21 octobre 1994 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur le rôle des combattants espagnols dans la résistance française durant la seconde guerre mondiale, Prayols le 21 octobre 1994.

Monsieur le Président,
- Monsieur le Premier ministre,
- Mesdames et messieurs,
- J'ai eu plusieurs fois l'occasion, cette année, bien entendu, de rappeler le rôle qu'ont joué les combats de la Libération, et dans ces combats le rôle joué par les maquisards espagnols, aux côtés de leurs camarades français résistants. Je veux aujourd'hui, devant le monument d'Emmanuel Valiente, exprimer à nouveau la reconnaissance de la France.
- A tous, et à commencer par les combattants de la République qui, les premiers en Europe, ont lutté les armes à la main contre le fascisme et le nazisme. La tragédie espagnole que vous avez vécue pour nombre d'entre vous a été le prélude de la guerre qui a ensanglanté l'Europe £ les 600000 morts de la guerre civile, premiers morts d'une hécatombe qui a fait plus de 40 millions de victimes, et la chute de Madrid, en mars 1939, n'a précédé que de quelques mois le déclenchement de la guerre mondiale.
- Lorsque la France, à son tour, est tombée sous les coups de ses ennemis, la fraternité d'armes qui s'était créée avec les volontaires Français des brigades internationales sous les murs de Barcelone, de Madrid, et de beaucoup d'autres villes espagnoles, de bien d'autres champs de batailles, se continua avec la participation de combattants espagnols à la délivrance de la France et donc à la Résistance dans toutes les régions de France.
- Je me souviens d'avoir évoqué au mois d'avril dernier, au pied du Plateau des Glières, l'héroïsme du bataillon de l'Ebre, d'avoir répondu en juillet, à la demande des anciens combattants espagnols qui souhaitaient être présents aux cérémonies de notre fête nationale. Bien entendu, nous avons dit oui, vous êtes les bienvenus, vous êtes des frères d'armes et ils ont participé à ce titre, à ces cérémonies.\
Je ne pouvais me rendre dans l'Ariège en compagnie du Président du Conseil des ministres espagnol, mon ami Felipe Gonzalez sans rendre un hommage particulier à Jose Alonso, qui est avec nous ce matin et aux hommes qui étaient ses compagnons et qui, il y a cinquante ans, ont défait ici-même, à Prayols, une colonne allemande, avant de libérer la ville de Foix.
- C'est donc ici, et dans d'autres lieux illustrés par la même fraternité d'armes, que s'est forgée dans le sang, entre nos deux peuples, une amitié nouvelle, durable, sans aucun doute, que nous avons cimentée au cours de ces dernières décennies. Une même vérité s'est fait jour en-deçà et même au-delà des Pyrénées. Voyez comme on peut faire mentir les meilleurs écrivains ou les plus prévoyants. Il faut dire que nos deux peuples voisins qui se sont, dans le passé, souvent ignorés, parfois combattus, ont entreprise de marcher la main dans la main vers des idéaux semblables, vers les mêmes espérances.
- Si, dans l'Europe que nous construisons, que nous appelons de nos voeux et à laquelle, de part et d'autre des Pyrénées, nous travaillons, s'il s'est créé dans cette Europe des relations privilégiées entre l'Espagne et la France, je crois qu'on le doit pour beaucoup à ces guérilleros que nous célébrons ce matin, et qui se sont distingués dans l'action par leurs vertus de sacrifice, leurs capacités de combat pour un idéal commun. Les Français qui sont allés se battre pour la liberté de l'Espagne, les Espagnols qui sont venus se battre pour la liberté de la France, les uns et les autres nous ont montré la voie. Tel est, monsieur le Président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs, le sens de notre présence devant ce monument et en ce lieu. Tel est le sens de l'hommage que nous rendons aux guérilleros tombés ici, que je salue et que je remercie au nom de la France et de la liberté.\