17 avril 1986 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, en l'honneur des ministres des affaires étrangères et des finances des pays membres de l'OCDE, sur la situation économique internationale, Paris, Palais de l'Élysée, jeudi 17 avril 1986.

Mesdames,
- Messieurs les ministres,
- Monsieur le secrétaire général,
- Vous recevoir ici, dans ce Palais, dans cette salle où se sont déroulés bien des fastes de notre République, est pour moi une façon de rendre hommage à votre organisation et à vos travaux. Soyez donc tous les bienvenus.
- Votre réunion est chaque année une occasion exceptionnelle d'échanger des vues sur la situation économique mondiale, de formuler des recommandations sur les politiques à mettre en oeuvre afin de réfléchir à la situation des pays en développement alors que les sujets d'intérêt ne manquent pas, que dis-je, ils s'accumulent. Ne serait-ce que maintenant : baisse du pétrole, alourdissement de la dette du tiers monde, poursuite des déséquilibres monétaires, menaces protectionnistes, chômage. Je sais que vous en avez parlé aujourd'hui.
- La situation a beaucoup évolué depuis ce jour, il y a un peu moins de trois ans, où je vous accueillais ici-même et vous indiquais, au nom de la France, quelques voies qui me semblaient devoir être explorées pour améliorer le fonctionnement de l'économie mondiale. Certains s'en souviendront, j'avais précisément appelé à réduire les mouvements et les fluctuations erratiques des monnaies et à travailler au rétablissement d'un système monétaire plus stable, à préparer une conférence monétaire de haut niveau. Propositions, il faut le dire, accueillies d'abord avec scepticisme et qui, quand même, ont fait depuis lors leur chemin.
- Plusieurs étapes, vous le savez, ont marqué cette évolution : rapport du Gouvernement Dini remis aux ministres en juin 1985 £ prise de position de M. Baker `secrétaire d'Etat américain au Trésor` au cours de votre réunion de l'OCDE l'an dernier en faveur d'une telle réunion monétaire internationale £ position au demeurant réaffirmée récemment par le Président Reagan dans son discours sur l'état de l'Union de janvier dernier.
- J'ajoute la réunion des cinq ministres des finances à New York en septembre qui a décidé une action concertée pour faire baisser le dollar et puis des initiatives venues du tiers monde dans le sens que chaque pays a bien voulu déterminer et parfois, par des voix très écoutées. Ces prises de position sont toutes allées dans le même sens. Bref, les faits ont plaidé en faveur des thèses qu'avec beaucoup d'autres, la France a défendues.
- Le désordre n'est de l'intérêt de personne. La situation économique de nos pays en général s'est améliorée, chacun selon la voie qu'il a choisie. On constate les premiers -fruits de l'effort consenti.
- Vous savez qu'en même temps, la dette du tiers monde a considérablement augmenté, celle de l'Afrique plus encore £ que certains des pays les plus endettés sont sur la voie de céder au découragement £ que les mouvements erratiques des monnaies et des matières premières aggravent les tentations protectionnistes. Bref, il n'est pas concevable que les pays en développement puissent avoir pour seul horizon durant les quinze ou vingt années qui viennent, la récession ou même la stagnation. D'autant plus que le sort des créanciers et les débiteurs est lié.\
Quelques directions peuvent être tracées. C'est l'essentiel de vos travaux, de vos réflexions, de vos propositions. Elles nous sont bien nécessaires. J'en citerai six, sans commentaire, me contentant de les énumérer :
- la poursuite de la lutte contre l'inflation. Je crois que c'est la base de toute politique de redressement.
- Renforcer la justice sociale. Sans elle, quelle rigueur pourrait être acceptée ?
- La réduction des déséquilibres financiers, partout où ils se trouvent, internes et externes.
- L'aménagement de la dette. Les solutions peuvent être trouvées, elles sont difficiles. Mais c'est une priorité.
- La stabilisation du système monétaire international, j'y reviens. C'est naturellement une constante.
- Enfin, il faut maintenir ouvert - plutôt, que dis-je, élargir - le commerce international. Si on se referme sur soi-même, c'est le contraire même de ce qui est recherché, nous aurons tort tous ensemble et nos peuples y perdront.
- Enfin, mesdames et messieurs, je pense que si vous êtes là, c'est parce que notre monde, nos peuples et nos Etats disposent d'hommes de compétence et de volonté et je vous en remercie.
- Je souhaite un monde plus solidaire, plus tolérant, plus libre et plus prospère. Vous vous y consacrez. Mesdames et messieurs soyez-en remerciés et laissez-moi vous dire, au nom de mon pays, au nom de la France, que nous sommes très honorés de vous recevoir dans ces lieux pour célébrer la tâche qui est la vôtre.\