11 juillet 1990 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, notamment sur le contentieux agricole entre les Etats-Unis et la CEE et les aides à l'URSS, à la Chine et aux pays en voie de développement, Houston, le 11 juillet 1990.
Mesdames et messieurs,
- Vous avez suivi tout ce qui s'est passé au cours de ces trois jours. Les débats ont tourné autour de cinq grandes questions : l'aide à l'Union soviétique, l'attitude à l'égard de la Chine, la politique agricole, l'environnement, les relations avec le tiers-monde, sans oublier, bien entendu, les problèmes spécifiques et d'une immense importance comme le problème de la drogue. Cela étant dit, je crois que le plus simple est de vous laisser la parole.
- QUESTION.- On avait dit que ce serait un Sommet difficile, qu'il y aurait des oppositions entre les Européens et les Américains. Quel a été à vos yeux l'atmosphère de ce Sommet et êtes-vous satisfait de ses résultats ?
- LE PRESIDENT.- Il y a toujours des oppositions. N'imaginez pas que les Sept pays et la Communauté européenne se rassemblent autour de thèmes préétablis avec des réponses toutes faites. D'immenses intérêts sont en jeu. Bien souvent, les questions à traiter s'examinent sous l'angle de le rivalité de ces intérêts. Mais ce qui est important, et sur ce point-là les résultats sont sensibles, c'est l'esprit qui préside à ces réunions dites "au sommet", c'est un esprit de conciliation qui marque le désir des différents participants de maintenir cette coopération étroite qui marque bien une harmonie générale dans l'approche des problèmes du monde.
- Le climat était bon. A trois ou quatre reprises il s'est tendu sur des problèmes concrets et pratiques. Si ces problèmes n'ont pas été résolus, ils ont permis une approche commune que les textes vous révèleront. Nous venons de nous séparer avec le sentiment d'avoir avancé dans la bonne humeur.\
QUESTION.- Monsieur le Président, en ce qui concerne l'agriculture qui a été l'une des épines de ce Sommet, on a eu le sentiment qu'il y avait un choc de deux cultures, de deux modes de vie agricoles, si l'on peut dire. D'un côté la petite exploitation agricole à la française et de l'autre le grand "farmer" américain. Est-ce que vous avez eu le sentiment dans les discussions que vous avez eues, d'un côté l'Europe, de l'autre les Etats-Unis, que cette différence apparaissait nettement et était finalement la clé de l'affaire ?
- LE PRESIDENT.- Oui, c'est une différence organique et structurelle qui ne peut pas être résolue simplement par un bon balancement de phrases diplomatiques. Pour s'en tenir aux seuls chiffres, il y a d'un côté quelques 3 millions d'agriculteurs travaillant sur 400 millions d'hectares et de l'autre 16 à 17 millions d'agriculteurs travaillant sur 130 millions d'hectares. Ce sont des modes de vie, d'organisation sociale et par voie de conséquence de culture différente. De plus les pays d'Europe se sont organisés au sein de la Communauté et se sont dotés de règles particulières. Parmi ces règles, il en est une très importante qui aboutit à des aides à l'exportation. Les Etats-Unis d'Amérique et le Canada ont à faire à de plus grandes surfaces, ils sont davantage mécanisés, ils travaillent sur de grandes étendues, tandis que les petits agriculteurs qui ont tendance à disparaître, procèdent d'une façon différente. Ces deux conceptions s'opposent. Et depuis longtemps, il y a une demande américaine qui tend à obtenir la suppression des aides à l'exportation européenne. Des efforts ont déjà été réalisés - et certains ont réussi - pour réduire le niveau du soutien. L'Europe a montré l'exemple avec les quotas et avec le plafond budgétaire. De même les aides ont déjà été diminuées de 15 % mais l'Europe n'entend pas agir seule, n'accepte pas d'être mise en cause, de se trouver en posture d'accusée, tandis que les systèmes de subvention à l'intérieur d'autres pays ne seraient pas modifiés.
- Voilà pourquoi nous sommes très ancrés au sein de la Communauté dans une très bonne entente entre les différents participants européens à une approche globale. Nous n'acceptons pas que les problèmes de l'agriculture soient séparés des autres problèmes économiques et à l'intérieur du problème agricole, nous n'acceptons pas qu'une approche nous interdise pratiquement d'user d'un instrument d'appréciation commun, avec des critères communs qui permettraient d'aboutir à une réduction générale, équilibrée, équitable, progressive de part et d'autre.
- Je suis partisan de la réduction des soutiens à l'agriculture à la condition que ce soit un mouvement général de part et d'autre de l'Atlantique. Nous n'allons pas créer des conditions de déséquilibre dont souffriraient les producteurs et les agriculteurs d'Europe qui ont déjà réussi un type d'organisation assez exceptionnel : celui de la Communauté économique européenne.
- Ces deux façons de comprendre le problème étaient conduites à s'opposer. Il a donc fallu de la diplomatie pour parvenir à un texte commun qui marque une avancée dans le sens précisément de la réduction d'un soutien dans lequel l'Europe n'a pas la mauvaise part, sans quoi ç'eût été pour nous inacceptable.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous ne pensez pas que dans ce Sommet on a traité différemment la Chine et l'Union soviétique ? A propos de l'Union soviétique, au terme de l'étude menée dans les six mois à venir, à quel niveau faudra-t-il prendre la décision chiffrée précise quant à l'aide à apporter à la Perestroïka ?
- LE PRESIDENT.- Vous avez raison : la façon d'aborder le problème posé par la Chine n'est pas semblable à la manière de procéder à l'égard de l'Union soviétique. Il est vrai que les situations sont quand même très différentes. L'Union soviétique est l'une des deux plus grandes puissances militaires du monde. Et même si les dispositions annoncées et qui vont dans le sens du désarmement - et dans tous les domaines : nucléaire, chimique, biologique, conventionnel - marquent une direction dont nous n'avons pas de raison de douter, car des preuves ont déjà été apportées, on est quand même encore loin du compte. De part et d'autre, la négociation n'a pas suffisamment avancé pour qu'on puisse tirer un trait ou considérer que c'est fait.
- L'Union soviétique a une politique mondiale. Elle a, ce qui est bien normal, des amis dans le monde. Certains de ses amis peuvent représenter aux yeux des Américains une menace. Ils s'inquiètent naturellement : ce qui serait fait pour l'Union soviétique ne pourrait-il pas servir à renforcer la situation politique et économique des pays en cause, (je pense en particulier à Cuba). Le problème ne se pose pas de la même façon et n'appelle donc pas à la même réponse. Cependant, nous avons insisté, et j'ai particulièrement insisté, pour que ce ne soit pas antinomique £ que d'un côté on aide la Chine où les signaux d'une libéralisation économique et politique restent ténus, où les droits de l'homme ont encore besoin d'être protégés, remis en ordre et de l'autre une Perestroïka quand même très avancée où des progrès sensibles pour ne pas dire considérables dans le mode de vie, les relations des citoyens avec l'Etat ont été réalisés, même si l'on ne constate pas le même progrès dans le domaine économique. Il faut comprendre que les approches sont différentes.
- A l'égard de la Chine, la démarche est quand même très prudente, puisqu'au fond on alignera les mesures à prendre sur celles qui seront prises par la Chine à l'égard de son peuple, du respect des droits et d'une ouverture sensible sur l'extérieur.
- Nous avons accepté, nous Français, les propositions qui visaient la Chine - le texte vous le montrera très clairement - en marquant un certain nombre de prudence ou de réserves. Nous avons besoin de voir confirmer ce que l'on pressent aujourd'hui dans l'évolution de ce pays.\
A-t-on besoin de le voir confirmer en Union soviétique sur le plan politique ? Il semble que la route soit maintenant véritablement dégagée, même si l'on n'en connaît point encore tout à fait l'aboutissement. En revanche sur le plan économique, il y a, et c'est certain, beaucoup de questions qui permettent de douter, sinon de la réussite, du moins des délais qui seront nécessaires pour que l'expérience actuellement lancée soit considérée comme réussie. Il faudra du temps et de la peine.
- Il y avait de ce point de vue, deux conceptions. La conception qui a été exprimée par la majorité - j'allais dire par la quasi unanimité de la Communauté économique européenne réunie à Dublin et d'autre part l'attitude prise par les Sept ou d'autres pays qui ont marqué plus de réticences pour les raisons que je viens de vous dire. Il y a donc en somme deux études dont les termes et les délais sont fixés. A Houston, c'est six mois. Cette étude sera menée par quatre organisations internationales : le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale, l'OCDE et l'amorce de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et qui sera en état de fonctionner à partir du mois de janvier de l'année prochaine. Ce sont donc les trois organisations et le Président désigné de la quatrième qui seront conduites à procéder à cette étude et à soumettre leurs conclusions et cela à l'initiative du FMI.
- Ce sont donc deux études parallèles dont l'objectif est le même, dont les participants ne sont pas exactement les mêmes, même si l'on retrouve la majorité des pays dans les deux cas. Au sein de la CEE, ce débat a été plus aisé qu'il ne l'a été au sein du Sommet des grands pays industriels. Cependant, dans les deux cas, la démarche est positive. Si l'on avait pris comme acquises les déclarations initiales, on aurait pu penser que rien ne serait fait, que rien ne serait décidé, que rien ne serait engagé. Tel n'est pas le cas. Il y a eu bonne volonté mutuelle. J'observe que, dans ce domaine comme dans le domaine agricole, il y a eu, au cours de ce Sommet, une harmonie presque complète entre les pays européens membres de la Communauté, ce à quoi nous n'étions pas habitués jusqu'ici.\
QUESTION.- A propos de l'Union soviétique, monsieur le Président, vous avez à plusieurs reprises parlé d'urgence et vous souhaitiez un plan d'aide. Le Sommet a finalement accouché d'une étude. Est-ce que vous n'êtes pas un peu déçu de la décision qui a été prise et est-ce que cela va conduire la France à accentuer son aide à l'Union soviétique en prenant des initiatives pour son propre compte ?
- LE PRESIDENT.- Déçu non. Pas par rapport à ce que je pouvais espérer de ce Sommet. Je viens de vous dire au contraire que si je m'étais fié aux déclarations qui ont précédé le Sommet, on aurait pu croire qu'il n'y aurait pas du tout d'aide à l'Union soviétique et pas de procédure engagée pour cela. De toute façon, aussi bien sur le plan européen que sur le plan des Sept, on n'imagine pas qu'il puisse y avoir attribution de crédits sans étude approfondie préalable. Il faut savoir ce que l'on fait, pourquoi on le fait, où on le dirige, à quoi cela sert. Et personne n'imaginait que l'on pourrait réduire l'urgence à moins de six mois. On reste donc pour l'instant dans les délais espérés. Alors on a décidé de commander une étude détaillée. On précise dans le texte que cette étude débouchera sur une aide soit individuelle soit collective. Il a été ajouté dans le texte écrit que cette aide devra, dans l'avenir, être significative et soutenue. Vous traduirez ces propos. Je dis que cela n'empêche pas les Douze de procéder à leurs propres études et à leurs propres démarches. On a décidé que les décisions seront prises sous la présidence italienne. Le même document adopté à Houston dit que les réformes en Union soviétique méritent notre soutien et que l'Union soviétique devra en bénéficier. Tout cela réuni ne va pas jusqu'à traduire les termes d'urgence autant que je l'aurais souhaité car, à quoi servirait-il d'aider la Perestroïka si les démarches de procédure devaient aboutir après que la réforme politique eût échoué ? On ne peut pas dire : "que d'abord l'Union soviétique résolve le problème des Kouriles, (cela c'est du côté du Japon) £ que l'Union soviétique règle le problème de Cuba (cela c'est du côté de la zone américaine), que l'Union soviétique mette un terme à tous les conflits régionaux dans lesquels on lui prête une influence et dans lesquels elle en a £ qu'elle ait procédé à ses propres réformes économiques, que ces réformes aient suffisamment réussi, alors à ce moment-là on verra". C'est la somme de ces préalables qui me paraissait dérisoire et, pratiquement, nuire à la démarche finalement adoptée, non seulement d'une étude mais d'une aide consécutive à cette étude dans un délai raisonnable. Et vous avez pu voir que le délai de six mois qui figure dans une phrase ajoutée au texte initial a été ajouté au cours de la discussion.\
QUESTION.- Monsieur le Président, pourquoi étiez-vous absent au rodéo ?
- LE PRESIDENT.- Parce que j'avais décidé de passer trois jours à Houston et pas quatre. Le rodéo était un rendez-vous extrêmement sympathique mais qui ne faisait pas partie de la réunion du Sommet. Il y a eu d'autres manifestations à l'initiative du Président Bush qui ont permis de développer toute la cordialité et le climat nécessaires : c'était très sympathique, mais aussi curieux que je l'étais moi-même et intéressé par la perspective d'assister à un vrai rodéo géant, il n'empêche que je suis venu pour trois jours et pas pour quatre. Je pense que cela relève de mon libre arbitre. Vous auriez voulu savoir ce que je faisais ce dimanche-là peut-être ? Le détail de mon emploi du temps ? Je vous le fournirai, si vous voulez, mais après cette conférence.\
QUESTION.- Monsieur le Président, votre initiative au sujet de la dette a donné un espoir aux pays à développement moyen et nous trouvons peu de traces dans le communiqué final. Avez-vous un message d'espoir à envoyer à nos peuples ?
- LE PRESIDENT.- Une fois de plus, la France a pris une initiative. Cette initiative est, je le crois, importante. Elle s'inscrit dans un processus. Nous avons d'abord fait adopter une mesure - c'était je crois à Venise - tendant à aider les pays les plus pauvres. Nous avons, à Toronto, indiqué précisément trois options, trois manières de faire : la réduction de la dette, celle des intérêts de la dette ou l'apport d'argent frais et de crédits nouveaux. Mais cela s'appliquait seulement aux pays les plus pauvres. La France, de son propre mouvement, a décidé à Dakar de remettre la dette des trente-cinq pays les plus pauvres. Il s'agissait des créances publiques. Ensuite, on a décidé de remettre pour partie, du côté français, la dette de quatre pays dits "intermédiaires" et on a demandé aux banques de procéder elles-mêmes à la mise en oeuvre des trois options possibles sur la manière de réduire l'endettement. Nous avons pensé qu'il convenait maintenant d'étendre aux créances publiques détenues sur les pays à revenu intermédiaire les options en question qui ont été décidées au Sommet de l'Arche pour les créances bancaires. Après le Sommet de l'Arche les banques ont pu procéder de la même manière et j'ai demandé que les pays présents prennent l'engagement de choisir les mêmes options au regard des créances publiques. Nous sommes convenus en commun d'encourager le Club de Paris qui a la charge d'étudier les options additionnelles dans toutes les formes de rééchelonnement. Nous en somme là. Je peux donc dire que c'est une avancée. En tout cas, la proposition est sur la table : elle va être examinée par le Club de Paris et j'espère qu'avec une action soutenue et continue nous parviendrons, dans ce domaine comme dans les autres, à marquer une nouvelle étape dans la limitation de l'endettement.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous avez l'impression que l'Allemagne a pris du poids politique depuis le dernier Sommet ? Est-ce que vous ne craignez pas que l'Allemagne devienne l'interlocuteur privilégié au niveau européen des Américains et des Japonais ?
- LE PRESIDENT.- Je ne le crains pas. La puissance économique de l'Allemagne de l'Ouest était déjà là. Cette situation n'est pas nouvelle. Nous nous en sommes accommodés et la situation de la France s'est constamment améliorée : aujourd'hui la monnaie française est une monnaie solide. Notre politique économique nous donne des résultats sur le plan des prix, par exemple, où notre inflation se situe parmi les plus faibles du monde industriel. Le dernier mois, c'était 0,2 % d'augmentation, à égalité avec l'Allemagne et le Japon £ sur l'année en cours, c'était de 3 %. Ces 3 % nous situent pratiquement au troisième rang après le Japon et l'Allemagne tandis que la moyenne des pays de la CEE se situe à 5,5 % d'augmentation par an et que la moyenne des pays du Sommet se situe légèrement encore au-dessus. La France est passée vraiment du bon côté parmi les pays leaders. Il reste à accomplir de réels progrès sur le plan de notre industrie. Nous payons le retard d'il y a quelque trente ans. La preuve en est qu'ayant créé 600000 emplois au cours de ces deux dernières années, nous n'avons pas pour autant réduit le chômage de 600000 personnes, ce qui veut dire que les deux notions ne se recoupent pas exactement et que l'effort considérable de formation auquel nous procédons va nous permettre de combler la différence. Alors pourquoi nourrir je ne sais quel complexe ? Non, il n'y a pas d'interlocuteur privilégié. Nous sommes présents dans toutes les instances, nous sommes l'un des principaux pays quant à la densité et au poids au sein de la CEE. Parmi ces pays, nous sommes celui dont la démographie reste la plus forte, sans doute celui dont les éléments de solidarité nationale, en matière de politique sociale, sont les plus avancés et nous sentons un renouveau, aujourd'hui, dans tous les domaines où s'exerce l'activité des Français. Nous avons du retard à rattraper : c'est notre travail, notre tâche et je crois que nous y réussissons. Il n'y aura pas d'interlocuteur privilégié et la France remplit sa place dans le monde. Elle est au tout premier rang aujourd'hui dans l'Europe en évolution, particulièrement en Europe centrale et orientale où la force et la multiplicité de nos relations avec les anciens pays du monde communiste sont tout à fait actives et je crois remarquables.\
QUESTION.- Croyez-vous que si l'on aide l'Union soviétique il y aura moins d'argent pour le Mexique ou l'Amérique du Sud ?
- LE PRESIDENT.- C'est un problème. Les pays d'Amérique latine ont surtout besoin de voir réduire leur endettement. Ce sont des pays qui disposent d'un très grand potentiel économique. La nature de leur sol, la forme de leur culture, les réussites agricoles et industrielles ou scientifiques que l'on trouve ici et là sont indéniables. Ce qu'ils ont à rattraper, c'est un formidable endettement qui les empêche de profiter aujourd'hui de l'effort de production qui est le leur : les gens travaillent plus, produisent plus et mieux et reçoivent moins. Cela crée naturellement un état d'esprit social qui peut provoquer de grands bouleversements politiques. Nous voulons nous attaquer à ce problème en réduisant l'endettement. Nous en avons parlé. Je n'y reviens pas mais, évidemment, l'Amérique latine est comprise dans ma définition des pays intermédiaires. Ce sont, pour la plupart, des pays intermédiaires dont le revenu est assez fort pour que l'on ne les considère pas comme des pays pauvres mais pas assez pour être considérés ou bien riches ou ayant surmonté la crise économique qui les frappe. Le problème ne se pose pas dans les mêmes termes. Un premier démenti a été apporté à ceux qui se posent la même question que vous par la quatrième Convention de Lomé qui, vous le savez, a augmenté d'une façon importante l'apport des crédits venus de la CEE : 12 milliards d'écus à Lomé, c'était beaucoup plus que ce qui était espéré, alors que l'évolution de l'Europe de l'Est avait déjà commencé. En dépit de ses défaillances, la Communauté est capable de remplir ses obligations aussi bien à l'égard du tiers-monde qu'à l'égard des pays de l'Est.\
QUESTION.- Monsieur le Président, après l'effondrement de l'empire soviétique, les Etats-Unis doivent-ils, peuvent-ils continuer à jouer le même rôle qu'auparavant au sein du monde occidental et au sein du monde industrialisé ?
- LE PRESIDENT.- Vous avez pu voir à la réunion de l'OTAN que les Etats-Unis d'Amérique avaient compris d'eux-mêmes qu'il convenait de donner un autre contenu à l'Alliance jusqu'ici strictement militaire. Vous avez pu voir, au cours de ce Sommet, l'expression physique et intellectuelle de l'unité des pays de la Communauté. Cela représentait un bloc impressionnant qui a pu aborder d'un commun accord les problèmes agricoles par exemple, mais bien d'autres questions aussi.
- Si bien que l'on pouvait avoir le sentiment - mais j'espère que nos amis américains ne l'ont pas ressenti de cette manière - qu'il y avait comme une sorte de déplacement. Il est évident que la menace venue du monde soviétique s'est considérablement réduite même si elle n'est pas estompée. De ce fait, l'Europe affirme sa personnalité en même temps qu'elle démultiplie ses moyens. Il y eut une époque où on considérait que les Etats-Unis d'Amérique donnaient en toute chose le "la". Il ne faut pas que la Communauté européenne se mette dans l'esprit - mais je pense que le risque est mince - qu'elle devrait elle-même exercer une sorte de leadership concurrent. Une alliance, un accord supposent l'égalité entre les parties prenantes. Et ce n'est qu'en avançant d'un même pas que nous maintiendrons l'harmonie qui a présidé à la réunion de Houston.\
QUESTION.- Est-ce que vous pensez que la décision qui a été prise, ici à Houston, sur l'aide à l'Union soviétique favorisera un déblocage des négociations deux plus quatre dont la prochaine session s'ouvre à Paris la semaine prochaine ?
- LE PRESIDENT.- Ce n'est pas tout à fait du même ordre. La négociation deux plus quatre ou quatre plus deux, est une négociation qui engage essentiellement les quatre puissances au début occupantes, par la suite assistantes, désirant affirmer, leur solidarité avec la partie de l'Allemagne dans laquelle ils se trouvaient pour assurer la sécurité de la partie de l'Allemagne en question. Je ne pense pas que beaucoup de conversations parallèles dans les couloirs aient porté sur ce sujet £ on avait assez à faire avec l'ordre du jour. Mais il est indiscutable que la bonne entente qui existe aujourd'hui entre les trois pays étrangers qui ont des forces armées en Allemagne de l'Ouest et qui se trouvaient présents au cours de ce Sommet n'a pu que s'affermir.\
QUESTION.- Dans le communiqué, les Sept se sont exprimés en faveur de l'économie de marché, de la liberté, dans l'économie, dans les finances. J'aimerai savoir si vous pensez par exemple aux entreprises toujours nationalisées en France, est-ce que cela vous donne quelques idées supplémentaires....
- LE PRESIDENT.- Je ne les oublie jamais et je veille sur elles, regrettant même que quelques-unes se soient évaporées en cours de route. Je n'ai simplement pas voulu faire rebondir constamment un débat qui doit céder le pas à quelques autres. Une entreprise, c'est une entreprise. La liberté du marché est nécessaire. La démonstration de l'échec de la collectivisation soviétique s'est faite d'une façon suffisamment cruelle pour qu'il ne soit pas utile d'y revenir. C'est pourquoi, dès le point de départ, à l'époque où j'étais responsable du Parti socialiste, j'avais défini une ligne de conduite dont le terme "économie mixte" disait bien ce qu'il voulait dire. C'est-à-dire une économie libre dans laquelle la puissance publique interviendrait de temps à autre, chaque fois qu'il s'agirait d'assurer un développement équitable de notre société pour ne pas laisser simplement la loi de la jungle s'imposer à une nation civilisée comme la nôtre. D'autres l'affirment moins fort que nous mais, croyez-moi, ils sont vigilants pour empêcher la mise à l'encan de leur industrie. Nous, nous avons choisi ce modèle-là et dès lors que nos sociétés nationales pratiquent les règles normales du marché dans leur financement et dans leur fonctionnement, je ne vois pas ce que l'on a à leur dire. Nous n'avons pas le moins du monde l'intention d'en changer ou de nous laisser imposer je ne sais quelle considération de caractère idéologique sur la nature des entreprises françaises.\
QUESTION.- Pendant trois jours, vous avez abordé les questions internationales. Je sais que ce n'est pas l'usage mais est-ce que je peux me permettre de vous demander si vous avez inscrit à votre agenda une décision de politique intérieure pour le 14 juillet ?
- LE PRESIDENT.- Pour le 14 juillet ? Lorsque je rencontrerai les journalistes de TF1 et d'Antenne 2 ? Je répondrai aux questions que l'on me posera. Je n'ai pas fixé de programme !...
- QUESTION.- Mais est-ce que vous savez déjà si vous allez prendre une décision importante de politique importante ?
- LE PRESIDENT.- Ah, je vois !... Ce n'est pas un sujet qui intéresse Houston.
- Les journalistes me poseront les questions qu'ils voudront. J'espère qu'elles seront intéressantes. C'est un souhait que je vous demande de transmettre !.\
QUESTION.- Il y a des gens qui disent que c'est risqué de mettre toutes les cartes dans la même corbeille en ce qui concerne l'aide aux Soviétiques....
- LE PRESIDENT.- L'appréciation des risques permet de penser que la Perestroïka et la personnalite déjà éprouvée de M. Gorbatchev apportent plus de garanties que l'inconnue que représenterait son échec. C'est une appréciation des risques. Mais quoi qu'il advienne l'Union soviétique continuera d'exister et la Russie appartient à la physionomie de l'Europe depuis longtemps. de toute manière, il faudra qu'on se préoccupe de ce type de problèmes quels que soient les dirigeants. Mais dans l'évaluation des chances et des risques, il vaut mieux aider à la réussite d'un homme qui a assumé tant de responsabilités dans un sens souhaitable, procédé à tant de réformes, assuré un tel changement même s'il n'est pas au terme de son action. Il appartiendra ensuite aux Soviétiques eux-mêmes de nous apporter la réponse. Quelle que soit cette réponse, nous verrons bien. Nous continuerons, nous aussi, d'exister.\
QUESTION.- A propos du problème de la Chine, est-ce que vous considérez l'attitude du Japon qui va à nouveau ouvrir le crédit en Chine comme contradiction à l'engagement pris à l'Arche l'année dernière ?
- LE PRESIDENT.- Le Japon a pris cette décision. Il a pris part à la discussion. Ce problème a été évoqué. J'ai même eu l'occasion de préciser que l'argument invoqué - le Japon a une situation particulière en Extrême-Orient et peut-être en Chine - n'était pas un bon argument. Nous avons tous, les Sept, des situations particulières par rapport à la Chine. S'il s'agit du développement des relations commerciales, nous sommes tous sur la ligne de départ. Nous avons tous des intérêts et même des intérêts légitimes. Mais nous sommes réunis par une certaine conception philosophique de la société humaine et nous devons considérer que les intérêts, aussi légitimes qu'ils soient, doivent passer après ou tenir le plus grand compte de la manière dont sont conduites les sociétés et particulièrement la société chinoise. Voilà pourquoi la définition adoptée a été progressive autant qu'avanceront les droits de l'homme et l'ouverture de cette société, autant avanceront les aides à ce pays.
- On a abouti à une résolution unanime qui consiste à dire que l'on maintient les mesures mises en place au Sommet de l'Arche, que l'on reste vigilants. J'ai moi-même demandé que fût introduite la notion ou la référence aux Droits de l'Homme parmi les critères qui permettront de développer les échanges commerciaux. Visiblement le Japon, voisin de la Chine, a souhaité prendre les devants mais dans des canaux d'action qui ont été définis en commun. Il est certain qu'on assiste là tout de même à une évolution, peut-être un tournant dans la mesure où la Chine a été conduite de son côté à lancer un certain nombre de signaux qui annoncent sa propre évolution. Il reste maintenant d'autres signes à lancer. Nous ne sommes pas au bout du compte.\
QUESTION.- Monsieur le Président, il y a deux ans à Toronto, vous avez dit que le Premier ministre japonais n'était pas très intéressant, cette fois-ci cette année quelle est votre impression sur le Premier ministre M. Kaifu ?
- LE PRESIDENT.- Mes impressions sont toujours extrêmement favorables ! M. Kaifu est un homme qui n'est pas très âgé mais qui a déjà beaucoup d'expérience, qui a rempli beaucoup de fonctions dans son pays, qui me paraît très compétent, qui est très souriant. A priori, on a des choses à se dire. Mais, comme son prédécesseur était du même style et le prédécesseur de son prédécesseur aussi, cela prouve qu'il y a une continuité japonaise. Alors, j'ai toujours le même plaisir à rencontrer le Premier ministre japonais. Naturellement, quelquefois, quand on sympathise avec les gens, on est content de les revoir. Mais ce n'est pas nous qui choisissons les dirigeants japonais et celui que le Japon nous a désigné est un homme extrêmement estimable et sympathique.\
QUESTION.- Monsieur le Président, à part le rodéo, qu'est-ce que vous pensez de notre ville de Houston ? Quelles sont vos impressions ?
- LE PRESIDENT.- Je la trouve séduisante. On sent une force montante. Des étapes élevés où je logeais, j'ai pu avoir un regard panoramique sur la ville où l'on aperçoit de grands ensembles de buildings généralement remarquables sur le plan de l'architecture et séparés par une immense étendue d'arbres. Cette sorte de symbiose entre la ville et la forêt, est quand même extrêmement agréable. Pour venir de l'aéroport, ceux qui ne sont pas venus par hélicoptère ont pu franchir des kilomètres pendant lesquels ils ont vu les faubourgs qui précédaient la ville : il semble que si l'on parvient là à généraliser le type de construction des quartiers les meilleurs, on assistera à la naissance d'un ensemble urbain absolument exceptionnel. Quant aux habitants de Houston, ils nous ont reçu si gentiment que je ne peux que les remercier.\
- Vous avez suivi tout ce qui s'est passé au cours de ces trois jours. Les débats ont tourné autour de cinq grandes questions : l'aide à l'Union soviétique, l'attitude à l'égard de la Chine, la politique agricole, l'environnement, les relations avec le tiers-monde, sans oublier, bien entendu, les problèmes spécifiques et d'une immense importance comme le problème de la drogue. Cela étant dit, je crois que le plus simple est de vous laisser la parole.
- QUESTION.- On avait dit que ce serait un Sommet difficile, qu'il y aurait des oppositions entre les Européens et les Américains. Quel a été à vos yeux l'atmosphère de ce Sommet et êtes-vous satisfait de ses résultats ?
- LE PRESIDENT.- Il y a toujours des oppositions. N'imaginez pas que les Sept pays et la Communauté européenne se rassemblent autour de thèmes préétablis avec des réponses toutes faites. D'immenses intérêts sont en jeu. Bien souvent, les questions à traiter s'examinent sous l'angle de le rivalité de ces intérêts. Mais ce qui est important, et sur ce point-là les résultats sont sensibles, c'est l'esprit qui préside à ces réunions dites "au sommet", c'est un esprit de conciliation qui marque le désir des différents participants de maintenir cette coopération étroite qui marque bien une harmonie générale dans l'approche des problèmes du monde.
- Le climat était bon. A trois ou quatre reprises il s'est tendu sur des problèmes concrets et pratiques. Si ces problèmes n'ont pas été résolus, ils ont permis une approche commune que les textes vous révèleront. Nous venons de nous séparer avec le sentiment d'avoir avancé dans la bonne humeur.\
QUESTION.- Monsieur le Président, en ce qui concerne l'agriculture qui a été l'une des épines de ce Sommet, on a eu le sentiment qu'il y avait un choc de deux cultures, de deux modes de vie agricoles, si l'on peut dire. D'un côté la petite exploitation agricole à la française et de l'autre le grand "farmer" américain. Est-ce que vous avez eu le sentiment dans les discussions que vous avez eues, d'un côté l'Europe, de l'autre les Etats-Unis, que cette différence apparaissait nettement et était finalement la clé de l'affaire ?
- LE PRESIDENT.- Oui, c'est une différence organique et structurelle qui ne peut pas être résolue simplement par un bon balancement de phrases diplomatiques. Pour s'en tenir aux seuls chiffres, il y a d'un côté quelques 3 millions d'agriculteurs travaillant sur 400 millions d'hectares et de l'autre 16 à 17 millions d'agriculteurs travaillant sur 130 millions d'hectares. Ce sont des modes de vie, d'organisation sociale et par voie de conséquence de culture différente. De plus les pays d'Europe se sont organisés au sein de la Communauté et se sont dotés de règles particulières. Parmi ces règles, il en est une très importante qui aboutit à des aides à l'exportation. Les Etats-Unis d'Amérique et le Canada ont à faire à de plus grandes surfaces, ils sont davantage mécanisés, ils travaillent sur de grandes étendues, tandis que les petits agriculteurs qui ont tendance à disparaître, procèdent d'une façon différente. Ces deux conceptions s'opposent. Et depuis longtemps, il y a une demande américaine qui tend à obtenir la suppression des aides à l'exportation européenne. Des efforts ont déjà été réalisés - et certains ont réussi - pour réduire le niveau du soutien. L'Europe a montré l'exemple avec les quotas et avec le plafond budgétaire. De même les aides ont déjà été diminuées de 15 % mais l'Europe n'entend pas agir seule, n'accepte pas d'être mise en cause, de se trouver en posture d'accusée, tandis que les systèmes de subvention à l'intérieur d'autres pays ne seraient pas modifiés.
- Voilà pourquoi nous sommes très ancrés au sein de la Communauté dans une très bonne entente entre les différents participants européens à une approche globale. Nous n'acceptons pas que les problèmes de l'agriculture soient séparés des autres problèmes économiques et à l'intérieur du problème agricole, nous n'acceptons pas qu'une approche nous interdise pratiquement d'user d'un instrument d'appréciation commun, avec des critères communs qui permettraient d'aboutir à une réduction générale, équilibrée, équitable, progressive de part et d'autre.
- Je suis partisan de la réduction des soutiens à l'agriculture à la condition que ce soit un mouvement général de part et d'autre de l'Atlantique. Nous n'allons pas créer des conditions de déséquilibre dont souffriraient les producteurs et les agriculteurs d'Europe qui ont déjà réussi un type d'organisation assez exceptionnel : celui de la Communauté économique européenne.
- Ces deux façons de comprendre le problème étaient conduites à s'opposer. Il a donc fallu de la diplomatie pour parvenir à un texte commun qui marque une avancée dans le sens précisément de la réduction d'un soutien dans lequel l'Europe n'a pas la mauvaise part, sans quoi ç'eût été pour nous inacceptable.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous ne pensez pas que dans ce Sommet on a traité différemment la Chine et l'Union soviétique ? A propos de l'Union soviétique, au terme de l'étude menée dans les six mois à venir, à quel niveau faudra-t-il prendre la décision chiffrée précise quant à l'aide à apporter à la Perestroïka ?
- LE PRESIDENT.- Vous avez raison : la façon d'aborder le problème posé par la Chine n'est pas semblable à la manière de procéder à l'égard de l'Union soviétique. Il est vrai que les situations sont quand même très différentes. L'Union soviétique est l'une des deux plus grandes puissances militaires du monde. Et même si les dispositions annoncées et qui vont dans le sens du désarmement - et dans tous les domaines : nucléaire, chimique, biologique, conventionnel - marquent une direction dont nous n'avons pas de raison de douter, car des preuves ont déjà été apportées, on est quand même encore loin du compte. De part et d'autre, la négociation n'a pas suffisamment avancé pour qu'on puisse tirer un trait ou considérer que c'est fait.
- L'Union soviétique a une politique mondiale. Elle a, ce qui est bien normal, des amis dans le monde. Certains de ses amis peuvent représenter aux yeux des Américains une menace. Ils s'inquiètent naturellement : ce qui serait fait pour l'Union soviétique ne pourrait-il pas servir à renforcer la situation politique et économique des pays en cause, (je pense en particulier à Cuba). Le problème ne se pose pas de la même façon et n'appelle donc pas à la même réponse. Cependant, nous avons insisté, et j'ai particulièrement insisté, pour que ce ne soit pas antinomique £ que d'un côté on aide la Chine où les signaux d'une libéralisation économique et politique restent ténus, où les droits de l'homme ont encore besoin d'être protégés, remis en ordre et de l'autre une Perestroïka quand même très avancée où des progrès sensibles pour ne pas dire considérables dans le mode de vie, les relations des citoyens avec l'Etat ont été réalisés, même si l'on ne constate pas le même progrès dans le domaine économique. Il faut comprendre que les approches sont différentes.
- A l'égard de la Chine, la démarche est quand même très prudente, puisqu'au fond on alignera les mesures à prendre sur celles qui seront prises par la Chine à l'égard de son peuple, du respect des droits et d'une ouverture sensible sur l'extérieur.
- Nous avons accepté, nous Français, les propositions qui visaient la Chine - le texte vous le montrera très clairement - en marquant un certain nombre de prudence ou de réserves. Nous avons besoin de voir confirmer ce que l'on pressent aujourd'hui dans l'évolution de ce pays.\
A-t-on besoin de le voir confirmer en Union soviétique sur le plan politique ? Il semble que la route soit maintenant véritablement dégagée, même si l'on n'en connaît point encore tout à fait l'aboutissement. En revanche sur le plan économique, il y a, et c'est certain, beaucoup de questions qui permettent de douter, sinon de la réussite, du moins des délais qui seront nécessaires pour que l'expérience actuellement lancée soit considérée comme réussie. Il faudra du temps et de la peine.
- Il y avait de ce point de vue, deux conceptions. La conception qui a été exprimée par la majorité - j'allais dire par la quasi unanimité de la Communauté économique européenne réunie à Dublin et d'autre part l'attitude prise par les Sept ou d'autres pays qui ont marqué plus de réticences pour les raisons que je viens de vous dire. Il y a donc en somme deux études dont les termes et les délais sont fixés. A Houston, c'est six mois. Cette étude sera menée par quatre organisations internationales : le Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale, l'OCDE et l'amorce de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et qui sera en état de fonctionner à partir du mois de janvier de l'année prochaine. Ce sont donc les trois organisations et le Président désigné de la quatrième qui seront conduites à procéder à cette étude et à soumettre leurs conclusions et cela à l'initiative du FMI.
- Ce sont donc deux études parallèles dont l'objectif est le même, dont les participants ne sont pas exactement les mêmes, même si l'on retrouve la majorité des pays dans les deux cas. Au sein de la CEE, ce débat a été plus aisé qu'il ne l'a été au sein du Sommet des grands pays industriels. Cependant, dans les deux cas, la démarche est positive. Si l'on avait pris comme acquises les déclarations initiales, on aurait pu penser que rien ne serait fait, que rien ne serait décidé, que rien ne serait engagé. Tel n'est pas le cas. Il y a eu bonne volonté mutuelle. J'observe que, dans ce domaine comme dans le domaine agricole, il y a eu, au cours de ce Sommet, une harmonie presque complète entre les pays européens membres de la Communauté, ce à quoi nous n'étions pas habitués jusqu'ici.\
QUESTION.- A propos de l'Union soviétique, monsieur le Président, vous avez à plusieurs reprises parlé d'urgence et vous souhaitiez un plan d'aide. Le Sommet a finalement accouché d'une étude. Est-ce que vous n'êtes pas un peu déçu de la décision qui a été prise et est-ce que cela va conduire la France à accentuer son aide à l'Union soviétique en prenant des initiatives pour son propre compte ?
- LE PRESIDENT.- Déçu non. Pas par rapport à ce que je pouvais espérer de ce Sommet. Je viens de vous dire au contraire que si je m'étais fié aux déclarations qui ont précédé le Sommet, on aurait pu croire qu'il n'y aurait pas du tout d'aide à l'Union soviétique et pas de procédure engagée pour cela. De toute façon, aussi bien sur le plan européen que sur le plan des Sept, on n'imagine pas qu'il puisse y avoir attribution de crédits sans étude approfondie préalable. Il faut savoir ce que l'on fait, pourquoi on le fait, où on le dirige, à quoi cela sert. Et personne n'imaginait que l'on pourrait réduire l'urgence à moins de six mois. On reste donc pour l'instant dans les délais espérés. Alors on a décidé de commander une étude détaillée. On précise dans le texte que cette étude débouchera sur une aide soit individuelle soit collective. Il a été ajouté dans le texte écrit que cette aide devra, dans l'avenir, être significative et soutenue. Vous traduirez ces propos. Je dis que cela n'empêche pas les Douze de procéder à leurs propres études et à leurs propres démarches. On a décidé que les décisions seront prises sous la présidence italienne. Le même document adopté à Houston dit que les réformes en Union soviétique méritent notre soutien et que l'Union soviétique devra en bénéficier. Tout cela réuni ne va pas jusqu'à traduire les termes d'urgence autant que je l'aurais souhaité car, à quoi servirait-il d'aider la Perestroïka si les démarches de procédure devaient aboutir après que la réforme politique eût échoué ? On ne peut pas dire : "que d'abord l'Union soviétique résolve le problème des Kouriles, (cela c'est du côté du Japon) £ que l'Union soviétique règle le problème de Cuba (cela c'est du côté de la zone américaine), que l'Union soviétique mette un terme à tous les conflits régionaux dans lesquels on lui prête une influence et dans lesquels elle en a £ qu'elle ait procédé à ses propres réformes économiques, que ces réformes aient suffisamment réussi, alors à ce moment-là on verra". C'est la somme de ces préalables qui me paraissait dérisoire et, pratiquement, nuire à la démarche finalement adoptée, non seulement d'une étude mais d'une aide consécutive à cette étude dans un délai raisonnable. Et vous avez pu voir que le délai de six mois qui figure dans une phrase ajoutée au texte initial a été ajouté au cours de la discussion.\
QUESTION.- Monsieur le Président, pourquoi étiez-vous absent au rodéo ?
- LE PRESIDENT.- Parce que j'avais décidé de passer trois jours à Houston et pas quatre. Le rodéo était un rendez-vous extrêmement sympathique mais qui ne faisait pas partie de la réunion du Sommet. Il y a eu d'autres manifestations à l'initiative du Président Bush qui ont permis de développer toute la cordialité et le climat nécessaires : c'était très sympathique, mais aussi curieux que je l'étais moi-même et intéressé par la perspective d'assister à un vrai rodéo géant, il n'empêche que je suis venu pour trois jours et pas pour quatre. Je pense que cela relève de mon libre arbitre. Vous auriez voulu savoir ce que je faisais ce dimanche-là peut-être ? Le détail de mon emploi du temps ? Je vous le fournirai, si vous voulez, mais après cette conférence.\
QUESTION.- Monsieur le Président, votre initiative au sujet de la dette a donné un espoir aux pays à développement moyen et nous trouvons peu de traces dans le communiqué final. Avez-vous un message d'espoir à envoyer à nos peuples ?
- LE PRESIDENT.- Une fois de plus, la France a pris une initiative. Cette initiative est, je le crois, importante. Elle s'inscrit dans un processus. Nous avons d'abord fait adopter une mesure - c'était je crois à Venise - tendant à aider les pays les plus pauvres. Nous avons, à Toronto, indiqué précisément trois options, trois manières de faire : la réduction de la dette, celle des intérêts de la dette ou l'apport d'argent frais et de crédits nouveaux. Mais cela s'appliquait seulement aux pays les plus pauvres. La France, de son propre mouvement, a décidé à Dakar de remettre la dette des trente-cinq pays les plus pauvres. Il s'agissait des créances publiques. Ensuite, on a décidé de remettre pour partie, du côté français, la dette de quatre pays dits "intermédiaires" et on a demandé aux banques de procéder elles-mêmes à la mise en oeuvre des trois options possibles sur la manière de réduire l'endettement. Nous avons pensé qu'il convenait maintenant d'étendre aux créances publiques détenues sur les pays à revenu intermédiaire les options en question qui ont été décidées au Sommet de l'Arche pour les créances bancaires. Après le Sommet de l'Arche les banques ont pu procéder de la même manière et j'ai demandé que les pays présents prennent l'engagement de choisir les mêmes options au regard des créances publiques. Nous sommes convenus en commun d'encourager le Club de Paris qui a la charge d'étudier les options additionnelles dans toutes les formes de rééchelonnement. Nous en somme là. Je peux donc dire que c'est une avancée. En tout cas, la proposition est sur la table : elle va être examinée par le Club de Paris et j'espère qu'avec une action soutenue et continue nous parviendrons, dans ce domaine comme dans les autres, à marquer une nouvelle étape dans la limitation de l'endettement.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous avez l'impression que l'Allemagne a pris du poids politique depuis le dernier Sommet ? Est-ce que vous ne craignez pas que l'Allemagne devienne l'interlocuteur privilégié au niveau européen des Américains et des Japonais ?
- LE PRESIDENT.- Je ne le crains pas. La puissance économique de l'Allemagne de l'Ouest était déjà là. Cette situation n'est pas nouvelle. Nous nous en sommes accommodés et la situation de la France s'est constamment améliorée : aujourd'hui la monnaie française est une monnaie solide. Notre politique économique nous donne des résultats sur le plan des prix, par exemple, où notre inflation se situe parmi les plus faibles du monde industriel. Le dernier mois, c'était 0,2 % d'augmentation, à égalité avec l'Allemagne et le Japon £ sur l'année en cours, c'était de 3 %. Ces 3 % nous situent pratiquement au troisième rang après le Japon et l'Allemagne tandis que la moyenne des pays de la CEE se situe à 5,5 % d'augmentation par an et que la moyenne des pays du Sommet se situe légèrement encore au-dessus. La France est passée vraiment du bon côté parmi les pays leaders. Il reste à accomplir de réels progrès sur le plan de notre industrie. Nous payons le retard d'il y a quelque trente ans. La preuve en est qu'ayant créé 600000 emplois au cours de ces deux dernières années, nous n'avons pas pour autant réduit le chômage de 600000 personnes, ce qui veut dire que les deux notions ne se recoupent pas exactement et que l'effort considérable de formation auquel nous procédons va nous permettre de combler la différence. Alors pourquoi nourrir je ne sais quel complexe ? Non, il n'y a pas d'interlocuteur privilégié. Nous sommes présents dans toutes les instances, nous sommes l'un des principaux pays quant à la densité et au poids au sein de la CEE. Parmi ces pays, nous sommes celui dont la démographie reste la plus forte, sans doute celui dont les éléments de solidarité nationale, en matière de politique sociale, sont les plus avancés et nous sentons un renouveau, aujourd'hui, dans tous les domaines où s'exerce l'activité des Français. Nous avons du retard à rattraper : c'est notre travail, notre tâche et je crois que nous y réussissons. Il n'y aura pas d'interlocuteur privilégié et la France remplit sa place dans le monde. Elle est au tout premier rang aujourd'hui dans l'Europe en évolution, particulièrement en Europe centrale et orientale où la force et la multiplicité de nos relations avec les anciens pays du monde communiste sont tout à fait actives et je crois remarquables.\
QUESTION.- Croyez-vous que si l'on aide l'Union soviétique il y aura moins d'argent pour le Mexique ou l'Amérique du Sud ?
- LE PRESIDENT.- C'est un problème. Les pays d'Amérique latine ont surtout besoin de voir réduire leur endettement. Ce sont des pays qui disposent d'un très grand potentiel économique. La nature de leur sol, la forme de leur culture, les réussites agricoles et industrielles ou scientifiques que l'on trouve ici et là sont indéniables. Ce qu'ils ont à rattraper, c'est un formidable endettement qui les empêche de profiter aujourd'hui de l'effort de production qui est le leur : les gens travaillent plus, produisent plus et mieux et reçoivent moins. Cela crée naturellement un état d'esprit social qui peut provoquer de grands bouleversements politiques. Nous voulons nous attaquer à ce problème en réduisant l'endettement. Nous en avons parlé. Je n'y reviens pas mais, évidemment, l'Amérique latine est comprise dans ma définition des pays intermédiaires. Ce sont, pour la plupart, des pays intermédiaires dont le revenu est assez fort pour que l'on ne les considère pas comme des pays pauvres mais pas assez pour être considérés ou bien riches ou ayant surmonté la crise économique qui les frappe. Le problème ne se pose pas dans les mêmes termes. Un premier démenti a été apporté à ceux qui se posent la même question que vous par la quatrième Convention de Lomé qui, vous le savez, a augmenté d'une façon importante l'apport des crédits venus de la CEE : 12 milliards d'écus à Lomé, c'était beaucoup plus que ce qui était espéré, alors que l'évolution de l'Europe de l'Est avait déjà commencé. En dépit de ses défaillances, la Communauté est capable de remplir ses obligations aussi bien à l'égard du tiers-monde qu'à l'égard des pays de l'Est.\
QUESTION.- Monsieur le Président, après l'effondrement de l'empire soviétique, les Etats-Unis doivent-ils, peuvent-ils continuer à jouer le même rôle qu'auparavant au sein du monde occidental et au sein du monde industrialisé ?
- LE PRESIDENT.- Vous avez pu voir à la réunion de l'OTAN que les Etats-Unis d'Amérique avaient compris d'eux-mêmes qu'il convenait de donner un autre contenu à l'Alliance jusqu'ici strictement militaire. Vous avez pu voir, au cours de ce Sommet, l'expression physique et intellectuelle de l'unité des pays de la Communauté. Cela représentait un bloc impressionnant qui a pu aborder d'un commun accord les problèmes agricoles par exemple, mais bien d'autres questions aussi.
- Si bien que l'on pouvait avoir le sentiment - mais j'espère que nos amis américains ne l'ont pas ressenti de cette manière - qu'il y avait comme une sorte de déplacement. Il est évident que la menace venue du monde soviétique s'est considérablement réduite même si elle n'est pas estompée. De ce fait, l'Europe affirme sa personnalité en même temps qu'elle démultiplie ses moyens. Il y eut une époque où on considérait que les Etats-Unis d'Amérique donnaient en toute chose le "la". Il ne faut pas que la Communauté européenne se mette dans l'esprit - mais je pense que le risque est mince - qu'elle devrait elle-même exercer une sorte de leadership concurrent. Une alliance, un accord supposent l'égalité entre les parties prenantes. Et ce n'est qu'en avançant d'un même pas que nous maintiendrons l'harmonie qui a présidé à la réunion de Houston.\
QUESTION.- Est-ce que vous pensez que la décision qui a été prise, ici à Houston, sur l'aide à l'Union soviétique favorisera un déblocage des négociations deux plus quatre dont la prochaine session s'ouvre à Paris la semaine prochaine ?
- LE PRESIDENT.- Ce n'est pas tout à fait du même ordre. La négociation deux plus quatre ou quatre plus deux, est une négociation qui engage essentiellement les quatre puissances au début occupantes, par la suite assistantes, désirant affirmer, leur solidarité avec la partie de l'Allemagne dans laquelle ils se trouvaient pour assurer la sécurité de la partie de l'Allemagne en question. Je ne pense pas que beaucoup de conversations parallèles dans les couloirs aient porté sur ce sujet £ on avait assez à faire avec l'ordre du jour. Mais il est indiscutable que la bonne entente qui existe aujourd'hui entre les trois pays étrangers qui ont des forces armées en Allemagne de l'Ouest et qui se trouvaient présents au cours de ce Sommet n'a pu que s'affermir.\
QUESTION.- Dans le communiqué, les Sept se sont exprimés en faveur de l'économie de marché, de la liberté, dans l'économie, dans les finances. J'aimerai savoir si vous pensez par exemple aux entreprises toujours nationalisées en France, est-ce que cela vous donne quelques idées supplémentaires....
- LE PRESIDENT.- Je ne les oublie jamais et je veille sur elles, regrettant même que quelques-unes se soient évaporées en cours de route. Je n'ai simplement pas voulu faire rebondir constamment un débat qui doit céder le pas à quelques autres. Une entreprise, c'est une entreprise. La liberté du marché est nécessaire. La démonstration de l'échec de la collectivisation soviétique s'est faite d'une façon suffisamment cruelle pour qu'il ne soit pas utile d'y revenir. C'est pourquoi, dès le point de départ, à l'époque où j'étais responsable du Parti socialiste, j'avais défini une ligne de conduite dont le terme "économie mixte" disait bien ce qu'il voulait dire. C'est-à-dire une économie libre dans laquelle la puissance publique interviendrait de temps à autre, chaque fois qu'il s'agirait d'assurer un développement équitable de notre société pour ne pas laisser simplement la loi de la jungle s'imposer à une nation civilisée comme la nôtre. D'autres l'affirment moins fort que nous mais, croyez-moi, ils sont vigilants pour empêcher la mise à l'encan de leur industrie. Nous, nous avons choisi ce modèle-là et dès lors que nos sociétés nationales pratiquent les règles normales du marché dans leur financement et dans leur fonctionnement, je ne vois pas ce que l'on a à leur dire. Nous n'avons pas le moins du monde l'intention d'en changer ou de nous laisser imposer je ne sais quelle considération de caractère idéologique sur la nature des entreprises françaises.\
QUESTION.- Pendant trois jours, vous avez abordé les questions internationales. Je sais que ce n'est pas l'usage mais est-ce que je peux me permettre de vous demander si vous avez inscrit à votre agenda une décision de politique intérieure pour le 14 juillet ?
- LE PRESIDENT.- Pour le 14 juillet ? Lorsque je rencontrerai les journalistes de TF1 et d'Antenne 2 ? Je répondrai aux questions que l'on me posera. Je n'ai pas fixé de programme !...
- QUESTION.- Mais est-ce que vous savez déjà si vous allez prendre une décision importante de politique importante ?
- LE PRESIDENT.- Ah, je vois !... Ce n'est pas un sujet qui intéresse Houston.
- Les journalistes me poseront les questions qu'ils voudront. J'espère qu'elles seront intéressantes. C'est un souhait que je vous demande de transmettre !.\
QUESTION.- Il y a des gens qui disent que c'est risqué de mettre toutes les cartes dans la même corbeille en ce qui concerne l'aide aux Soviétiques....
- LE PRESIDENT.- L'appréciation des risques permet de penser que la Perestroïka et la personnalite déjà éprouvée de M. Gorbatchev apportent plus de garanties que l'inconnue que représenterait son échec. C'est une appréciation des risques. Mais quoi qu'il advienne l'Union soviétique continuera d'exister et la Russie appartient à la physionomie de l'Europe depuis longtemps. de toute manière, il faudra qu'on se préoccupe de ce type de problèmes quels que soient les dirigeants. Mais dans l'évaluation des chances et des risques, il vaut mieux aider à la réussite d'un homme qui a assumé tant de responsabilités dans un sens souhaitable, procédé à tant de réformes, assuré un tel changement même s'il n'est pas au terme de son action. Il appartiendra ensuite aux Soviétiques eux-mêmes de nous apporter la réponse. Quelle que soit cette réponse, nous verrons bien. Nous continuerons, nous aussi, d'exister.\
QUESTION.- A propos du problème de la Chine, est-ce que vous considérez l'attitude du Japon qui va à nouveau ouvrir le crédit en Chine comme contradiction à l'engagement pris à l'Arche l'année dernière ?
- LE PRESIDENT.- Le Japon a pris cette décision. Il a pris part à la discussion. Ce problème a été évoqué. J'ai même eu l'occasion de préciser que l'argument invoqué - le Japon a une situation particulière en Extrême-Orient et peut-être en Chine - n'était pas un bon argument. Nous avons tous, les Sept, des situations particulières par rapport à la Chine. S'il s'agit du développement des relations commerciales, nous sommes tous sur la ligne de départ. Nous avons tous des intérêts et même des intérêts légitimes. Mais nous sommes réunis par une certaine conception philosophique de la société humaine et nous devons considérer que les intérêts, aussi légitimes qu'ils soient, doivent passer après ou tenir le plus grand compte de la manière dont sont conduites les sociétés et particulièrement la société chinoise. Voilà pourquoi la définition adoptée a été progressive autant qu'avanceront les droits de l'homme et l'ouverture de cette société, autant avanceront les aides à ce pays.
- On a abouti à une résolution unanime qui consiste à dire que l'on maintient les mesures mises en place au Sommet de l'Arche, que l'on reste vigilants. J'ai moi-même demandé que fût introduite la notion ou la référence aux Droits de l'Homme parmi les critères qui permettront de développer les échanges commerciaux. Visiblement le Japon, voisin de la Chine, a souhaité prendre les devants mais dans des canaux d'action qui ont été définis en commun. Il est certain qu'on assiste là tout de même à une évolution, peut-être un tournant dans la mesure où la Chine a été conduite de son côté à lancer un certain nombre de signaux qui annoncent sa propre évolution. Il reste maintenant d'autres signes à lancer. Nous ne sommes pas au bout du compte.\
QUESTION.- Monsieur le Président, il y a deux ans à Toronto, vous avez dit que le Premier ministre japonais n'était pas très intéressant, cette fois-ci cette année quelle est votre impression sur le Premier ministre M. Kaifu ?
- LE PRESIDENT.- Mes impressions sont toujours extrêmement favorables ! M. Kaifu est un homme qui n'est pas très âgé mais qui a déjà beaucoup d'expérience, qui a rempli beaucoup de fonctions dans son pays, qui me paraît très compétent, qui est très souriant. A priori, on a des choses à se dire. Mais, comme son prédécesseur était du même style et le prédécesseur de son prédécesseur aussi, cela prouve qu'il y a une continuité japonaise. Alors, j'ai toujours le même plaisir à rencontrer le Premier ministre japonais. Naturellement, quelquefois, quand on sympathise avec les gens, on est content de les revoir. Mais ce n'est pas nous qui choisissons les dirigeants japonais et celui que le Japon nous a désigné est un homme extrêmement estimable et sympathique.\
QUESTION.- Monsieur le Président, à part le rodéo, qu'est-ce que vous pensez de notre ville de Houston ? Quelles sont vos impressions ?
- LE PRESIDENT.- Je la trouve séduisante. On sent une force montante. Des étapes élevés où je logeais, j'ai pu avoir un regard panoramique sur la ville où l'on aperçoit de grands ensembles de buildings généralement remarquables sur le plan de l'architecture et séparés par une immense étendue d'arbres. Cette sorte de symbiose entre la ville et la forêt, est quand même extrêmement agréable. Pour venir de l'aéroport, ceux qui ne sont pas venus par hélicoptère ont pu franchir des kilomètres pendant lesquels ils ont vu les faubourgs qui précédaient la ville : il semble que si l'on parvient là à généraliser le type de construction des quartiers les meilleurs, on assistera à la naissance d'un ensemble urbain absolument exceptionnel. Quant aux habitants de Houston, ils nous ont reçu si gentiment que je ne peux que les remercier.\