3 septembre 1990 - Seul le prononcé fait foi

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Discours de M. François Mitterrand, Président de la République, lors de la conférence sur les pays les moins avancés, sur les mesures déjà prises par la France et les nouvelles propositions d'aide au développement, Paris, le 3 septembre 1990.

Messieurs les chefs d'Etat et de gouvernement,
- Monsieur le Secrétaire général des Nations unies,
- Monsieur le Directeur général de l'UNESCO,
- Mesdames et messieurs,
- C'est vraiment un grand honneur pour la France que de recevoir à Paris la seconde Conférence des Nations unies sur les Pays les moins avancés, neuf ans, presque jour pour jour après la première Conférence. Je remercie la Communauté internationale d'avoir pris l'initiative de cette rencontre et d'avoir répondu à notre invitation. Les travaux déjà réalisés sous l'égide de la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement ainsi que les séances de ces prochains jours ont montré, montreront que la tenue de cette conférence était nécessaire. Mais je manquerais à mes devoirs d'hôte si d'abord je ne vous disais le plaisir que j'ai de vous accueillir aujourd'hui. Je salue en particulier les chefs d'Etat présents. Tout comme il y a neuf ans, le Directeur général de l'UNESCO a bien voulu mettre à la disposition de la conférence les locaux de son organisation. Je lui exprime ma gratitude.
- Il vous appartenait, monsieur le Secrétaire général, d'ouvrir solennellement cette Conférence. Je souhaite, pour ma part, dresser un rapide bilan des réussites et des échecs de ces dix dernières années, et amorcer les grandes lignes d'un plan ambitieux que j'espère, pour venir en aide aux pays les moins avancés. Et comme dans ces domaines il n'est pas de meilleure façon de progresser que par l'action concrète, mon pays, je saisis cette occasion pour le dire, s'engagera sur quelques mesures.
- La dernière Conférence de Paris avait conclu ses travaux par l'adoption d'un plan d'action pour la décennie 80. Il est clair, hélas, que les objectifs fixés pour cette décennie à de rares exceptions près, n'ont pas été atteints. Loin de s'améliorer, la situation s'est dans l'ensemble aggravée. Dix pays de plus sont venus rejoindre les trente-et-un pays les moins avancés d'il y a dix ans. Pas un de ceux-ci n'a pu sortir de cette catégorie. La croissance économique est demeurée, pour la majorité d'entre eux inférieure à la croissance démographique, ce qui a eu pour conséquence entre autres choses, l'appauvrissement de populations qui ne disposaient pourtant déjà que du strict minimum. Les habitants de ces pays, rappelons-le, vivent en moyenne avec moins de 545 dollars par an, soit moins de 300 F par mois. La part des pays les moins avancés dans le commerce mondial a encore diminué. Les atteintes à l'environnement, conséquences directes de la pauvreté se sont aggravées avec la poursuite du déboisement, avec l'érosion des sols accrue, avec - comme vous le disiez tout à l'heure, monsieur le secrétaire général - les problèmes grandissants de pertes de ressources en eau et l'avancée continue de la désertification.\
Pour la France, le fossé qui ne cesse de s'élargir entre les pays dits riches et les pays qui le sont moins, ou ceux qui ne le sont pas du tout, est en même temps qu'un formidable gâchis économique, une menace qui pèse et qui pèsera de plus en plus sur l'humanité tout entière. Parmi les facteurs nombreux qui ont conduit à ces écarts de richesses, le poids écrasant de la dette sous toutes ses formes, occupe une place prédominante. Par quel insupportable paradoxe, des crédits qui à l'origine étaient destinés à favoriser l'essor des économies de vos pays, en sont-ils arrivés à étrangler les possibilités de développement ? Comment rembourser ce qui est dû lorsque les recettes d'exportations fluctuent, plus fréquemment à la baisse qu'à la hausse, au gré des marchés des matières premières ?
- A vrai dire, les pays riches ont inégalement tenu leurs engagements financiers. Seuls huit pays, dont la France - je tiens à le dire - ont consacré au moins 0,15 % de leur produit national brut à l'aide publique au développement. La moyenne actuelle ne dépasse pas 0,09 %. Et si les accords de Lomé ont conduit à un doublement de l'engagement de la Communauté économique européenne, cet exemple reste isolé. Le poids de la dette et l'obligation de faire face à des nécessités immédiates ont conduit la plupart des pays en développement à consacrer des ressources en diminution aux besoins du moment au détriment du développement à long terme.\
Et pourtant je ne peux m'empêcher d'avoir des raisons d'espérer car à l'intérieur de ce bilan négatif on distingue quelques réussites importantes, par exemple celui de la filière coton en Afrique. Pour dix pays, dont la plupart sont ici aujourd'hui, le déficit à l'issue de la campagne cotonnière 1985-1986 était de 2 milliards de francs français. Un bénéfice de 300 millions de francs est attendu pour 1990. Ce redressement, qui a certes pu profiter d'une remontée des cours, provient pour l'essentiel d'une approche globale collective et contractuelle des pays en cause, des bailleurs de fonds et de la Compagnie française de développement du textile. Par une analyse rigoureuse de l'ensemble de la filière, le prix de revient moyen a été diminué de 25 %, la production a fortement augmenté, tout en préservant le revenu des producteurs et en instaurant des relations différentes entre les parties prenantes. De même, dans le domaine sucrier, des efforts analogues avec l'aide de la Communauté européenne, ont produit leurs effets, comme au Burkina Faso des exemples prouvent s'il en était besoin, qu'il n'y a pas de fatalité du déficit, de l'échec, du sous-développement.
- Au total la Communauté internationale a pu, au cours de la décennie, mieux comprendre la caractéristique majeure des pays les moins avancés : leur extrême vulnérabilité. Par rapport à la plupart des autres pays en développement, ils disposent moins encore de moyens de défense, de manoeuvre, de réactions face à des phénomènes aussi divers que la chute des cours des produits de base, la raréfaction des flux financiers privés, l'insuffisance de l'aide publique au développement, la recrudescence des épidémies et des catastrophes naturelles.\
Certes, d'autres raisons d'espérer existent. Parmi elles, je citerai en premier lieu le fait que les analyses convergent aujourd'hui plus que jamais sur les politiques à suivre, des analyses et pas encore l'exécution.
- Les fractures qui séparaient profondément les systèmes idéologiques et politiques se sont réduites. La sécurité ne peut plus être seulement fondée sur l'équilibre des puissances mais doit s'appuyer à l'avenir sur l'équilibre du développement. Chacun comprend la nécessité d'un marché libre qui appelle le dynamisme des initiatives, mais aussi d'un Etat juste qui joue son rôle de solidarité et de régulation à l'aide d'une bonne administration.
- Nous serons plus de 6 milliards sur la planète en l'an 2000. Si la tendance actuelle n'est pas cassée, si nous ne réagissons pas, un milliard d'êtres humains seront menacés quotidiennement par la faim, la soif à l'orée du troisième millénaire. Trois à quatre milliards d'êtres humains pourront être à tout moment réduits à la misère, au désespoir, à l'exil par suite de la hausse du prix du pétrole, de la baisse du cours du café ou de tout autre produit ou raison sur lesquels ces millions, centaines de millions, milliards d'êtres humains n'auront aucune prise.\
Alors, il nous faut définir un plan de combat contre le sous-développement et pas seulement le définir, le mettre en oeuvre. Le plan précédent a montré ses faiblesses et ses limites. Trop général, il avait sous-estimé la vulnérabilité des pays les moins avancés. Loin de nous décourager, trouvons-y des raisons nouvelles de nous engager à faire plus et mieux.
- Alors en premier lieu, je pense qu'il convient de nous mettre d'accord sur les conditions d'un véritable contrat de solidarité entre pays les moins avancés et bailleurs de fonds.
- Ce contrat de solidarité implique à mon sens de la part des pays les moins avancés, la définition et la mise en oeuvre de politiques économiques appropriées, en liaison avec les représentants de la Communauté internationale.
- A ces pays de définir leur stratégie en fonction de leur génie propre et de leurs traditions afin d'associer au mieux leurs populations et de veiller à une équitable répartition des charges et des bienfaits de l'effort d'adaptation.
- Il nous faudra pour commencer nous mettre d'accord sur des secteurs prioritaires, l'éducation, la formation naturellement, la santé aussi, comment pourrions-nous admettre que la mortalité infantile, dans les pays les moins avancés, soit près de dix fois plus élevée que dans les pays riches ? Que la moitié de leur population soit privée de tous soins ? Cela devrait se conjuguer avec une réflexion sur la croissance harmonieuse des populations sur la démographie.
- L'insertion du monde agricole dans une économie de marché et la création d'un secteur productif efficace devront être également au centre des discussions. D'un renforcement de l'intégration régionale, de la création de communautés successives et multiples à l'intérieur de chaque continent, on peut également attendre une meilleure croissance, un plus fort développement, comme le révèle l'exemple bien connu de la Communauté européenne. A ce titre je tiens à saluer, comme je l'encourage, l'initiative prise pour la zone où il se trouve, par le Président Diouf. Dans tous les domaines, des succès sont possibles. Du secteur informel peuvent venir des réalisations surprenantes. Je me rappelle, lors de ma visite au Bangladesh, avoir été frappé par le système très au point qui a été mis sur pied pour octroyer des crédits à plus de 500000 ruraux, dont une majorité de femmes : la Grameen Bank. Je sais que des mécanismes comparables ont été créés ailleurs, au Burkina Faso que j'ai cité il y a un moment. Je pourrais également citer la Guinée et bien d'autres.
- La lutte contre les catastrophes naturelles qui réduisent à néant en quelques heures les efforts engagés pendant plusieurs années, doit être poursuivie sans relâche. C'est une affaire de volonté, de mobilisation et de moyens car les solutions techniques existent. A ce titre, comme à beaucoup d'autres, je veux saluer en même temps l'oeuvre des institutions internationales comme la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement, comme l'UNESCO ou comme la Banque Mondiale.
- J'ai donc parlé d'un contrat de solidarité. Il devrait associer les organisations non gouvernementales car elles jouent un rôle essentiel, grace à leur présence sur le terrain, à leur capacité de contacts et de relations avec les populations.
- Voilà pour mon premier point.\
En deuxième lieu, les pays les moins avancés doivent pouvoir disposer pour leur développement de ressources financières suffisantes.
- En 1981, les pays donateurs s'étaient engagés à consacrer aux pays les moins avancés 0,15 % de leur produit intérieur brut, je l'ai rappelé pour commencer. Ou du moins à doubler le montant de leur aide. Certains de ces pays ont tenu leur engagement £ mais d'autres, et parmi les plus riches, en sont encore très éloignés. Plus grave encore peut-être, les pays les moins avancés et beaucoup de nations en développement, peuvent craindre de se voir oubliés, délaissés, au moment où se déroulent tant d'événements destructeurs, alors que l'attention se détourne vers d'autres priorités.
- Eh bien je le dis, une telle dérive n'est pas acceptable. La conférence qui s'ouvre devrait réaffirmer l'objectif de porter l'aide à 0,15 % du produit national brut et pour le rendre crédible, d'assortir cette démarche d'un calendrier précis et contraignant sur une période maximale de 5 ans par exemple. Quant aux pays qui ont déjà réalisé cet objectif, eh bien qu'ils montrent clairement que, malgré la répartition inégale de la charge, ils poursuivront leurs efforts et s'engageront à porter à 0,20 % de leur PNB leur contribution pour les prochaines années. Je prends cet engagement pour la France.\
Troisième point : les Nations unies, la Banque Mondiale, le Comité d'Aide au Développement ont recommandé, à juste titre, une amélioration de la qualité de l'aide au développement. Faire plus de dons et moins de prêts afin de ne pas recréer une dette à l'infini, voilà un objectif qui me paraît raisonnable.\
Quatrièmement, le fardeau de la dette absorbe, vous le savez tous, une part croissante des recettes de vos pays. Je pense qu'il faut décidément que les pays riches réduisent, ou continuent de réduire, les dettes du passé. De sommet en sommet, (il y en a beaucoup chaque année !) inlassablement, la France propose aux pays développés des allègements de la dette pour les pays les plus pauvres mais aussi pour les pays dits intermédiaires. Je me souviens qu'à Toronto en 1988, j'avais proposé un assouplissement des conditions de remboursement, en définissant trois options d'allègement : annulation partielle, allongement de la période de remboursement ou diminution des taux d'intérêts. Au Sommet de Dakar, un peu plus tard, la France a annulé les dettes des pays les moins avancés africains. Aujourd'hui, l'apaisement de la tension est-ouest doit ouvrir les conditions d'une atténuation de la crise nord-sud et non pas le contraire, en libérant les capitaux et les moyens pour répondre aux problèmes de la dette et aux besoins de développement.\
Cinquièmement : les pays les moins avancés dépendent, on le sait bien, étroitement des cours d'exportation des produits de base peu nombreux. J'ai souvent posé cette question. Je recommence cet après-midi avec vous. Comment ces pays peuvent-ils prévoir, organiser leur économie, alors que se produisent des chutes de prix brutales, soudaines, considérables ? Il appartient à la communauté internationale d'assurer à ces pays un minimum de sécurité dans ce domaine vital, sans ignorer bien entendu les lois du marché. Les accords de produits permettent de réduire les fluctuations excessives des cours. L'accord caoutchouc est là pour le prouver. La décomposition d'autres accords, tout à fait regrettable, je pense en particulier à l'accord café, sous les coups de boutoir d'un libéralisme aveugle, a les dramatiques conséquences que vous vivez. Il nous faut oeuvrer pour remettre sur pied ces accords, sinon le discours de la communauté internationale sur les réformes, sur l'ajustement, perdrait la plus grande partie de sa crédibilité, de son équité. Personne n'y croirait plus.
- Cela ne dispense pas les pays les moins avancés de procéder pour eux-mêmes à des efforts importants afin de diversifier leur production, d'améliorer leur compétitivité. Il faut, que voulez-vous, distinguer entre l'indispensable et l'utile, entre le préalable et les possibilités ultérieures de progrès : on ne peut pas faire tout à la fois.\
Les engagements de la France.
- J'ai déjà dit, tout à l'heure, que la France, qui consacre aujourd'hui 0,15 % de son produit intérieur brut aux pays les moins avancés, est décidée à ne pas s'en tenir là et j'ai précisé qu'elle entendait tendre vers 0,20 % au cours de la décennie qui s'ouvrira le 1er janvier prochain.
- Mais il est d'autres sujets, en particulier ceux touchant à la dette des pays intermédiaires, je ne répéterai pas ce que j'ai dit là-dessus à Houston, cela devient également un sujet majeur. La France également, lors du Sommet de La Baule, c'était cette année, a converti l'ensemble de son aide aux pays les moins avancés africains en dons et j'ai demandé au gouvernement français de soumettre très prochainement un projet de loi au Parlement pour étendre cette mesure à l'ensemble des pays les moins avancés. Ainsi la France ne fera plus que des dons à ces pays, sauf pour des projets - mais chacun le comprendra - de rentabilité directe. Ceci concerne chaque année 4,3 milliards de prêts et de dons, somme qui sera entièrement convertie comme je viens de l'exprimer en dons, alloués évidemment avec le maximum de garanties quant à leur destination.
- Troisième point sur ce sujet : la France a déjà annulé ses créances publiques sur les pays d'Afrique les plus pauvres. Si le Parlement donne son accord nous annulerons aussi les créances qui concernent les pays les moins avancés des autres régions du monde. Au total, ce sont 28,6 milliards, de capital et d'intérêts, qui auront été ainsi annulés. La France n'est pas la première à faire un tel geste mais enfin elle aimerait se trouver en plus nombreuse compagnie.\
Quatrième point : pour promouvoir les productions des pays les moins avancés, j'ai décidé la création d'un programme spécial d'aide aux exportations des PMA qui reposera sur un organisme nouveau de promotion des exportations des mêmes pays les moins avancés sur le territoire français. J'ai découvert quelques exemples de ce type dans plusieurs pays scandinaves. Je continuerai, au nom de mon pays, inlassablement à oeuvrer pour permettre la conclusion de nouveaux accords de produits, à l'image de celui que j'ai cité, l'accord caoutchouc.\
Cinquième point : la France, en liaison avec la communauté internationale, accroîtra sa participation à la lutte contre les catastrophes naturelles. Une action est menée actuellement au Bangladesh, sous l'égide de la Banque Mondiale, contre les inondations. L'Observatoire du Sahara a été créé pour étudier les moyens de stopper la désertification du Sahel. La communauté internationale se mobilise pour détruire les criquets pélerins, la lucile bouchère, cette mouche sanguinaire dont les dégâts ne se comptent plus. De telles actions, tout à fait concrètes, doivent être multipliées et encouragées.\
Mais, il nous faut avoir en même temps, mesdames et messieurs, une ambition. Dans toutes les enceintes internationales, j'ai plaidé pour la démocratie. Indissociables ai-je répété sont le développement et la démocratie. Le développement s'appuie sur le respect des droits fondamentaux, la liberté d'aller et de venir, la loi au service de tous. J'ai visité récemment l'Ile Maurice. C'est un exemple qui montre que l'on peut conjuguer ces deux termes développement et démocratie. Il y en a d'autres bien entendu, il en faudrait davantage.
- Je n'oublie pas en disant cela les différences de structures, de civilisations, de traditions, de moeurs. Il est impossible de proposer un système tout fait, clef en mains. A chacun de trouver sa voie, si cette voie va dans la bonne direction.
- Et la démocratie c'est un long processus. La France, l'Europe, les pays développés l'ont connu. Et puis, comment faire naître la démocratie, tandis que les deux tiers d'un peuple vivent dans la misère. Et pourtant, je le répète c'est la direction à prendre, c'est l'ambition à conquérir par la reconnaissance de la valeur unique des femmes et des hommes de vos pays.
- Tous les efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté devront être particulièrement soutenus.\
Les tâches de cette conférence sont donc nombreuses et essentielles. La possibilité nous est offerte aujourd'hui d'unir nos efforts pour, ensemble nous attaquer aux problèmes fondamentaux de l'humanité : éliminer la faim, la pauvreté et l'ignorance. Donner à chacune et à chacun la possibilité de s'épanouir dans la liberté et dans le respect des identités culturelles.
- Les tragiques événements du Golfe nous rappellent que des crises peuvent encore survenir et entrâiner un soudain bouleversement de la situation économique mondiale, notamment par l'augmentation du prix du pétrole ou par la hausse des prix d'intérêts dont les pays les plus pauvres seront immanquablement les premières victimes. On ne peut pas faire de ce drame un conflit Nord - Sud. Quelles que soient les justes revendications et les attentes légitimes, la meilleure protection pour toutes les nations est, croyez-moi, je vous le dis en faisant confiance au bon sens et au patriotisme de chacun, le respect du droit international. Il faut penser aussi que la fin de l'antagonisme Est Ouest comme il vient d'être dit excellemment par mon prédécesseur à cette tribune libère des forces, des énergies considérables. Contribuer à cet apaisement et donc avoir le souci du droit international fixé par les instances qui en ont la charge, c'est accroître les chances pour le développement de chacun. J'aimerais voir les pays qui hier s'affrontaient dans une sorte de guerre froide permanente, saisir l'occasion du désarmement qui se prépare, pour réserver aux pays en voie de développement une aide plus conséquente. En même temps leur état d'esprit doit changer pour ne plus bloquer chaque conflit régional, l'un étant toujours d'un côté, l'autre de l'autre, par un souci d'étrange équilibre du malheur dans le monde.
- Désormais, on peut penser que cette attitude disparaissant, il sera vraiment possible d'intervenir utilement pour tous ces pays que vous représentez et combien d'autres encore qui ne sont pas ici. Qu'est-ce qui peut le mieux garantir l'avenir de vos pays ? Sinon d'abord le respect de leurs frontières, de leur intégrité. Il existe toujours des conflits et des ambitions, c'est normal, c'est dans la nature des choses et les répartitions établies à travers les siècles sont souvent très injustes. Mais pour les corriger, pourquoi ne pas compter sur le droit et sur les organismes, notamment sur les Nations unies qui viennent de démontrer plus que jamais dans leur histoire qu'ils étaient en mesure de se faire entendre. Voilà la position générale que la France défend dans le Golfe arabo-persique sous la bannière des Nations unies. Nous exerçons un mandat, nous exécutons un mandat et nous lui serons fidèles.
- La fin du blocage des relations Est-Ouest, la liberté d'action qu'il confère, l'activité multipliée de M. Perez de Cuellar pour défendre le droit, nous donnent des moyens. Je souhaite que l'on entende la voix du Secrétaire général des Nations unies et des nations qui se sont assemblées pour défendre le droit. Je salue votre action monsieur le Secrétaire général et au-delà de votre personne, l'action de l'importante réunion des Nations de la terre pour tenter de réduire, pour dominer les intérêts contradictoires et pour que gagne tout simplement la paix. Est-il un bien plus précieux que celui-là ?.\
Alors cette liberté d'action retrouvée, elle doit servir aussi à la défense des droits des pays les moins avancés et de tous les pays considérés comme vulnérables. Voilà pourquoi je crois indispensable la solidarité internationale. Voilà pourquoi je lance un appel pour qu'à l'occasion de la prochaine ou des prochaines réunions du Fonds Monétaire et de la Banque mondiale une estimation des conséquences de la crise actuelle soit effectuée. Sur la base de cette estimation, la communauté internationale devra définir, s'il en est besoin, un plan d'urgence pour parer aux conséquences dommageables que l'on peut aisément pressentir à l'heure où je m'exprime.
- Il faudra alors mettre en place des mécanismes compensatoires appropriés comme cela avait été fait ou esquissé au moment des chocs pétroliers précédents, en les améliorant à la lumière de l'expérience acquise. Pensons notamment aux taux d'intérêts. Le Fonds Monétaire International vient de bénéficier d'une forte augmentation de ses ressources. Eh bien, qu'elle soit mobilisée rapidement si la hausse du pétrole se confirme.
- Si j'avais un voeu à formuler, mesdames et messieurs, ce serait celui-ci : que cette conférence, la vôtre, puisse être un jour citée comme la fin d'un aveuglement général devant l'évolution de la terre, comme le sursaut salvateur qui fera reculer les haines, les conflits, les indifférences, les calculs à courte portée, pour que le fossé entre le Nord et le Sud cesse de se creuser, que le mouvement inverse commence à s'affirmer, afin que habitants de la même planète, nous puissions ensemble profiter de notre séjour et léguer aux générations futures un monde plus juste et plus beau.\