21 mars 1989 - Seul le prononcé fait foi
Discours de M. François Mitterrand, Président de la République, sur le bicentenaire de la Révolution française, le symbole de "l'arbre de la Liberté" et l'instruction publique, Saint-Gaudent, mardi 21 mars 1989.
Monsieur le maire,
- Mesdames et messieurs,
- Nous prenons part en cet instant à l'une des toutes premières manifestations du bicentenaire de la Révolution française de 1789. Il y a quelques jours, je célèbrais la conjonction entre l'Europe et la Révolution lors d'une exposition présentée au Grand Palais. Et voilà en vérité le premier signe de ce qui sera accompli au cours des prochains mois. Pourquoi Saint-Gaudent ? On vient de l'expliquer. C'est parce que les historiens s'accordent généralement sur ce point et nous avons la caution de l'Abbé Grégoire : il semble bien que c'était en cet endroit, sur cette place, devant l'ancienne église, que, le curé Norbert Pressac, ainsi que Monsieur le maire a bien voulu le rappeler, a fait planter le premier arbre de la Liberté, en 1790, avec deux ans d'avance sur le grand mouvement qui vit quelques soixante mille arbres de la Liberté plantés pendant la Révolution. C'est donc à Saint-Gaudent que j'ai décidé de venir, avec d'autant plus de plaisir que je ne suis pas tout à fait étranger à cette région de Civray, que je connais depuis ma jeunesse, à quelques encablures de la Charente, et que ces horizons, même s'ils ne sont pas très visibles aujourd'hui, ces horizons me sont familiers.
- Nous avons donc ici retrouvé un terroir où chacun d'entre nous sent bien des racines profondes. Un arbre qu'on plante, le symbole est aisé à retrouver, signe de solidité et d'avenir, d'espoir. L'arbre est là. Il signifiera désormais à travers le temps, l'effort des hommes et des femmes de cette génération qui ont désormais pour mission, à leur manière, et compte tenu de l'évolution des temps, mais dans le même esprit et pour célébrer les mêmes symboles, d'assurer la relève des grands fondateurs de la Révolution française.
- Bref, je suis venu à Saint-Gaudent, et je remercie les personnalités, l'ensemble des personnes, qui sont venues se joindre à nous afin d'honorer cette belle tradition, et je le répète souligner l'actualité des idéaux de la Révolution.\
On vient de le rappeler - on a lu tout à l'heure un beau texte - c'est ici, en 1790, qu'est parti un mouvement, un grand mouvement d'idées symbolisé par des actes fameux. C'était déjà un robuste chêne dont on a dit qu'il avait été terrassé par un orage, assez récemment, je crois que c'était en 1961.
- Qu'est-ce que c'est que l'arbre de la Liberté ? C'est d'abord bien entendu un hommage à la nature, à la nature elle-même, dont tant de citoyens ont aujourd'hui plus qu'hier sans doute le souci. Mais j'avais oublié aussi que l'homme c'est aussi la nature, qu'il fait partie de la nature, qu'il doit rester accordé à son environnement. Et cela remonte depuis l'origine des temps, c'est aussi le sacre du printemps, le 21 mars. En ce 21 mars, partout dans les écoles, le ministre d'Etat chargé de l'éducation nationale a donné pour instructions que les enfants, avec leurs maîtres, célèbrent par la lecture de textes, par des évocations choisies, célèbrent l'année fameuse : 1789.
- En vérité, on sait bien que l'arbre pousse souvent tout seul. Mais il n'y a de forêt durable qu'une forêt ordonnée, une forêt capable de donner le meilleur d'elle-même, la qualité de son bois ou de ses fruits, que si elle est maîtrisée par l'homme. Ainsi la nature apporte-t-elle à l'homme, ce qui lui revient, ce qui lui est nécessaire et l'homme apporte-t-il à la nature les moyens de sa subsistance afin de profiter à l'ensemble des êtres vivants. Et l'arbre de la Liberté, par définition c'est un hommage à la Liberté. Je vais citer Victor Hugo, le 2 mars 1848, qui plantait lui aussi un arbre de la Liberté, Place des Vosges à Paris, et voilà ce qu'il disait : "C'est un beau, un vrai symbole pour la Liberté qu'un arbre ! La Liberté a ses racines dans le coeur du peuple comme l'arbre dans le coeur de la terre £ comme l'arbre, elle élève et déploie ses rameaux dans le ciel £ comme l'arbre elle grandit sans cesse et couvre les générations de son ombre". Fin de la citation de Victor Hugo. Je reprends pour ajouter que la Liberté, pas plus que la nature n'est un don du ciel. Qu'elle est, elle, la Liberté, l'acquis coûteux, difficile, arraché par tant d'efforts et par tant de souffrances, la lutte des philosophes à travers le temps et surtout de la philosophie des Lumières au 18ème siècle en même temps que le mouvement des citoyens qui firent et accomplir ce grand acte que nous célébrons en ce jour.\
Aujourd'hui tous les enfants des écoles, des collèges, des lycées de France méditent donc ces lignes qui leur ont été soumises et qui sont de Condorcet £ elles figurent dans son Mémoire sur l'instruction publique de 1791. Je le cite : "L'instruction doit être universelle, c'est-à-dire s'étendre à tous les citoyens, offrir à tous les individus de l'espèce humaine les moyens de pourvoir à leurs besoins, d'assurer leur bien-être, de connaître et d'exercer leurs droits, d'atteindre et de remplir leurs devoirs". N'oublions pas non plus que les devoirs sont complémentaires des droits - on l'oublie trop souvent - et par là - c'est moi qui vient de faire cette remarque au passage - qu'il faut établir entre les citoyens une égalité de fait et rendre réelle l'égalité politique reconnue par la loi.
- Et c'est vrai que l'instruction publique reste une priorité des priorités non pas spécialement pour l'année qui vient ni pour les années précédentes, ni pour le temps qui commence, c'est la priorité de toutes les révolutions qui se veulent au service de l'homme : chaque enfant, chaque adolescent doit pouvoir aller au bout de ses possibilités, de jouer toutes ses chances et chaque adulte qui n'a pas prolongé ses études doit disposer d'une autre chance. C'est pourquoi, la Nation a consenti et doit consentir plus encore des efforts considérables et d'abord bien entendu un effort financier afin de remplir cet objet.\
J'ai parlé de Victor Hugo, je vais le citer de nouveau. Il disait : "L'avenir vient vite". Chacun de nous qui a dépassé le milieu de son âge - j'en suis - sait bien que l'avenir vient vite, si vite, je ne dirai pas trop vite, mais il va souvent plus vite que nous et c'est la cause de tant de malaises et parfois de tant de malheurs. L'intelligence et l'imagination de l'homme doivent aller à l'allure de l'avenir qui vient.
- Aujourd'hui nous sommes au seuil d'une nouvelle Europe et nous voulons que cette Europe soit plus forte et plus attentive aux inégalités. D'où la nécessité de faire que le droit social européen prenne rang parmi les préoccupations initiales de l'Europe en voie de construction. Les historiens, j'en suis sûr, montreront un jour que les générations de ceux qui ont construit ou qui construiront l'Europe, ceux qui ont commencé de le faire au lendemain de la dernière guerre mondiale, ont, ou auront accompli une véritable révolution, une nouvelle dimension mais qui ne réussira que si cette révolution là aussi reste fidèle aux principes : "liberté, égalité fraternité, souveraineté du peuple". Je vous remercie monsieur le maire et vous mesdames et messieurs, les habitants de Saint-Gaudent et de la région, de m'avoir fourni l'occasion, après l'abbé Norbert Pressac bien entendu et quelques autres, de m'avoir fourni l'occasion de célébrer dans cette commune - qui a valeur de grand symbole - de venir célébrer des thèmes qui nous sont chers et qui doivent rester finalement la démarche quotidienne de notre République.\
- Mesdames et messieurs,
- Nous prenons part en cet instant à l'une des toutes premières manifestations du bicentenaire de la Révolution française de 1789. Il y a quelques jours, je célèbrais la conjonction entre l'Europe et la Révolution lors d'une exposition présentée au Grand Palais. Et voilà en vérité le premier signe de ce qui sera accompli au cours des prochains mois. Pourquoi Saint-Gaudent ? On vient de l'expliquer. C'est parce que les historiens s'accordent généralement sur ce point et nous avons la caution de l'Abbé Grégoire : il semble bien que c'était en cet endroit, sur cette place, devant l'ancienne église, que, le curé Norbert Pressac, ainsi que Monsieur le maire a bien voulu le rappeler, a fait planter le premier arbre de la Liberté, en 1790, avec deux ans d'avance sur le grand mouvement qui vit quelques soixante mille arbres de la Liberté plantés pendant la Révolution. C'est donc à Saint-Gaudent que j'ai décidé de venir, avec d'autant plus de plaisir que je ne suis pas tout à fait étranger à cette région de Civray, que je connais depuis ma jeunesse, à quelques encablures de la Charente, et que ces horizons, même s'ils ne sont pas très visibles aujourd'hui, ces horizons me sont familiers.
- Nous avons donc ici retrouvé un terroir où chacun d'entre nous sent bien des racines profondes. Un arbre qu'on plante, le symbole est aisé à retrouver, signe de solidité et d'avenir, d'espoir. L'arbre est là. Il signifiera désormais à travers le temps, l'effort des hommes et des femmes de cette génération qui ont désormais pour mission, à leur manière, et compte tenu de l'évolution des temps, mais dans le même esprit et pour célébrer les mêmes symboles, d'assurer la relève des grands fondateurs de la Révolution française.
- Bref, je suis venu à Saint-Gaudent, et je remercie les personnalités, l'ensemble des personnes, qui sont venues se joindre à nous afin d'honorer cette belle tradition, et je le répète souligner l'actualité des idéaux de la Révolution.\
On vient de le rappeler - on a lu tout à l'heure un beau texte - c'est ici, en 1790, qu'est parti un mouvement, un grand mouvement d'idées symbolisé par des actes fameux. C'était déjà un robuste chêne dont on a dit qu'il avait été terrassé par un orage, assez récemment, je crois que c'était en 1961.
- Qu'est-ce que c'est que l'arbre de la Liberté ? C'est d'abord bien entendu un hommage à la nature, à la nature elle-même, dont tant de citoyens ont aujourd'hui plus qu'hier sans doute le souci. Mais j'avais oublié aussi que l'homme c'est aussi la nature, qu'il fait partie de la nature, qu'il doit rester accordé à son environnement. Et cela remonte depuis l'origine des temps, c'est aussi le sacre du printemps, le 21 mars. En ce 21 mars, partout dans les écoles, le ministre d'Etat chargé de l'éducation nationale a donné pour instructions que les enfants, avec leurs maîtres, célèbrent par la lecture de textes, par des évocations choisies, célèbrent l'année fameuse : 1789.
- En vérité, on sait bien que l'arbre pousse souvent tout seul. Mais il n'y a de forêt durable qu'une forêt ordonnée, une forêt capable de donner le meilleur d'elle-même, la qualité de son bois ou de ses fruits, que si elle est maîtrisée par l'homme. Ainsi la nature apporte-t-elle à l'homme, ce qui lui revient, ce qui lui est nécessaire et l'homme apporte-t-il à la nature les moyens de sa subsistance afin de profiter à l'ensemble des êtres vivants. Et l'arbre de la Liberté, par définition c'est un hommage à la Liberté. Je vais citer Victor Hugo, le 2 mars 1848, qui plantait lui aussi un arbre de la Liberté, Place des Vosges à Paris, et voilà ce qu'il disait : "C'est un beau, un vrai symbole pour la Liberté qu'un arbre ! La Liberté a ses racines dans le coeur du peuple comme l'arbre dans le coeur de la terre £ comme l'arbre, elle élève et déploie ses rameaux dans le ciel £ comme l'arbre elle grandit sans cesse et couvre les générations de son ombre". Fin de la citation de Victor Hugo. Je reprends pour ajouter que la Liberté, pas plus que la nature n'est un don du ciel. Qu'elle est, elle, la Liberté, l'acquis coûteux, difficile, arraché par tant d'efforts et par tant de souffrances, la lutte des philosophes à travers le temps et surtout de la philosophie des Lumières au 18ème siècle en même temps que le mouvement des citoyens qui firent et accomplir ce grand acte que nous célébrons en ce jour.\
Aujourd'hui tous les enfants des écoles, des collèges, des lycées de France méditent donc ces lignes qui leur ont été soumises et qui sont de Condorcet £ elles figurent dans son Mémoire sur l'instruction publique de 1791. Je le cite : "L'instruction doit être universelle, c'est-à-dire s'étendre à tous les citoyens, offrir à tous les individus de l'espèce humaine les moyens de pourvoir à leurs besoins, d'assurer leur bien-être, de connaître et d'exercer leurs droits, d'atteindre et de remplir leurs devoirs". N'oublions pas non plus que les devoirs sont complémentaires des droits - on l'oublie trop souvent - et par là - c'est moi qui vient de faire cette remarque au passage - qu'il faut établir entre les citoyens une égalité de fait et rendre réelle l'égalité politique reconnue par la loi.
- Et c'est vrai que l'instruction publique reste une priorité des priorités non pas spécialement pour l'année qui vient ni pour les années précédentes, ni pour le temps qui commence, c'est la priorité de toutes les révolutions qui se veulent au service de l'homme : chaque enfant, chaque adolescent doit pouvoir aller au bout de ses possibilités, de jouer toutes ses chances et chaque adulte qui n'a pas prolongé ses études doit disposer d'une autre chance. C'est pourquoi, la Nation a consenti et doit consentir plus encore des efforts considérables et d'abord bien entendu un effort financier afin de remplir cet objet.\
J'ai parlé de Victor Hugo, je vais le citer de nouveau. Il disait : "L'avenir vient vite". Chacun de nous qui a dépassé le milieu de son âge - j'en suis - sait bien que l'avenir vient vite, si vite, je ne dirai pas trop vite, mais il va souvent plus vite que nous et c'est la cause de tant de malaises et parfois de tant de malheurs. L'intelligence et l'imagination de l'homme doivent aller à l'allure de l'avenir qui vient.
- Aujourd'hui nous sommes au seuil d'une nouvelle Europe et nous voulons que cette Europe soit plus forte et plus attentive aux inégalités. D'où la nécessité de faire que le droit social européen prenne rang parmi les préoccupations initiales de l'Europe en voie de construction. Les historiens, j'en suis sûr, montreront un jour que les générations de ceux qui ont construit ou qui construiront l'Europe, ceux qui ont commencé de le faire au lendemain de la dernière guerre mondiale, ont, ou auront accompli une véritable révolution, une nouvelle dimension mais qui ne réussira que si cette révolution là aussi reste fidèle aux principes : "liberté, égalité fraternité, souveraineté du peuple". Je vous remercie monsieur le maire et vous mesdames et messieurs, les habitants de Saint-Gaudent et de la région, de m'avoir fourni l'occasion, après l'abbé Norbert Pressac bien entendu et quelques autres, de m'avoir fourni l'occasion de célébrer dans cette commune - qui a valeur de grand symbole - de venir célébrer des thèmes qui nous sont chers et qui doivent rester finalement la démarche quotidienne de notre République.\