26 novembre 1986 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion de la réception du corps préfectoral, sur le rôle de l'Etat, Paris, Palais de l'Élysée, mercredi 26 novembre 1986.
Messieurs les ministres,
- Mesdames et messieurs,
- Je suis heureux de vous accueillir en ces lieux. C'est une sorte de tradition, du moins depuis quelques années. Vous venez de vous réunir au sein de votre association, et vous continuerez, je crois, vos travaux demain. Je m'en suis tenu informé £ aussi puis-je connaître vos préoccupations du moment qui rejoignent des préoccupations constantes.
- Votre charge est difficile. Elle présente des aspects spécifiques qui demeurent, quelle que soit la -nature de l'Etat, et vous vous trouvez affrontés généralement aux mêmes problèmes. Sans doute changent-ils de temps à autre mais votre responsabilité, à vous, est toujours d'affronter les difficultés de la vie quotidienne, au service de l'Etat.
- Nous vous avons imposé - je pense surtout aux membres du corps préfectoral ici présents - une rude épreuve avec la décentralisation ! ... La plupart d'entre vous l'ont abordée franchement, carrément. Et puis, c'était la loi ! Mais il n'empêche : c'était une rupture par -rapport à bien des coutumes, à des façons de faire et même à des façons de penser. Et la mise en place des assemblées, avec leurs nouvelles compétences, a nécessité de constantes mises au point, quelquefois même a conduit à procéder à une sorte de système de bascule qui a fait que de nombreux représentants de l'Etat se sont trouvés, soudain, sur la pente glissante, les assemblées exigeant plus qu'il ne leur était accordé.
- Et voilà que les membres du corps préfectoral ont été obligés de s'agripper à leur fonction, d'affirmer leurs personnalités en même temps que leur compétence sans cependant affronter directement - ce n'était pas recommandé - les nouvelles assemblées.\
Je vous ai déjà parlé de la décentralisation ces années dernières. Je n'y reviendrai pas. J'avais insisté l'année dernière sur le parallèle de la décentralisation qui s'appelle la déconcentration. J'estimais qu'il était difficile à un responsable, représentant de l'Etat, ici où là, d'être ce qu'il doit en face d'une revendication démocratique légitime mais parfois excessive s'il n'était pas détenteur de toute une série de compétences souvent retenues par les administrations centrales.
- Mais enfin, ceci est de la responsabilité, comme toujours, du gouvernement, responsabilité du ministre de l'intérieur et des ministres qui ont a se préoccuper de ces secteur. Et, je pense qu'ils y veillent, puisque il faut que vous vous sentiez toujours responsables de la bonne marche de l'Etat.
- Aussi cette année saisirai-je cette occasion pour vous donner quelques "signaux".
- La discussion sur la décentralisation, qui a animé les quatre années dernières, s'inscrit dans un mouvement général de la pensée contemporaine qui peut se résumer par une formule qui a valeur de slogan : "Moins d'Etat". Je le conçois très bien car, je n'ai jamais été de ceux qui pensent que l'Etat doit s'occuper de tout, partout et toujours.
- Discours facile à tenir, plus difficile à mettre en oeuvre puisqu'il va contre un mouvement général de nos affaires publiques, depuis fort longtemps. Depuis combien de temps ? Les uns disent : "Napoléon Bonaparte" d'autres diront les "Jacobins", d'autres remontent à "Colbert". Je pense que l'on pourrait remonter beaucoup plus loin encore, aller jusqu'à Philippe Auguste : voyez à quel point nous marquons ici une certaine continuité du tempérament français. Aller contre cela, c'est donc difficile.
- Mais enfin, le "moins d'Etat" est ressenti, profondément, comme une nécessité et je crois que c'est une nécessité : à force de centraliser, l'Etat a fini par se rendre victime de ses propres abus.\
"Moins d'Etat", je l'admets £ mais cependant un Etat ! Et vous devez, nous devons veiller à préserver l'Etat dans ses compétences fondamentales.
- Raisonnons avec bon sens. L'intérêt national exige que l'Etat intervienne quand cela est nécessaire à cet intérêt-même, et qu'il se retire quand ce n'est pas le cas. Le reste est appréciation d'opportunité, de bon sens, de sagesse, de connaissance des mécanismes publics.
- Or, quelles sont les compétences de l'Etat ? On les trouve clairement exprimées au travers des premiers articles de la Constitution, qui reprennent eux-mêmes les Constitutions antérieures, lorsque dans l'article 2 notre Constitution actuelle dit que la "France est une République indivisible". Si elle est indivisible il faut protéger son unité, mais qui le fera sinon l'Etat ?
- Laïque : qu'est ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu'il s'agit d'agir dans le respect des consciences, dès la formation des enfants. Et il faut bien qu'il y ait une école qui enseigne cela.
- Démocratique : eh bien, il y a des lois à respecter, il y a un ordre public à maintenir £ la démocratie ne se fait pas toute seule, elle doit imposer sa loi à tous les groupes qui souhaiteraient imposer la leur.
- Sociale : c'est tout un pan dont se préoccupe constamment l'Etat, même si, très heureusement, il a peu à peu préféré une politique contractuelle au système d'une législation permanente. Il n'empêche qu'il appartient à l'Etat de veiller à ce que la solidarité nationale s'exerce.
- Et le même article 2 de la Constitution poursuit en disant qu'il y a égalité des citoyens devant la loi. Qui veillera au respect de cette égalité sinon l'Etat ? Bien entendu, les organisations, les associations, les syndicats ont vocation d'y contribuer mais l'Etat a sa responsabilité propre.
- Enfin, il souligne cette idée fondamentale : le respect de toute croyance. Bien entendu toutes les croyances doivent elles-mêmes comprendre la nécessité de la loi qui s'impose à tous pour que, précisément, les libertés soient sauvegardées.
- On peut donc dire unité de la Nation, cohésion des lois, des règlements publics, respect de la loi, ordre public, sauvegarde des libertés, solidarité nationale. Le champ d'exercice de l'Etat, dont vous êtes les représentants, s'offre à nous et il est vaste. Et quelles que soient les lois qui retirent à l'Etat - et souvent à bon droit - un pouvoir d'intervention qui finissait par être abusif, ces devoirs-là, ceux que je viens de citer, sont les nôtres, mesdames et messieurs, ce sont les vôtres, ce sont les miens ! Un Président de la République est aussi le chef de l'Etat. Il doit veiller à ce que l'Etat, non seulement survive, mais s'affirme quand il commande l'intérêt général.
- C'est pourquoi, je voulais vous dire, que dans les domaines qui sont les vôtres, il convient d'abord, d'ordonner, de commander, d'observer une certaine intransigeance pour que l'Etat ne soit nulle part bafoué ou diminué là où il n'a pas à l'être. Et lorsqu'il ordonne, il doit être obéi.\
L'Etat n'a pas de fin en soi. L'Etat a en charge les objectifs d'une société, d'une communauté humaine. Nous, c'est la communauté française, c'est la nation française. Cette nation s'est fixé, assigné des objectifs : ceux que j'ai énumérés tout à l'heure, et qui sont dans l'article 2 de la Constitution et qu'on retrouve dans d'autres articles. Mais cette société essentiellement démocratique se veut une société de libertés. L'objectif majeur, c'est la sauvegarde des libertés pour l'épanouissement des individus ou des groupes normalement constitués, reconnus par la loi et qui cherchent à faire valoir leurs inspirations et leurs principes. L'objectif est aussi qu'aucun de ces groupes ne soit en mesure d'opprimer, de dominer l'autre en dehors de la loi naturelle ou plutôt imposée, celle du suffrage universel et du libre exercice de la démocratie.
- Si l'on connaît bien, si l'on définit clairement les objectifs d'une société, alors on sait à quoi sert l'Etat. Et l'Etat doit être un facteur éminent de liberté, chacun sachant fort bien que la liberté s'arrête là où elle entame, où elle empiète, où elle détruit la liberté des autres. l'Etat a donc un très grand rôle pour servir la justice entre les citoyens.
- Je ne chercherai pas beaucoup d'exemples. Je pense à celui qui, aujourd'hui, retient l'attention de tous : le terrorisme. C'est servir la liberté que de lutter sans compromis contre le terrorisme, contre toutes les violences. Jamais la violence ne doit avoir le dernier mot, dans aucun conflit, si notre société fonctionne d'une façon véritablement démocratique. Cette violence-là, qui nous est souvent imposée de l'extérieur, qui trouve parfois un aliment dans nos luttes intérieures, avec quelle résolution, mesdames et messieurs, souvent quel courage, quel esprit d'organisation et de méthode devez-vous l'affronter ! Que d'exemples nous sont offerts par les membres de vos corps qui ont su, devant le danger, devant toutes les formes de danger et de violence, les violences humaines, les violences de la nature, affirmer le courage tranquille, la résolution profonde de ceux qui préfèrent leur devoir à tout risque pouvant les menacer ou menacer le corps social et national.\
Ce terrorisme exige beaucoup de résolution de la part du gouvernement, de tous ceux qui ont la charge de l'exécutif. Il y a unanimité des assemblées, il y a le profond sentiment, la volonté, je crois indéfectible, de la nation dans sa profondeur. Mais voyez comme l'objet est souvent peu saisissable, comme la menace est diffuse et comme il convient d'entretenir l'esprit public dans le sentiment que l'Etat ne peut pas être défaillant. Cela repose sur la conscience que l'on en a mais aussi sur les capacités de courage, d'administration et de gestion, qui sont le propre de vos fonctions. Si vous êtes vous-mêmes membres de cette association, si vous appartenez au corps préfectoral ou à tous les corps aujourd'hui représentés dans cette salle, c'est bien parce que vous avez fait un choix : le choix sans doute de votre jeunesse, qui fait en même temps votre honneur et peut-être votre orgueil légitime. Soyez-en dignes : pour ma part, je n'en doute pas !
- Nous affrontons des temps difficiles, depuis déjà assez longtemps, et nous faisons face, tous ensemble : ayez conscience que, représentant l'Etat, vous justifiez l'Etat lorsque vous assurez avec la liberté, la sécurité des citoyens.
- Voilà, je ne voulais pas vous dire autre chose : le rôle de l'Etat, mesdames et messieurs, c'est un rôle qui me paraît à moi comme sacré. Il reste semblable à lui-même en dépit du temps qui passe et des évolutions de la loi. Et j'espère contribuer de la sorte à vos propres réflexions dont je sais qu'elles sont actives. Vous aimez l'Etat, tel que je vous connais, depuis l'époque lointaine monsieur le ministre de l'intérieur `Charles Pasqua` où j'étais votre prédécesseur, je dis lointaine parce que cela fait déjà, - je n'ose le dire - en tout cas plus de trente ans, mais sachez-le, le temps n'y fait rien. Le devoir est le même et je suis convaincu que la disponibilité et le dévouement ne changent pas. Je garde un bon souvenir du temps où je vous avais, quelques-uns d'entre vous, en charge. Je garde un bon souvenir d'une administration forte, disciplinée, active et souvent discrète, faisant très simplement ce qu'elle avait à faire.\
Je voudrais, mesdames et messieurs, saluer en même temps que les membres du corps préfectoral, et qui s'interrogent aussi sur leur propre fonction, les différents groupes de fonctionnaires qui ont répondu à mon invitation, tous ceux qui prennent part, ici ou là, dans cette immense administraiton, à l'édification de l'Etat dans ses fonctions d'autorité ou de conseil de l'autorité £ je pense à ceux qui oeuvrent pour l'instant aux lois de programme de réforme de la police. Je pense encore aux tribunaux administratifs qui ont été eux-mêmes réformés, - enfin adaptés : quand on dit adaptés il ne faut pas avoir la manie de la réforme - qui ont été adaptés aux obligations présentes. Toutes et tous, vous êtes les bienvenus ici au Palais de l'Elysée, là où réside le chef de l'Etat. Et vous aussi mesdames qui participez par votre vie familiale et privée et souvent publique, par vos obligations, qui en connaissez souvent la difficile vie quotidienne, qui apportez beaucoup dans vos relations, là où vous vous trouvez à l'image de l'Etat, bienveillante, présente, attentive et qui apportez peut-être aussi un charme nécessaire à des fonctions qui ne le sont pas nécessairement.
- Je vous remercie de vous être associés à l'oeuvre de ceux qui ont la charge de l'Etat. Voilà ce que j'entendais vous dire en attendant l'année prochaine. Je vous remercie.\
- Mesdames et messieurs,
- Je suis heureux de vous accueillir en ces lieux. C'est une sorte de tradition, du moins depuis quelques années. Vous venez de vous réunir au sein de votre association, et vous continuerez, je crois, vos travaux demain. Je m'en suis tenu informé £ aussi puis-je connaître vos préoccupations du moment qui rejoignent des préoccupations constantes.
- Votre charge est difficile. Elle présente des aspects spécifiques qui demeurent, quelle que soit la -nature de l'Etat, et vous vous trouvez affrontés généralement aux mêmes problèmes. Sans doute changent-ils de temps à autre mais votre responsabilité, à vous, est toujours d'affronter les difficultés de la vie quotidienne, au service de l'Etat.
- Nous vous avons imposé - je pense surtout aux membres du corps préfectoral ici présents - une rude épreuve avec la décentralisation ! ... La plupart d'entre vous l'ont abordée franchement, carrément. Et puis, c'était la loi ! Mais il n'empêche : c'était une rupture par -rapport à bien des coutumes, à des façons de faire et même à des façons de penser. Et la mise en place des assemblées, avec leurs nouvelles compétences, a nécessité de constantes mises au point, quelquefois même a conduit à procéder à une sorte de système de bascule qui a fait que de nombreux représentants de l'Etat se sont trouvés, soudain, sur la pente glissante, les assemblées exigeant plus qu'il ne leur était accordé.
- Et voilà que les membres du corps préfectoral ont été obligés de s'agripper à leur fonction, d'affirmer leurs personnalités en même temps que leur compétence sans cependant affronter directement - ce n'était pas recommandé - les nouvelles assemblées.\
Je vous ai déjà parlé de la décentralisation ces années dernières. Je n'y reviendrai pas. J'avais insisté l'année dernière sur le parallèle de la décentralisation qui s'appelle la déconcentration. J'estimais qu'il était difficile à un responsable, représentant de l'Etat, ici où là, d'être ce qu'il doit en face d'une revendication démocratique légitime mais parfois excessive s'il n'était pas détenteur de toute une série de compétences souvent retenues par les administrations centrales.
- Mais enfin, ceci est de la responsabilité, comme toujours, du gouvernement, responsabilité du ministre de l'intérieur et des ministres qui ont a se préoccuper de ces secteur. Et, je pense qu'ils y veillent, puisque il faut que vous vous sentiez toujours responsables de la bonne marche de l'Etat.
- Aussi cette année saisirai-je cette occasion pour vous donner quelques "signaux".
- La discussion sur la décentralisation, qui a animé les quatre années dernières, s'inscrit dans un mouvement général de la pensée contemporaine qui peut se résumer par une formule qui a valeur de slogan : "Moins d'Etat". Je le conçois très bien car, je n'ai jamais été de ceux qui pensent que l'Etat doit s'occuper de tout, partout et toujours.
- Discours facile à tenir, plus difficile à mettre en oeuvre puisqu'il va contre un mouvement général de nos affaires publiques, depuis fort longtemps. Depuis combien de temps ? Les uns disent : "Napoléon Bonaparte" d'autres diront les "Jacobins", d'autres remontent à "Colbert". Je pense que l'on pourrait remonter beaucoup plus loin encore, aller jusqu'à Philippe Auguste : voyez à quel point nous marquons ici une certaine continuité du tempérament français. Aller contre cela, c'est donc difficile.
- Mais enfin, le "moins d'Etat" est ressenti, profondément, comme une nécessité et je crois que c'est une nécessité : à force de centraliser, l'Etat a fini par se rendre victime de ses propres abus.\
"Moins d'Etat", je l'admets £ mais cependant un Etat ! Et vous devez, nous devons veiller à préserver l'Etat dans ses compétences fondamentales.
- Raisonnons avec bon sens. L'intérêt national exige que l'Etat intervienne quand cela est nécessaire à cet intérêt-même, et qu'il se retire quand ce n'est pas le cas. Le reste est appréciation d'opportunité, de bon sens, de sagesse, de connaissance des mécanismes publics.
- Or, quelles sont les compétences de l'Etat ? On les trouve clairement exprimées au travers des premiers articles de la Constitution, qui reprennent eux-mêmes les Constitutions antérieures, lorsque dans l'article 2 notre Constitution actuelle dit que la "France est une République indivisible". Si elle est indivisible il faut protéger son unité, mais qui le fera sinon l'Etat ?
- Laïque : qu'est ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu'il s'agit d'agir dans le respect des consciences, dès la formation des enfants. Et il faut bien qu'il y ait une école qui enseigne cela.
- Démocratique : eh bien, il y a des lois à respecter, il y a un ordre public à maintenir £ la démocratie ne se fait pas toute seule, elle doit imposer sa loi à tous les groupes qui souhaiteraient imposer la leur.
- Sociale : c'est tout un pan dont se préoccupe constamment l'Etat, même si, très heureusement, il a peu à peu préféré une politique contractuelle au système d'une législation permanente. Il n'empêche qu'il appartient à l'Etat de veiller à ce que la solidarité nationale s'exerce.
- Et le même article 2 de la Constitution poursuit en disant qu'il y a égalité des citoyens devant la loi. Qui veillera au respect de cette égalité sinon l'Etat ? Bien entendu, les organisations, les associations, les syndicats ont vocation d'y contribuer mais l'Etat a sa responsabilité propre.
- Enfin, il souligne cette idée fondamentale : le respect de toute croyance. Bien entendu toutes les croyances doivent elles-mêmes comprendre la nécessité de la loi qui s'impose à tous pour que, précisément, les libertés soient sauvegardées.
- On peut donc dire unité de la Nation, cohésion des lois, des règlements publics, respect de la loi, ordre public, sauvegarde des libertés, solidarité nationale. Le champ d'exercice de l'Etat, dont vous êtes les représentants, s'offre à nous et il est vaste. Et quelles que soient les lois qui retirent à l'Etat - et souvent à bon droit - un pouvoir d'intervention qui finissait par être abusif, ces devoirs-là, ceux que je viens de citer, sont les nôtres, mesdames et messieurs, ce sont les vôtres, ce sont les miens ! Un Président de la République est aussi le chef de l'Etat. Il doit veiller à ce que l'Etat, non seulement survive, mais s'affirme quand il commande l'intérêt général.
- C'est pourquoi, je voulais vous dire, que dans les domaines qui sont les vôtres, il convient d'abord, d'ordonner, de commander, d'observer une certaine intransigeance pour que l'Etat ne soit nulle part bafoué ou diminué là où il n'a pas à l'être. Et lorsqu'il ordonne, il doit être obéi.\
L'Etat n'a pas de fin en soi. L'Etat a en charge les objectifs d'une société, d'une communauté humaine. Nous, c'est la communauté française, c'est la nation française. Cette nation s'est fixé, assigné des objectifs : ceux que j'ai énumérés tout à l'heure, et qui sont dans l'article 2 de la Constitution et qu'on retrouve dans d'autres articles. Mais cette société essentiellement démocratique se veut une société de libertés. L'objectif majeur, c'est la sauvegarde des libertés pour l'épanouissement des individus ou des groupes normalement constitués, reconnus par la loi et qui cherchent à faire valoir leurs inspirations et leurs principes. L'objectif est aussi qu'aucun de ces groupes ne soit en mesure d'opprimer, de dominer l'autre en dehors de la loi naturelle ou plutôt imposée, celle du suffrage universel et du libre exercice de la démocratie.
- Si l'on connaît bien, si l'on définit clairement les objectifs d'une société, alors on sait à quoi sert l'Etat. Et l'Etat doit être un facteur éminent de liberté, chacun sachant fort bien que la liberté s'arrête là où elle entame, où elle empiète, où elle détruit la liberté des autres. l'Etat a donc un très grand rôle pour servir la justice entre les citoyens.
- Je ne chercherai pas beaucoup d'exemples. Je pense à celui qui, aujourd'hui, retient l'attention de tous : le terrorisme. C'est servir la liberté que de lutter sans compromis contre le terrorisme, contre toutes les violences. Jamais la violence ne doit avoir le dernier mot, dans aucun conflit, si notre société fonctionne d'une façon véritablement démocratique. Cette violence-là, qui nous est souvent imposée de l'extérieur, qui trouve parfois un aliment dans nos luttes intérieures, avec quelle résolution, mesdames et messieurs, souvent quel courage, quel esprit d'organisation et de méthode devez-vous l'affronter ! Que d'exemples nous sont offerts par les membres de vos corps qui ont su, devant le danger, devant toutes les formes de danger et de violence, les violences humaines, les violences de la nature, affirmer le courage tranquille, la résolution profonde de ceux qui préfèrent leur devoir à tout risque pouvant les menacer ou menacer le corps social et national.\
Ce terrorisme exige beaucoup de résolution de la part du gouvernement, de tous ceux qui ont la charge de l'exécutif. Il y a unanimité des assemblées, il y a le profond sentiment, la volonté, je crois indéfectible, de la nation dans sa profondeur. Mais voyez comme l'objet est souvent peu saisissable, comme la menace est diffuse et comme il convient d'entretenir l'esprit public dans le sentiment que l'Etat ne peut pas être défaillant. Cela repose sur la conscience que l'on en a mais aussi sur les capacités de courage, d'administration et de gestion, qui sont le propre de vos fonctions. Si vous êtes vous-mêmes membres de cette association, si vous appartenez au corps préfectoral ou à tous les corps aujourd'hui représentés dans cette salle, c'est bien parce que vous avez fait un choix : le choix sans doute de votre jeunesse, qui fait en même temps votre honneur et peut-être votre orgueil légitime. Soyez-en dignes : pour ma part, je n'en doute pas !
- Nous affrontons des temps difficiles, depuis déjà assez longtemps, et nous faisons face, tous ensemble : ayez conscience que, représentant l'Etat, vous justifiez l'Etat lorsque vous assurez avec la liberté, la sécurité des citoyens.
- Voilà, je ne voulais pas vous dire autre chose : le rôle de l'Etat, mesdames et messieurs, c'est un rôle qui me paraît à moi comme sacré. Il reste semblable à lui-même en dépit du temps qui passe et des évolutions de la loi. Et j'espère contribuer de la sorte à vos propres réflexions dont je sais qu'elles sont actives. Vous aimez l'Etat, tel que je vous connais, depuis l'époque lointaine monsieur le ministre de l'intérieur `Charles Pasqua` où j'étais votre prédécesseur, je dis lointaine parce que cela fait déjà, - je n'ose le dire - en tout cas plus de trente ans, mais sachez-le, le temps n'y fait rien. Le devoir est le même et je suis convaincu que la disponibilité et le dévouement ne changent pas. Je garde un bon souvenir du temps où je vous avais, quelques-uns d'entre vous, en charge. Je garde un bon souvenir d'une administration forte, disciplinée, active et souvent discrète, faisant très simplement ce qu'elle avait à faire.\
Je voudrais, mesdames et messieurs, saluer en même temps que les membres du corps préfectoral, et qui s'interrogent aussi sur leur propre fonction, les différents groupes de fonctionnaires qui ont répondu à mon invitation, tous ceux qui prennent part, ici ou là, dans cette immense administraiton, à l'édification de l'Etat dans ses fonctions d'autorité ou de conseil de l'autorité £ je pense à ceux qui oeuvrent pour l'instant aux lois de programme de réforme de la police. Je pense encore aux tribunaux administratifs qui ont été eux-mêmes réformés, - enfin adaptés : quand on dit adaptés il ne faut pas avoir la manie de la réforme - qui ont été adaptés aux obligations présentes. Toutes et tous, vous êtes les bienvenus ici au Palais de l'Elysée, là où réside le chef de l'Etat. Et vous aussi mesdames qui participez par votre vie familiale et privée et souvent publique, par vos obligations, qui en connaissez souvent la difficile vie quotidienne, qui apportez beaucoup dans vos relations, là où vous vous trouvez à l'image de l'Etat, bienveillante, présente, attentive et qui apportez peut-être aussi un charme nécessaire à des fonctions qui ne le sont pas nécessairement.
- Je vous remercie de vous être associés à l'oeuvre de ceux qui ont la charge de l'Etat. Voilà ce que j'entendais vous dire en attendant l'année prochaine. Je vous remercie.\