1 novembre 1996 - Seul le prononcé fait foi

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Interview de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur les relations franco-israéliennes, la sécurité d'Israël et la reconnaissance par Israël d'un Etat palestinien et sur la désignation d'un émissaire de l'Europe au Proche-Orient.

QUESTION.- Votre voyage au Proche-Orient et les incidents survenus en Israël ont provoqué une grande émotion au sein de la communauté juive. Certains ont estimé que par votre voix la France avait adopté la position arabe sur tous les éléments du conflit israélo-arabe et que cela est incompatible avec l'idée d'une médiation française. Qu'en pensez-vous ?
- LE PRESIDENT.- Je souhaite rappeler combien la France se sent proche d'Israël, combien elle est l'amie d'Israël. Réaffirmer cette amitié était le premier objectif de ma visite en Israël où j'ai eu des entretiens approfondis et très amicaux avec l'ensemble des dirigeants. Mais la France est aussi l'amie du monde arabe. Ces deux amitiés ne sont pas exclusives l'une de l'autre. Elles sont complémentaires. L'amitié de la France avec tous les Etats de la région et ses bonnes relations avec les pays arabes constituent un atout pour Israël car elles nous permettent de mettre notre capital d'influence et de sympathie au service de la paix et de la sécurité pour tous. L'objectif de mon voyage était simple : faire progresser les chances de la paix en soulignant le droit à la sécurité de tous les peuples du Proche-Orient et en premier lieu du peuple d'Israël. Notre position équilibrée nous a permis de jouer un rôle majeur lors de la crise israélo-libanaise du printemps dernier. Elle m'a permis au cours de cette tournée, de faire passer, souvent dans la discrétion, des messages très importants aux dirigeants de toute la région.
- Je souhaite souligner la qualité des relations personnelles que j'entretiens, autant avec le président Weizman, homme de haute stature morale et d'une grande autorité, qu'avec le Premier ministre Nétanyahou qui m'a réaffirmé sa volonté de paix et avec lequel j'entretiens une relation confiante et amicale. S'il est vrai que les médias n'ont pas suffisamment relevé l'importance et le contenu de nos entretiens préférant souvent valoriser certains incidents qui n'ont en aucun cas obéré la réussite de la visite, il faut rappeler que la France a été, dans l'histoire, la première à toujours défendre le droit d'Israël à l'existence et à la sécurité. Elle continuera de le faire. Elle sera toujours aux côtés d'Israël pour lutter contre le fléau de la violence et le terrorisme, comme je l'ai redit avec force dans mes différents discours en Israël.
- Mais notre position est claire. La sécurité d'Israël ne sera vraiment assurée que par la paix avec tous les voisins arabes. Et cette paix doit être équitable, fondée sur le respect des accords passés, c'est-à-dire le principe du droit à l'autodétermination, le droit à la sécurité pour tous et l'échange des territoires contre la paix. La sécurité ne peut être garantie durablement par la force. Elle ne peut être imposée. Elle ne peut naître que du respect de la justice, du droit et des accords conclus. C'est en cela que la France estime qu'un Etat palestinien reconnu serait pour Israël la meilleure garantie de sa sécurité. Il ne s'agit pas d'un quelconque alignement sur les positions arabes, mais d'une conviction dictée par la voie du coeur et de la raison.
- La France, depuis mon voyage, a continué de faire avancer la paix. Elle a ainsi été à l'origine de la désignation d'un émissaire spécial de l'Europe au Proche-Orient. La France et l'Europe ont désormais un rôle reconnu dans la région par tous les acteurs du processus de paix et notamment par les Etats-Unis, dont j'ai publiquement salué l'action diplomatique tenace et efficace au cours de mes différentes étapes dans cette région.\