14 juin 1985 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, dans la Salle "San Giovanni di Giovanni" Palais Pitti, Florence, vendredi 14 juin 1985, notamment sur l'union politique européenne.

LE PRESIDENT.- Je ne peux que confirmer ce qui vient d'être dit par le président du conseil des ministres. Je me prêterai comme lui aux questions qui seront posées.
- QUESTION.- Monsieur le Président, le président du conseil, M. Craxi, a parlé d'une avancée significative vers l'union européenne à Milan. Nous aimerions entendre votre sentiment sur les possibilités actuelles d'une telle avancée.
- LE PRESIDENT.- Nous en avons parlé, en effet. Mais il serait prématuré, monsieur Bortoli, d'approfondir maintenant. La France remettra un document à la Présidence italienne, rassemblant les éléments qui ont été réunis au cours de ces heures de travail et faisant -état d'autres suggestions. De telle sorte que c'est à la veille de Milan ou pendant Milan que je m'exprimerai à ce sujet. Je confirme cependant - comme je viens de le dire - l'essentiel des propos de M. le président du conseil des ministres italien. Ce travail d'aujourd'hui et d'hier a été extrêmement bien préparé. Les ministres ont pu aller directement aux faits, traiter de problèmes très concrets, aboutir à un nombre important d'accords. Quant à Milan, des précisions ont été apportées au cours des conversations entre M. le ministre des affaires étrangères et M. le ministre des relations extérieures `Roland Dumas` français, entre M. Craxi et moi. Mais je n'en dirai pas plus que ce qu'il a dit lui-même.
- La Présidence italienne sera saisie, de façon tout à fait précise, de la façon dont les Français approchent la rencontre de Milan. Ce document s'ajoutera d'ailleurs à beaucoup d'autres textes existants. Aujourd'hui, à moins que vous vouliez me poser une question concrète sur telle ou telle chose, je ne vais pas faire d'exposé général.
- QUESTION.- ..... quel est le sentiment.... concernant une possible conférence inter-gouvernementale qui remettrait en chantier un nouveau traité européen ?
- LE PRESIDENT.- Ce serait très bien. Ce serait encore mieux si elle réussissait et nous y travaillons, M. Craxi et moi.\
QUESTION.- (en italien).
- LE PRESIDENT.- A propos du terrorisme et de la position du gouvernement français, il faut le combattre sans merci. Pas de compromis possible.
- Deuxièmement, l'extradition. Chaque fois qu'un terroriste étranger aura été reconnu coupable par la justice de son pays, et reconnu comme pouvant être extradé par la justice française, une fois dépassée la phase judiciaire, quiconque sera coupable ou se sera rendu coupable de crime de sang, de complicité directe dans un crime de sang au niveau apprécié par la justice, sera extradé.
- M. Craxi et moi avons déjà parlé de ces choses, à Paris, par -rapport au passé. Et j'avais précisé que ceux qui étaient soupçonnés d'avoir participé il y a souvent de longues années à des actions criminelles, ceux qui sont venus en France au cours des douze ou treize dernières années, lorsqu'ils ne sont pas jugés coupables de crime de sang, lorsqu'ils se sont repentis, lorsqu'ils se sont assimilés à notre société, n'ont pas été poursuivis par l'administration française.
- Ceux d'entre eux qui continuent d'agir, - sur lesquels nos services de police exercent les contrôles nécessaires - seront extradés. Notre politique à l'égard de l'Italie sera la même que celle que nous pratiquons à l'égard de l'Espagne, à l'égard de l'Allemagne. La question ne s'est jamais posée entre nous lorsqu'il s'est agit de crime de droit commun, étant bien entendu que là passe souvent une frontière imprécise.
- S'il s'agit de renforcer la collaboration entre la France et l'Italie dans la -recherche et la répression du banditisme et du terrorisme, nous serons toujours d'accord.\
Pour ce qui concerne Eureka - on en a parlé tout à l'heure - les ministres compétents ont précisé leur point de vue, leur base d'accord. En particulier sur les ordinateurs de haute puissance, sur la robotique, sur les lasers industriels. Ils ont prévu des rencontres entre industriels responsables. Bref, ils ont avancé sur le chemin qui doit nous conduire à la communauté de technologies, communauté que nous ne pouvons pas définir à l'avance. Viendra qui voudra. Bien entendu c'est d'abord aux membres de la communauté des 10 ou des 12 que nous nous adressons. Viendra qui voudra ou qui participera, bien entendu. C'est donc très simple, et l'Italie est apparue comme tout à fait disposée à prendre une part active. Quant à savoir comment se redistribueront les crédits, pour la France, c'est clair : Ils se dirigeront vers Eureka. Pour l'Italie, c'est du domaine de sa souveraineté. Je ne vais pas répondre à sa place.\
QUESTION.- (en italien).
- LE PRESIDENT.- La France est pour une Europe politique par le moyen de l'union européenne à laquelle beaucoup pensent. Vous connaissez les compétences de l'actuelle Commission. Ses compétences sont grandes, elles peuvent être élargies. Mais elles sont économiques par la vertu du Traité même.
- Si donc il y a une France politique, il faut qu'elle se dote des instruments dont elle aura besoin. Donc d'un Secrétariat qui sera le Secrétariat de l'Europe politique. Mais il ne faut pas d'institutions supplémentaires, il y en a assez comme cela. Ce Secrétariat ne serait donc pas une institution, ce serait un organe de travail et de préparation.
- Donc, je réponds oui à votre question. Cela pourra s'appeler Secrétariat politique. Mais cet organe ne pourra être, bien entendu, que l'expression du pouvoir exécutif.
- QUESTION.- (en italien).
- LE PRESIDENT.- Même position.\
QUESTION.- Les mairies françaises commencent à distribuer le nouveau passeport européen que vous aviez présenté il y a un an à Fontainebleau. Il y a donc un passeport européen mais y a-t-il un esprit européen alors que nous avons vu, il y a deux jours, les négociations de Luxembourg achopper, sur quelques dixièmes de points, y a-t-il un esprit européen, c'est la question que je me permets de vous poser à vous et aussi à M. le Président du Conseil ?
- LE PRESIDENT DU CONSEIL.- (italien).
- LE PRESIDENT.- Le passeport européen est un bon témoignage qu'il existe un esprit européen, sans quoi ce passeport n'eût pas existé. La liste serait longue des réalisations déjà accomplies qui prouvent l'existence de l'esprit européen. Mais cet esprit n'a pas encore été assez vigoureux pour régler les points les plus sensibles où s'opposent les intérêts nationaux dont vient de parler M. le président du conseil des ministres italien. Voilà le travail qui reste à faire. C'est pourquoi empiètant sur ce qui sera dit à Milan, je dirai que l'un des problèmes principaux consiste à créer de nouvelles procédures pour que la décision européenne puisse échapper aux excés de l'unanimité.
- QUESTION.- (en italien).
- LE PRESIDENT.- Vous attendez une réponse peut-être ? Je vois qu'un grand silence s'établit. Moi je n'ai rien à ajouter à cela, je vous l'ai déjà dit, la France est tout à fait favorable à la création d'une unité politique de l'Europe, donc à élargir les bases qui furent établies au cours des décennies précédentes, dans la mesure où cela nécessitera des traités nouveaux, ou des articles nouveaux, la France sera prête à en débattre et sera disposée à les signer.\
Cette question pour les deux Présidents.- M. Craxi a parlé d'harmoniser la proposition Eureka avec la proposition du Président Reagan. Pendant vos rencontres, est-ce que vous avez cherché ou trouvé une manière de réduire les conflits ou les concurrences entre ces deux projets ?
- M. Craxi.- (italien).
- LE PRESIDENT.- Pour ce qui concerne la France, elle n'a pas à se poser ce type de question, donc elle ne connait pas de déchirement, tout ce qui pourra être fait pour Eureka de la part de nos partenaires sera bienvenu à nos yeux. Nous n'avons rien à dire sur le reste, c'est de leur propre ressort.\