25 juin 1984 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à la mairie de Montsauche, lundi 25 juin 1984.

Monsieur le maire de Montsauche,
- Monsieur le maire de Planchez,
- Mesdames et messieurs,
- Vous imaginez aisément les souvenirs qui me viennent à l'esprit au moment où, devant cette mairie, je retrouve ces lieux et ces visages.
- Vous l'avez rappelé, à l'instant, c'est en effet en 1946 que, pour la première fois, je suis venu dans vos communes. Tout y était détruit : la mairie et ses alentours n'étaient que ruines. Les habitants vivaient dans des baraquements, hâtivements construits. Ils allaient souvent chez M. Pettilleau, tout à côté. Et, à Planchez, chez l'admirable M. Gervoise, qui mettait tant de coeur à l'ouvrage. Malgré la peine qu'il avait à se déplacer, il consacrait son temps, sa peine, ses efforts, ses espoirs à la reconstruction de son bourg.
- J'ai pu connaître, à ce moment-là, le grand courage et la détermination des habitants du Morvan, ceux qui, quelques années plus tôt, dans la Résistance, avaient, face à l'ennemi, tant de résolutions et tant de détermination pour servir leur pays.
- J'avais moi-même, dans d'autres lieux, M. Auchard a bien voulu le rappeler, connu d'autres maquis. Mais je dois dire qu'en apprenant à connaître le Morvan j'ai acquis la conviction qu'avec des Français de cette trempe, solides, résolus, facilement protestataires, difficiles à éprouver et si fidèles, amicaux, on pouvait toujours conquérir un avenir meilleur. Je vois maintenant Montsauche comme je pourrais vois Planchez, leurs maisons reconstruites et bien reconstruites, grâce au -concours des pouvoirs et des élus locaux. Le temps a passé, presqu'une génération. Les anciens, qui furent les premiers artisans de ce redressement, ont disparu. Apparaissent de plus jeunes, pour lesquels tout cela n'est sans doute que souvenir historique. Mais souvenir aussi marqué par la peine des familles : à Dun-les-Plages, demain, on célébrera les fusillés.
- Ici, vous venez de rappeler le sort de ces victimes et nos trois communes, associées dans le deuil, méditeront sur les leçons de ce passé tragique.\
Monsieur le maire, vous l'avez dit en peu de mots, d'une façon fort claire : oui, il faut savoir se réconcilier mais il faut aussi savoir garder en mémoire les causes de ces malheurs et de ces barbaries. Ce sont toujours les mêmes, le fanatisme et la volonté de puissance, le refus de comprendre les autres. Toutes ces intolérances contre lesquelles avec d'autres, je lutte de toutes mes forces pour que les Français si comprennent et fassent triompher leurs raisons, celles de l'esprit, avant que ne l'emporte celles du coeur, à moins que celles du coeur n'éclairent celles de la raison. Nous y parviendrons. Mais, ici même, je vois l'exemple permanent de ce que peut être le courage lorsqu'il sait dominer la souffrance.
- C'est avec joie que je me retrouve parmi vous, chers amis, par cette belle journée du début de l'été, grâce aux moyens de transports dont j'ai pu user. Et j'ai devant moi, à la portée du regard, la beauté du Morvan auquel je souhaite, prosépérité, bonheur - autant qu'il est possible, bien entendu - dans la vie. Et je souhaite aussi que soit assurée la permanence des vertus et des valeurs qui font qu'à travers les temps cette région a toujours été synonymé de la France. Vous le savez, il n'y a pas tellement de kilomètres à franchir pour retrouver les lieux-mêmes où, pour la première fois, fut réalisée, consacrée, engagée, l'unité de ce qui devait devenir la France.
- Je souhaite que les enfants instruits par leur maîtres, dont je connais la qualité, puissent s'inspirer de ces grands exemples de l'histoire et savoir que la mémoire historique est une façon de bâtir l'avenir.
- J'ai été sensible à votre invitation, monsieur le maire de Montsauche, monsieur le maire de Planchez. Pendant de très longues années, j'ai représenté ce canton : plus de trente ans. Et peu d'années ont passé depuis lors. Comment pourrais-je oublier ? J'emporterai ces souvenirs avec moi. Et je dois dire que dans la grande République française, il m'est permis de dire qu'il est quelques endroits privilégiés pour moi : celui-ci avant tous les autres.\
Mais, il faut dépasser le simple rappel des émotions ou des amitiés, il faut que vous sentiez tous que cette célébration du souvenir doit d'année en année, à traver les générations, marquer la suite des temps. Il faut puiser dans l'exemple de vos pères ou de vos frères - pour les plus anciens d'entre vous, il faut y trouver toutes les raisons de croire dans l'avenir de la France.
- J'en terminerai en rappelant que j'étais parmi vous, en effet, lorsque le Maréchal de Lattre de Tassigny est venu remettre les croix de guerre aux communes martyrs. Etaient rassemblés dans cette célébration les maquis, les victimes du Morvan, dont je retrouvais aussi la marque en visitant l'année dernière l'exposition sur la Résistance à Saint-Brisson. Perpétuez cette histoire, mesdames et messieurs vous en êtes dignes, croyez-le. Et si les travaux quotidiens sont souvent durs, si parfois l'espérance recule, devant les dures difficultés du monde actuel, il faut savoir que la volonté de l'homme et la volonté de la France triomphent finalement de tout cela. Parce que notre peuple a déjà fait la preuve qu'il avait pour lui les capacités nécessaires. J'y crois, mesdames et messieurs, plus que jamais.
- Vive Planchez !
- Vive Montsauche !
- Vive la République !
- Vive la France !\