22 juin 1990 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. François Mitterrand, Président de la République et Helmut Kohl, chancelier de RFA, notamment sur la réunification allemande et le projet d'aide financière de la CEE à l'URSS, Bingen, le 22 juin 1990.

LE CHANCELIER KOHL.- (inaudible).
- LE PRESIDENT.- Ces objectifs ont été fixés au cours de notre conversation, le calendrier diplomatique l'exigeant : Dublin lundi, le sommet de l'OTAN à Londres la semaine d'après et le Sommet des sept grands pays industrialisés le 9 juillet, cela dicte automatiquement notre façon de faire, d'autant plus que cela doit déboucher ensuite sur une réunion de la CSCE à la fin de l'année.
- Selon le schéma qui vient de vous être expliqué, à Dublin il faudra parachever la décision sur la réunion des deux conférences intergouvernementales. Le début du processus se situe également à la fin de cette année. Ne préjugeons pas leur décision. Mais on sait bien quelle est la position de l'Allemagne fédérale et quelle est la position de la France. Elles sont très proches pour ne pas dire semblables.
- A Dublin, je m'intéresserai en particulier, parmi les questions annexes, au problème des sièges : Parlement et autres institutions multiples qui sont aujourd'hui en l'air si je puis dire, et qui ne sont pas fixées.
- Nous avons également parlé de deux sujets majeurs : l'environnement et la drogue sur lesquels nos deux pays sont entièrement d'accord et sur la ligne de conduite et sur le but à atteindre.
- Quant à l'OTAN, la discussion très importante que nous avons préparée et que nous continuerons de préparer consiste à savoir de quelle façon l'alliance militaire tend à évoluer à l'intérieur d'elle-même. Elle reste la pièce maîtresse de notre sécurité commune tandis que commencent les évolutions dans la préparation des débats sur le désarmement conventionnel qui doivent nous réunir avec l'Union soviétique, sans oublier les pays qui ne sont plus tout à fait du Pacte de Varsovie tout en y étant, et sans oublier ceux qui ne sont pas dans les alliances militaires. Nous avons une ambition pour l'Europe tout entière.
- Voilà les éléments principaux que j'ajoute à ceux qui vous ont été indiqués déjà de façon très claire par le Chancelier Kohl. Nous continuons de travailler ensemble, je dois le dire très facilement, avec des vues proches sur la plupart des grands sujets.\
QUESTION.- Est-ce que vous avez discuté de manière concrète de l'aide des Européens à l'Union soviétique ?
- LE CHANCELIER KOHL.- Oui, nous en avons discuté, mais ce n'est pas un sujet dont on puisse parler de manière concrète. Le sens de nos discussions à Dublin et à Houston, c'est de parler avec nos amis, nos collègues. Nous sommes tous deux d'avis qu'il faut faire quelque chose. Quant à votre question concrète sur le montant de l'aide, là, on ne peut pas répondre, bien entendu, maintenant.
- QUESTION.- Et qu'est-ce que vous pensez de la proposition de M. Bush qui serait de donner des aides uniquement dans le cas où les réformes correspondantes nécessaires auraient été accomplies ?
- LE CHANCELIER KOHL.- Eh bien c'est une question de définition. Nous espérons tous deux que ces réformes se feront mais si nous voulons être vraiment utiles il faut faire en sorte de fournir une aide pour que ces réformes se fassent. Mais si nous attendions que ces réformes soient réalisées eh bien il nous faudrait attendre très longtemps et je ne pense pas que nous ayons tellement de temps parce que le train est déjà parti, parce que c'est l'heure du destin de l'Europe.
- LE PRESIDENT.- On dit que les bons esprits se rencontrent sans s'être concertés car nous étions occupés l'un et l'autre à beaucoup d'autres choses ces derniers jours. J'ai moi-même, répondant à une question lors d'une interview accordée à un grand journal français, indiqué que j'entendais saisir nos partenaires de Dublin et de Houston de l'urgence d'une aide aux pays dits de l'Est, notamment l'Union soviétique. J'ai reçu, le lendemain ou le surlendemain, une lettre du Chancelier qui me saisissait du même problème £ sa lettre avait donc été écrite pratiquement au moment où moi-même je m'exprimais. Aussi nous n'avons eu aucun effort à faire pour estimer que nous avions à insister dans le même sens et le Chancelier Kohl s'est fort bien expliqué. Oui, il faut des réformes, bien entendu, mais il faut aussi des aides. S'il y a des aides et pas de réformes, c'est raté. Mais s'il y a des réformes et pas d'aides il n'y aura pas de réformes du tout parce que ce sera déjà réglé.\
QUESTION.- Est-ce que vous avez également parlé du fait que dans le cadre de la réunification allemande, l'Union soviétique n'est toujours pas vraiment d'accord pour que l'Allemagne fasse toujours partie de l'OTAN, est-ce que vous avez discuté de ce sujet-là ?
- LE CHANCELIER KOHL.- Pour ce qui est de la première partie de votre question on ne peut dire que nous ayons véritablement parlé de cela dans nos discussions. Tout ce qui peut contribuer à une ouverture de l'Union soviétique à des réformes est raisonnable. Pour ce qui est du deux + quatre nous en avons parlé mais très brièvement. Quant à la question de l'OTAN, ce n'était pas la peine d'en parler tous les deux parce que nous sommes du même avis.
- LE PRESIDENT.- Nous l'avons exprimé publiquement déjà. Le Chancelier à multiples reprises et moi-même aussi bien à Key Largo, aux Etats-Unis d'Amérique, qu'à Moscou devant M. Gorbatchev. Pour nous, ce n'est pas un problème entre l'Allemagne et la France.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que le gouvernement français a l'intention comme le gouvernement allemand d'inciter les grandes banques françaises à accorder un prêt massif à l'URSS et à garantir ce prêt ou alors, à s'associer au prêt allemand ?
- LE PRESIDENT.- Nous souhaitons que les banques fassent leur métier. Nous pensons que dans le cadre de l'immense entreprise qui consiste à reconstituer la moitié de l'Europe, les banques doivent contribuer à cet effort international de première importance. C'est vrai qu'elles se sont souvent retirées du jeu. Il nous semble en tout cas que tous les efforts à faire désormais devraient être concentrés autour de la banque de développement et d'expansion qui vient d'être mise en place. Mais il faudra encore quelques mois avant sa ratification par les parlements nationaux et tout simplement avant sa mise en train, si bien qu'elle n'existera pas vraiment avant janvier de l'année prochaine. Or, il faut agir avant, janvier c'est trop loin. Donc la sagesse est de réunir des experts et que leurs travaux soient déjà orientés ou dirigés par le Président de la Banque pour que cela relève du même organisme. On n'a pas besoin d'en faire un nouveau et on trouvera toujours les instruments relais ou comptables, notamment la Banque européenne d'investissements pour faire la soudure entre juillet 1990 et janvier 1991.
- QUESTION.- Il m'a semblé que vous-même, monsieur le Président et le Chancelier Kohl, insistez sur le fait que le temps vous presse. Est-ce qu'il y avait quelques inquiétudes à ce sujet ?
- LE PRESIDENT.- Pour ce qui me concerne, moi, je lis vos articles. C'est ce que je crois avoir compris, qu'il y avait une certaine urgence. Alors, comme j'ai fait foi dans votre expérience et dans vos écrits ... !
- LE CHANCELIER KOHL.- Là, il y a une certaine différence entre le Président et moi.
- QUESTION.- Je voulais poursuivre sur l'aide à l'Union soviétique. Est-ce que la France est prête comme l'a fait l'Allemagne à garantir ses prêts bancaires ?
- LE PRESIDENT.- C'est une décision qu'il appartient au gouvernement de prendre d'une façon régulière et non pas au cours de conférence de presse à côté de Bingen. Le Conseil des ministres se réunit ordinairement, il ne se réunit pas sur les bords du Rhin, pas ici. En revanche, nous sommes prêts à aller dans ce sens, c'est-à-dire trouver tous les moyens à notre disposition pour faciliter l'obtention de crédits aux pays de l'Est et particulièrement à l'Union soviétique. Et pour répondre autrement qu'à l'emporte pièce à M. Mazières, je lui dirai oui, il y a urgence. Ce n'est pas pour créer tout d'un coup une situation psychologique de tension supplémentaire, mais l'ensemble des éléments dont nous disposons nous permet de le dire.\
QUESTION.- A monsieur Kohl et à monsieur Mitterrand : est-ce que vous pensez et est-ce que vous espérez que l'aide à l'Union soviétique pourrait amener ce pays à être plus compréhensif dans les négociations comme celle de Vienne sur le désarmement ou comme sur la question de l'Allemagne unifiée dans l'OTAN ?
- LE CHANCELIER KOHL.- Je crois qu'il est important de reconnaître que nous avons réciproquement besoin les uns des autres et que nous ne pourrons organiser l'avenir qu'ensemble. C'est pourquoi je suis parfaitement optimiste.
- LE PRESIDENT.- Je dirai la même chose sous une formule qui me venait à l'esprit tandis que je vous entendais. Tout se tient.\