4 novembre 1983 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à la mairie de Rochefort (Charente-Maritime), vendredi 4 novembre 1983.

Monsieur le maire,
- Mesdames et messieurs,
- Voici une liste assez longue des problèmes importants et même difficiles qui se posent à votre ville. Je suppose qu'il en est de résolus. Mais je vois que nous avons beaucoup à faire, vous et moi, puis d'autres, mais vous aussi. Quand on vous dit "débrouillez-vous", cela veut dire que l'on vous fait grande confiance. Peu de maires de la région ont reçu pareil éloge. Mais c'est évident que le maire de Rochefort, avec une ville que vous disiez d'un peu moins de 30000 habitants, ne peut pas assurément entreprendre par ses seuls moyens les travaux auxquels le condamne, dirait-on d'une façon pessimiste, l'oblige ou l'invite de façon optimiste, le passé qui fût un grand passé.
- J'ai beaucoup connu le Rochefort d'il y a un demi-siècle. J'ai un peu perdu de vue celui d'aujourd'hui et je prends tout comme cela, d'un coup, en apprenant que vous n'êtes pas très satisfait d'un certain nombre de sujets, dont j'ai cru comprendre, en dépit de votre référence à votre statut de maire d'opposition, ce qui, je dois le dire, ne me gêne en rien, que vos difficultés n'ont pas commencé en 1981. En 1926 ? ah quand même c'était le cartel de gauche, une préfiguration.\
On a fermé votre arsenal, c'est vrai que l'hôpital est assez menacé, pour peu même que ne soit pas prise la décision. Mais là ou vous avez tout à fait raison c'est - un problème que j'ignorais - c'est qu'il paraît impossible que ces locaux restent sans emploi, digne de leurs qualités, digne de la ville. Impossible. En-raison de leur situation, ce serait voler un quartier indispensable à l'activité urbaine, en même temps, c'est un centre qui évoque pour tous les habitants de la ville, de la région de Charente-Maritime, presque, allais-je dire de façon mythique, cela toucherait presque au subconscient. Il ne le faut pas et je vais m'y appliquer. Je vous le répète j'ignorais ce problème particulier, car je n'avais pas fait l'assimilation entre l'hôpital et le local. Ce local, bon, il faut que plusieurs membres du gouvernement soient saisis, il faut que je saisisse en-particulier le ministre de la culture `Jack Lang`. Il faut que j'en parle au responsable de la mer, qui, quand même, a utilisé de façon intéressante une partie de la Corderie, je vais le voir dans un instant. Rochefort continue de vivre, de se développer, d'avoir des initiatives, je vous en félicite. Après tout, la puissance publique vous a donné un coup de main. Elle n'est pas du tout prête à y renoncer, et l'ampleur des problèmes que vous avez posés, dans un département qui lui-même est très gravemement blessé par la crise économique, fait qu'on ne peut être au four et au moulin et qu'on est bien obligés de planifier les aides à la région, au département, à la commune afin d'être équitables.\
Cependant, vous avez mis le doigt sur la plaie, c'est par la formation qu'il faut commencer. Vous m'avez dit que vous attendiez - et ceci j'y ai été sensible - depuis quatre ans, la modernisation, l'expansion de votre lycée d'enseignement professionnel. J'ai fixé cela en priorité au gouvernement, parce que je le répète à peu près dans toutes les villes ou je me rends, si l'on ne forme pas la jeunesse dès maintenant aux métiers qu'elle va exercer - plutôt qu'aux métiers que l'on ne fait déjà plus - alors la France sera soudain stoppée pour employer une expression de franglais, sera tout d'un coup arrêtée dans sa capacité d'affronter la concurrence internationale et surtout dans un domaine, la formation, la formation technique adaptée aux industries du siècle, de cette fin de siècle, du siècle prochain. Nous avons quelques chances de nous maintenir et même de nous affermir dans la situation de la troisième puissance mondiale dans ce domaine. Ce n'est pas le moment de perdre ce qui peut être un rang acquis et, même, d'aller disputer leurs marchés au Japon et aux Etats-Unis d'Amérique, ne me déplairait pas.\
Je ne puis examiner l'ensemble du document que vous venez de me soumettre. Je l'emporterai, je le communiquerai au gouvernement. Vous connaissez la Constitution que vous avez peut être votée et pas moi, mais dont je suis le gardien fidèle, ce qui est de mon devoir. Vous la connaissez, vous savez qu'il ne m'appartient pas de répondre à toutes les questions que vous m'avez posées, ou bien alors quelles motions recevrais-je d'un certain nombre des vôtres pour me faire valoir que le secteur réservé ne peut pas aller jusqu'à l'organisation des rives de la Charente. Enfin, cela m'intéresse quand même.
- Je me souviens, qu'à l'époque, à Jarnac-Charente, je lançais des bouteilles à la mer qu'était chargé de recueillir au passage, l'un de mes camarades qui était de Rochefort. Il ne les a jamais trouvées, c'était sans doute de sa faute, ou bien la nature rebelle de cette Charente paisible faisait sans doute que les bouteilles ne peuvent pas faire grand chemin, avant d'aller s'enfoncer dans les roseaux des alentours. Cela n'empêche pas que j'ai toujours gardé communication avec Rochefort et que je suis ravi de me trouver parmi vous cet aprés-midi.
- Cela est très intéressant pour moi, que de pouvoir voir certaines de vos réalisations. C'est ce que nous allons faire dans un instant. Bon, pour ce qui ne va pas, c'est enregistré. Il est un domaine qui m'a retenu plus que les autres, parce qu'il est davantage de mon domaine, qui est celui de l'utilisation d'un formidable matériau esthétique, historique qui participe de la vie même de Rochefort. Pour les autres je vais redistribuer entre les responsables, et puis vous aurez des réponses. Ne croyez pas que le voyage restera sans souvenir.
- Monsieur le maire, mesdames et messieurs, le moment est venu de poursuivre notre visite de Rochefort, d'aller parler du littoral de la mer. Je vous souhaite bonne chance et je vous dirai qu'en dépit des périls, on peut de plein coeur vous dire, ou dire avec vous : Vive Rochefort !
- Vive la République !
- Vive la France !\