12 janvier 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la mise en oeuvre des réformes nécessaires au changement en France, à la construction européenne et à la rénovation des relations internationales, à Paris le 12 janvier 2008.

Mes chers amis,
Un journaliste me demandait si j'aimais Tony Blair. Récapitulons : il est intelligent, courageux, c'est un ami, il a modernisé un pays ami, le Royaume-Uni, et il est fidèle. Alors, bien sûr, il est socialiste, mais un socialiste tel que lui a toute sa place au gouvernement français !
Tony Blair est un grand d'Europe, il a joué un rôle capital pour l'adoption du traité simplifié. Je veux lui dire que j'ai la conviction que nous avons besoin du Royaume-Uni en Europe. Nous avons besoin de vous, votre place est dans l'Union Européenne.
Je suis très heureux, mes chers amis, de vous revoir en ce début d'année 2008.
Si je suis là, ce n'est pas seulement pour tenir une promesse.
Si je suis là, c'est parce que vous commenciez sérieusement à me manquer.
Nous avons partagé tant de combats, tant d'épreuves, tant de moments forts, jamais je ne pourrai l'oublier.
Je n'oublierai jamais cet instant, qui fut peut-être l'un des plus émouvants de ma vie politique, il y a un an, à quelques mètres d'ici, ce 14 janvier 2007 où je vous ai demandé à vous, mes amis, avec qui j'avais tout partagé, de me laisser libre, libre d'aller vers ceux qui n'avaient jamais été mes amis, vers ceux qui n'avaient jamais partagé mes convictions et qui parfois même m'avaient combattu.
Parce que pour être président de la République il faut être capable de rassembler les Français et non pas avoir la volonté de les diviser. Un leadership, c'est celui qui rassemble, pas celui qui divise. Et pour rassembler, il faut être libre.
Un Président de la République, c'est quelqu'un qui s'ouvre, pas quelqu'un qui se ferme. Un président de la République est quelqu'un qui refuse le sectarisme et c'est quelqu'un qui pratique la tolérance.
Je suis heureux d'être avec vous, d'être en famille. On me dit, et c'est une première rupture que je souhaite, qu'un Président de la République ne va pas parler devant les militants du parti où il a milité toute sa vie politique durant. Alors, j'aimerais affronter cette fausse idée.
Militer dans un parti n'est pas une activité honteuse. C'est noble de s'engager au service de ses idées et au service de son pays. Pour qu'il y ait une démocratie, il faut bien qu'il y ait des partis politiques et des militants. C'est toujours mauvais signe pour une démocratie quand on ferme les partis politiques et que l'on dénonce les militants.
En général, quand on interdit les partis politiques ce n'est pas pour renforcer la démocratie, ce n'est pas pour défendre les libertés, c'est plutôt le contraire. Dans la Constitution de la Ve République, les partis politiques, et c'est le général de Gaulle qui l'a voulu, participent à l'expression de la souveraineté nationale.
C'est mépriser les partis politiques que de prétendre qu'il ne serait pas digne du président de la République d'aller s'exprimer devant eux. C'est une erreur majeure.
J'ajoute que le piège est toujours le même : ceux qui ne m'apprécient pas, ne m'invitent pas, on peut le comprendre, et ceux qui veulent nous soutenir n'auraient pas le droit de m'inviter non plus. Où va-t-on chercher la majorité avec ça ?!
Et ma générosité est sans limites, je suis bien ici, mais si le Parti Socialiste avait besoin que j'aille lui expliquer le traité simplifié, je suis prêt à me sacrifier et à le faire !
D'ailleurs, ce n'est pas parce que le président de la République vient voir ses amis, ce n'est pas parce qu'il vient dans le parti politique auquel il a consacré 30 ans de sa vie, auquel il a un attachement sentimental, que je deviendrais l'homme d'un parti. Le fait de m'avoir soutenu, d'avoir combattu à mes côtés, d'avoir partagé mes convictions ferait que je n'ai plus le droit de venir ? Le fait d'avoir été de ceux qui gagnent ferait que vous n'avez plus le droit de vous exprimer ? Et je n'aurais donc le droit d'aller que dans les endroits de France où il n'y a que des spectateurs alors que vous êtes des acteurs ?
Vous avez beaucoup fait pour porter les changements de la France, il est normal que je vienne m'en expliquer devant vous.
Et je voudrais dire à Jean-Pierre Raffarin et à Patrick Devedjian, comme à toute l'équipe nationale de l'UMP, qu'un parti politique, il ne faut pas y entrer pour arrêter de penser, pour arrêter de réfléchir, juste pour applaudir des discours, où il n'y a jamais une idée neuve, une idée qui dérange, où il n'y a en général même pas d'idée du tout.
Le but, pour moi, ce n'est pas que l'UMP devienne une machine à applaudir. Je veux que l'UMP soit une force populaire majeure, où l'on débat, où l'on réfléchit, où l'on s'affronte à coup d'argument, où l'on pratique les idées neuves, où l'on va chercher l'innovation et la modernité et où l'on essaie de mettre son intelligence au service du pays.
L'UMP doit être diverse et ne doit pas être uniforme.
J'en ai entendu des réunions de l'UMP, où je me suis ennuyé à mourir... Ce n'était pas exactement l'UMP, mais juste avant. Pourquoi s'y ennuyait-on ? Parce que ceux qui étaient invités apprenaient dans la presse ce que l'on allait faire le lendemain ou le surlendemain. Et c'était rapide à lire car on y apprenait que l'on y ferait pas grand-chose.
Moi, je préfère une UMP qui invite un homme comme Tony Blair, qui voit un certain nombre de ses leaders réfléchir à la meilleure stratégie en n'étant d'ailleurs pas forcément d'accord parce que les sujets sont si complexes qu'ils doivent être débattus.
Je sais parfaitement que dans notre propre famille, lorsque j'ai créé et suscité des débats, il y a eu parfois des réactions.
J'ai voulu créer le débat sur l'autorité. L'autorité, un mot qui vous faisait aussitôt accuser d'autoritarisme, un mot qui vous mettait par terre une carrière politique. Oui, j'ai parlé d'autorité et j'assume. Parce que sans autorité, il n'y a pas de liberté. Je veux vivre dans un pays où l'on respecte ses parents, les personnes âgées, le drapeau de notre pays, notre patrie et où n'importe qui ne peut pas dire n'importe quoi. Voilà l'autorité.
L'identité, j'avais également employé ce mot pendant la campagne. Et immédiatement, on m'a indiqué que c'était une idée de l'extrême droite, que c'était une pathologie. Suivez le raisonnement, la diversité, tout le monde est d'accord, mais alors, je pose la question : qu'est-ce que la diversité si l'on n'a jamais le droit à l'identité ?
L'identité nationale française est une idée si forte que je n'ai pas l'intention de la laisser comme la propriété de Monsieur Jean-Marie Le Pen.
Et la question des valeurs chrétiennes, à force d'avoir méprisé cette question, la France a donné le spectacle du pays d'Europe où l'extrême droite était la plus forte ! Beau résultat pour ceux qui voulaient nous faire des leçons de morale.
Et la repentance, souvenez-vous, qui n'est au fond que l'expression de la haine de soi. Il fallait se repentir de tout, s'excuser de tout. Il fallait que les fils expient les fautes des pères, il fallait s'excuser d'être français, d'être de droite, de faire de la politique et d'avoir des convictions.
Moi, j'ai dit aux Français que la France n'avait pas toujours raison, qu'elle avait dans son histoire commis des erreurs et sans doute des fautes, mais que la France était un grand pays et que nous devions être fiers d'être français.
Je ne retire rien à ce que j'ai dit.
Et je dis d'ailleurs à Tony, avec l'affection d'un frère, que j'admire les Anglais quand ils ont le courage de célébrer Trafalgar et j'annonce que nous allons célébrer Austerlitz, parce que c'est ça le respect de l'histoire de son pays.
Être amis, ce n'est pas renier son histoire, c'est être à un moment donné de l'histoire de son peuple en charge de le représenter. C'est surmonter les oppositions du passé, c'est savoir se tendre la main et comprendre que si nous ne voulons pas refaire les fautes de ceux qui nous ont précédé, nous devons travailler ensemble.
Voilà pourquoi Tony Blair est un ami de la France et le Royaume-Uni est un pays allié et ami de la France. Justement parce que derrière nous, il y a eu cette histoire.
Et la politique de civilisation, quand le 31 décembre, j'en ai parlé, le 1er janvier, j'en ai entendu dire : « C'est creux ! » Heureusement que c'était creux parce que depuis ils ne parlent que de ça ! Et si un homme politique ne met pas ses convictions au service d'un projet de civilisation, on les met au service de quoi ?
Je me rappelle du coup de téléphone que François Fillon m'a passé revenant d'un de nos conseils me disant : l'ouverture, il faut la faire passer Nicolas ! Puis, je me souviens du Carrousel du Louvre et de la situation d'aujourd'hui.
Tony explique et il a raison que le monde est plein d'opportunités et qu'il y a de grands changements à faire. Comment faire de grands changements sans grande majorité ? Et comment faire une grande majorité si vous n'allez pas chercher au-delà de vos propres rangs les femmes et les hommes qui vont vous aider à conduire ces changements ?
Il y a dans le gouvernement de François Fillon un certain nombre de femmes et d'hommes de gauche qui ont eu le courage d'assumer le fait de travailler à nos côtés. Je ne leur ai pas demandé de se renier, ils sont courageux, ils ont accepté de rompre des habitudes, des facilités. Mais je ne leur ai pas dit : venez, changez d'idées, excusez-vous de ce que vous êtes et travaillez avec nous. Nous leur avons dit avec François Fillon : venez, restez des femmes et des hommes de gauche, nous vous respectons parce que, nous, nous sommes tolérants et portez votre intelligence et votre capacité de travail au service du projet présidentiel qui a été choisi par les Français.
Mes chers amis, il ne faut pas s'excuser ou s'inquiéter du fait qu'ici ou là, tel ou tel peut avoir une expression différente. S'il est différent, il est normal qu'il ait une expression différente. Je veux que la tolérance, l'ouverture, la main tendue soient la marque de fabrique de la droite et du centre français et que le sectarisme et la fermeture soient la marque de fabrique de la gauche française. Voilà la différence entre eux et nous.
Croyez-moi du fond du coeur, vous avez plus à craindre de l'uniformité que de la diversité.
Alors, je voudrais terminer par ceci.
Qu'essayons-nous de faire ? J'essaie de réhabiliter la politique.
Que s'est-il passé de plus important lors de la dernière élection présidentielle ? 85% des Français sont venus voter. Toute la France a voté dans un pays où il n'y avait plus qu'un Français sur deux qui votait. Pourquoi ont-ils voté ? Parce que tous les candidats ont essayé de porter et de défendre un vrai projet et une véritable politique.
Nous essayons, avec le gouvernement, de faire de la politique.
Lorsque nous avons organisé avec François, Jean-Louis et Nathalie le Grenelle de l'environnement, certains y ont vu une opération de communication. Je n'ai rien contre, sauf que les opérations de communication durent le temps que dure une opération de cette nature, peu de temps.
Nous avons voulu faire un changement idéologique majeur. La droite était crédible sur l'immigration, la sécurité, sur les questions régaliennes. Sur les questions environnementales, nous avions à faire nos preuves. Ce n'est pas être critique que dire cela, c'est être lucide.
Avec le gouvernement, nous avons dit que nous allions prendre des décisions fortes, c'est un geste politique majeur, nous voulons une nouvelle croissance. Nous voulons que la planète cesse de danser au bord d'un gouffre. Nous voulons entraîner le monde pour protéger les équilibres majeurs de notre planète. Jamais, dans l'histoire de l'Homme, notre espèce n'a été autant en danger. Et je n'ai pas voulu que la France donne des bons conseils et des leçons à tout le monde, sans s'appliquer à elle-même des règles qu'elle souhaite voir retenues par les autres.
Si j'ai demandé à François Fillon que la clause de sauvegarde sur un seul OGM soit mise en attendant que la Commission Européenne rende sa décision, je n'ignore nullement que dans ma propre famille politique un certain nombre de nos amis sont contre, mais je veux les faire réfléchir à cela.
J'avais le choix entre trois décisions. La première, ne rien faire, dans ce cas-là, toute la crédibilité du Grenelle de l'environnement était mise par terre. C'est un choix, mais ce choix politique-là je ne le veux pas, ni pour mon pays, ni pour ma famille. Tourner le dos aux questions d'environnement est une erreur historique.
J'avais le choix de la suspension, mais cette suspension eut été critiquée à la fois par les partisans des OGM et par leurs adversaires. Les uns m'auraient dit que c'était trop et les autres pas assez. Avec ce genre de décision, vous accumulez les inconvénients sans accumuler les avantages. Ce n'est pas une décision mais une absence de décision.
Moi, je suis là pour prendre des décisions. Voilà la raison pour laquelle je soutiens l'appel à la clause de sauvegarde. Cela ne veut pas dire que la France ne doit pas participer à la recherche sur les OGM. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'avenir avec les OGM. Cela veut simplement dire que quand le principe de précaution est en jeu, je fais le choix politique majeur de porter notre pays à l'avant-garde du débat sur l'environnement.
Pareil sur la télévision publique.
Cela fait des années que j'entends des hommes politiques, surtout de gauche mais aussi de droite, dire : regardez, il faudrait que nous ayons une télévision publique de la qualité de la BBC. Quelle est la caractéristique de la BBC ? Il n'y a pas de publicité. Et ce qui est possible en Angleterre ne le serait pas en France ?
Alors maintenant cela suffit, cela fait trop d'années que l'on en parle sans avoir le courage de le faire.
Nous voulons un service public de qualité.
Nous voulons un service public qui ne soit pas soumis aux diktats des recettes publicitaires et de l'audience.
Nous ne voulons pas d'un service public qui copierait en moins bien les chaînes du privé, parce que si c'est ça, il n'y a pas besoin de service public. Et c'est la droite qui défend cette idée.
Je le dis de la manière la plus claire : nous garantirons au service public les recettes dont il a besoin. Et la question de la privatisation d'une chaîne du service public ne se pose pas si les programmes sont différents. En revanche, continuer avec la même publicité sur le service public que sur les chaînes privées, avec les mêmes programmes, on se demande alors pourquoi il faudrait des chaînes du service public.
Poser cette question, rendez vous compte du choix idéologique essentiel, cela veut dire que tout d'un coup la qualité, la culture, le service public deviennent des idées propres à votre famille politique, c'est un changement idéologique majeur.
Nous n'avons pas à laisser l'environnement et la culture comme des valeurs de gauche. Nous devons proposer une alternative sur ces sujets qui sont essentiels pour l'avenir de notre pays.
Comment faire une politique de civilisation sans se poser la question de savoir ce que nos enfants regardent à la télévision et ce que nos enseignants enseignent dans nos écoles.
D'ailleurs, de ce point de vue aussi, j'ai voulu faire de la politique, au vrai sens du terme. On m'a dit : incroyable, la lettre de Guy Môquet ! Je ne sais pas ce qui était incroyable, était-ce de lire Guy Môquet ou était-ce que l'on demande, merci à Xavier Darcos, aux enseignants de faire lire une lettre ?
Certains ont été plus choqués encore par le fait que l'on ose demander que par le fait que ce soit Guy Môquet.
Alors je vais mettre les pieds dans le plat. Je respecte profondément le métier d'enseignant, un des plus nobles, des plus utiles et des plus difficiles. Mais, la question de l'éducation est si importante qu'elle ne peut pas être uniquement l'affaire des spécialistes. Et je dis très tranquillement et très calmement, la question de l'éducation est une question de civilisation. Et lorsque l'on parle de l'Education nationale je ne veux plus que l'on ne parle que de la question du statut, parce que le statut est une chose, les programmes en sont une autre. Et tous les Français ont le droit de donner leur opinion sur ce que l'on enseigne à leurs enfants.
Sur l'autonomie des universités, nous avons fait de la politique, parce que c'était un choix majeur. Pourquoi nos universités étaient moins bonnes que les autres ? Ce n'est pas que nos enseignants ou nos étudiants sont moins bons, mais parce qu'elle étaient devenues les seules universités d'Europe qui n'avaient pas la liberté de se réformer, de penser et d'agir.
C'est fait.
Et je vais conduire une politique de civilisation également sur un sujet extraordinairement difficile qui est celui de la fonction publique. Nous avons 5 millions de fonctionnaires dans notre pays. Ce sont des femmes et des hommes honnêtes, compétents et qui vivent dans un malaise existentiel et identitaire consternant compte tenu du niveau de dépenses publiques de la France. Depuis 1992, des centaines de milliers d'emplois ont été crées dans la fonction publique et depuis 1992 le malaise de la fonction publique n'a cessé de s'aggraver. Les fonctionnaires s'interrogent sur leur rôle, leur identité et sur leurs moyens. Je dis donc aux syndicats de la fonction publique : s'il suffisait d'engager plus de fonctionnaires pour que les fonctionnaires soient heureux, ça se saurait. Cela fait très exactement 16 ans que l'on poursuit cette politique.
Nous allons changer la qualité de vie au travail des fonctionnaires. D'abord, nous partagerons les gains de productivité dus à la réduction des effectifs dans la fonction publique. Tous les fonctionnaires ne seront pas remplacés et la moitié des économies réalisées sera donnée pour qu'ils soient mieux payés. Il y a des payes dans la fonction publique qui sont trop petites. Les marges de manoeuvre, nous allons les gagner comme cela : moins de fonctionnaires mais mieux payés, mieux formés, mieux considérés et mieux respectés.
Et ceux qui pensent que l'on peut résoudre le problème de la fonction publique en augmentant le nombre des emplois veulent paupériser la fonction publique. Voilà la réalité, c'est la vérité.
Et à ceux qui me diraient que ce que je dis maintenant, c'est ce que je disais avant l'élection, je réponds que c'est vrai, c'est ma spécificité. Ce que j'ai dit avant l'élection, je le ferai après. Je ne serai pas de ceux qui tiendront un discours inverse une fois les élections passées.
Mais j'irai plus loin. Avec Eric Woerth, André Santini et François Fillon, nous avons demandé qu'on cesse avec la tyrannie des examens et des concours qui consistent à imposer à des femmes et des hommes de 45 ans pour assurer leur promotion sociale de passer des examens qui n'ont rien à voir avec la qualité de leur emploi. La valorisation de l'expérience, le mérite ou l'effort doivent compter autant que la capacité à bachoter pour passer de rédacteur à attaché principal.
Et je voudrais en terminer par là. Une des questions les plus difficiles qu'est posée à un gouvernement, des plus complexes, Tony a connu cela comme tous l'ont connu : Serez-vous le président de la République de tous les Français ou de quelques-uns ?
C'est une question essentielle sur laquelle, croyez-moi, avec François Fillon nous réfléchissons à chaque minute. Comment être fidèles à nos convictions, à nos idées et parler à tous les Français et pas à quelques-uns. C'est une question extraordinairement difficile. Elle est beaucoup plus large que la seule question du pouvoir d'achat, qui est aussi une question réelle.
Nous avons décidé de proposer une véritable révolution culturelle en faisant franchir un pas décisif à la participation et à l'intéressement dans notre pays. On en parle depuis des années et plus on en parle moins on le fait.
Le choix est celui-ci : nous voulons que les entreprises en France fassent des profits, plus elles en font, mieux c'est. Mais nous demandons que les entreprises qui font des profits puissent partager équitablement lesdits profits. Je considère qu'un véritable projet de société pour nous serait de poser la question du partage des profits : un tiers pour l'actionnaire, c'est normal, un tiers pour l'investissement, c'est nécessaire, un tiers pour les salariés parce qu'une entreprise vit aussi sur la richesse que représente la qualité du travail de tous les salariés dans notre pays.
Je ne serai pas l'otage d'un groupe de pression, je ne serai pas le prisonnier de telle ou telle catégorie. Je veux défendre des idées justes.
Je crois à la mondialisation, à la liberté, à la concurrence, mais je n'accepte pas que l'on puisse avoir des plans de stock-options pour 10 personnes dans une entreprise de 10 000, parce que les 10 000 participent à la richesse de cette entreprise. Ce n'est pas insulter les chefs d'entreprises que de dire cela.
Je suis très heureux que telle ou telle compagnie fasse 12 milliards d'euros de bénéfices. Tant mieux, il vaut 12 milliards d'euros de bénéfices que 12 milliards de déficits. Mais lorsque l'on fait des bénéfices de cette nature, on doit en faire profiter les salariés de son entreprise. Les bénéfices ne peuvent pas aller exclusivement aux seuls actionnaires. C'est une réalité.
Je crois à la mondialisation, mais je n'accepte pas que quelques dizaines de fonds spéculatifs et agressifs aient fait porter sur la croissance mondiale un risque majeur, parce que nous ne sommes pour un capitalisme d'entrepreneurs et de création de richesses, pas pour un capitalisme de spéculateurs consistant à dépecer des entreprises que des entrepreneurs ont mis des années voire des décennies à créer.
Demander la moralisation du capitalisme financier est une exigence pour la France.
Je crois, comme Tony, à la mondialisation, mais je n'accepte pas que certains fonds souverains puissent tout acheter chez nous et que nos propres capitalistes ne puissent rien acheter chez eux. Je demande la réciprocité avant d'ouvrir les barrières de l'Europe.
D'ailleurs, je crois à l'Europe politique. L'Europe politique a été faite pour protéger et non pour inquiéter. J'ai parfaitement conscience que ce n'est pas le traité simplifié qui va réconcilier la France, l'Angleterre et les Européens avec l'Europe. Le traité simplifié, ce sont des institutions.
Nous allons nous doter d'un véritable président pour l'Union européenne et je souhaite d'ailleurs que pour ce président nous fassions un choix par le haut et non pas un choix du plus petit compromis.
Comment voulez-vous que l'Europe marche avec un président qui changeait tous les 6 mois et qui en plus d'être président de l'Europe était président de son pays ? Je le serai pendant 6 mois, mais j'espère être le dernier. L'Europe se dotera d'un président pour 2 ans et demi.
Et je souhaite une Europe politique qui affirme un projet de civilisation.
Une Europe qui se batte pour avoir une politique de l'énergie ensemble.
Qui se batte pour avoir une politique de l'immigration ensemble.
Qui se batte pour avoir une politique de l'environnement ensemble.
Qui se batte pour avoir une politique agricole commune ensemble, parce qu'il n'y a aucune raison de continuer à accepter en Europe des produits qui ne réponde à aucune des qualités que nous imposons pas ailleurs à nos propres éleveurs et producteurs. Ça, ce n'est pas la réciprocité.
Et je le dis à Tony, devant nos amis Anglais, je souhaite que l'Europe se dote d'une politique de défense commune.
L'Europe ne peut pas être un ensemble de 450 millions d'habitants parmi les plus riches au monde et s'en remettre pour sa protection soit à la providence soit aux Etats-Unis. Je suis un ami des Etats-Unis d'Amérique, mais je demande que l'Europe se dote d'une défense européenne autonome, parce que si nous ne sommes pas capables de nous défendre, nous ne sommes pas capables alors d'assumer notre indépendance.
Cette politique de défense, nous la ferons main dans la main avec nos amis Anglais. Je rappelle que nous sommes les deux seuls pays d'Europe à posséder l'arme nucléaire et qu'il convient que deux puissances nucléaires démocratiques parlent ensemble, se complètent, organisent ensemble leurs efforts. Dans mon esprit, l'Europe de la défense autonome et indépendante n'est pas contradictoire avec l'OTAN. Je veux l'OTAN et l'Europe de la défense, l'alliance avec les Etats-Unis et la capacité pour l'Europe de se défendre par elle-même. Ce n'est pas l'un ou l'autre, c'est l'un et l'autre, l'alliance avec l'autonomie et l'indépendance.
Mes chers amis, il y aurait tant d'autres choses à dire.
Sur la Méditerranée, nous allons faire l'Union pour la Méditerranée, parce que nous perdrons tout ou nous gagnerons tout.
Sur l'ONU, je souhaite que la France porte un projet de modernisation car nous ne pouvons pas gérer le monde du XXIe siècle avec l'organisation du XXe.
Je souhaite que l'on arrête avec le G8 pour faire le G13.
Nous étions avec Tony à Heilingendamm et nous trouvions curieux de passer deux jours et demi ensemble à 8 et d'inviter pour les miettes du troisième jour, lors du dernier déjeuner, la Chine, 1,3 milliards d'habitants £ l'Inde, 1 milliard d'habitants £ l'Afrique du Sud, parce qu'il faut bien qu'il y ait un pays africain, l'Afrique c'est 1 milliard d'habitants. Quant à l'Amérique latine, 1 milliard d'habitants, il n'y avait ni le Brésil, ni le Mexique.
Cette organisation du XXe siècle est devenue inacceptable, la France veut une organisation du XXIe pour le monde du XXIe siècle pas celle du siècle dernier.
Mes chers amis, avec François Fillon, avec qui nous formons une équipe où les liens d'amitié et de confiance sont ce qu'ils étaient dès le premier jour, je veux le remercier de son travail et s'il me le permet de son affectueuse amitié. Avec les ministres qui font un travail remarquable, je suis fier de ce gouvernement parce que plus jamais aucun chef de gouvernement ou chef d'Etat n'osera composer un gouvernement différent du nôtre, justement parce que c'est la première fois que l'on a eu le courage en France de proposer un gouvernement qui respecte la diversité française.
Cela fait huit mois et les épreuves n'ont pas manqué, le travail non plus, mais j'ai la même passion, j'ai la même envie de faire, de convaincre. Je mesure le poids de mes responsabilités. Nous devons changer la France parce qu'elle en a besoin et parce que dans le monde qui bouge, nous ne pouvons pas rester immobile. J'adhère à ce qu'a dit Tony Blair à l'instant. Nous devons porter ce changement et si ce n'est pas nous qui le portons, personne ne le fera à notre place.
Mes chers amis,
J'ai besoin de vous, de votre soutien, de votre amitié, de votre intelligence, de votre engagement, de votre ouverture, de votre capacité de rassemblement.
Parce qu'ensemble, nous sommes en train de mettre en oeuvre un train de réformes qui n'avait plus existé dans notre pays depuis 1958. C'est un rendez-vous historique, merci de l'avoir compris et de nous soutenir.