5 mai 1983 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue du dîner offert en l'honneur de M. Zhao Ziyang, Premier ministre de la République populaire de Chine, à la Résidence de France, Pékin, jeudi 5 mai 1983.

Monsieur le Premier ministre,
- Mesdames et messieurs les ministres,
- Mesdames et messieurs,
- Au moment où s'achève mon troisième séjour à Pékin, et avant de visiter plusieurs de vos provinces, je veux, à travers vous, monsieur le Premier ministre, remercier les autorités de la République populaire de Chine de l'accueil qui m'a été réservé ainsi qu'à mes compagnons de voyage, ici, pendant ces deux premier jours.
- La qualité des entretiens que j'ai pu avoir avec le président Deng Xiaoping, avec le secrétaire général Hu Yaobang, avec vous-même, monsieur le Premier ministre, les échanges approfondis et concrets entre les représentants chinois responsables et les responsables français, m'ont convaincu d'une chose : la France et la Chine peuvent aujourd'hui ouvrir un chapitre nouveau dans la longue histoire de leurs relations. Longue histoire, en effet : ce n'est pas d'hier qu'il existe entre nos deux peuples une sympathie naturelle, entre nos deux pays pourtant si éloignés, des affinités de l'esprit et du coeur qui les ont toujours rendus attentifs l'un à l'autre.
- Dans son poème à un ami, Zhou En lai écrivait en 1920, je le cite : "Tu as pris ta décision, rassemblé ton courage, tu es porté par la volonté de te battre. A-partir de ces rivages, tu traverseras les mers de l'Orient, les mers du Sud, la Mer Rouge et la Méditerranée dont les vagues et les courants bondissant et roulant au loin te porteront vers les côtes de la France, terre de liberté".
- Il nous montre le chemin, monsieur le Premier ministre. Je vous le dirai dans un moment, nous vous y attendrons avec joie. A quoi répondent de très nombreux écrivains et poètes français. J'en ai choisi un témoignage, il est de Victor Segalen : "L'histoire chinoise est, à travers 4000 années, le monument le plus continu, le plus homogène, le plus complet, le plus authentique de la mémoire humaine". Plus près, beaucoup plus près de nous, la France est fière d'avoir été l'une des premières nations à saluer l'émergence sur la scène mondiale de la Chine nouvelle, l'une des premières à comprendre sa volonté d'indépendance, l'une des premières à lui rendre sa place et son rang dans les affaires du monde.\
Je vous l'ai déjà dit, la reconnaissance de la République populaire de Chine par la France date de 1964. Mais plusieurs de vos invités actuels y sont venus beaucoup plus tôt afin de présenter à notre pays la France, la Chine trop inconnue. M. Maurice Faure, ici présent, président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, est venu en Chine en 1955, et moi-même j'étais là en 1961. C'est-à-dire que nous avions pris un peu d'avance sur l'histoire - mérite qui est au demeurant rarement reconnu -. Le vingtième anniversaire, l'an prochain du rétablissement des relations diplomatiques entre nos deux pays, permettra de mesurer l'importance du chemin parcouru, et j'espère bien que nous aurons l'occasion de célébrer cet anniversaire.
- Monsieur le Premier ministre, bien que leur taille et leur situation soient différentes, nos deux pays ont des responsabilités mondiales du même ordre. Il ne pouvait donc y avoir de sujet politique écarté de nos entretiens, et sur la presque totalité des problèmes graves, qui se posent aujourd'hui dans le monde, la France et la Chine en ont fait déjà des analyses proches. La Chine et la France se retrouvent côte à côte dans leur volonté de dialoguer avec tous mais de ne dépendre de personne, d'assurer et de développer par elles-mêmes leur indépendance et, partant, leur sécurité. La France, comme la Chine, soutient partout dans le monde, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes dans le respect de la souveraineté nationale et défend le droit des nations au développement, dans-le-cadre d'un ordre économique international rénové.
- J'ai apprécié, monsieur le Premier ministre, ce qui m'a été dit ici de vos projets économiques. J'ai été frappé par la détermination avec lesquels votre gouvernement conduit l'immense réforme -entreprise pour mener votre pays sur la voie de la modernisation.\
Vous savez que la France est prête à mettre en oeuvre une coopération effective dans tous les domaines. Notre coopération économique et politique sera servie par nos échanges culturels. J'en dirai un mot dans un instant. Votre décision de développer l'enseignement du français dans les universités et à la télévision, constitue un pas considérable dans ce sens, il nous appartient d'y répondre en ouvrant davantage nos instituts, nos laboratoires, nos centres de recherches aux étudiants et aux savants qui auront fait l'effort d'apprendre notre langue. Je puis, à cet égard, monsieur le Premier ministre, vous indiquer que j'ai personnellement décidé qu'un programme exceptionnel sera mis en-place pour accueillir au-cours des prochaines années, dans les universités françaises, plus de boursiers de votre pays, car je souhaite que ces jeunes Chinois, successeurs sur le sol français, d'une génération prestigieuse dont certains sont présents ici ce soir, contribuent à consolider l'amitié et la connaissance entre nos peuples. Ainsi collaborerons-nous, dans l'exploration des océans et de l'espace, la médecine et les sciences de la vie, comme cela a déjà été fait avec succès, dans l'étude de la croûte terrestre. Nous allons nous séparer ce soir, demain. Sur la carte, la France et la Chine restent des pays lointains bien que la terre soit toute petite £ mais grâce à cette visite, je l'espère, nos pays se connaissant mieux, s'estimeront davantage, et ressentiront le besoin de travailler ensemble.\
Je vous ai dit, tout à l'heure, que je souhaitais monsieur le Premier ministre, que vous puissiez à votre tour, effectuer à une date à votre convenance, une visite officielle en France. Et je souhaite également que la haute personnalité que l'Assemblée nationale populaire doit, d'ici quelques semaines, désigner pour assumer la magistrature suprême de votre pays, choisisse la France pour y effectuer l'un de ses premiers voyages officiels à l'étranger. Je lui adresse, par avance, une cordiale invitation.
- Au moment où je vais lever mon verre, selon un geste traditionnel qui n'a pas de frontière, je veux exprimer les voeux que je forme pour vous, et je m'adresse ici au président Deng Xiaoping, que j'ai eu la joie de rencontrer à nouveau aujourd'hui, au secrétaire général Hu Yaobang que je connaissais également, au Premier ministre Zhao Ziyang, dont j'ai fait la connaissance à Cancun et que je retrouve dans son pays, au gouvernement chinois tout entier, et au-delà, mesdames et messieurs, au grand peuple chinois, j'adresse mes voeux de santé et de prospérité, pour lui, pour vous, pour vos familles, pour l'amitié entre la Chine et la France.\