23 mars 1989 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la proposition française de remettre la dette des pays les plus pauvres et la création d'un fonds de garantie alimenté par de nouveaux droits de tirages spéciaux, Paris jeudi 23 mars 1989.
Messieurs,
- Je limiterai mon propos à un seul problème, pour ne pas vous embarrasser d'un discours supplémentaire. Mais je tenais d'abord à vous remercier d'avoir accepté mon invitation et d'être là autour de cette table, représentatifs de pays avec lesquels nous entretenons de bonnes relations, qui sont parmi les pays aujourd'hui les plus intéressants du monde, à la fois par leur forme de civilisation et par leur capacité d'avenir, mais qui connaissent pour la plupart une phase très difficile.
- Donc, je tiens à vous dire à quel point j'ai été très sensible à votre présence, le plaisir que j'ai de vous recevoir dans ce palais, le souhait que je forme de vous voir transmettre à vos chefs d'Etat mes sentiments personnels et l'agrément en même temps que l'intérêt trouvés par nos ministres français à débattre avec vous de nos problèmes communs.
- Ce que je voulais vous dire pour que cela soit bien inscrit et que je tiens à rappeler, c'est que pour moi et pour la France, le fossé qui ne cesse de s'élargir entre les pays dit riches et les pays qui le sont moins, ou qui ne le sont pas du tout, est en même temps qu'un formidable gachis économique pour tous, la menace la plus pressante qui pèse sur l'humanité. on peut contrôler, même si cela présente beaucoup de risques, la menace de l'armement ou de l'armement atomique. Ceux qui s'en occupent sont des gens responsables. On ne peut pas contrôler les colères et les désarrois dûs à la misère, à la faim. Les chefs d'Etat et de gouvernement sont responsables, eux, mais peuvent-ils répondre de l'angoisse et des mouvements d'opinion de leur peuple. Et nous sommes comptables de la même façon du devenir de ces peuples. Vous, naturellement d'abord, mais nous aussi, puisqu'il s'agit de l'humanité et que l'on ne peut nier les inter-actions permanentes dans le monde moderne entre nos sociétés.\
Parmi les facteurs nombreux qui conduisent à aggraver l'écart de richesse, le poids écrasant de la dette du tiers monde sous toutes ses formes, occupe une place déterminante. Par quel insupportable paradoxe, les crédits qui à l'origine auraient dû favoriser l'essor des économies de vos pays, en sont-ils arrivés à étrangler les possibilités de développement ? Je répète quel paradoxe ! ou quel contresens ! Comment rembourser ce qui est dû lorsque les recettes d'exportations fluctuent, plus fréquemment à la baisse qu'à la hausse au gré des marchés des matières premières qui constituent la principale, parfois la seule ressource de pays endettés.
- Des efforts ont déjà été entrepris, trop limités, pour répondre à cette situation. D'abord l'effort de la Communauté internationale qui a porté comme il était normal initialement sur les pays les plus pauvres. C'est à mon initiative en qualité de Président de la République française que les pays industrialisés ont adopté lors du dernier Sommet des Sept à Toronto des mesures allégeant significativement les conditions de remboursement de leur dette, mesures qui ont déjà commencé à entrer en application pour plusieurs pays d'Afrique. Il faudra aller plus loin que ces mesures de Toronto qui ont quand même représenté un pays, un premier pas important de l'ensemble de la Communauté internationale à l'égard des plus démunis. De son côté la France a choisi, vous le savez, l'annulation d'une grande partie de ces créances publiques. Mais, mettre l'accent sur la situation des plus pauvres parmi les pauvres ne peut pas vouloir dire que rien ne doit être fait pour d'autres pays lourdement endettés qui ne corresponde à aucune définition particulière sauf celle que nous inventons, qui ne sont pas pauvres, potentiellement - on dit tiers monde - qui ne sont pas le tiers monde, qui simplement ne demandent qu'à vivre, qui en auraient le moyen si la concertation internationale était plus efficace pour se préparer à des lendemains qui verront certains de ces pays capables de faire la leçon à ceux qui aujourd'hui sont les pays créanciers. Bref ces autres pays lourdement endettés que l'on appelle des pays à revenu intermédiaire.\
J'ai tenu à ce que ce problème soit traité en tant que tel. C'est à cette époque que j'ai saisi les Nations unies d'un nouveau projet, c'était le 29 septembre dernier, devant l'Assemblée générale afin d'obtenir la création d'un fonds de garantie géré dans un cadre multilatéral et qui pourrait être le conseil du fonds monétaire international. Comme on l'a dit, comme on le comprend tout de suite, l'objet de ce fonds serait de garantir les paiements servis aux banques qui accepteraient de transformer tout ou partie de leurs créances en nouveaux instruments financiers, à condition que cette opération se traduise par une diminution significative de l'encours ou du service de la dette des pays à revenu intermédiaire en Amérique latine, en Afrique ou ailleurs. J'avais précisé que ce fonds de garantie pourrait être alimenté par la part d'une allocation de nouveaux droits de tirages spéciaux qui, revenant normalement aux pays industrialisés, ne serait pas perçue mais mise à la disposition de ce fonds. Je pense qu'il serait par ce moyen possible de mobiliser rapidement des ressources importantes et de mettre sans délai en oeuvre un dispositif suffisamment souple.
- Assurément pour renforcer l'efficacité des moyens que je propose, on peut envisager que d'autres ressources accroissent les disponibilités du fonds de garantie : des concours que pourraient apporter les institutions financières internationales en particulier, le fonds monétaire international, la banque mondiale, les banques régionales de développement, sans oublier la part que pourraient être amenés à prendre les établissements financiers publics ou privés désireux de concourrir à l'effort multilatéral engagé.
- De plus, des ressources supplémentaires pourraient être apportées par les bénéficiaires directs du dispositif proposé, c'est-à-dire par les pays débiteurs ou par les créanciers bancaires dont on pourrait imaginer qu'ils pourraient être incités à se joindre eux-mêmes aux efforts de garantie proposée.
- Mais quelles que soient les modalités qui pourraient être retenues - s'il en est de meilleure nous y souscrirons aussitôt - l'important est que l'accord puisse se faire comme la France n'a cessé de le proposer à la fois sur le principe d'une réduction de la dette, spécialement le problème des intérêts, sur le recours à des mécanismes créant un cadre favorable à la réduction de cette dette ce qui impliquerait un engagement des Etats ou des institutions financières internationales.
- On observe les évolutions. On a longtemps parlé dans le vide au risque de se répéter, de lasser l'attention et pourtant quelle autre méthode ? On voit bien déjà les effets de cette insistance, la vôtre, la nôtre. Témoin ce qui s'est passé récemment aux Etats-Unis d'Amérique sous l'impulsion du Président Bush. D'autres pays notamment le Japon sont prêts - je le crois - à favoriser la mise en place d'une solution utile. Bref, je voulais vous dire que devant présider le prochain sommet des Sept qui se tiendra à Paris au mois de juillet prochain, je demanderai que ce problème soit traité par priorité. J'espère que l'on parviendra à rapprocher les points de vue des principaux pays créanciers £ je m'y emploierai. Et je voulais précisément vous informer de ce rendez-vous dont je ne prétendrai pas qu'il sera décisif mais, je l'espère en tout cas, nous devrions constater qu'un pas en avant important serait enfin accompli pour qu'un début de réponse soit donné à votre légitime attente.\
Voilà ce que je voulais vous dire, messieurs, arrêtons-là mon discours. J'ai choisi ce sujet-là, de préférence à tout autre, il n'est pas le seul £ j'aurais pu vous parler des conférences internationales sur le commerce £ j'aurais pu vous parler de bien d'autres choses encore mais là selon moi doit être mis l'accent. Une réponse rapide à l'angoissante question qui se pose à vous, à vos peuples, qui exige, je le crois une réponse sinon immédiate du moins très rapide en saisissant toute occasion et l'occasion du Sommet des Sept me paraît être adaptée. Ce n'est pas non plus la seule occasion. Vous venez vous-même de vous réunir. Faites entendre votre voix. La France se fera - je peux vous le dire - l'écho d'une demande qui lui paraît juste bien entendu dont il reste à discuter les modalités nécessaires.\
- Je limiterai mon propos à un seul problème, pour ne pas vous embarrasser d'un discours supplémentaire. Mais je tenais d'abord à vous remercier d'avoir accepté mon invitation et d'être là autour de cette table, représentatifs de pays avec lesquels nous entretenons de bonnes relations, qui sont parmi les pays aujourd'hui les plus intéressants du monde, à la fois par leur forme de civilisation et par leur capacité d'avenir, mais qui connaissent pour la plupart une phase très difficile.
- Donc, je tiens à vous dire à quel point j'ai été très sensible à votre présence, le plaisir que j'ai de vous recevoir dans ce palais, le souhait que je forme de vous voir transmettre à vos chefs d'Etat mes sentiments personnels et l'agrément en même temps que l'intérêt trouvés par nos ministres français à débattre avec vous de nos problèmes communs.
- Ce que je voulais vous dire pour que cela soit bien inscrit et que je tiens à rappeler, c'est que pour moi et pour la France, le fossé qui ne cesse de s'élargir entre les pays dit riches et les pays qui le sont moins, ou qui ne le sont pas du tout, est en même temps qu'un formidable gachis économique pour tous, la menace la plus pressante qui pèse sur l'humanité. on peut contrôler, même si cela présente beaucoup de risques, la menace de l'armement ou de l'armement atomique. Ceux qui s'en occupent sont des gens responsables. On ne peut pas contrôler les colères et les désarrois dûs à la misère, à la faim. Les chefs d'Etat et de gouvernement sont responsables, eux, mais peuvent-ils répondre de l'angoisse et des mouvements d'opinion de leur peuple. Et nous sommes comptables de la même façon du devenir de ces peuples. Vous, naturellement d'abord, mais nous aussi, puisqu'il s'agit de l'humanité et que l'on ne peut nier les inter-actions permanentes dans le monde moderne entre nos sociétés.\
Parmi les facteurs nombreux qui conduisent à aggraver l'écart de richesse, le poids écrasant de la dette du tiers monde sous toutes ses formes, occupe une place déterminante. Par quel insupportable paradoxe, les crédits qui à l'origine auraient dû favoriser l'essor des économies de vos pays, en sont-ils arrivés à étrangler les possibilités de développement ? Je répète quel paradoxe ! ou quel contresens ! Comment rembourser ce qui est dû lorsque les recettes d'exportations fluctuent, plus fréquemment à la baisse qu'à la hausse au gré des marchés des matières premières qui constituent la principale, parfois la seule ressource de pays endettés.
- Des efforts ont déjà été entrepris, trop limités, pour répondre à cette situation. D'abord l'effort de la Communauté internationale qui a porté comme il était normal initialement sur les pays les plus pauvres. C'est à mon initiative en qualité de Président de la République française que les pays industrialisés ont adopté lors du dernier Sommet des Sept à Toronto des mesures allégeant significativement les conditions de remboursement de leur dette, mesures qui ont déjà commencé à entrer en application pour plusieurs pays d'Afrique. Il faudra aller plus loin que ces mesures de Toronto qui ont quand même représenté un pays, un premier pas important de l'ensemble de la Communauté internationale à l'égard des plus démunis. De son côté la France a choisi, vous le savez, l'annulation d'une grande partie de ces créances publiques. Mais, mettre l'accent sur la situation des plus pauvres parmi les pauvres ne peut pas vouloir dire que rien ne doit être fait pour d'autres pays lourdement endettés qui ne corresponde à aucune définition particulière sauf celle que nous inventons, qui ne sont pas pauvres, potentiellement - on dit tiers monde - qui ne sont pas le tiers monde, qui simplement ne demandent qu'à vivre, qui en auraient le moyen si la concertation internationale était plus efficace pour se préparer à des lendemains qui verront certains de ces pays capables de faire la leçon à ceux qui aujourd'hui sont les pays créanciers. Bref ces autres pays lourdement endettés que l'on appelle des pays à revenu intermédiaire.\
J'ai tenu à ce que ce problème soit traité en tant que tel. C'est à cette époque que j'ai saisi les Nations unies d'un nouveau projet, c'était le 29 septembre dernier, devant l'Assemblée générale afin d'obtenir la création d'un fonds de garantie géré dans un cadre multilatéral et qui pourrait être le conseil du fonds monétaire international. Comme on l'a dit, comme on le comprend tout de suite, l'objet de ce fonds serait de garantir les paiements servis aux banques qui accepteraient de transformer tout ou partie de leurs créances en nouveaux instruments financiers, à condition que cette opération se traduise par une diminution significative de l'encours ou du service de la dette des pays à revenu intermédiaire en Amérique latine, en Afrique ou ailleurs. J'avais précisé que ce fonds de garantie pourrait être alimenté par la part d'une allocation de nouveaux droits de tirages spéciaux qui, revenant normalement aux pays industrialisés, ne serait pas perçue mais mise à la disposition de ce fonds. Je pense qu'il serait par ce moyen possible de mobiliser rapidement des ressources importantes et de mettre sans délai en oeuvre un dispositif suffisamment souple.
- Assurément pour renforcer l'efficacité des moyens que je propose, on peut envisager que d'autres ressources accroissent les disponibilités du fonds de garantie : des concours que pourraient apporter les institutions financières internationales en particulier, le fonds monétaire international, la banque mondiale, les banques régionales de développement, sans oublier la part que pourraient être amenés à prendre les établissements financiers publics ou privés désireux de concourrir à l'effort multilatéral engagé.
- De plus, des ressources supplémentaires pourraient être apportées par les bénéficiaires directs du dispositif proposé, c'est-à-dire par les pays débiteurs ou par les créanciers bancaires dont on pourrait imaginer qu'ils pourraient être incités à se joindre eux-mêmes aux efforts de garantie proposée.
- Mais quelles que soient les modalités qui pourraient être retenues - s'il en est de meilleure nous y souscrirons aussitôt - l'important est que l'accord puisse se faire comme la France n'a cessé de le proposer à la fois sur le principe d'une réduction de la dette, spécialement le problème des intérêts, sur le recours à des mécanismes créant un cadre favorable à la réduction de cette dette ce qui impliquerait un engagement des Etats ou des institutions financières internationales.
- On observe les évolutions. On a longtemps parlé dans le vide au risque de se répéter, de lasser l'attention et pourtant quelle autre méthode ? On voit bien déjà les effets de cette insistance, la vôtre, la nôtre. Témoin ce qui s'est passé récemment aux Etats-Unis d'Amérique sous l'impulsion du Président Bush. D'autres pays notamment le Japon sont prêts - je le crois - à favoriser la mise en place d'une solution utile. Bref, je voulais vous dire que devant présider le prochain sommet des Sept qui se tiendra à Paris au mois de juillet prochain, je demanderai que ce problème soit traité par priorité. J'espère que l'on parviendra à rapprocher les points de vue des principaux pays créanciers £ je m'y emploierai. Et je voulais précisément vous informer de ce rendez-vous dont je ne prétendrai pas qu'il sera décisif mais, je l'espère en tout cas, nous devrions constater qu'un pas en avant important serait enfin accompli pour qu'un début de réponse soit donné à votre légitime attente.\
Voilà ce que je voulais vous dire, messieurs, arrêtons-là mon discours. J'ai choisi ce sujet-là, de préférence à tout autre, il n'est pas le seul £ j'aurais pu vous parler des conférences internationales sur le commerce £ j'aurais pu vous parler de bien d'autres choses encore mais là selon moi doit être mis l'accent. Une réponse rapide à l'angoissante question qui se pose à vous, à vos peuples, qui exige, je le crois une réponse sinon immédiate du moins très rapide en saisissant toute occasion et l'occasion du Sommet des Sept me paraît être adaptée. Ce n'est pas non plus la seule occasion. Vous venez vous-même de vous réunir. Faites entendre votre voix. La France se fera - je peux vous le dire - l'écho d'une demande qui lui paraît juste bien entendu dont il reste à discuter les modalités nécessaires.\