26 août 1983 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'hôtel de ville d'Arles, vendredi 26 août 1983.

Monsieur le maire,
- Mesdames et messieurs,
- Ayant accepté l'invitation qui m'était faite de participer ce soir dans votre ville à une manifestation importante par son rayonnement, je ne pouvais manquer de venir vous saluer dans cet hôtel de ville où vous représentez la population, une population dont vous me dites fort justement qu'elle vit souvent dans la difficulté et en tout cas dans l'inquiétude.
- Chaque fois qu'il m'arrive pour une raison ou pour une autre - et cela m'arrive assez souvent - de me rendre dans une commune de France, je ne manque jamais d'aller saluer le premier magistrat `Jean-Pierre Camoin` de la ville. Et puisque vous avez bien voulu ajouter à cette tradition le souhait personnel que je puisse ici venir vous rencontrer, c'est donc bien l'occasion pour vous comme pour moi, comme pour la population de cette ville de parler quelques instants sérieusement des problèmes qui touchent l'ensemble de la population.
- Parler ici même est un honneur pour moi, non seulement parce qu'il s'agit d'une maison commune, d'un hôtel de ville - et quel hôtel de ville ! - qui, sur le -plan de l'histoire et des arts, a pris un rang très remarquable dans une société, la nôtre, dans un pays, le nôtre, qui n'en manque pas. C'est vrai que l'on a de quoi être fier d'être l'élu d'Arles, quelles que soient les vicissitudes et les changements, inévitables au demeurant, de la vie politique.
- Tous ceux qui ont eu, j'imagine, à assurer la destinée de cette ville en ont tiré ou en tireront le sentiment d'avoir accompli quelque chose d'important pour leur vie publique et j'imagine aussi pour leur vie privée, c'est-à-dire d'avoir accompli quelque chose d'utile.
- Un vieux pays qui a marqué l'histoire et qui à travers toute la France et bien au-delà, a un nom, une réputation. A travers le temps, ici se marque la permanence de la France : la langue, la culture, l'architecture, le caractère des habitants, l'équilibre entre ceux de la ville et ceux de la campagne. Tout cela compose un paysage, un visage d'harmonie que ne troublent pas les sentiments souvent fort vifs et l'expression plus vive encore des opinions et des idées dans un pays comme celui-ci.
- Je suis donc très sensible à la présence des conseillers municipaux et si, moi aussi, j'ai mes préférences, elles ne s'expriment pas dans le -cadre d'une rencontre où ce sont les élus, c'est-à-dire les représentants du peuple, qui viennent rencontrer le premier magistrat de la République.
- Ensemble et dans notre diversité nous sommes le corps social, politique, économique et moral de la France. Nul ne doit s'en sentir exclu.\
Avant de venir ici, sachant que je serai reçu dans cet hôtel de ville, j'ai naturellement pris connaissance des dossiers que j'approfondirai grâce aux documents qui m'ont été remis dans cette salle et aux indications qui me sont données par les uns et les autres. Pas simplement d'Arles, mais aussi de ses alentours, de cette très vaste commune de France où se marient les problèmes urbains et les problèmes de la campagne, les problèmes de l'agriculture. Tout cela lié par différentes activités industrielles ou touristiques qui font de ce pays l'un des plus vivants de France et cependant frappé ici et là par des déclins qui justifient, c'est vrai, votre inquiétude. J'ai prononcé le mot tout à l'heure.
- Je n'ignore pas que dans les années passées, c'était avant que j'eusse la responsabilité des affaires publiques, s'étaient déjà accumulés les nuages noirs et particulièrement pour les plus importantes industries de la ville en-matière de construction métallique, de "grosse chaudronnerie". Je n'ignore pas non plus que, devant cette déconfiture, des efforts utiles et finalement positifs ont été faits, transformant les constructions métalliques de Provence en constructions métalliques arlésiennes qui, elles-mêmes aujourd'hui s'interrogent, après le redressement initial des années passées, sur la capacité d'embauche pour peu que l'on ne s'inquiète pas devant des menaces de licenciement si devaient manquer les appuis nécessaires et particulièrement, bien entendu, les financements. Le fait d'être passé ici me permettra d'avoir davantage présents à l'esprit ces dossiers qui vous concernent tous.
- Je me souviens, parce que j'ai déjà eu l'occasion de vous connaître ou de connaître votre ville, votre commune, des discussions qui ont eu lieu en 1981 - 1982 autour de la riziculture. Je crois que les décisions françaises et européennes ont permis de repartir vers une production qui donne à la campagne d'Arles, qui donne à la Camargue, une chance de traverser cette époque difficile, une chance forte : la vie, la production, le travail en harmonie entre les travailleurs de la campagne et les pouvoirs centraux qui ont pour mission, pour devoir de ne négliger aucune des chances de la France.
- J'imagine que, dans ce mois d'août, dans vos rues, dans vos maisons, vivent et passent beaucoup de touristes. Et comme je les comprends. J'y suis venu moi-même à ce -titre plus souvent que vous ne pensez peut-être et tout simplement parce que j'aime venir par ici. Je complèterai mon information demain matin en comptant bien aller ici et là pour entendre de la bouche de ceux qui connaissent leur ville et qui l'aiment ce que l'on peut en tirer de meilleur.\
Nombreuses aussi sont dans cette ville les classes moyennes ou bien les représentants du secteur tertiaire, les représentants des services. J'ai vu que des problèmes se posaient pour que l'hôpital d'Arles, qui est un hôpital important, puisse connaître un développement nécessaire. Bref, je ne vais pas énumérer l'ensemble des problèmes. J'en cite quelques-uns simplement pour vous montrer que s'il ne m'est pas donné dans ma vie de consacrer beaucoup de temps à ce qui serait simplement des loisirs, bien que cela soit permis à tous les Français et en-particulier au Président de la République, j'associe toujours l'un et l'autre estimant que tout peut être utile pour mieux connaître mon pays et les besoins des Français.
- Vous y avez contribué, monsieur le maire, je vous en remercie. Je n'ai négligé aucun des aspects de votre allocution de bienvenue, en-particulier le souci que vous avez de voir l'Etat remplir son rôle. Vous n'ignorez pas d'ailleurs - vous en avez aujourd'hui l'application vécue - que les lois de décentralisation vont donner aux collectivités locales des pouvoirs et des compétences qu'ils ne connaissaient pas et qui leur permettront d'affirmer leur personnalité, de résister à un excès de centralisme qui a marqué pendant deux siècles la vie française.
- Et vous aviez raison de dire que pour autant il ne faut pas que l'Etat considère que tout ayant été fait, il lui faut maintenant se désintéresser de tout. Il reste encore quelques dispositions à prendre pour compléter les lois de décentralisation et il restera ensuite à harmoniser du mieux possible la relation entre deux pouvoirs qui restent forts : celui de l'Etat, représentant de la République, l'ensemble de la Nation et celui des communes qui se trouve aujourd'hui plus actif que jamais.
- Assurément il faut bien vivre à l'intérieur d'un même budget. Encore faut-il savoir user de ce budget de telle sorte que tout ce qui est vivant, tout ce qui est investissement, producteur de richesses, soit préféré à la dépense inutile. Bref, la créativité - on peut prononcer ce mot, en Arles - la créativité, l'épanouissement, la capacité de l'homme à imaginer, à inventer, à s'affirmer au travers de ces productions, c'est cela qu'il faut choisir. C'est en pariant sur l'avenir dans le présent - et c'est aujourd'hui - plutôt que de s'attarder aux rivalités et aux disputes du passé, c'est dans la construction de l'avenir que la France trouvera la réponse aux questions que la crise internationale lui pose.\
Monsieur le maire, mesdames et messieurs, j'aurai l'occasion tout à l'heure de rencontrer dans votre ville le ministre des affaires étrangères `Erwin Lanc` d'un pays ami. Il était normal qu'il vint jusqu'ici puisque c'est son pays qui se trouve ici représenté dans la manifestation dont je parlais. J'aurai l'occasion aussi en cette circonstance d'élargir ma conversation à certains problèmes internationaux.
- Je dois dire que c'est cette invitation qui me l'a permis, c'est cet accueil qui me permet d'y insister. Je vous le répète peu m'importe en ces instants, peu m'importe les choix des uns et des autres dès lors que je sens à quel point les Français aiment la France et entendent la servir.
- Vive Arles ! Vive la République ! Vive la France !\