ces relations sera fonction non plus seulement des discours, des promesses, des paroles mais des preuves et des faits, d'un côté comme de l'autre.
Enfin, j'ai demandé à la Syrie d'aider à la résolution du problème iranien. Vous savez que, pour la France, la détention de l'arme nucléaire par l'Iran n'est pas envisageable. Le Président Bachar ALASSAD s'en tient à la déclaration des autorités iraniennes sur le fait qu'ils n'ont pas la volonté d'accéder à cette arme. Alors, nous demandons à la Syrie de convaincre l'Iran d'en apporter les preuves, pas les intentions, mais les preuves.
Je crois avoir été honnête dans la relation de nos différentes discussions, aussi complet que je pouvais l'être. Chacun comprendra que d'autres éléments sont discutés et que sur le chemin de la paix et de la confiance, il y a encore beaucoup de travail à faire. Et vous avez compris que nous voir, voir les quatre pays à la même table, c'est déjà quelque chose qui marque un très grand tournant à la fois pour cette région du monde et, puis-je le dire, pour l'influence de la France, pour la place de la France, pour l'influence de l'Europe, et, j'espère, pour le bien de tous.
CHEIKH HAMAD BIN KHALIFA AL-THANI - Je voudrais remercier le Président SARKOZY et M. SLEIMANE, le Président de la République libanais. Les pourparlers étaient fructueux. Le plus important dans ces relations c'est le rapprochement syro-français qui est devenu tout à fait clair et qui va dans l'intérêt de la paix dans notre région. Certes, Son Excellence le Président de la France a joué un rôle qui est le sien au Proche-Orient vu sa proximité culturelle, historique et géographique depuis des siècles. Je suis venu ici parce que le Qatar était le pays médiateur avec la déclaration de Doha entre les différentes fractions libanaises. Certes, nous sommes dans le monde arabe, la situation au Liban est critique et très compliquée, les confessions, les races qui sont présentes. Le plus étrange dans ce pays, c'est que c'est le seul pays quand, à la fin du mandat d'un Président, il vient un Président bien qu'il y a parfois des problèmes. Nous saluons la démocratie qui persiste et qui existe au Liban.
Je voudrais également remercier M. le Président du Liban pour avoir mis l'armée lors de la crise au Liban. Dans toutes les crises qu'on connu le Liban, l'armée s'était divisée mais M. le Président a pu protéger le Liban avec l'intégration de l'armée. Dans le monde arabe, nous estimons hautement le rôle de l'armée libanaise dans la protection de lutte libanaise et l'intégrité de son territoire.
Sur ce qui a été dit par le Président SARKOZY concernant l'échange des missions diplomatiques entre la Syrie et le Liban, je vais vous raconter une anecdote. J'avais rendu visite au Président Bachar ALASSAD en 2006 et je lui avais dit d'adresser une invitation au Premier ministre SINIORA. Et la discussion qui devait avoir lieu, qu'il me soit permis M. le Président de dévoiler ce secret, un des objectifs de la rencontre qui devait avoir lieu entre le Président Bachar AL-ASSAD et le Premier ministre SINIORA, c'est d'échanger des missions diplomatiques entre les deux pays. J'ai informé M. le Président Bachar AL-ASSAD par le passé combien nous sommes attachés à l'intégrité et à l'indépendance du Liban. Tous les pays sont attachés au respect de leur souveraineté et de leur intégrité. Le Qatar est un pays qui a défendu aux autres de s'ingérer dans ses affaires intérieures et j'ai demandé à nos collègues au Liban chacun qui a eu l'idée de discuter cette idée avec les autres.
Qu'il me soit permis d'être bref parce que j'ai parlé d'autres choses. Je voudrais remercier M. le Président SARKOZY encore une fois pour nous avoir invités à assister avec mes collègues. Je vous remercie infiniment.
M. BACHAR AL-ASSAD - Je remercie M. le Président SARKOZY pour nous avoir invités aujourd'hui, pour nous avoir invités à faire ce quartet très important. Je voudrais remercier M. le Président pour avoir été concis et précis sur tout ce qui a été convenu lors de nos pourparlers d'aujourd'hui. En ce qui concerne le contenu, la signification de tous ces accords confirmés et de nos déclarations à la suite de notre conférence de presse et au cours de notre conférence de presse.
Je vais récapituler notre huis clos avec M. le Président SARKOZY et la réunion du quartet avec la délégation française et syrienne et le quartet qui a eu lieu tout à l'heure. Nous avons évoqué plusieurs sujets. Le quartet est une rencontre très importante dans le temps et dans sa signification. C'est une étape, comme un nouveau-né sur lequel il faut veiller ou comme un avion qui décolle et dont il faut surveiller les moteurs pour en garantir la sécurité. Voilà à quoi ressemble la situation du processus de paix dans notre région mais aussi celle qui prévaut au Liban.
En ce qui concerne le Liban, nous avons évoqué ce qui a été réalisé pendant la période précédente, entre Doha et aujourd'hui. Ce qui a été fait jusqu'à présent est important, grâce au partenariat de Son Altesse, l'Emir du Qatar. C'est une grande réalisation mais qui ne suffit pas et qui nécessite encore beaucoup de soutien. Le Président a été élu, le nouveau gouvernement a été formé, il faudra ensuite qu'il y ait une nouvelle loi et un dialogue national entre les différentes parties libanaises pour être sûr que l'histoire libanaise, avec son lot de guerres ne se répétera pas.
L'accord de Doha a mis le Liban sur les rails, a éloigné le Liban de la guerre civile et l'a poussé vers le dialogue entre les différentes parties. C'est aux Libanais de définir l'avenir de leur pays, notre devoir c'est de soutenir l'initiative du Président SARKOZY et de son Altesse l'Emir Hamad Bin Khalifa AL-THANI et le Général Michel SLEIMANE qui va jouer le rôle qui est le sien dans le parrainage de ce dialogue. Notre devoir, c'est de soutenir le Liban dans cette étape.
C'est vrai à court terme, jusqu'aux élections, mais aussi à moyen et à long terme, c'est-à-dire au-delà des élections. En ce qui concerne la question des échanges des missions diplomatiques évoquées par le Président SARKOZY et son Altesse l'Emir, je le répète encore une fois : comme c'est le cas depuis trois ans, depuis mars 2005 très exactement, notre position de principe est que nous ne voyons pas de problème à l'ouverture d'ambassades entre la Syrie et le Liban.
Certains ont expliqué cette situation comme une non-reconnaissance de la Syrie. Il y aurait cent trente-et-un pays qui ne seraient pas reconnus par la Syrie s'il s'agissait uniquement d'ouverture d'ambassade. C'est illogique, mais s'il y a une volonté de la part de Libanais d'ouvrir une ambassade, la Syrie n'a pas de problème à faire de même. Je l'ai confirmé à plusieurs reprises lors de mes dernières rencontres avec la presse française et avec les médias français. Nous en avons parlé aujourd'hui avec le Président et le Président Michel SLEIMANE et le gouvernement libanais, nous allons définir quels sont les pas à franchir pour arriver à ce stade.
La deuxième question débattue, c'est le processus de paix. Je pense que c'est un des dossiers les plus importants au Proche-Orient. Aujourd'hui il y a des négociations indirectes en cours avec la Syrie, Israël, sous les auspices de la Turquie. L'objectif de cet engagement turc, c'est de reconstruire la confiance entre Syriens et Israéliens, mise à mal par l'arrêt pendant huit ans du processus de paix et les agressions perpétrées contre la Syrie et le Liban par Israël.
Le deuxième objectif, c'est de jeter de bonnes bases pour le processus de paix. Une fois que ces conditions seront remplies, nous pourrons aller de l'avant vers la deuxième étape : des négociations directes. J'ai dit au Président SARKOZY que pour ces négociations directes, nous avons besoin d'un parrain. J'ai dit à Monsieur le Président SARKOZY que le rôle des Américains est essentiel dans le processus de paix, mais que le rôle des Européens est aussi très important. Le rôle des Américains tout seul ne peut pas remplacer le rôle des Européens et notamment le rôle de la France. Ce sont deux rôles complémentaires : américain d'une part, européen et français d'autre part. J'ai invité Monsieur le Président SARKOZY à jouer le rôle qui est le sien, un rôle direct, une fois que nous serons passés à la deuxième étape, c'est-à-dire l'étape des négociations directes et qui doit nous conduire à un accord de paix.
J'ai vu l'enthousiasme de Monsieur le Président SARKOZY pour jouer un rôle dans le processus de paix et son soutien dans la phase actuelle de négociations indirectes. Je suis sûr qu'il fera de même pendant les négociations directes. Nous sommes convenus de nous concerter et de nous coordonner avec le gouvernement français pour parler des détails du processus de paix. Une fois que nous serons passés à la deuxième étape, tout sera prêt pour passer aux négociations directes. Il y a une relation entre le processus de paix et la question libanaise parce que le Liban est une partie intégrante du processus de paix dans la région.
Concernant l'Iran et le dossier nucléaire iranien, on ne peut pas juger des choses que l'on ne voit pas. J'ai été franc avec le Président SARKOZY sur ce point et sur les autres points. Nous voyons la solution politique. On ne peut pas penser à une solution non politique parce que les conséquences seraient gravissimes. La position syrienne, c'est de débarrasser la région du Proche-Orient de toute arme de destruction massive. Il y a une proposition syrienne qui a été examinée en 2003 au Conseil de sécurité quand nous étions membre temporaire, pour débarrasser la région de tout arme de destruction massive. Mais la résolution n'a pas été votée pour des raisons que je ne voudrais pas évoquer maintenant.
Monsieur le Président SARKOZY nous a demandé de jouer un rôle sur ce sujet. D'habitude, on ne nous demande pas notre avis. Mais, cette fois-ci, nous allons en parler avec les responsables iraniens. En l'état de nos connaissances, il n'y pas de projet nucléaire militaire, mais nous sommes contre l'existence toute arme de destruction massive au Proche-Orient et au Moyen-Orient. Encore une fois, je remercie le Président SARKOZY pour sa franchise dans les rencontres que nous avons eues. J'ai fait de même, loin de toute complaisance ou de toute volonté d'embellir les choses. C'est une initiative très importante, je remercie également mon frère Son Altesse l'Emir Hamad Bin Khalifa AL-THANI pour y avoir participé avec nous. Je remercie également le général Michel SLEIMANE et je vous remercie.
M. MICHEL SLEIMANE - Je voudrais remercier Son Excellence Monsieur le Président de la République française, Monsieur le Président Nicolas SARKOZY, pour m'avoir adressé l'invitation et pour l'hospitalité avec laquelle il a accueilli la délégation qui m'accompagne. Lors de cette rencontre, nous avons débattu des questions d'intérêt commun, l'intérêt et le futur des relations libano-syriennes. J'ai confirmé à plusieurs reprises que le Liban aspire à de bonnes relations entre les deux pays frères. J'ai déjà examiné avec Monsieur le Président, mon frère, Monsieur le Président Bachar AL-ASSAD à travers nos contacts permanents et nous sommes convenus d'établir des relations diplomatiques entre les deux pays. Après avoir formé le gouvernement d'union nationale, j'en avais parlé dans mon discours d'investiture, le 25 mai, et cela avait été convenu sur la table de négociations, le concept ou le principe d'ouvertures de missions diplomatiques entre les deux capitales. Nous allons prendre toutes les instructions possibles pour mettre en oeuvre cet accord entre les deux pays. J'espère également remédier à la question du tracé de la frontière entre la Syrie et le Liban et renforcer les relations qui lient nos deux pays frères.
Le Liban est attaché à l'intégrité de son territoire et encourage l'établissement d'un juste règlement dans la région du Proche-Orient par l'initiative du processus de paix. L'initiative de paix, en 2002, à Beyrouth et toutes les résolutions qui stipulent le droit aux Palestiniens de récupérer leur territoire, leur foyer national, la paix juste et globale et assurent la justice et la stabilité à tous les pays et à tous les peuples de la région. Je réitère mon remerciement à Monsieur le Président SARKOZY. Je remercie Son Altesse l'Emir du Qatar qui a déployé tant d'efforts pour conclure l'accord de Doha et l'application de cet accord.
Je remercie infiniment Son Altesse le Président M. Bachar AL-ASSAD qui a soutenu et qui a été disponible pour soutenir le Liban dans son chemin vers l'unité et la stabilité du Liban. Merci.
LE PRESIDENT - Ecoutez, je vous propose de prendre 5 questions. On va essayer de prendre des questions de la presse française, de la presse arabe. Comme on est en France, on va prendre d'abord une question de la presse française. La presse française, qui veut faire une question ?
QUESTION - Ma question est adressée au Président Bachar AL-ASSAD. Demain vous allez rencontrer le Premier ministre israélien au Sommet de la Méditerranée, est-ce que vous n'imaginez pas que vous pouvez avoir un tête-à-tête avec lui ? Et autre chose : pour passer de la première étape à la deuxième étape, c'est-à-dire des négociations indirectes par l'intermédiaire de la Turquie, à des négociations directes, est-ce qu'il y a encore un grand pas à franchir, et concrètement, en quoi il consiste ? Voilà, merci.
M. BACHAR AL-ASSAD - En ce qui concerne le passage de la première étape des négociations indirectes vers les négociations directes, ceci dépend bien évidemment si les deux côtés sont sérieux : côté israélien et côté syrien. Nous avons tenu trois sessions de négociations £ la dernière, c'était il y a trois ou quatre jours en Turquie. Nous sommes en train de discuter sur les points où il n'y a pas encore d'accord total. Il est difficile de dire combien de temps cela prendra. Deuxièmement, puisqu'on parle de la nécessité de la présence de l'administration américaine, en toute franchise cette administration n'est pas intéressée par le processus de paix. Nous n'allons pas débattre de cette question avec les Américains avant l'arrivée de la nouvelle administration. Nous nous étions mis d'accord avec Monsieur le Président SARKOZY pour ne pas parler de cela, mais vous avez posé cette question et voilà ma réponse.
C'est la première partie de la réponse. Pour la deuxième partie, nous discutons maintenant des questions qui sont en relation avec l'application de la résolution 242. Cette résolution stipule le retrait des Israéliens des territoires occupés en 1967. Ceux qui doivent débattre de cette question, ce sont les spécialistes des deux côtés : Israéliens et Palestiniens. Si je m'assois avec le Premier ministre israélien, je ne suis pas expert en la matière, et lui non plus, c'est une question technique. Il faut régler la question technique pour résoudre ce problème. Une fois la question techniquement résolue, on peut parler de la couverture politique, de toute couverture politique. Mais il ne faut pas parler maintenant des choses qui ne sont pas réelles et qui ne donnent pas d'effet sur le processus de paix. Il faut terminer la première étape avant de passer à la deuxième.
LE PRESIDENT - Juste un mot. Je recevrai demain matin à l'Elysée le Président Mahmoud ABBAS et le Premier ministre Ehud OLMERT. Nous tiendrons d'abord une réunion à trois en présence de Bernard KOUCHNER puis ils continueront des discussions directes à l'Elysée. Enfin je voudrais signaler quand même combien cela est émouvant pour tous ceux qui veulent la paix de voir demain dans la même salle autant de chefs d'Etat arabes et le Premier ministre israélien.
QUESTION - Monsieur le Président, comme le dit votre communiqué commun, le Président ALASSAD forme l'espoir que la France puisse, avec les Etats-Unis d'Amérique, participer d'une façon efficace au processus de paix. Le Président SARKOZY a dit qu'il est prêt à jouer le rôle qui est le sien si les deux côtés sont intéressés par la question. Comment voyez-vous, Monsieur le Président SARKOZY, le rôle français dans ce processus et ses perspectives avec le rôle américain, bien sûr ?
LE PRESIDENT - Nous en avons parlé avec le Président Bachar AL-ASSAD. Nous n'avons pas à préciser les modalités maintenant puisque ce qui compte d'abord c'est qu'il y ait des discussions directes entre les Israéliens et les Syriens. La France est prête à porter son aide sur tous les plans : diplomatique, politique, militaire, s'il devait y avoir des problèmes de sécurité ou tout autre. Et la France naturellement est prête à travailler main dans la main avec l'administration américaine lorsque les protagonistes auront décidé de se parler. Je reviens d'ailleurs à une conviction profonde : ce sont les protagonistes qui font la paix. Nous, nous ne pouvons que les aider, nous ne pouvons que les pousser, nous ne pouvons que les encourager. Et nous pouvons peut-être donner des garanties pour le développement économique, pour la sécurité, pour les délimitations, voilà ce que nous pouvons faire. A partir du moment où, et le Président Bachar AL-ASSAD l'a évoqué, le Proche-Orient est si complexe, déjà évoquer la possibilité d'un dialogue direct, l'évoquer, en parler librement, devant la presse du monde entier, c'est déjà en soi une excellente nouvelle. Ce n'est pas à la France de fixer des conditions, la France veut la paix, la paix dans le monde. Et la France est prête à aider de tous les moyens et nous ne ménagerons pas nos efforts avec Bernard KOUCHNER, l'ensemble de la diplomatie, comme nous l'avons fait au service du Liban, aux côtés de nos amis qataris.
QUESTION - Quand vous parlez d'efforts pour un accord de paix, est-ce que l'on parle d'un accord de paix séparé, israélo-syrien qui inclurait seulement un retrait israélien du Golan ou est-ce qu'on reparle d'un retrait de tous les territoires occupés aux frontières de 67, partage de Jérusalem et donc là on revient au plan de paix arabe ?
M. BACHAR AL-ASSAD - C'est une question très importante. Je souhaiterais vivement que tous les responsables en Europe, concernés par le processus de paix, connaissent ma réponse. Il y a l'accord de paix, et il y a la paix. L'accord de paix, il est signé entre les deux gouvernements sur le papier mais la paix, elle se fait entre les peuples, sur le terrain. La conclusion d'un accord de paix pour la Syrie est conditionné par le retrait des territoires occupés. On parle de paix juste et globale dans tous les volets, le volet syrien, le volet libanais, le volet palestinien. Seule cette paix dans les 3 volets pourrait garantir la paix, la véritable paix entre les différents peuples après avoir signé l'accord. Il faut parvenir à des accords de paix. Et comment peut-on arriver à une paix sur le terrain ? L'intérêt européen ne doit pas s'intéresser uniquement au volet syrien mais au volet libanais. Le Président Michel SLEIMANE est parmi nous. Nous en avons parlé, nous avons évoqué cette question. Le volet palestinien est aussi un volet très important. C'est pourquoi nous déployons tous nos efforts pour réunifier les Palestiniens, parce que l'on ne peut pas arriver à la paix sans le volet palestinien. Il y a une relation entre les différents volets pour rétablir la paix.
LE PRESIDENT - Moi je crois que tout est lié. Il y a 400 000 Palestiniens au Liban. La question de la paix entre Israël et la création d'un Etat palestinien viable, démocratique, moderne, la question de la paix au Liban, la question même de la paix entre le Liban et Israël, la question de la paix entre Israël et la Syrie, tous ces dossiers sont liés. Alors il faut bien commencer et les progrès dans un dossier seront les progrès dans les autres dossiers. Alors nous, nous ne savons pas quelle est la bonne méthode : est-ce qu'il faut tout prendre en même temps ? Est-ce qu'il faut les séparer ? Ce qui compte, c'est qu'il faut prendre les opportunités. Et la France pense que les opportunités de paix au Moyen-Orient n'ont jamais été si grandes. Comment ? Parce que cela va mal. Et quand ça va mal, l'immobilisme n'est pas une solution. Il faut encourager, et c'est la raison de la présence à Paris du Président syrien, toutes les initiatives qui vont dans le sens de la paix. J'ajoute, bien sûr, que le Premier ministre ERDOGAN sera demain à Paris, et que j'aurai un entretien avec lui et Bernard Kouchner, demain matin, avant de recevoir M. Abou MAZEN et M. OLMERT.
QUESTION - Le Président AL-ASSAD vient d'évoquer la question de la paix, de la négociation libano-israélienne, si j'ai bien compris. Est-ce qu'il y aura des négociations israélo-libanaises bientôt et dans quelles conditions ?
M. BACHAR AL-ASSAD - J'ai dit tout à l'heure mon souhait que soient appliquées les résolutions des Nations Unies concernant le Liban et Israël. Nous attendons l'application de la résolution 1701 qui a été promulguée il y a 2 ans mais Israël ne s'est pas retiré et rendu justice aux Palestiniens immigrés qui vivent dans la misère dans notre pays. On ne doit pas les laisser dans cette misère et nous avons parlé de la ligne bleue. Il y a beaucoup de problèmes concernant cette ligne. Israël ne facilite pas les choses. Nous attendons les engagements de la part d'Israël pour voir, pour parler de la question du processus de paix. Nous sommes prêts pour la paix.
LE PRESIDENT - Je voudrais remercier le Président SLEIMANE d'être à la réunion de demain dont vous connaissez la composition. Je voudrais dire que le gouvernement libanais a été constitué hier, que la constitution libanaise n'est pas exactement la même que la constitution française, voire que la constitution syrienne, qu'il faut donc donner du temps aux responsables libanais qui sortent d'une période de crise sans précédent pour discuter de cette question. Mais, enfin si la France peut avoir une opinion modeste, si les Syriens commencent les négociations indirectes, peut-être que c'est un exemple qui peut essaimer à d'autres. Je sais qu'à partir du moment où il y aura de la confiance et de la bonne volonté, ce sont des questions que nombre de responsables politiques libanais posent eux-aussi.
QUESTION - M. le Président, Messieurs, vous trois qui êtes les invités du Président SARKOZY, on sait pourquoi le Président SARKOZY vous a invité à Paris. Nous aimerions savoir, pour chacun d'entre vous, quel est le sens politique que vous attribuez à votre venue en France ?
CHEIKH HAMAD BIN KHALIFA AL-THANI - Nous sommes des pays, nous parlons d'intérêts de nos pays, c'est tout à fait évident. Si chacun ne s'intéressait qu'à ses intérêts propres, la France ne s'intéresserait qu'à l'Europe et nous, nous penserions qu'à notre région. Nous n'aurions aucune raison de nous réunir ici. Mais nous pensons d'une manière commune : la France a un intérêt de la stabilité du Proche-Orient. Nous avons grand intérêt également à ce qu'un pays important comme la France s'engage à nos côtés pour résoudre le problème. Et s'agissant de l'Europe, demain nous allons nous réunir pour le Sommet pour la Méditerranée. Beaucoup de pays, beaucoup de leaders, beaucoup de chefs d'Etats européens et arabes vont être présents. C'est tout à fait logique de parler, politiquement parlant et économiquement parlant, des questions que nous avons examinées aujourd'hui. Je ne sais pas si c'est la réponse à votre question mais j'espère avoir répondu à votre question. Il y a probablement d'autres réponses. Je suis invité pour la réunion de demain en tant qu'invité par M. le Président SARKOZY, parce que je préside le Conseil des pays du Golfe. En même temps, c'est Ferdinand de LESSEPS, celui qui a ouvert le Canal de Suez. C'est pourquoi nous pensons que la mer française se trouve sur les côtes de la Méditerranée. En ce qui concerne le Liban, le Pape Jean-Paul II a dit que la Liban est un message. Nous sommes intéressés par la Conférence de demain pour délivrer notre message au monde, à commencer par le Proche-Orient.
QUESTION - Etant donné que vous êtes Président de la France et aussi Président de l'Union européenne, alors quel est le rôle efficace que la France et l'Union européenne pourraient jouer en ce qui concerne le processus de paix et les questions au Proche-Orient ?
LE PRESIDENT - C'est une question à la fois sympathique et cruelle. C'est sympathique parce qu'il y a une espérance que l'on peut jouer un rôle mais c'est cruel parce que je pense quand même, que la réunion d'aujourd'hui, celle de demain sont des réunions sans précédent. Je voudrais dire que c'est un grand honneur pour la France. La France, si elle veut être fidèle à elle-même, doit être messager de paix. Et pour être messager de paix, il faut avoir le courage de parler à tous et à tout le monde. C'est beaucoup plus facile, vous savez, de ne parler qu'à ceux qui vous ressemblent, qu'à ceux avec qui on est d'accord, qu'à ceux avec qui on n'a pas de contentieux. C'est plus compliqué, mais c'est plus utile, de tendre la main pour surmonter les divisions, les malentendus, les épreuves. C'est ce que nous, les Européens, nous avons su faire, grâce à une génération d'hommes d'Etat exceptionnels qui n'ont pas regardé le passé mais qui ont regardé l'avenir, qui ont su se tendre la main et se pardonner. C'est ce que nous avons fait avec les Allemands. Et je suis très heureux que la Chancelière MERKEL soit là demain au Sommet de l'Union pour la Méditerranée. C'est ce que nous avons fait avec les Anglais, il y a plus longtemps encore. Et je suis très heureux que Gordon BROWN soit là demain. Et c'est peut-être ce que les peuples du Moyen-Orient et du Proche-Orient pourront faire : comprendre qu'autour de la Méditerranée, pour ceux qui sont de la Méditerranée, on s'est trop longtemps haïs, qu'il faut maintenant se réconcilier. Et si la France peut être l'hôte d'hommes et de femmes de paix, si la France peut apporter sa caution, sa garantie, ses moyens, ses militaires au service de la paix, et bien, la France le fera. Pour cela, il convient de prendre des initiatives. Quand vous prenez des initiatives, forcément vous êtes un peu en avance sur ceux qui préfèrent être en retard. Et avec la diplomatie française, avec Bernard KOUCHNER, que je veux remercier, nous avons choisi de prendre des initiatives parce que nous n'acceptons pas l'injustice dans le monde, parce que nous n'acceptons pas la guerre dans le monde, parce que nous n'acceptons pas l'incompréhension dans le monde. Et finalement, rien que cette réunion d'aujourd'hui et de demain, c'est déjà pour nous quelque chose de très important. Et je voudrais dire au Président Bachar AL-ASSAD que c'est un choix politique important que j'ai fait en lui proposant de venir, que je suis sûr qu'il sera à la hauteur de cette invitation, de cette confiance. Je veux dire au Président SLEIMANE que venir avec toute la classe politique française à Beyrouth c'était un choix, un choix politique, peut-être même un risque politique mais nous l'avons fait car ce Président, nous l'attendions et nous le soutenons totalement. Et je voudrais dire à l'Emir du Qatar et à nos amis qataris que j'ai bien noté sa réponse sur la mer française et sur l'amitié entre le Qatar et la France.
Merci à tous.