9 février 1988 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur l'égalité des chances grâce à la formation ainsi que sur la décentralisation dans les DOM, à la mairie de Saint-Pierre, Ile de La Réunion, mardi 9 février 1988.
Mesdames et messieurs,
- J'ai un peu prolongé le temps accordé à l'orchestre, parce que je me suis aperçu que chaque fois que je viens dans une commune de la Réunion, la musique vous rassemble avant que je ne sois parmi vous, et elle se tait dès que je suis là. Si bien que je suis privé des accents, des talents et des rythmes réunionnais. Je viens donc de me rattraper pendant quelques minutes, en écoutant le groupe Quisanadi.
- Il est certain que les voyages dits officiels se prêtent moins que les autres à cette approche plus profonde de l'âme réunionnaise. Et lorsque j'étais venu précédemment, j'avais pu davantage m'attarder. Je me réjouis cependant d'être parmi vous aujourd'hui, et je vous remercie, monsieur le maire, de votre accueil et de votre beau discours qui a ramassé en peu de temps toute une histoire, la vôtre, toute une histoire, la nôtre.
- C'est en effet un vieux pays où les richesses de l'esprit se sont, depuis toujours, affirmées. Je connaissais déjà moins bien que vous, sans doute, certains de vos poètes, de vos écrivains, de vos savants dont la commune de Saint-Pierre n'est pas avare. Que de talents, et que d'accents, que d'éveils à la liberté et à la dignité de l'homme, exprimés d'abord par quelques intellectuels et partagés aujourd'hui par le peuple tout entier qui, en vérité, en a bien besoin, mais qui, lui aussi, a depuis longtemps pris conscience, et des réalités dont il souffre souvent, et des aspirations qui peuvent être les siennes, pour peu que la nation tout entière prête la main et contribue au développement de votre île. Je vous remercie donc. Devant cette belle assemblée, il m'est agréable de vous saluer, et de vous dire que j'aurais vraiment beaucoup regretté d'achever mon mandat sans être venu à votre rencontre, ici, à la Réunion. Et, pendant ces deux journées, j'aurai accumulé des images et des réflexions que suscitent partout les conversations, les rencontres, tout ce qui me vient de vous, et que je rapporterai en métropole.\
Mesdames et messieurs, j'ai bien écouté ce qui m'a été dit. Et, si je dois tirer quelques conclusions, certaines pourront paraître bien abstraites, et cependant, pour ceux qui les vivent très concrètes, purement concrètes : on ne fera rien, et vous ne ferez bien, sans la diffusion du savoir, sans une formation, c'est-à-dire, une éducation à toutes les disciplines théoriques et pratiques qui feront votre vie. Et ce que vous m'avez dit, monsieur le maire `Elie Hoarau`, de votre culture plurielle, mérite tous les égards. A la fois, il ne faut pas déraciner votre culture, et votre langage.
- Il faut respecter votre façon de penser, de sentir et d'agir. Et vous avez naturellement besoin de détenir ce moyen véhiculaire d'expression qu'est notre langue commune, le Français, qui a porté à travers le monde entier les grandes idées qui sont les nôtres. Il faut développer le savoir, et donc donner à l'éducation et à la formation - thème aujourd'hui développé par chacun et par tous, mais qu'il faut mettre en oeuvre, qu'on ne peut se contenter d'évoquer comme une perspective souhaitable, qu'il faut vouloir et qu'il faut imposer, pour que, dans toutes les catégories du peuple, et quelles que soient les latitudes, tout individu, dès sa naissance, dès sa jeunesse, dispose de l'égalité des chances.
- Si je voulais résumer cela, je dirais oui, formation, mais aussi production. Je vois la Réunion, et, comment n'apercevrais-je pas, toutes les dépendances dont elle pourrait peu à peu se délier, si elle en avait le moyen. Et le devoir national, de la France toute entière est de faire que ces moyens vous soient donnés. Donner, c'est beaucoup dire. Vous devez vous aussi compter, et d'abord sur vous-mêmes, produire les richesses et les biens qui vous permettront d'échapper à des tutelles inutiles, qui vous permettront d'être plus encore économiquement libres, ce qui, inévitablement, conduira également à une plus grande liberté, à une plus sûre dignité personnelle.\
Je vous invite, mesdames et messieurs - c'est vrai que vous avez ce deuxième centenaire de la Révolution française `1789`, mais enfin, il suffirait de relire les textes de base, ceux dont aucun orateur ne se dispense dans les discours les plus ordinaires, ou bien dans les discours les plus forts : car il y a de tout un peu dans ce récit historique, l'histoire de la liberté et celle de l'égalité, fraternité, c'est venu plus tard - vous l'avez rappelé - je veux dire sur les frontons des bâtiments publics, c'est venu plus tard avec la révolution de 1848. Liberté, égalité, fraternité, cela reste des mots et des concepts modernes, partout où ils sont ressentis comme une promesse et comme un engagement. Mais partout aussi où l'on sent bien que manque la liberté, que manque l'égalité et que la fraternité est absente.
- Eh bien, notre devoir collectif et d'abord le mien, au nom de la République française, c'est-à-dire au nom de tous les Français, c'est de le rappeler en toutes circonstances, voilà le premier devoir, voilà le premier programme. C'est un programme qui n'est pas, croyez-moi, de circonstance. C'est le programme permanent des républicains et des démocrates, c'est le programme de la France, depuis qu'elle s'est donnée la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et depuis qu'elle a franchi les étapes décisives, l'abolition de l'esclavage et la fin du colonialisme.
- Mesdames et messieurs, j'éprouve ces choses profondément et ce n'est pas d'aujourd'hui que je le dis. Il n'y a pas d'autre inspiration à l'action que j'ai voulu mener, et si des situations varient selon les groupes sociaux, selon les situations géographiques, économiques, il n'en reste pas moins que la devise est là, que l'objectif est là, que la dignité de l'homme reste, en dépit de tout et par-dessus tout, l'objectif d'une société civilisée, celle dont nos pères ont rêvé, qu'ils ont commencé de construire, et qu'il nous appartient de parachever. Et quand on dit cela à la Réunion, on sait de quoi on parle.\
Formation, production : vous devez vous rendre maîtres vous-mêmes des ressources qui sont les vôtres et compter sur la solidarité nationale. Décentralisation, je veux dire solidarité nationale, et responsabilité régionale et locale : oui, je me flatte d'avoir voulu la décentralisation, terme ou vocable un peu lourd, qui appartient à un langage plus proche de l'abstraction que de la réalité. Ca veut dire tout simplement, j'ai déjà employé ce mot à l'instant, cela veut dire plus de responsabilités à chacun et particulièrement à chaque élu là où il se trouve. Et quand on dit responsabilités, je répèterai les mêmes mots, plus on est responsable, plus on est libre.
- Il importait qu'un département comme le vôtre fût mis en mesure de décider lui-même de ce qui revient normalement à la connaissance et à la pratique de vie des Réunionnais et de ceux qui les représentent. C'est vrai de bien d'autres endroits puisque, comme vous le savez, la décentralisation s'applique à toutes les régions de France, métropoles et outre-mer, avec des aspects particuliers, c'est-à-dire une décentralisation plus poussée encore par les responsabilités consenties aux départements d'outre-mer.
- Il faut persévérer. La décentralisation, c'est-à-dire la possibilité donnée aux assemblées locales de décider elles-mêmes de ce qui relève de leurs compétences et des compétences élargies, doit s'accompagner de ce qu'on appelle, terme encore un peu lourd, la déconcentration, c'est-à-dire que Paris abandonne une partie de ses propres compétences au bénéfice de ses administrations locales pour que le dialogue soit direct entre l'élu et le représentant de l'administration. Encore faut-il savoir que très souvent le fait qu'il existe un pouvoir central, dont je défends la nécessité, permet plus souvent que sur place, de voir, d'examiner et de comprendre, l'ensemble des problèmes posés partout dans notre pays, et particulièrement dans les départements d'outre-mer. Eh bien, il faut trouver l'heureuse synthèse entre ce qui relève de l'Etat dans le domaine de la souveraineté et de la loi, et ce qui relève des assemblées locales et des populations. Il ne faut pas craindre d'être responsable, il faut y aspirer, il faut que la conscience publique s'élève et cela ne sera possible que si l'on donne à tous ceux qui s'expriment avec raison, dont la revendication est légitime quand elle est légitime, qu'il s'agisse des élus, qu'il s'agisse des syndicats, qu'il s'agisse de tous les représentants du travail, de la pensée et de l'action, que chacun ait le moyen de dire et autant que possible que chacun ait le moyen de faire.\
Je vous ai dit tout à l'heure, j'y crois profondément et il n'y aurait véritablement aucune signification à un engagement politique dans le bon sens du terme si l'on ne devait croire de tout son être aux causes auxquelles on a consacré son existence active. Et quand je me retrouve parmi vous, je sens en effet, mesdames et messieurs, chers concitoyens, chers amis, je sens à quel point vous attendez, vous espérez, vous êtes prêts à apporter votre contribution, vous attendez de la France et de la Réunion tout ce qu'il est possible d'attendre et d'espérer, et vous voulez vous-mêmes agir. Au fond, vous demandez qu'on vous fasse confiance. Eh bien moi je vous fais confiance.
- Je vous remercie de vos appels. Vous me dites "Mitterrand Président", c'est fait. Ce n'est pas la peine d'insister, ne confondons pas les temps du verbe. Bon alors, je viens ici en tant que Président de la République pour saluer et rencontrer, je le dirai une fois de plus, les populations de France, les élus de France, sans tout mélanger et en sachant fort bien la spécificité et le caractère particulier de l'Ile de la Réunion dont on m'a rappelé tout à l'heure l'histoire. Et c'est vrai, monsieur le maire, comme ce combat fut long, comme ce combat fut difficile ! Le temps qu'il a fallu, depuis la déclaration des droits de l'homme, jusqu'à l'abolition réelle de l'esclavage, le temps qu'il a fallu, depuis l'abolition réelle de l'esclavage jusqu'à la fin du système colonial ! Le temps qu'il faut encore pour se débarasser des séquelles, pour que les esprits soient enfin délivrés de ce rapport d'autorité sans fondement et qui doit se transformer peu à peu dans une fraternité vivante et une inégalité reconnue !
- Voilà, à Saint-Pierre je suis heureux d'être là, devant cette belle demeure communale, ou d'approcher vraiment votre réalité, votre vérité. Lorsque je serai dans l'avion de retour, je penserai à vous, avec émotion, joie et gratitude. Merci à vous toutes et merci à vous tous, merci, monsieur le maire, mesdames et messieurs les conseillers municipaux. Rassemblons-nous, autour de la République, aimons et servons la France car cela veut dire aimer et servir la justice, l'égalité, la dignité.
- Vive Saint-Pierre,
- Vive la Réunion,
- Vive la République,
- Vive la France.\
- J'ai un peu prolongé le temps accordé à l'orchestre, parce que je me suis aperçu que chaque fois que je viens dans une commune de la Réunion, la musique vous rassemble avant que je ne sois parmi vous, et elle se tait dès que je suis là. Si bien que je suis privé des accents, des talents et des rythmes réunionnais. Je viens donc de me rattraper pendant quelques minutes, en écoutant le groupe Quisanadi.
- Il est certain que les voyages dits officiels se prêtent moins que les autres à cette approche plus profonde de l'âme réunionnaise. Et lorsque j'étais venu précédemment, j'avais pu davantage m'attarder. Je me réjouis cependant d'être parmi vous aujourd'hui, et je vous remercie, monsieur le maire, de votre accueil et de votre beau discours qui a ramassé en peu de temps toute une histoire, la vôtre, toute une histoire, la nôtre.
- C'est en effet un vieux pays où les richesses de l'esprit se sont, depuis toujours, affirmées. Je connaissais déjà moins bien que vous, sans doute, certains de vos poètes, de vos écrivains, de vos savants dont la commune de Saint-Pierre n'est pas avare. Que de talents, et que d'accents, que d'éveils à la liberté et à la dignité de l'homme, exprimés d'abord par quelques intellectuels et partagés aujourd'hui par le peuple tout entier qui, en vérité, en a bien besoin, mais qui, lui aussi, a depuis longtemps pris conscience, et des réalités dont il souffre souvent, et des aspirations qui peuvent être les siennes, pour peu que la nation tout entière prête la main et contribue au développement de votre île. Je vous remercie donc. Devant cette belle assemblée, il m'est agréable de vous saluer, et de vous dire que j'aurais vraiment beaucoup regretté d'achever mon mandat sans être venu à votre rencontre, ici, à la Réunion. Et, pendant ces deux journées, j'aurai accumulé des images et des réflexions que suscitent partout les conversations, les rencontres, tout ce qui me vient de vous, et que je rapporterai en métropole.\
Mesdames et messieurs, j'ai bien écouté ce qui m'a été dit. Et, si je dois tirer quelques conclusions, certaines pourront paraître bien abstraites, et cependant, pour ceux qui les vivent très concrètes, purement concrètes : on ne fera rien, et vous ne ferez bien, sans la diffusion du savoir, sans une formation, c'est-à-dire, une éducation à toutes les disciplines théoriques et pratiques qui feront votre vie. Et ce que vous m'avez dit, monsieur le maire `Elie Hoarau`, de votre culture plurielle, mérite tous les égards. A la fois, il ne faut pas déraciner votre culture, et votre langage.
- Il faut respecter votre façon de penser, de sentir et d'agir. Et vous avez naturellement besoin de détenir ce moyen véhiculaire d'expression qu'est notre langue commune, le Français, qui a porté à travers le monde entier les grandes idées qui sont les nôtres. Il faut développer le savoir, et donc donner à l'éducation et à la formation - thème aujourd'hui développé par chacun et par tous, mais qu'il faut mettre en oeuvre, qu'on ne peut se contenter d'évoquer comme une perspective souhaitable, qu'il faut vouloir et qu'il faut imposer, pour que, dans toutes les catégories du peuple, et quelles que soient les latitudes, tout individu, dès sa naissance, dès sa jeunesse, dispose de l'égalité des chances.
- Si je voulais résumer cela, je dirais oui, formation, mais aussi production. Je vois la Réunion, et, comment n'apercevrais-je pas, toutes les dépendances dont elle pourrait peu à peu se délier, si elle en avait le moyen. Et le devoir national, de la France toute entière est de faire que ces moyens vous soient donnés. Donner, c'est beaucoup dire. Vous devez vous aussi compter, et d'abord sur vous-mêmes, produire les richesses et les biens qui vous permettront d'échapper à des tutelles inutiles, qui vous permettront d'être plus encore économiquement libres, ce qui, inévitablement, conduira également à une plus grande liberté, à une plus sûre dignité personnelle.\
Je vous invite, mesdames et messieurs - c'est vrai que vous avez ce deuxième centenaire de la Révolution française `1789`, mais enfin, il suffirait de relire les textes de base, ceux dont aucun orateur ne se dispense dans les discours les plus ordinaires, ou bien dans les discours les plus forts : car il y a de tout un peu dans ce récit historique, l'histoire de la liberté et celle de l'égalité, fraternité, c'est venu plus tard - vous l'avez rappelé - je veux dire sur les frontons des bâtiments publics, c'est venu plus tard avec la révolution de 1848. Liberté, égalité, fraternité, cela reste des mots et des concepts modernes, partout où ils sont ressentis comme une promesse et comme un engagement. Mais partout aussi où l'on sent bien que manque la liberté, que manque l'égalité et que la fraternité est absente.
- Eh bien, notre devoir collectif et d'abord le mien, au nom de la République française, c'est-à-dire au nom de tous les Français, c'est de le rappeler en toutes circonstances, voilà le premier devoir, voilà le premier programme. C'est un programme qui n'est pas, croyez-moi, de circonstance. C'est le programme permanent des républicains et des démocrates, c'est le programme de la France, depuis qu'elle s'est donnée la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et depuis qu'elle a franchi les étapes décisives, l'abolition de l'esclavage et la fin du colonialisme.
- Mesdames et messieurs, j'éprouve ces choses profondément et ce n'est pas d'aujourd'hui que je le dis. Il n'y a pas d'autre inspiration à l'action que j'ai voulu mener, et si des situations varient selon les groupes sociaux, selon les situations géographiques, économiques, il n'en reste pas moins que la devise est là, que l'objectif est là, que la dignité de l'homme reste, en dépit de tout et par-dessus tout, l'objectif d'une société civilisée, celle dont nos pères ont rêvé, qu'ils ont commencé de construire, et qu'il nous appartient de parachever. Et quand on dit cela à la Réunion, on sait de quoi on parle.\
Formation, production : vous devez vous rendre maîtres vous-mêmes des ressources qui sont les vôtres et compter sur la solidarité nationale. Décentralisation, je veux dire solidarité nationale, et responsabilité régionale et locale : oui, je me flatte d'avoir voulu la décentralisation, terme ou vocable un peu lourd, qui appartient à un langage plus proche de l'abstraction que de la réalité. Ca veut dire tout simplement, j'ai déjà employé ce mot à l'instant, cela veut dire plus de responsabilités à chacun et particulièrement à chaque élu là où il se trouve. Et quand on dit responsabilités, je répèterai les mêmes mots, plus on est responsable, plus on est libre.
- Il importait qu'un département comme le vôtre fût mis en mesure de décider lui-même de ce qui revient normalement à la connaissance et à la pratique de vie des Réunionnais et de ceux qui les représentent. C'est vrai de bien d'autres endroits puisque, comme vous le savez, la décentralisation s'applique à toutes les régions de France, métropoles et outre-mer, avec des aspects particuliers, c'est-à-dire une décentralisation plus poussée encore par les responsabilités consenties aux départements d'outre-mer.
- Il faut persévérer. La décentralisation, c'est-à-dire la possibilité donnée aux assemblées locales de décider elles-mêmes de ce qui relève de leurs compétences et des compétences élargies, doit s'accompagner de ce qu'on appelle, terme encore un peu lourd, la déconcentration, c'est-à-dire que Paris abandonne une partie de ses propres compétences au bénéfice de ses administrations locales pour que le dialogue soit direct entre l'élu et le représentant de l'administration. Encore faut-il savoir que très souvent le fait qu'il existe un pouvoir central, dont je défends la nécessité, permet plus souvent que sur place, de voir, d'examiner et de comprendre, l'ensemble des problèmes posés partout dans notre pays, et particulièrement dans les départements d'outre-mer. Eh bien, il faut trouver l'heureuse synthèse entre ce qui relève de l'Etat dans le domaine de la souveraineté et de la loi, et ce qui relève des assemblées locales et des populations. Il ne faut pas craindre d'être responsable, il faut y aspirer, il faut que la conscience publique s'élève et cela ne sera possible que si l'on donne à tous ceux qui s'expriment avec raison, dont la revendication est légitime quand elle est légitime, qu'il s'agisse des élus, qu'il s'agisse des syndicats, qu'il s'agisse de tous les représentants du travail, de la pensée et de l'action, que chacun ait le moyen de dire et autant que possible que chacun ait le moyen de faire.\
Je vous ai dit tout à l'heure, j'y crois profondément et il n'y aurait véritablement aucune signification à un engagement politique dans le bon sens du terme si l'on ne devait croire de tout son être aux causes auxquelles on a consacré son existence active. Et quand je me retrouve parmi vous, je sens en effet, mesdames et messieurs, chers concitoyens, chers amis, je sens à quel point vous attendez, vous espérez, vous êtes prêts à apporter votre contribution, vous attendez de la France et de la Réunion tout ce qu'il est possible d'attendre et d'espérer, et vous voulez vous-mêmes agir. Au fond, vous demandez qu'on vous fasse confiance. Eh bien moi je vous fais confiance.
- Je vous remercie de vos appels. Vous me dites "Mitterrand Président", c'est fait. Ce n'est pas la peine d'insister, ne confondons pas les temps du verbe. Bon alors, je viens ici en tant que Président de la République pour saluer et rencontrer, je le dirai une fois de plus, les populations de France, les élus de France, sans tout mélanger et en sachant fort bien la spécificité et le caractère particulier de l'Ile de la Réunion dont on m'a rappelé tout à l'heure l'histoire. Et c'est vrai, monsieur le maire, comme ce combat fut long, comme ce combat fut difficile ! Le temps qu'il a fallu, depuis la déclaration des droits de l'homme, jusqu'à l'abolition réelle de l'esclavage, le temps qu'il a fallu, depuis l'abolition réelle de l'esclavage jusqu'à la fin du système colonial ! Le temps qu'il faut encore pour se débarasser des séquelles, pour que les esprits soient enfin délivrés de ce rapport d'autorité sans fondement et qui doit se transformer peu à peu dans une fraternité vivante et une inégalité reconnue !
- Voilà, à Saint-Pierre je suis heureux d'être là, devant cette belle demeure communale, ou d'approcher vraiment votre réalité, votre vérité. Lorsque je serai dans l'avion de retour, je penserai à vous, avec émotion, joie et gratitude. Merci à vous toutes et merci à vous tous, merci, monsieur le maire, mesdames et messieurs les conseillers municipaux. Rassemblons-nous, autour de la République, aimons et servons la France car cela veut dire aimer et servir la justice, l'égalité, la dignité.
- Vive Saint-Pierre,
- Vive la Réunion,
- Vive la République,
- Vive la France.\