16 décembre 1983 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'Assemblée de la ville, Belgrade, vendredi 16 décembre 1983.

Monsieur le président de l'Assemblée de la ville de Belgrade,
- Monsieur le président de la Présidence,
- Mesdames et messieurs les délégués,
- Comment ne pas être extrêmement sensible à votre démarche. Etre nommé dans ces conditions, et je ne m'y attendais pas, Citoyen d'honneur de la ville de Belgrade, a pour moi une grande signification. C'est un privilège, je le sais, tout à fait exceptionnel qui m'est ainsi accordé. J'en mesure la portée et la signification, puisque Belgrade, en ma personne, accueille aujourd'hui en son sein, la France et les Français. Et c'est aussi en leur nom que je vous remercie, et vous exprime le message de ma gratitude et de mon amitié.
- Le nom de Belgrade est l'un de ceux qui parlent à la conscience des hommes. Vous m'avez montré vous-mêmes les lieux où l'histoire s'est inscrite cruellement dans votre souvenir : les destructions multiples et les envahisseurs et chaque fois, le peuple triomphant, la résistance nationale et la reconstruction puisque dans cette ville, maintes fois meurtrie, ravagée au cours de deux millénaires d'histoire, chaque fois vous avez rebati. Des pierres ont pu tomber puis être remises l'une sur l'autre. L'âme, elle, est toujours restée intacte dans les jours de malheurs et dans les jours de gloire.
- Et ceux qui n'ont jamais cessé d'espérer, ce sont vos citoyens, monsieur le maire, ceux auxquels nous nous adressons au-delà de cette salle. L'histoire leur a donné raison. Aujourd'hui Belgrade est une grande métropole, une capitale prestigieuse, une ville qui peut s'enorgueillir de réalisations très grandes, quand ce ne serait que ce centre des congrès, peut-être l'un des plus modernes du monde. Mais aussi par bien d'autres choses : par les manifestations culturelles, par la qualité des échanges, sans doute aussi par la situation géographique qui fait de cette ville l'une des plus convoitée, l'une des plus recherchée et partant, l'une des plus disputée.
- Quelle force réside dans ce peuple, voisin de peuples plus puissants, ou du moins plus nombreux, longtemps assailli et dominé par des Empires, et qui sut toujours vivre, revivre, durer, imposer sa propre loi qui tient à son courage - on dirait en terme romain à sa vertu - mais aussi à sa foi dans sa propre destinée.\
J'ajoute que Belgrade a de multiples raisons d'être chère au coeur des Français. Mais je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup qui aient marqué autant d'attachement à la France, puisque le visiteur français ne peut pas se sentir complètement étranger lorsqu'il contemple le monument à la France où j'ai pu lire, parce qu'on me l'a traduite, cette phrase en Serbo Croate : "Aimons la France comme elle nous a aimé". Il est rare de lire un témoignage aussi sensible, un tel élan de gratitude qui pourrait être inversé, auquel nous pourrions répondre : "Aimons la Yougoslavie, comme elle nous a aimé".
- Lorsque l'on parcourt les rues - j'en ai ici une petite liste mais je ne sais pas si je prononcerai comme il le faut car cela doit être très difficile de prononcer en Serbo Croate - Pariska, Fransuska, Amiral Geprat et bien d'autres noms français signalent aux passants qu'il s'est passé beaucoup de choses entre nous. Sans oublier non plus ces soldats que j'ai rencontrés ce matin. Des survivants, survivants de toutes les épreuves et qui ont connu, il y a maintenant bien longtemps, dans leur jeunesse, l'un des drames les plus intenses des temps contemporains et qui ont été des vainqueurs, Français et Yougoslaves une fois de plus du même côté.
- Voilà donc une réception que je ressens profondément, Citoyen d'honneur de Belgrade, cela ne peut que m'inciter à vous connaître mieux. Laissez-moi vous dire, monsieur le maire, mesdames et messieurs les délégués, que votre pensée discrète, sensible et courtoise me donne une véritable joie, une sorte de fierté, je tiens à vous en remercier.
- Vive Belgrade !\