20 novembre 1985 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion du dîner offert à Son Altesse le Cheikh Khalifa Ibn Hamad Al Thani, Emir de l'Etat du Qatar, Paris, Palais de l'Élysée, mercredi 20 novembre 1985.

Altesse,
- Je vous rappelais, lors de votre arrivée sur l'aéroport d'Orly, cet après-midi, le séjour privé que vous aviez fait en France, en 1981, quelques semaines après mon élection à la présidence de la République, qui m'avait déjà valu le plaisir de vous recevoir à l'Elysée, bref de nouer avec vous un premier contact personnel. C'est aujourd'hui avec tout l'éclat d'une visite d'Etat que je tiens à vous dire l'amitié que nous éprouvons pour votre pays, et la réalité de la coopération qui nous unit.
- Depuis bientôt quinze ans, nos deux pays ont fait connaissance et ont, au fil du temps, appris à se comprendre et puis à s'apprécier.
- La France, qui entretient des relations anciennes avec le monde arabe, s'est particulièrement réjouie de l'accession de l'Etat du Qatar à l'indépendance en 1971.
- Que de chemin parcouru depuis cette date par votre pays ! Votre capitale, Doha, est devenue en quelques années l'une des plus belles cités du Golfe, cependant que sous votre autorité le Qatar connaissait un remarquable développement se dotant d'une infrastructure industrielle diversifiée et d'un réseau moderne de transports et de communications. Ces réalisations ont apporté à la population qatari des conditions de vie de haut niveau, tout en faisant généreusement participer des pays plus démunis à la prospérité générale de la dernière décennie.
- Le Qatar doit aujourd'hui affronter, comme d'autres, une conjoncture moins propice. Il le fait, je le sais, avec confiance car il dispose de ressources considérables. Je pense à l'acquis des investissements judicieux réalisés au cours des dernières années mais aussi aux gisement de gaz au large de la côte, parmi les plus importants du monde, dont Votre Altesse a décidé la mise en valeur. A ce vaste projet, pour lequel vous souhaitez mobiliser les forces vives de votre pays, la France est prête, comme par le passé, à apporter le concours de sa technologie, de son expérience et de ses hommes.\
Je n'aurais garde d'omettre l'attention particulière que vous n'avez cessé de porter à l'enseignement, à l'éducation. Aucun investissement n'est sans doute, à notre époque, plus indispensable et plus profitable que la formation intellectuelle, scientifique et technique de la jeunesse. La haute protection que vous accordez à votre université atteste une constante préoccupation afin de promouvoir des élites appelées à prendre en main le développement de la nation.
- La France souhaite, dans ce domaine, apporter comme ailleurs sa contribution et accentuer le rapprochement déjà si ancré dans nos habitudes, qu'il est facile de l'espérer. Nos universités, nos grandes écoles, civiles et militaires, nos instituts espèrent accueillir dans les années à venir un nombre croissant d'étudiants, d'ingénieurs et de cadres qatari, cependant que sur place se développe déjà et se développera la connaissance de la langue et de la civilisation françaises. Vous disiez à l'instant, Altesse, que votre dernier fils avait passé l'été en France pour apprendre notre langue.
- Permettez-moi, à cet égard, de vous dire combien nous sommes sensibles au souci que vous manifestez personnellement de favoriser dans l'Emirat notre culture et de nous ouvrir la radiodiffusion, bientôt la télévision nationales.
- Je me réjouis de mon côté que votre visite soit l'occasion de manifestations culturelles et artistiques qui permettront à mes concitoyens de découvrir et de mieux apprécier la musique, le folklore, la richesse archéologique du Qatar. Les archéologues français participent déjà activement à l'inventaire des sites et monuments islamiques du Qatar et si notre coopération trouve tout naturellement de larges secteurs où se déployer, c'est aussi parce qu'elle bénéficie d'un dialogue politique de qualité. Nos contacts personnels, je les ai évoqués, les visites de nos ministres, une appréciation voisine des grands problèmes internationaux en sont la meilleure illustration. Dans le domaine de la défense aussi, elle est là, exemplaire. Le Qatar a fait confiance à la France pour sa sécurité et je tiens à assurer à Votre Altesse qu'il peut continuer à compter sur le concours de mon pays.\
Nous savons, avec quelle pondération, quelle lucidité et quelle détermination vous menez la politique extérieure de l'Emirat, dans le souci maintes fois affirmé de contribuer par une nécessaire concertation, au règlement des conflits qui affectent le Proche-Orient et la région du Golfe.
- C'est également la voie que préconise mon pays. S'agissant du problème du Proche-Orient, je l'ai dit et redit, encore récemment au Président Moubarak, à M. Shimon Pérès et au Roi Hussein de Jordanie qui m'ont rendu visite à Paris, la France est disposée à s'associer à toute formule capable de conduire à une avancée significative dans la -recherche d'un règlement global et équitable pour les parties en question.
- Pour le conflit qui oppose depuis cinq ans l'Irak et l'Iran, nous souhaitons, comme le Qatar, que les Nations unies renforcent leur action, leur Secrétariat général aussi, en vue d'une solution qui tiendra compte des intérêts divers, mais aussi légitimes des pays aujourd'hui antagonistes. Nous sommes attachés à la sécurité, à la stabilité de votre région ainsi qu'au principe de liberté de navigation dans les eaux internationales.
- En réponse à la demande des Etats du Golfe, nous avons concouru à l'adoption des résolutions 540 et 552 du Conseil de sécurité des Nations unies, destinées à limiter l'extension des hostilités aux pays tiers et aux populations civiles. La sécurité du Golfe relève de la responsabilité des pays riverains. C'est pourquoi la France partage les préoccupations tout à fait légitimes du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe qui vient de se réunir à Mascate. Nous sommes tenus tout à fait informés des résolutions qui ont été prises. Votre Altesse se rappellera peut-être que j'avais tenu à en saluer la création, précisément il y a quatre ans lors de notre première rencontre. J'ai rappelé les termes d'amitié qui nous lient et qui nous lient en même temps à chacun des Etats qui composent cette instance. Je souhaite que les efforts du Conseil de coopération dont le rôle stabilisateur est à souligner contribuent à la réduction durable des tensions et au développement harmonieux d'un espace vital pour l'équilibre du monde. Quant au -plan économique, il y a place, on le sait bien, pour un dialogue entre le Conseil de coopération que je viens de citer et la Communauté européenne.\
Comme vous-même, la France juge essentiel de faire prévaloir les principes d'équité, de justice et d'humanité dans les relations internationales. Ce principe est facile à émettre, très difficile à mettre en oeuvre, il y faut de la patience, il y faut de la constance. Aussi son pays se rencontre-t-til avec le vôtre dans le souci d'adopter une politique d'assistance ou d'aide aux pays les plus déshérités, de combattre toutes les formes d'oppression ou de violence, qui, dans tant d'endroits de la terre, portent atteinte aux droits des peuples et à la dignité des individus. Ces principes et ces valeurs n'ont de limites ni dans le temps, ni dans l'espace, ils s'imposent à la conscience universelle.
- Dans cette -recherche toujours laborieuse, et souvent contrariée, d'un ordre international, les entretiens que j'ai eus et que j'aurai avec Votre Altesse, m'ont permis et me permettront de constater la convergence de nos analyses et de nos démarches.
- C'est donc avec conviction, avec satisfaction, que je vois le Qatar et la France se proposer les mêmes objectifs, c'est pourquoi il m'est très aisé de vous exprimer, pour terminer, les sentiments qui sont les miens.
- J'adresse à Votre Altesse et aux hautes personnalités qui l'accompagnent, mes voeux chaleureux, et l'assurance des sentiments d'estime, de sympathie et de fidélité aux engagements pris que la France et le peuple français réitèrent au peuple du Qatar. Je vous remercie.\