15 avril 1983 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'hôtel du gouvernement cantonal de Soleure, vendredi 15 avril 1983.

Monsieur le président du Conseil d'Etat,
- Je vous ai entendu avec beaucoup d'intérêt et j'aurai voulu pouvoir m'arrêter sur plusieurs des aspects d'une allocution très riche d'évocations.
- Je citerai de mon côté le rapide dicton sous forme de poème :
- "Allemandes sont mes vieilles rues,
- Françaises mes demeures praticiennes,
- Italienne est ma cathédrale,
- Pourtant je ne suis que Soleure, Soleure la Ville du Celte
- Née entre la montagne et les eaux".
- Gustave de Reynod parlait ainsi de votre ville, saisissant raccourci semble-t-il de deux mille ans d'histoire. Histoire de guerre sans doute, et de luttes qui dressaient sur son sol, les uns contre les autres, romands, alamans, helvètes, burgondes j'en passe. C'est seulement en 1533 que votre Avoyer, Nicolas de Wengi, n'hésitant pas à mettre en jeu sa propre vie et pour éviter une effusion de sang, donna le signal de la fin des passions.
- C'est alors que le Roi de France, François 1er, après avoir signé "l'alliance perpétuelle" avec la Confédération désigna auprès de la Diète un ambassadeur qui s'installa à Soleure et qui comme vous me le disiez d'ambassadeur en ambassadeur représenta la France pendant plus de deux siècles dans cette ville. Pourquoi Soleure ? Peut-être à cause des rivalités qui opposaient Zurich, Berne et Lucerne. Sûrement aussi en-raison de son amitié avec la France, de sa position centrale, de sa familiarité. Ni Soleure, ni la France n'eurent à regretter ce choix et vous en témoignez aujourd'hui.
- Ainsi nos liens sont anciens particulièrement avec ce canton et cette ville. Au XVIIème siècle 4000 Soleurois servaient encore sous les drapeaux des Rois de France et c'est un Soleurois Peter Josef Besenval qui commendait les troupes de Paris en 1789. Il était donc naturel, pour des raisons historiques et sentimentales, que le Président de la République française, à l'occasion de sa visite officielle en Suisse, eut à coeur de saluer la "Ville des ambassadeurs".\
Dans le tableau que vous m'avez remis j'ai bien noté que l'ambassadeur de cette époque était Vergennes, lequel Vergennes s'est illustré dans l'histoire de mon pays. Les ambassadeurs de France à Soleure se savaient, comme l'écrivait le Cardinal de Bernis au Roi de France, "au carrefour de l'Europe". Et à propos de Vergennes je ne sais encore si cet ambassadeur fut le ministre des affaires étrangères du Roi Louis XVI, il y a quelques chances. Je vous signale qu'il était Nivernais, pays que j'ai représenté pendant trente-cinq ans et je connais bien l'endroit du cimetière d'une toute petite commune de la Nièvre où repose ce célèbre diplomate français qui se trouvait lui aussi à la jonction de notre histoire. Ces ambassadeurs ont développé leurs talents mais aussi, pendant des siècles, ils ont pu voir, discuter, négocier, ajuster, rechercher les compromis. Bref, la façon de vivre ensemble. Je crois qu'ils ont appris de bonnes leçons. A quoi servirait au demeurant un diplomate s'il n'en était pas capable ?
- A travers les péripéties de votre histoire, ils ont beaucoup appris de votre politique et enrichi la diplomatie française de votre sagesse, compris je le pense votre secret qui était de préserver l'identité que vous avez rappelé à l'instant et cependant à ne jamais négliger lorsqu'il s'agissait de coopérer avec les voisins. Leçon utile dans la société internationale d'aujourd'hui.
- Je sais que les qualités qui ont fait la gloire de vos ancêtres n'ont pas disparu avec eux. Vous avez conservé beaucoup de leurs qualités et je noterai indépendamment du sérieux et du bon sens une certaine aptitude à discerner ce qu'il est possible d'accomplir lorsque ce possible est souhaitable.
- J'imagine et j'admire les efforts qu'il vous a fallu déployer, mesdames et messieurs pour adapter de façon si heureuse et si constante dans le monde actuel vos industries et votre économie aux mutations internationales.
- L'exemple Soleurois est digne à tous égards de la considération des Français et de votre hôte d'aujourd'hui. Je n'aurai garde d'oublier la présence parmi nous de M. le président de la Confédération, M. le Conseiller de la Confédération, de Mme Auber, de nombreux autres invités encore qui sont venus avec moi vous saluer ici dans votre ville, dans votre hôtel du gouvernement.
- Je vous prie, monsieur le président, monsieur le Conseiller de bien vouloir recevoir l'expression de ma gratitude pour l'accueil que vous venez de nous réserver.\