9 décembre 1984 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, devant la communauté française du Zaïre à Kinshasa, dimanche 9 décembre 1984.

Mesdames et messieurs,
- Mes chers compatriotes,
- Je quitterai le Zaïre demain matin et je ne voulais manquer ce bref voyage par un départ sans vous avoir vus. Je le fais, chaque fois qu'il m'arrive d'aller à l'étranger pour retrouver les Français qui vivent là, profiter de leur expérience. Naturellement, ils sont très divers. Il y a ceux qui sont là depuis très longtemps. Il y a ceux qui sont de passage. Il y a ceux qui sont imbriqués à la vie sociale et économique de ce pays et chacun apporte quelque chose pratiquement d'irremplaçable : l'expérience d'un pays étranger francophone qui, à l'allure de sa démographie, sera dans 20, 25 ans un pays très peuplé. Cela représente un atout considérable pour le développement de notre rayonnement et vous en êtes vous-mêmes les porteurs.
- Je tenais à saluer ceux d'entre vous qui, à travers plusieurs décennies parfois, ont fait leur vie ici et ont contribué au développement et à l'évolution de cette Afrique où la France conserve des positions si fortes, et celles et ceux d'entre vous qui, au travers des différentes professions : enseignants, ingénieurs, agents de grandes sociétés, participent aux progrès en même temps qu'ils s'initient à la connaissance de populations riches de traditions où il y a beaucoup à apprendre.\
Les problèmes qui se posent à vous en France, en tant que Français de l'étranger, j'ai eu le temps d'en faire le tour. On retrouve quelques thèmes généraux où que soient ces Français. Je peux remarquer que celui qui se posait tout de suite c'était celui de l'éducation des enfants, leur instruction. Il y a des pays où vraiment il y a un sous-équipement dangereux. Ici, je l'ai déjà dit, dans ce pays francophone, les choses sont un peu différentes mais enfin, l'éloingnement de chez soi, le fait souvent d'être contraint de se séparer de ses enfants, cela reste un problème difficile.
- Des mesures ont été prises qui ont permis d'améliorer les couvertures sociales, comme on dit, et j'ai veillé à ce que la représentativité du Conseil supérieur des Français à l'étranger soit accrue dans les assemblées parlementaires mais aussi par la capacité d'interventions pour que vos intérêts soient représentés auprès de ceux qui décident.
- Puis il y a la vie quotidienne, cela, la vie quotidienne c'est vous qui la connaissez, c'est la vôtre et j'aimerais pendant quelques quarts d'heures, pouvoir circuler parmi vous. Bien entendu, nous ne pourrons pas avoir des conférences de travail avec chacun d'entre vous, cela nous mènerait peut-être un peu loin, mais tout de même une parole échangée ici ou là, une réflexion, une requête cela permet de faire davantage le tour des choses.\
Il y a bien longtemps que moi-même je suis venu au Zaïre, il y a quelques 37 ou 38 ans £ j'y suis revenu 5 ou 6 fois et j'ai une vue superficielle des choses. Comment prétendre connaître un pays comme cela dans des visites rapides ? Et pourtant rien ne remplace ces visites. La connaissance par dossier n'apporte pas grand chose : des chiffres et des statistiques et après tout l'essentiel vous échappe. Vous pouvez apporter précisément cette connaissance et cette expérience dont la France a besoin. Je crois savoir que les relations entre les différentes parties de la population sont bonnes. Il ne parît certain que les Français dans leur ensemble sont bien reçus, bien accueillis par les autorités Zaïroises, par la population Zaïroise. Cela c'est quelque chose d'important et vous vous devez à votre pays d'améliorer chaque fois que cela est possible la -nature de ces relations. J'en ai parlé au Président Mobutu, j'ai vu qu'il tenait - ce n'était que justice - à ce qu'on se rende bien compte que les Français ici étaient vraiment parmi les étrangers que l'on espérait, que l'on attendait, et que l'on accueillait.
- Vous observerez qu'au cours de ces trois dernières années la France, qui était le septième partenaire commercial du Zaïre, est devenue le deuxième, ce qui montre bien que par la foi il y a une certaine attitude des Français à bien saisir, à bien appréhender la réalité du Zaïre et d'autre part une faculté, une ouverture d'esprit du Zaïre lui-même. La France n'est pas si mal vue, elle est plutôt bien vue et si tel est le cas dans la compétition internationale c'est un atout, un atout très important. Je dois vous dire que cela est dû pour beaucoup à la qualité de votre présence et je vous en remercie.\
J'ai observé - je ne dirai pas par des détails mais par des choses apparemment mineurs - le souci qu'avaient les dirigeants du Zaïre et particulièrement le Président d'être très attentif aux affaires de la France, et aux problèmes de personnes. Problèmes qui, se situant sur le -plan pénal, sont parfois difficiles à résoudre. Ils ont été résolus. Des facilités ont été accordées pour que l'on se sente plus à l'aise. Après tout ici, c'est quand même assez loin, même s'il suffit de travers le fleuve pour retrouver un petit air de France, qui subsiste. Je me souviens bien, il y a deux ans lorsque je suis allé à Brazzaville, l'extraordinaire accueil de la population là-bas, eh bien je dois dire qu'ici où la tradition est différente, on sent de plus en plus un grand attrait qu'exerce notre pays.
- Le Zaïre est presque un continent à lui tout seul et ses richesses virtuelles pour être exploitées ont besoin d'investissements considérables, mais c'est quand même là, en l'espace d'une ou deux générations que l'on verra éclore toutes ces possibilités. Moi j'espère que les Français viendront de plus en plus nombreux. On me dit souvent qu'ils se trouvent assez mal en France je ne le crois pas mais j'ai l'impression qu'ils feraient bien d'aimer aussi aller à l'extérieur.
- Je suis moi très content, lorsque venant ici à Kinshasa, je vous retrouve pour savoir un peu ce que vous pensez. Maintenant c'est ce que je vais m'efforcer de faire. Dépensons le moins de temps possible avec un discours et passons-en le plus possible dans des conversations plus personnelles. C'est ce que je souhaite. Je suis ici accompagné de plusieurs membres du gouvernement : de M. Roland Dumas, nouveau ministre aux relations extérieures, de M. Nucci, ministre de la coopération, de M. Hervé, secrétaire d'Etat à la santé qui a participé hier avec moi à l'inauguration de l'Institut de recherches bio-médicales et puis un certain nombre de mes collaborateurs. On vous les présentera tout à l'heure, monsieur l'Ambassadeur n'y manquera pas.
- Mesdames et messieurs, je vous remercie d'avoir bien voulu passer un peu de cette soirée ici avec moi. Je suis sûr de pouvoir à mon tour vous saluer et nous allons quelques instants entendre les accents de la Marseillaise avant de descendre de cette tribune pour vous rejoindre.\