7 novembre 2007 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et de M. George W. Bush, Président des Etats-Unis d'Amérique, sur les relations franco-américaines, la situation en Irak, la question du nucléaire iranien et sur la présence militaire française en Afghanistan, à Washington le 7 novembre 2007.

LE PRESIDENT BUSH - Monsieur le Président, soyez le bienvenu. Je vous remercie de votre visite à Mount Vernon. Je vous remercie de venir aux Etats-Unis. Je crois que l'on peut dire que vous avez impressionné beaucoup de monde durant votre séjour. Vous avez beaucoup d'énergie, beaucoup d'enthousiasme pour votre travail, vous avez beaucoup d'amour pour votre patrie, vous avez des valeurs universelles qui nous tiennent à coeur.
Nous venons d'avoir une très longue conversation, une conversation comme on pouvait s'y attendre, une conversation entre bons amis. Nous avons parlé de l'Iran et du désir de travailler ensemble pour convaincre le régime iranien de renoncer à ses ambitions d'armes nucléaires, pour la paix.
Nous avons parlé du Moyen-Orient. Nous avons parlé de la conférence qui aura bientôt lieu à Annapolis, dans le Maryland. Je remercie le Président pour son leadership sur la question du Kosovo. Je ne saurais remercier assez le Président pour son désir de soutenir les jeunes démocraties qui luttent contre les extrémistes et les radicaux. Justement, une de ces démocraties est l'Afghanistan.
Monsieur le Président, votre leadership est tout à fait impressionnant. Vous envoyé un message tout à fait clair. Il est clair que vous êtes un homme qui fait ce qu'il dit. Vous êtes le genre d'homme avec qui j'aime travailler.
Monsieur le Président, je tiens également à remercier votre gouvernement pour son soutien très fort pour les droits de l'Homme et la dignité humaine, qu'il s'agisse des gens opprimés en Birmanie, au Darfour ou sur l'île de Cuba. La France et notre relation avec vous sont importantes. Il est clair que les droits de l'Homme pour chaque individu sont importants pour le monde entier. Je me réjouis de pouvoir travailler avec vous, Monsieur le Président. Notre relation bilatérale est importante. Nos relations sont fortes et nous avons l'intention de les maintenir comme telles.
Nous vous souhaitons la bienvenue à la maison de George WASHINGTON. Nous sommes fiers de vous accueillir aux Etats-Unis. Merci d'être venu.
LE PRESIDENT - Je voudrais remercier le Président BUSH, son administration et tous les Américains qui nous ont réservé un accueil exceptionnel. J'ai bien le sentiment que c'est la France qui a été accueillie avec chaleur, avec amour et avec amitié. C'était mon ambition. C'était notre souhait à Bernard KOUCHNER, Christine LAGARDE, Rachida DATI, Rama YADE, et à moi-même. C'était extrêmement émouvant l'accueil que vous nous avez réservé, avec votre épouse, à la Maison Blanche hier. J'ai particulièrement apprécié le dialogue entre George WASHINGTON et le Marquis de LA FAYETTE, les marques d'attention que vous nous avez réservées. L'ouverture, la volonté que vous avez eue que nous puissions parler de tous les sujets, tous ceux que vous avez évoqués, mais aussi l'Europe de la défense et l'OTAN, le souci environnemental qui est le nôtre, l'Afghanistan, bien sûr, où j'ai dit que l'on resterait parce qu'il en allait de la crédibilité de l'Alliance Atlantique, et la lutte contre le terrorisme. On a parlé pendant plusieurs heures des problèmes économiques, des problèmes commerciaux, de tous les grands sujets du monde. Je peux dire qu'on l'a fait dans un climat de très grande confiance et de très grande liberté.
C'est cela que j'ai particulièrement apprécié. Je peux vous dire que cette visite a un très grand retentissement en France. Quand je dis que le peuple français aime le peuple américain, c'est la vérité. Maintenant, je me suis longuement exprimé ce matin. Je crois que le mieux, c'est qu'après le Président BUSH que je veux remercier une nouvelle fois, nous répondions aux questions que vous voudrez bien nous poser.
QUESTION - Monsieur le Président, vous avez été très dur sur la Birmanie et sur d'autres pays, contre l'oppression des manifestants pour la démocratie. Vous semblez oublier MOUCHARAF. Y a-t-il deux poids, deux mesures ?
LE PRESIDENT BUSH - J'ai parlé au Président MOUCHARAF juste avant ma visite, ici, avec le Président SARKOZY. Mon message était le suivant : "Nous croyons fermement que les élections sont importantes et que vous devriez organiser des élections bientôt, et vous devriez retirer l'uniforme. Vous ne pouvez pas être le Président et être le chef des forces armées en même temps". J'ai eu une discussion très franche avec lui. Ecoutez, notre objectif est le même en Birmanie qu'au Pakistan, à savoir la promotion de la démocratie, mais il y a une différence. En effet, le Pakistan est sur la voie de la démocratie. La Birmanie n'a pas suivie la voie de la démocratie. Cela nécessite des tactiques différentes pour réaliser l'objectif commun. Comme je vous l'ai dit, je viens tout juste de parler au Président MOUCHARAF, avant de venir ici. Mon message était tout à fait clair, très facile à comprendre, à savoir que les Etats-Unis souhaitent que vous organisiez les élections comme prévu et que vous retiriez votre uniforme. Vous voulez parler à quelqu'un, Monsieur le Président ?
LE PRESIDENT - Je ne choisis pas les journalistes !
LE PRESIDENT BUSH - Vous ne pouvez pas choisir, mais qui choisit ? C'est moi qui choisis ? Qui voulez-vous que je choisisse ?
QUESTION - Merci, Monsieur le Président. Ma question porte sur l'Irak. Monsieur le Président, ce matin vous avez beaucoup parlé de l'Afghanistan, de l'Iran, pas de l'Irak. Je voulais vous poser la question à tous les deux : la France est réconciliée aujourd'hui avec les Etats-Unis, les Etats-Unis sont réconciliés avec la France. Alors, quid de l'Irak ? Est-ce que la France peut aider, par exemple, à sortir du bourbier irakien ? Monsieur le Président BUSH, où en êtes-vous concernant l'Irak et le débat intérieur sur l'Irak, chez vous ? Est-ce qu'il y a un calendrier qui est prévisible ou non des retraits des troupes américaines ?
LE PRESIDENT BUSH - C'est un mot intéressant que vous utilisez. Si vous viviez en Irak et si vous viviez sous la tyrannie, vous diriez : moi, j'adore la liberté, mais c'est justement ce qu'il s'est passé. Il y a des tueurs, des radicaux et des assassins qui tuent les innocents pour contrer l'avance à la liberté, mais la liberté a lieu en Irak. Nous réalisons des progrès. Je ne saurais remercier assez le Président SARKOZY d'avoir envoyé son ministre des Affaires étrangères à Bagdad pour communiquer ce message important que la liberté, cela compte. Lorsque les gens luttent pour vivre dans la liberté, ceux qui vivent confortablement dans une société libre, nous devrions les aider. Nous avons une différence d'opinion avec votre grand pays quant à savoir si j'aurais du utiliser la force militaire pour appliquer les exigences de l'ONU. Je l'ai rappelé hier à un journaliste de la télévision. Je voudrais tout simplement vous rappeler que la résolution militaire 1441 a été appuyée par la France et les Etats-Unis qui disaient clairement au dictateur : vous allez retirer des armées ou subir des conséquences graves. Moi, je suis le genre d'individu qui prend à la lettre ce que les gens disent. J'ai dit que nous avions une différence d'opinion, mais moi, pour ma part, je ne constate aucune différence d'opinion par rapport à une démocratie en lutte qui veut vivre dans une société libre. Monsieur le Président, le geste très fort que vous avez fait en envoyant votre ministre des Affaires étrangères, ce n'était pas un message envoyé aux Etats-Unis, vos bons amis, non, c'était un message envoyé aux citoyens irakiens. Vous avez dit : "nous entendons vos cris pour la liberté. Nous souhaitons que vous réussissiez". Un enseignement de l'histoire est que les sociétés libres engrangent la paix.
Par conséquent, je vous remercie de votre leadership et je tiens à remercier votre ministre des Affaires étrangères pour son déplacement en Irak. Je ne vois pas votre ministre, il était là. Ah, le voilà à côté de Mme RICE, c'est le Président qui bloquait la vue. Quoi qu'il en soit, je vous remercie, Monsieur le Président.
LE PRESIDENT - Vous me permettez de faire deux réponses en une. La première sur le Pakistan : la situation est préoccupante et il faut des élections le plus rapidement possible. On ne combat pas les extrémismes avec les méthodes des extrémistes. C'est très important que le Pakistan puisse organiser des élections et comme le Président Bush, je souhaite que cela puisse avoir lieu le plus rapidement possible. Je rappelle que c'est un pays de 150 millions d'habitants qui a l'arme nucléaire. Et c'est très important pour nous qu'un jour nous ne nous réveillions pas avec un gouvernement à la tête du Pakistan qui serait un gouvernement d'extrémistes. Et chacun d'entre nous doit réfléchir à cette question. Il y a nos principes, il y a nos valeurs, il y a les valeurs que nous défendons et que nous devons continuer à défendre. Et il y a la complexité d'une situation : il faut des élections.
Sur l'Irak, Bernard KOUCHNER avait fait un voyage réussi en Irak. Qu'est-ce que veut la France ? Un Irak uni, personne n'a intérêt au démantèlement de l'Irak. Un Irak démocratique, un Irak divers, où chacune des composantes de la société irakienne apprendrait à vivre ensemble. Un Irak qui s'administrerait lui-même. Un Irak qui aurait les moyens de garantir la paix à chacun. C'est le message qu'a porté Bernard KOUCHNER. Et c'est l'intérêt de tout le monde qu'il en soit ainsi. Cette position là, je la défendrai jusqu'au bout.
QUESTION - Messieurs les Présidents, vu que le baril approche des 100 dollars et que vous tenez des propos durs par rapport à l'Iran et son programme nucléaire, cela contribue-t-il à augmenter le prix du brut, ce qui pourrait nuire à l'économie américaine ?
LE PRESIDENT BUSH - Non, je pense que le prix du pétrole est en hausse parce que la demande du pétrole est plus importante que l'approvisionnement en pétrole. Les prix montent parce que les pays en développement utilisent toujours beaucoup de pétrole. Le prix monte parce que nous utilisons trop de pétrole, et la capacité de remplacement des réserves est en train de se réduire. C'est pourquoi le prix du pétrole augmente. Je crois qu'il est important que nous envoyions des messages clairs au gouvernement iranien, à savoir que le monde libre comprend les risques qui sont les vôtres si vous essayez d'obtenir une arme nucléaire. Par conséquent, nous allons travailler ensemble pour identifier des gens rationnels dans votre gouvernement, qui sont fatigués de l'isolation, qui pensent qu'il y a une meilleure marche à suivre. Chaque fois que je parle de l'Iran, je m'assure de pouvoir parler au peuple iranien. Je tiens à vous faire savoir que nous avons parlé de votre pays aujourd'hui. Nous croyons, je crois moi-même, que vous avez un avenir radieux devant vous. Nous respectons votre histoire et nous respectons votre tradition. Cependant, vous êtes gouvernés par des gens qui prennent des décisions qui vous isolent du reste du monde. Et vous pouvez faire mieux que cela. L'idée que l'Iran se dote d'une arme nucléaire c'est dangereux, donc le moment est venu pour que nous travaillions ensemble pour régler ce problème. Diplomatiquement nous avons beaucoup parlé de cette question. Je remercie le Président français pour sa détermination à résoudre ce problème pacifiquement.
LE PRESIDENT - Je veux dire que nous avons échangé toutes nos informations. La détention de l'arme nucléaire par l'Iran c'est inacceptable. Mais l'Iran a le droit à l'énergie du futur, qui est le nucléaire civil. Je crois à l'efficacité des sanctions. Je crois même à la nécessité de leur renforcement. Mais dans mon esprit, c'est complémentaire de la main tendue, du dialogue, de la poursuite des discussions, parce que l'Iran mérite mieux que cet isolement là. Et je ne peux pas imaginer qu'il n'y ait pas des gens à la tête de l'Iran qui réfléchissent aux conséquences de ce qui se passe. C'est une grande civilisation, c'est un grand peuple. Il faut être ferme tant qu'il n'y a pas de geste. Et il faut maintenir la voie du dialogue. Parce qu'on a besoin de parler pour éviter le pire. Cela a fait l'objet d'une longue conversation qui a montré une grande identité de vues.
QUESTION - Monsieur le Président, à propos de vos déclarations concernant l'Afghanistan et l'engagement de la France. Est-ce que cela signifie que la France va envoyer des soldats, des troupes au sol pour combattre dans les régions Sud de l'Afghanistan ainsi que le souhaiteraient les Etats-Unis ?
Monsieur le Président j'ai aussi une question à propos de la Syrie, que pensez-vous du fait que la France était engagée en Syrie, par rapport à l'élection présidentielle à venir au Liban ? Pensez-vous qu'il s'agit d'une bonne idée ? Et quelles sont les chances que le Liban se dotera d'une élection présidentielle d'ici le 24 novembre ? Je vous remercie.
LE PRESIDENT - Sur l'Afghanistan j'ai dit ce que j'en pensais. Nous sommes en train de parler avec le Président BUSH. Nous ne quitterons pas l'Afghanistan, parce qu'il en va de la solidité et de la pérennité de notre alliance, et parce que c'est le combat contre le terrorisme. Nous réfléchissons à la meilleure façon d'aider à l'émergence d'un Afghanistan démocratique. Est-ce que c'est en renforçant l'effort de formation pour poser les bases d'un Etat afghan moderne ? Est-ce que c'est en donnant d'autres moyens militaires ? Nous sommes entrain d'en discuter.
LE PRESIDENT BUSH - Tout d'abord, vous savez que l'influence syrienne au Liban, le Gouvernement précédent et moi-même avons travaillé sur ce dossier de manière collaborative. Parce que la France et les Etats-Unis ont travaillé ensemble dans le passé sur la résolution 1551 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Et nous avons fait en sorte que la Syrie quitte le Liban. Nous avons donc passé du temps à collaborer sur la meilleure façon de veiller à ce que la Syrie n'influence pas l'élection présidentielle et, en fait, la Présidence. Il faut que le Président soit choisi par le peuple Libanais, je suis tout à fait conscient du fait que Monsieur Nabih BERRI et Monsieur HARIRI sont en consultation pour essayer de trouver un candidat qui leur apparaîtra acceptable à eux, et pas à la Syrie. Le peuple libanais doit être assuré que leur Président représentera le peuple du Liban et non le Gouvernement de la Syrie. Et je suis à l'aise, du fait que le Gouvernement du Président SARKOZY envoie un message clair afin de réaliser cet objectif commun. Et cet objectif commun, c'est que cette démocratie libanaise survive, s'épanouisse et serve d'exemple aux autres. Nous allons travailler avec la France et avec d'autres pour veiller à ce que ce processus soit achevé d'ici le 24 novembre. Nous croyons que cela relève des intérêts du Proche Orient que la démocratie libanaise survive. Je veux que le Liban serve d'exemple pour les Palestiniens, pour leur montrer ce qui est possible. Je crois en la solution des deux Etats, je crois qu'il devrait y avoir deux Etats vivant côte à côte et en paix, tout comme le Président, car nous en avons parlé aujourd'hui. Il n'y a rien de mieux pour les Palestiniens que de voir ce que l'on peut faire avec une démocratie stable au Liban. Le défi intéressant auquel nous sommes confrontés dans le monde dans lequel nous vivons, est le fait qu'il y a des assassins qui vont essayer de bloquer l'avancer de la démocratie, surtout au Proche Orient. Et n'est-ce pas intéressant que les endroits où il y a le plus de violence, sont les endroits où il y a des jeunes démocraties qui essayent de s'enraciner, qu'il s'agisse de l'Irak, du Liban ou les territoires Palestiniens ? L'appel de pays tels que le notre, c'est de soutenir ceux qui veulent vivre dans la liberté. La liberté c'est la grande alternative à l'idéologie des gens qui tuent les innocents pour réaliser les objectifs politiques. En fait, ce sont les mêmes qui sont venus ici pour tuer trois mille de nos citoyens. Je vais conclure la conférence de presse en vous disant la chose suivante : j'ai un partenaire pour la paix, quelqu'un qui a une vision claire, des valeurs fondamentales, qui est prêt à prendre des décisions difficiles pour réaliser la paix. Donc si vous vous demandez si je suis confortable avec les messages que communique le Gouvernement de Nicolas SARKOZY, oui, effectivement, je confortable.Merci de votre visite, Monsieur le Président, je vous remercie de votre présence.