24 juin 1985 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à la mairie de Florac (Lozère), lundi 24 juin 1985.

Monsieur le maire,
- Mesdames et messieurs,
- Je suis très sensible à ces propos de bienvenue auxquels se sont ajoutées un certain nombre de considérations fort utiles qui, je l'espère, seront notées de près par les membres du gouvernement ici présents car la plupart d'entre elles sont ou bien du ressort de ce gouvernement ou bien de l'administration locale et, parfois, puisqu'il y a décentralisation et régionalisation, des autorités départementales et régionales.
- De toute façon, on sait bien que Florac, dans sa situation présente, petite capitale d'une admirable région, ne peut pas s'en tirer sans que joue la solidarité nationale, jusqu'au jour où un nouveau cours sera pris. Et vous l'avez vous-même dessiné, monsieur le maire, vous connaissez la lente dégradation de ce dernier demi-siècle. Vous avez parlé des conséquences des deux guerres et je sais à quel point les générations du feu ont été éprouvées. Quel drame ! Toutes vos familles meurtries, souvent sacrifiées. C'est un pays de lutte par ici. Il faut avoir lu la littérature de ces siècles derniers pour savoir que cette population, fière d'elle-même, désireuse d'assumer la liberté de sa pensée, a su affronter les pires périls. Mais tout cela a été payé cher et tout ce qui peut composer le paysage humain de la Lozère et, en particulier, des Cévennes, a présenté un effort quasiment surhumain dans lequel se sont perdus beaucoup des vôtres.
- Vous avez raison de le dire, la nature est restée intacte, vous avez su la protéger. Elle était, elle aussi, menacée et la source d'intérêts est considérable. Vous avez bien voulu le rappeler, chaque année je viens me promener par vos chemins, à la fin de l'été et il n'est pas de pays, en dehors de mon pays d'origine que j'aime pour les raisons que l'on devine, qui ait davantage attaché mon goût de la France.
- Nous venons de survoler, du Vigan jusqu'ici, ce pays fort admirable mais, en même temps, nous avons pu constater la destruction de l'habitat ancien. Il était facile d'apercevoir de quelle façon l'homme s'était retiré d'un certain nombre de vallées ou de plateaux. Eh bien ! il faut repartir du bon pied ! Vous me direz, ce n'est pas facile, c'est pour cela en tout cas que je vous ai envoyé le Premier ministre `Laurent Fabius` et aussi, cher monsieur le maire, un certain nombre de membres du gouvernement qui vont s'attacher à vous aider.\
Oui, vous avez les moyens de repartir. On vient d'un peu partout jusqu'ici. On n'y reste pas, l'hiver est dur, c'est du tourisme passager trop souvent. Mais il n'y a pas que cela. Vous avez les vallées, vous avez les rivières, vous avez les richesses de la nature, comme on dit de "l'environnement". Ce sont les sociétés de chasse et de pêche de Lozère que j'avais fait venir, dans le département que je dirigeais naguère, pour trouver un modèle de ce qu'il convenait de faire, non seulement pour la sauvegarde de la nature mais pour le plaisir de ceux qui aiment vivre dans la nature.
- Nous sommes là dans de vieux murs, nous avons traversé ces rues étroites, tellement typiques des moeurs de la Lozère. Croyez-moi, monsieur le maire, mesdames et messieurs, c'est pour nous un instant bref mais fort du voyage que j'accomplis et qui m'aura mené, ce matin, presque des rivages du Rhône pour aller demain soir dans les Pyrénées-Orientales. J'aurai fait un grand parcours, beaucoup de haltes, celle-ci restera dans ma mémoire, en tout cas dans ma mémoire affective.
- Quant au travail à faire, on l'a noté. Vous n'avez rien oublié, je crois, cher monsieur Chabrol, et nous partirons avec des munitions et certainement des arguments. J'espère qu'on vous rendra ces munitions tout autrement, c'est-à-dire par quelques investissements utiles. Ce n'est pas mon rôle de faire des promesses, je n'ai pas à me substituer au gouvernement mais le seul fait d'être parmi vous et de vous entendre va nous donner une force nouvelle pour vous aider, autant qu'il est possible, à passer le temps présent pour aborder les temps futurs, c'est d'ailleurs la fin de ce siècle, mieux outillés et préparés.
- Merci à vous, habitants de Florac et de la région, vos très belles rivières, leurs confluents, cette "Fleur des eaux", cette petite cité logée dans l'anfractuosité des Causses avec l'Aigoual de l'autre côté, croyez-moi, c'est une partie de la France à laquelle je tiens. Il faut qu'elle vive, on va s'y appliquer tous ensemble. Merci, Florac.\