15 novembre 1986 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue du dîner offert par le Président de la République du Mali et Mme Moussa Traoré, sur les relations franco-maliennes et l'aide au développement, Bamako, le 15 novembre 1986.
Monsieur le président,
- Madame,
- Mesdames et messieurs,
- Mes premiers mots, seront pour remercier le peuple malien, son Président, ses dirigeants, de l'accueil qui nous a été fait dans ce pays £ remercier celles et ceux que j'ai pu rencontrer jusqu'à présent, et je me réjouis de pouvoir encore demain compléter ces rencontres, de retrouver parmi mes hôtes et amis maliens cette trace déjà éprouvée il y a maintenant près de quarante ans, qui m'a enseigné à quel point l'amitié des Maliens, dès lors qu'elle était assurée de la confiance des autres, était indéfectible.
- Je ne saurai trop insister sur le plaisir que j'ai de me trouver parmi vous, mesdames et messieurs, et à Bamako, capitale d'un pays au passé prestigieux.
- Pour avoir donné naissance à des empires et royaumes renommés, le Mali est entré tôt dans l'histoire. Les chroniqueurs arabes en ont décrit la prospérité. Votre tradition orale en transmet le souvenir avec passion et précision. Le nom de ces pays et ceux de leurs souverains sont dans toutes vos mémoires. Et puis les siècles, et puis les décennies depuis le début de ce siècle ont passé, cimentant avec force la conscience nationale de votre peuple. Situé vous l'avez dit, monsieur le Président, à un carrefour de civilisations, vous avez su fondre la diversité dans une vaste et remarquable solidarité politique et culturelle pour former une nation, je peux dire une grande nation. Que vous en soyez fiers est légitime : vous cultivez un sentiment national et collectif profond, celui d'appartenir à un peuple dont j'évoquais le passé mais dont le passé sert de tremplin à l'avenir.
- Au cours de cette histoire féconde, la rencontre du Mali et de la France occupe une place particulière £ elle marque le début d'une amitié exceptionnelle qui ne s'est jamais, ou si rarement, démentie, comme on dirait par "accident", chacun s'efforçant aussitôt de panser les blessures qui n'ont jamais été mortelles. Alors nous avons scellé une alliance solide, notre amitié a acquis une qualité singulière £ l'estime réciproque, le respect des choix faits par l'autre constituent les meilleurs fondements de cette entente. Elle a permis, ai-je dit, de surmonter tous les obstacles entre partenaires sur la scène internationale, égaux et solidaires. Et ce que j'ai moi-même vécu, les relations qui m'unissent au Président Traoré, la confiance qui s'est instaurée entre nous, me permet de penser qu'à travers ce temps, c'est bien là que se trouve l'une des racines de la civilisation africaine, c'est bien là que se trouvent les chances du futur.\
La France et moi-même monsieur le Président, mesdames et messieurs, croyez-le, mesure pleinement les difficultés auxquelles votre pays doit faire face sur la voie de son développement. Nous savons que le Mali, dont tant de voyageurs ont célébré la beauté des paysages - voyez celui-ci, ce paysage nocturne si vaste et si profond - et la dignité de ses habitants, oui, nous savons bien que ce pays est également frappé de durs handicaps naturels, encore aggravés par les périodes trop longues et récentes de sécheresse qu'il a subies.
- Nous savons que dans ce contexte difficile, vous avez engagé une politique courageuse de redressement afin de rétablir les équilibres financiers, de restaurer votre système monétaire notamment à la faveur de l'Union monétaire ouest-africaine, de restructurer les sociétés d'Etat, de réorienter l'appareil administratif, éducatif, que sais-je...
- C'est une politique de gestion sage et rigoureuse que vous menez. Vous vous efforcez d'en atténuer au maximum les conséquences sociales et cette lutte obtient déjà des résultats positifs dont les autres pays peuvent témoigner, surtout ceux qui sont vos compagnons, je veux dire la France.
- Depuis 1982, ces efforts ont à ma connaissance - je parle là en tant que responsable de mon propre pays - plusieurs fois suscité les éloges des institutions internationales elles-mêmes et, ce qui n'est peut-être pas plus aisé, des bailleurs de fonds, justifiant des -concours financiers nouveaux. La France, pour sa part, qui s'enorgueillit d'être votre premier partenaire, le premier partenaire du Mali pour l'aide au développement, s'efforce de répondre aux objectifs prioritaires que votre plan a fixés £ car c'est bien votre politique qu'il s'agit d'appliquer et nous ne sommes pas là pour la corriger ou la détourner, nous sommes là pour aider, contribuer, réussir.
- La France appuie sans réserve, à côté de vos autres partenaires extérieurs, votre stratégie alimentaire. Votre démarche au regard du marché céréalier, un relèvement des prix agricoles, le développement des initiatives de base, la promotion du paysannat sont autant de moyens qui viennent valoriser les opérations de développement rural, au financement desquelles vous participez régulièrement très volontiers.
- Nous avons, nous Français, vos invités de ce soir - ceux de quelques heures dont je suis, ceux qui demeurent parmi vous et que j'ai rencontrés ce soir, qui m'ont exprimé leur joie de se trouver au Mali - nous avons le sentiment que tous les progrès sont possibles et nous sommes heureux d'être associés aux réussites déjà engagées, enregistrées dans le développement de divers modes de culture : la culture vivrière, et cotonnière £ heureux d'avoir une part dans les entreprises du plus en plus nombreuses pour obtenir la maîtrise de l'eau, condition de la survie de la zone sahélienne. A côté de l'aménagement de petits périmètres irrigués comme celui, exemplaire, de Forgho, dans la région de Gao, les engagements nouveaux que la France vient de prendre à l'Office du Niger ont valeur de symbole. Nous entendons bien, en liaison avec les autres, apporter notre contribution à cette vaste -entreprise, qui doit ouvrir au Mali la perspective de devenir l'un des principaux pays céréaliers de l'Afrique.\
Mais vous vous intéressez également, et à juste titre, aux grandes infrastructures £ et nous sommes prêts, nous, de notre côté, à participer à la renaissance, en particulier, d'une Compagnie Air Mali dont la rentabilité d'exploitation serait assurée car il ne faut pas inverser le raisonnement - vous le savez bien - et la gestion que vous menez montre que l'on ne peut s'engager que dans des -entreprises dont on peut percevoir les chances de réussite.
- Outre ces interventions publiques, comment ne pas évoquer également ces "coopérations d'initiatives décentralisées" qui ont connu dans votre pays, ces temps derniers, un développement tout à fait remarquable ? De nombreuses régions françaises viennent s'ajouter désormais aux municipalités maliennes et françaises jumelées pour tisser au niveau local des liens variés et combien fructueux, nous en parlerons peut-être demain d'une façon plus personnelle encore à Tombouctou. Et je me souviens bien que la petite ville `Château-Chinon` que j'ai dirigée pendant un quart de siècle est précisément jumelée avec une ville de Mali.
- Parallèlement les organisations non gouvernementales françaises, au premier rang desquelles il faut placer les volontaires français du progrès (auxquels se joindront bientôt les volontaires européens du développement) trouvent ici au Mali un terrain d'action privilégié. Tous ces petits projets qui s'ajoutent les uns aux autres finissent par faire un grand programme et ce programme vous l'avez déterminé au service du développement.\
Si nous reconnaissons en vous, monsieur le Président, l'homme d'Etat qui, avec clairvoyance et courage, entouré de tous ceux qui prennent part aux équipes dirigeantes, a vraiment redressé l'économie, nous connaissons aussi le rôle que vous jouez sur la scène internationale, et je tiens à en témoigner en cette circonstance solennelle.
- Devenu malgré votre âge qui n'est pas le plus avancé, sans doute est-ce dû à la jeunesse qui était vôtre lors de votre accession aux responsabilités suprêmes, l'un des doyens de la région en tant que chef d'Etat et vous y disposez d'un capital d'estime et de confiance que j'ai pu constater comme tous pendant les heures que nous venons de vivre ensemble au 13ème sommet des Etats d'Afrique et de France.
- L'Organisation de l'unité africaine `OUA` vient de reconnaître la position que vous occupez sur la scène interafricaine en élisant le Mali - ce dont nous nous réjouissons - membre de son nouveau bureau directeur.
- Votre souci est de travailler au renforcement des solidarités économiques régionales et nous pensons que c'est voir juste. Le Mali est à l'origine de bien des organisations sous-régionales. Vous y remplissez un rôle actif ici-même à Bamako où se développent les activités du Centre d'énergie solaire, celles aussi de l'Institut du Sahel. C'est également sur votre sol que l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal construit cette oeuvre grandiose qu'est le barrage de Manantali. Nous avons pu en parler il y a moins de 48 heures en présence de M. le ministre de la coopération français `Michel Aurillac` qui se trouve parmi nous. Et je constatais en vous écoutant parler avec vos amis, nos amis du Sénégal et de Mauritanie, l'envergure d'un tel projet en même temps que je constatais notre étroite entente pour y parvenir dans des délais raisonnables. Nous sommes prêts quant à nous, je le dis hautement, à soutenir par des financements adaptés les efforts en vue de ce développement en quelque sorte "plurilatéral" dont le champ ne peut que s'élargir.\
Membre fondateur du mouvement des non-alignés, la pratique intransigeante que vous en avez et que vous venez d'exprimer rejoint, permettez-moi de le dire, en bien des points la politique suivie par la France. Assurément, de l'endroit où vous êtes, où se développe votre peuple, on ne peut avoir exactement les mêmes angles de vue qu'on les a dans un pays comme la France, pays européen. Mais l'important est que ces objectifs se rejoignent sur l'essentiel. Nous avons en commun le souci que ne s'instaure pas la loi des blocs militaires, de leurs affrontements qui tendent à dominer aujourd'hui la planète, qui ramènent tout à cette compétition et nous le regrettons autant que vous. Inlassablement, de par le monde, nous nous faisons vous et nous, les avocats de la paix, du développement et nous nous rencontrons dans nos volontés affirmées de respecter le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, l'indépendance, la souveraineté nationale de chaque pays, pour reconnaître ces droits des peuples qui ne peuvent être séparés des droits de l'homme. Eh oui ! Comment à propos de l'Afrique du Sud - vous l'avez fait - ne pas évoquer l'apartheid qui les bafoue et qui les nie ? La France, au Conseil de Sécurité, comme au sein de la Communauté européenne, au sommet des chefs d'Etat de France et d'Afrique, bref, partout où sa voix s'élève, a condamné et mis en accord ses paroles et ses actes, se trouve ainsi une fois de plus à vos côtés.\
S'agissant de l'ordre économique international, nous souhaitons comme vous son amélioration. Dès 1981, ouvrant à Paris la première conférence des Nations unies sur les pays les moins avancés, j'avais tenté de définir ce que devrait être une véritable coopération Nord-Sud. J'évoquais l'esprit de responsabilité partagée qui devait remplacer la méfiance ou bien l'indifférence. Je reconnaissais que tout processus de développement réclamait d'importantes disponibilités financières, plus de stabilité, de continuité dans les recettes des produits d'exportation.
- Depuis lors, l'assemblée générale des Nations unies s'est regroupée en une session extraordinaire, qui marque une étape dans nos efforts en se donnant pour enjeu exclusif la situation économique de tout un continent, le vôtre. Tous les problèmes ne sont pas abordés, l'avancée est timide. On observe déjà bien des freins mais il y a aussi ceux qui poussent en avant, nous en sommes, je tiens à l'affirmer ici. Il reste qu'un consensus de la communauté internationale a été obtenu sur un programme d'action qui fait référence expresse aux besoins de ressources extérieures supplémentaires qu'exige l'économie des pays africains, dès lors que ces derniers affirment leur détermination à remédier eux-mêmes aux pesanteurs de leur situation.
- Mesdames et messieurs, à cette occasion la France a souligné la nécessité de flux financiers nouveaux pour soutenir ces programmes d'ajustement. Elle a mis l'accent sur l'importance que revêt la régularisation des prix des matières premières, la stabilisation des cours des changes. Elle a confirmé solennellement sa volonté de concentrer sur l'Afrique ses efforts de coopération et d'y faire progresser, notamment par son aide publique au développement, la proportion de ce qui est donné par -rapport à ce qui est prêté.
- Il faut maintenant s'attacher au suivi des engagements pris de part et d'autre. La France, monsieur le Président, mesdames et messieurs, tiendra les siens.\
Partie prenante dans le dialogue Nord-Sud, le Mali l'est aussi dans cette belle -entreprise qu'est la francophonie. L'Afrique noire est souvent au premier rang de la lutte pour maintenir ce lien d'une culture universelle qui vient valoriser nos cultures nationales.
- Et je veux, monsieur le Président, saluer votre rôle personnel dans le premier sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui ont mis en commun l'usage du Français lorsqu'il s'est réuni au mois de février dernier. Je suis heureux que le Mali soit présent dans le Comité du suivi chargé de veiller à la mise en oeuvre des décisions prises au sommet de la francophonie.
- A chacune des dates de votre histoire récente, la nation malienne a su, vous l'avez dit vous-même, je vous cite "traduire son attachement aux grandes valeurs humaines, morales et culturelles qui font sa fierté et son ambition légitime de bâtir une nation moderne, forte et prospère".\
Depuis quelques années, vous ne cessez de proclamer la nécessité, quels que soient les sacrifices à consentir, de mener à bien le programme de restructuration que j'ai évoqué après vous, et que mettent en oeuvre, dans ce pays et sous votre impulsion, votre parti et le gouvernement.
- Je ne dirai pas une fois de plus que nous sommes solidaires de vos efforts, nous n'avons pas à nous mêler de la politique intérieure sinon pour apprécier les résultats qui concourent au développement général. Dans l'amitié agissante de la France croyez qu'elle vous accompagne dès à présent sur la voie que vous vous êtes tracée : c'est en tout cas ce que j'ai voulu vous faire entendre ce soir. Conscient du chemin qui reste à parcourir, nous sommes prêts, si vous le souhaitez, à poursuivre l'ensemble de ces démarches dans un esprit de responsabilité, dans un esprit d'égalité.
- Monsieur le Président, madame, puisque le moment est venu des toasts - cette tradition qui nous est commune pour évoquer ensemble toute une série de projets, pour affermir l'espoir, pour penser à ces choses de la vie quotidienne que sont la santé, l'amitié, l'amour, les liens d'une famille, les liens qui unissent et font la vérité d'un peuple - quand je lèverai mon verre dans un moment, retourné à ma place, je penserai d'abord à votre bonheur personnel, à celui des vôtres, de ceux qui vous sont chers, comme à l'adresse de tous nos amis Maliens ici présents, de tout ce qu'ils souhaitent, désirent et veulent et puis, dépassant cet admirable endroit, allant au-delà du fleuve Niger, considérant dans notre imagination le vaste territoire du Mali, son histoire, ses justes ambitions, je lèverai mon verre en disant bonne chance au peuple malien, bonne chance à vous tous mesdames et messieurs.
- Vie et prospérité. Je lève mon verre à la santé du Mali, de son Président et des siens, à la santé du peuple du Mali.\
- Madame,
- Mesdames et messieurs,
- Mes premiers mots, seront pour remercier le peuple malien, son Président, ses dirigeants, de l'accueil qui nous a été fait dans ce pays £ remercier celles et ceux que j'ai pu rencontrer jusqu'à présent, et je me réjouis de pouvoir encore demain compléter ces rencontres, de retrouver parmi mes hôtes et amis maliens cette trace déjà éprouvée il y a maintenant près de quarante ans, qui m'a enseigné à quel point l'amitié des Maliens, dès lors qu'elle était assurée de la confiance des autres, était indéfectible.
- Je ne saurai trop insister sur le plaisir que j'ai de me trouver parmi vous, mesdames et messieurs, et à Bamako, capitale d'un pays au passé prestigieux.
- Pour avoir donné naissance à des empires et royaumes renommés, le Mali est entré tôt dans l'histoire. Les chroniqueurs arabes en ont décrit la prospérité. Votre tradition orale en transmet le souvenir avec passion et précision. Le nom de ces pays et ceux de leurs souverains sont dans toutes vos mémoires. Et puis les siècles, et puis les décennies depuis le début de ce siècle ont passé, cimentant avec force la conscience nationale de votre peuple. Situé vous l'avez dit, monsieur le Président, à un carrefour de civilisations, vous avez su fondre la diversité dans une vaste et remarquable solidarité politique et culturelle pour former une nation, je peux dire une grande nation. Que vous en soyez fiers est légitime : vous cultivez un sentiment national et collectif profond, celui d'appartenir à un peuple dont j'évoquais le passé mais dont le passé sert de tremplin à l'avenir.
- Au cours de cette histoire féconde, la rencontre du Mali et de la France occupe une place particulière £ elle marque le début d'une amitié exceptionnelle qui ne s'est jamais, ou si rarement, démentie, comme on dirait par "accident", chacun s'efforçant aussitôt de panser les blessures qui n'ont jamais été mortelles. Alors nous avons scellé une alliance solide, notre amitié a acquis une qualité singulière £ l'estime réciproque, le respect des choix faits par l'autre constituent les meilleurs fondements de cette entente. Elle a permis, ai-je dit, de surmonter tous les obstacles entre partenaires sur la scène internationale, égaux et solidaires. Et ce que j'ai moi-même vécu, les relations qui m'unissent au Président Traoré, la confiance qui s'est instaurée entre nous, me permet de penser qu'à travers ce temps, c'est bien là que se trouve l'une des racines de la civilisation africaine, c'est bien là que se trouvent les chances du futur.\
La France et moi-même monsieur le Président, mesdames et messieurs, croyez-le, mesure pleinement les difficultés auxquelles votre pays doit faire face sur la voie de son développement. Nous savons que le Mali, dont tant de voyageurs ont célébré la beauté des paysages - voyez celui-ci, ce paysage nocturne si vaste et si profond - et la dignité de ses habitants, oui, nous savons bien que ce pays est également frappé de durs handicaps naturels, encore aggravés par les périodes trop longues et récentes de sécheresse qu'il a subies.
- Nous savons que dans ce contexte difficile, vous avez engagé une politique courageuse de redressement afin de rétablir les équilibres financiers, de restaurer votre système monétaire notamment à la faveur de l'Union monétaire ouest-africaine, de restructurer les sociétés d'Etat, de réorienter l'appareil administratif, éducatif, que sais-je...
- C'est une politique de gestion sage et rigoureuse que vous menez. Vous vous efforcez d'en atténuer au maximum les conséquences sociales et cette lutte obtient déjà des résultats positifs dont les autres pays peuvent témoigner, surtout ceux qui sont vos compagnons, je veux dire la France.
- Depuis 1982, ces efforts ont à ma connaissance - je parle là en tant que responsable de mon propre pays - plusieurs fois suscité les éloges des institutions internationales elles-mêmes et, ce qui n'est peut-être pas plus aisé, des bailleurs de fonds, justifiant des -concours financiers nouveaux. La France, pour sa part, qui s'enorgueillit d'être votre premier partenaire, le premier partenaire du Mali pour l'aide au développement, s'efforce de répondre aux objectifs prioritaires que votre plan a fixés £ car c'est bien votre politique qu'il s'agit d'appliquer et nous ne sommes pas là pour la corriger ou la détourner, nous sommes là pour aider, contribuer, réussir.
- La France appuie sans réserve, à côté de vos autres partenaires extérieurs, votre stratégie alimentaire. Votre démarche au regard du marché céréalier, un relèvement des prix agricoles, le développement des initiatives de base, la promotion du paysannat sont autant de moyens qui viennent valoriser les opérations de développement rural, au financement desquelles vous participez régulièrement très volontiers.
- Nous avons, nous Français, vos invités de ce soir - ceux de quelques heures dont je suis, ceux qui demeurent parmi vous et que j'ai rencontrés ce soir, qui m'ont exprimé leur joie de se trouver au Mali - nous avons le sentiment que tous les progrès sont possibles et nous sommes heureux d'être associés aux réussites déjà engagées, enregistrées dans le développement de divers modes de culture : la culture vivrière, et cotonnière £ heureux d'avoir une part dans les entreprises du plus en plus nombreuses pour obtenir la maîtrise de l'eau, condition de la survie de la zone sahélienne. A côté de l'aménagement de petits périmètres irrigués comme celui, exemplaire, de Forgho, dans la région de Gao, les engagements nouveaux que la France vient de prendre à l'Office du Niger ont valeur de symbole. Nous entendons bien, en liaison avec les autres, apporter notre contribution à cette vaste -entreprise, qui doit ouvrir au Mali la perspective de devenir l'un des principaux pays céréaliers de l'Afrique.\
Mais vous vous intéressez également, et à juste titre, aux grandes infrastructures £ et nous sommes prêts, nous, de notre côté, à participer à la renaissance, en particulier, d'une Compagnie Air Mali dont la rentabilité d'exploitation serait assurée car il ne faut pas inverser le raisonnement - vous le savez bien - et la gestion que vous menez montre que l'on ne peut s'engager que dans des -entreprises dont on peut percevoir les chances de réussite.
- Outre ces interventions publiques, comment ne pas évoquer également ces "coopérations d'initiatives décentralisées" qui ont connu dans votre pays, ces temps derniers, un développement tout à fait remarquable ? De nombreuses régions françaises viennent s'ajouter désormais aux municipalités maliennes et françaises jumelées pour tisser au niveau local des liens variés et combien fructueux, nous en parlerons peut-être demain d'une façon plus personnelle encore à Tombouctou. Et je me souviens bien que la petite ville `Château-Chinon` que j'ai dirigée pendant un quart de siècle est précisément jumelée avec une ville de Mali.
- Parallèlement les organisations non gouvernementales françaises, au premier rang desquelles il faut placer les volontaires français du progrès (auxquels se joindront bientôt les volontaires européens du développement) trouvent ici au Mali un terrain d'action privilégié. Tous ces petits projets qui s'ajoutent les uns aux autres finissent par faire un grand programme et ce programme vous l'avez déterminé au service du développement.\
Si nous reconnaissons en vous, monsieur le Président, l'homme d'Etat qui, avec clairvoyance et courage, entouré de tous ceux qui prennent part aux équipes dirigeantes, a vraiment redressé l'économie, nous connaissons aussi le rôle que vous jouez sur la scène internationale, et je tiens à en témoigner en cette circonstance solennelle.
- Devenu malgré votre âge qui n'est pas le plus avancé, sans doute est-ce dû à la jeunesse qui était vôtre lors de votre accession aux responsabilités suprêmes, l'un des doyens de la région en tant que chef d'Etat et vous y disposez d'un capital d'estime et de confiance que j'ai pu constater comme tous pendant les heures que nous venons de vivre ensemble au 13ème sommet des Etats d'Afrique et de France.
- L'Organisation de l'unité africaine `OUA` vient de reconnaître la position que vous occupez sur la scène interafricaine en élisant le Mali - ce dont nous nous réjouissons - membre de son nouveau bureau directeur.
- Votre souci est de travailler au renforcement des solidarités économiques régionales et nous pensons que c'est voir juste. Le Mali est à l'origine de bien des organisations sous-régionales. Vous y remplissez un rôle actif ici-même à Bamako où se développent les activités du Centre d'énergie solaire, celles aussi de l'Institut du Sahel. C'est également sur votre sol que l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal construit cette oeuvre grandiose qu'est le barrage de Manantali. Nous avons pu en parler il y a moins de 48 heures en présence de M. le ministre de la coopération français `Michel Aurillac` qui se trouve parmi nous. Et je constatais en vous écoutant parler avec vos amis, nos amis du Sénégal et de Mauritanie, l'envergure d'un tel projet en même temps que je constatais notre étroite entente pour y parvenir dans des délais raisonnables. Nous sommes prêts quant à nous, je le dis hautement, à soutenir par des financements adaptés les efforts en vue de ce développement en quelque sorte "plurilatéral" dont le champ ne peut que s'élargir.\
Membre fondateur du mouvement des non-alignés, la pratique intransigeante que vous en avez et que vous venez d'exprimer rejoint, permettez-moi de le dire, en bien des points la politique suivie par la France. Assurément, de l'endroit où vous êtes, où se développe votre peuple, on ne peut avoir exactement les mêmes angles de vue qu'on les a dans un pays comme la France, pays européen. Mais l'important est que ces objectifs se rejoignent sur l'essentiel. Nous avons en commun le souci que ne s'instaure pas la loi des blocs militaires, de leurs affrontements qui tendent à dominer aujourd'hui la planète, qui ramènent tout à cette compétition et nous le regrettons autant que vous. Inlassablement, de par le monde, nous nous faisons vous et nous, les avocats de la paix, du développement et nous nous rencontrons dans nos volontés affirmées de respecter le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, l'indépendance, la souveraineté nationale de chaque pays, pour reconnaître ces droits des peuples qui ne peuvent être séparés des droits de l'homme. Eh oui ! Comment à propos de l'Afrique du Sud - vous l'avez fait - ne pas évoquer l'apartheid qui les bafoue et qui les nie ? La France, au Conseil de Sécurité, comme au sein de la Communauté européenne, au sommet des chefs d'Etat de France et d'Afrique, bref, partout où sa voix s'élève, a condamné et mis en accord ses paroles et ses actes, se trouve ainsi une fois de plus à vos côtés.\
S'agissant de l'ordre économique international, nous souhaitons comme vous son amélioration. Dès 1981, ouvrant à Paris la première conférence des Nations unies sur les pays les moins avancés, j'avais tenté de définir ce que devrait être une véritable coopération Nord-Sud. J'évoquais l'esprit de responsabilité partagée qui devait remplacer la méfiance ou bien l'indifférence. Je reconnaissais que tout processus de développement réclamait d'importantes disponibilités financières, plus de stabilité, de continuité dans les recettes des produits d'exportation.
- Depuis lors, l'assemblée générale des Nations unies s'est regroupée en une session extraordinaire, qui marque une étape dans nos efforts en se donnant pour enjeu exclusif la situation économique de tout un continent, le vôtre. Tous les problèmes ne sont pas abordés, l'avancée est timide. On observe déjà bien des freins mais il y a aussi ceux qui poussent en avant, nous en sommes, je tiens à l'affirmer ici. Il reste qu'un consensus de la communauté internationale a été obtenu sur un programme d'action qui fait référence expresse aux besoins de ressources extérieures supplémentaires qu'exige l'économie des pays africains, dès lors que ces derniers affirment leur détermination à remédier eux-mêmes aux pesanteurs de leur situation.
- Mesdames et messieurs, à cette occasion la France a souligné la nécessité de flux financiers nouveaux pour soutenir ces programmes d'ajustement. Elle a mis l'accent sur l'importance que revêt la régularisation des prix des matières premières, la stabilisation des cours des changes. Elle a confirmé solennellement sa volonté de concentrer sur l'Afrique ses efforts de coopération et d'y faire progresser, notamment par son aide publique au développement, la proportion de ce qui est donné par -rapport à ce qui est prêté.
- Il faut maintenant s'attacher au suivi des engagements pris de part et d'autre. La France, monsieur le Président, mesdames et messieurs, tiendra les siens.\
Partie prenante dans le dialogue Nord-Sud, le Mali l'est aussi dans cette belle -entreprise qu'est la francophonie. L'Afrique noire est souvent au premier rang de la lutte pour maintenir ce lien d'une culture universelle qui vient valoriser nos cultures nationales.
- Et je veux, monsieur le Président, saluer votre rôle personnel dans le premier sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui ont mis en commun l'usage du Français lorsqu'il s'est réuni au mois de février dernier. Je suis heureux que le Mali soit présent dans le Comité du suivi chargé de veiller à la mise en oeuvre des décisions prises au sommet de la francophonie.
- A chacune des dates de votre histoire récente, la nation malienne a su, vous l'avez dit vous-même, je vous cite "traduire son attachement aux grandes valeurs humaines, morales et culturelles qui font sa fierté et son ambition légitime de bâtir une nation moderne, forte et prospère".\
Depuis quelques années, vous ne cessez de proclamer la nécessité, quels que soient les sacrifices à consentir, de mener à bien le programme de restructuration que j'ai évoqué après vous, et que mettent en oeuvre, dans ce pays et sous votre impulsion, votre parti et le gouvernement.
- Je ne dirai pas une fois de plus que nous sommes solidaires de vos efforts, nous n'avons pas à nous mêler de la politique intérieure sinon pour apprécier les résultats qui concourent au développement général. Dans l'amitié agissante de la France croyez qu'elle vous accompagne dès à présent sur la voie que vous vous êtes tracée : c'est en tout cas ce que j'ai voulu vous faire entendre ce soir. Conscient du chemin qui reste à parcourir, nous sommes prêts, si vous le souhaitez, à poursuivre l'ensemble de ces démarches dans un esprit de responsabilité, dans un esprit d'égalité.
- Monsieur le Président, madame, puisque le moment est venu des toasts - cette tradition qui nous est commune pour évoquer ensemble toute une série de projets, pour affermir l'espoir, pour penser à ces choses de la vie quotidienne que sont la santé, l'amitié, l'amour, les liens d'une famille, les liens qui unissent et font la vérité d'un peuple - quand je lèverai mon verre dans un moment, retourné à ma place, je penserai d'abord à votre bonheur personnel, à celui des vôtres, de ceux qui vous sont chers, comme à l'adresse de tous nos amis Maliens ici présents, de tout ce qu'ils souhaitent, désirent et veulent et puis, dépassant cet admirable endroit, allant au-delà du fleuve Niger, considérant dans notre imagination le vaste territoire du Mali, son histoire, ses justes ambitions, je lèverai mon verre en disant bonne chance au peuple malien, bonne chance à vous tous mesdames et messieurs.
- Vie et prospérité. Je lève mon verre à la santé du Mali, de son Président et des siens, à la santé du peuple du Mali.\