8 juillet 1986 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, devant la Communauté française de Moscou, le 8 juillet 1986.

Mes chers compatriotes,
- Nous avons pris quelque retard. Les conversations qui se déroulent depuis hier après-midi sont fort intéressantes et exigent parfois plus de temps que prévu. Nous sortons à l'instant - avec MM. les ministres qui m'accompagnent, M. le ministre des affaires étrangères, M. Raimond, M. le ministre du commerce extérieur, M. Noir, ainsi que M. Devaquet, pour l'enseignement supérieur - d'une longue conversation avec M. Gromyko.
- Nous venons vous voir comme je le fais ordinairement dans les pays où je me rends pour pouvoir, au-delà du très bref exposé que je suis conduit à prononcer, vous rencontrer, parler avec les uns, les autres. Non que ce soit suffisant, mais enfin cela me donne un aperçu, comme une impression de la façon dont vous vivez ou de vos préoccupations. En tout -état de cause je considère comme un devoir de venir vous rencontrer.
- Je remercie M. l'ambassadeur et Mme d'avoir bien voulu organiser cette réunion. Comme vous le voyez, ma femme m'accompagne, nous allons rester au total quatre jours en Union soviétique, trois jours à Moscou, un jour qui nous mènera pas très loin d'ici, mais assez pour voir autre chose, selon l'itinéraire que nous avons établi.
- Ces quatre jours nous auront servi à examiner en commun, surtout avec M. le secrétaire général Gorbatchev, l'ensemble des questions touchant aux affaires du monde, ainsi qu'à nos affaires bilatérales. Je dois dire que ces conversations se déroulent dans un climat très intéressant que je crois très utile. Utile, cela veut dire qui pourrait servir à quelque chose : d'abord à la paix et d'autre part à améliorer, si cela est nécessaire - cela paraît bien nécessaire dans bien des domaines - l'-état des relations franco - soviétiques, là où cela est véritablement évident.\
Vous vivez dans ce pays. Je ne sais qui vous êtes, mais je l'imagine aisément : les représentants de la France dans la fonction publique, à des -titres divers, qui doivent représenter, soit à -titre civil, soit à -titre militaire, une bonne proportion d'entre vous. Et puis, celles et ceux qui sont en Union soviétique pour des raisons professionnelles autres, de caractère commercial, industriel, technique, culturel, que sais-je encore ?
- Certains d'entre vous sont sans doute de très longue date en Union soviétique, d'autres n'y font que passer. C'est dire que nous avons là un ensemble d'impressions, d'expériences, de connaissances et de relations très variables, mais dont le tout s'appelle la communauté française en Union soviétique, qui représente, à sa façon, la France. Chacun d'entre nous a cette responsabilité. Ces responsabilités sont d'une -nature différente et concourrent au même objet : le meilleur service de notre pays.
- Soyez remerciés pour ce que vous y faites. Moscou c'est près et c'est loin. L'Union soviétique, cet immense pays n'a pas permis aux Français qui se trouvent à l'autre bout, là-bas, de venir jusqu'à nous. Mais, vous parce que vous êtes là, vous devez constamment vous trouver en relation, possibilité de correspondance, de conversation avec celles et ceux des Français qui connaissent le pays dans toute son étendue. J'allais dire dans toutes ses profondeurs.
- On a besoin d'en savoir plus, pour mieux se comprendre. Nous avons derrière nous quelques siècles d'approche et généralement - il faut le dire - presque toujours de bon accord. Il y a eu quelques phases de crises ou de conflits qu'il est facile de fixer dans l'histoire. Mais d'une façon générale, c'est l'accord qui a prévalu, sans doute parce que les intérêts étaient complémentaires.
- Eh bien aujourd'hui, nous recherchons à ce qu'il en soit ainsi de préférence bien entendu aux conflits. Surtout quand on sait que le conflit signifie le pire. Aucun de nos pays n'a d'intention offensive. Mais nous vivons, le monde vit dans un climat de méfiance. Et, il est très important de parvenir, par les relations qui s'établissent entre des membres du gouvernement français et les membres du gouvernement soviétique, entre moi-même et le secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique, de dissiper ce climat de méfiance. On peut dire que tel est le cas. Sur certains plans fort importants des conversations confiantes ont pu s'établir.
- Avec M. le ministre des affaires étrangères, en l'espace de quatre jours, nous nous sommes transportés de New York avec M. Reagan, à Moscou avec M. Gorbatchev, cela nous donne un paysage rassemblé, concentré, qui ne manque pas d'intérêt. J'espère, là encore, que la parole de la France aura pu mieux se faire comprendre. Le monde occidental et un autre monde, le monde d'ici même ont tout intérêt à s'entendre plutôt qu'à accroître les occasions de la querelle. En tous cas, telle est l'intention de la France.\
Maintenant, j'imagine que vous-mêmes qui êtes là, et qui pouvez trouver sympathique qu'on se retouve pour un moment, je pense que chacun d'entre vous vit ses difficultés. Elles sont de tous ordres. Et je suis convaincu que M. l'ambassadeur - qui représente notre pays ici - et ses agents s'efforcent d'apaiser ou de régler les problèmes difficiles. Ceux de l'éducation des enfants, ceux de la vie quotidienne, ceux des relations avec la France et pour un certain nombre d'entre vous, le retour en France, lorsqu'on revient dans notre pays, quelquefois on se trouve en situation instable. Nous cherchons à établir avec les communautés françaises qui se trouvent à l'étranger, une relation forte, constante et confiante.
- J'en ai assez dit. Je veux simplement que vous sachiez que, quel que soit votre nombre - et vous n'êtes pas l'une des communautés les plus importante qu'il y ait dans le monde, vous le savez bien - c'est une part de la France qui se trouve là, qui témoigne pour la France qui représente un pays dans sa diversité. Diversité qu'il faut accepter, même avec ses contradictions. Car finalement, vous formez un tout, et c'est ce tout qu'il faut savoir exprimer.
- Nous nous sommes efforcés d'exprimer la voix de la France dans nos conversations avec les personnalités que nous avons rencontrées. Maintenant, nous allons passer quelques moments avec vous. Cela me sera très agréable, plus agréable que de faire un petit discours de plus. Quand j'entends les autres, je pense qu'il vaut mieux se taire assez vite. Et, je m'applique donc à moi-même le raisonnement des réactions qui sont les miennes en d'autres circonstances.
- Et puis, vous connaître aussi peu que ce soit c'est une façon de gagner un peu dans la connaissance de notre propre pays. Vous allez entendre le chant de la Marseillaise. Nous l'écouterons comme il se doit. Je n'ai plus qu'à vous dire, vive la France et vive la République et à vous tous, mesdames et messieurs, mes chers compatriotes, bonne chance.\