25 juin 1982 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'hôtel de ville de Caveirac (Gard), vendredi 25 juin 1982.

Monsieur le maire,
- Mesdames et messieurs,
- Je connaissais en effet Caveirac où il y a quelques années j'étais venu plusieurs heures durant, visitant les différents coins du village, appréciant sa qualité et constatant l'effort fait par ses élus et par sa population pour préserver cette douceur dont on parlait, ce caractère, ces traditions, tout en abordant avec les yeux grands ouverts les temps modernes. Une commune comme cela, proche d'une grande ville, pouvait à tout moment perdre son identité, et devait considérer sa tâche telle qu'elle se présentait dans sa réalité et demeurer soi-même. C'est bien le problème qui se pose à tous dans les époques où le progrès technique et scientifique va vite, où la population se rassemble dans des villes et où il faut, cependant, préserver ce que l'on pourrait appeler l'art de notre pays. C'est le problème qui se pose à la France.\
Et j'étais venu là avec le sentiment d'apprendre beaucoup comme je le fais chaque fois dès lors que je me retrouve avec ceux qui sont sur le terrain, tentent et souvent réussissent de préserver la communauté telle qu'elle fut à travers les âges, sans jamais oublier que pour survivre elle doit changer. J'étais venu, comme vous le rappeliez tout à l'heure, monsieur le maire, dans votre bel exposé, dans-le-cadre de mes relations amicales avec Georges Dayan et avec de nombreuses personnes de ce département qui m'est cher et que je retrouve en dépit de la circonstance qui évoque des souvenirs parfois douloureux, qui évoque pour moi de belles heures, de même que je vivrai parmi vous un beau moment dont je me souviendrai. Je connaissais l'attahement de Georges Dayan pour cette commune. Déjà se faisaient sentir, lorsqu'il la quitta, les premières fatigues qui devaient précéder l'événement fatal. Il m'en parlait souvent avec regret comme de moments particulièrement heureux et bien remplis de son existence. C'est le sentiment qu'éprouvaient Irène Dayan et les enfants de Georges £ pour eux, Caveirac a été un moment important de leur vie. Je suis très sensible au fait que vous soyez venus, mesdames et messieurs, si nombreux, que vous ayez gardé le souvenir de votre ancien maire, je suis heureux et j'éprouve une satisfaction particulière de vous voir, mesdames et messieurs les conseillers généraux, les parlementaires, qui vous retrouvez comme cela dans cette petite commune, pour bien marquer l'effort d'une collectivité locale, pour, on le constate ici, se servir de ces lieux augustes, dans la beauté des pierres et des formes d'un vrai centre socio-culturel pour préparer la jeunesse et permettre aux adultes de retrouver ce qui fait le meilleur de leur histoire afin de préparer la suite. Nombreux sont les amis personnels, intimes de Georges Dayan, qui se trouvent parmi vous, mesdames et messieurs. Nous accomplissons aussi un pélerinage. Nous ne l'aurions pas souhaité, c'était un peu prématuré, nous aurions pu aussi nous retrouver plus aisément après les événements politiques qui ont bouleversé la France, il y a un peu plus d'un an, pour célébrer les vertus de l'amitié.\
Dans cette assemblée, qui que vous soyez, quelle que soit votre tendance, votre choix personnel, votre choix civique, je dois vous dire que je me trouve très à l'aise parmi vous. Il y a ceux qui votent pour, ceux qui votent contre, ceux qui votent ici, ceux qui votent là et c'est bien normal. Que deviendrait notre pays si attentif et si attaché à ces traditions démocratiques, si cette liberté fondamentale pouvait être en quoi que ce soit atteinte ? Parmi les missions fondamentales que je requiers comme un honneur, s'inscrit celle de préserver la diversité de la France, son pluralisme, bien entendu en ayant la sagesse de faire servir ce pluralisme, développement des libertés ou quelques données essentielles qui préservent l'unité d'un pays. Vous êtes donc, mesdames et messieurs, tous les bienvenus, au-même-titre.
- Quand je dis que je me trouve à l'aise parmi vous, c'est parce que vous êtes une fraction du peuple de la France, tous confondus pendant le temps d'un après-midi, d'un bel après-midi de ce début d'été, à la fois dans le recueillement du souvenir et des sentiments les plus forts de la vie d'homme et aussi parce que je sens bien que cette jeunesse et au travers des propos qui ont été prononcés ici par M. le maire de Caveirac, je sens bien la force et la vigueur qui, dans cette région, comme ailleurs, peut donner à la France le visage et aussi la capacité d'aborder pour en triompher les difficultés du temps. C'est bien par les Français que la France, au bout de peu de temps, sortira des difficultés qu'elle partage avec une large partie du monde. C'est par les Français, par leur qualité et plus encore par la qualité de ceux qui savent ce qu'est le -prix et la difficulté du travail, de la production, qui produisent, qui créent, qui inventent, qui font la France. Je suis, mesdames et messieurs, très sensible à cette brève et simple cérémonie. Je n'en dirai pas davantage, sinon les voeux que je forme pour vous tous, amis, Françaises et Français, mes chers compatriotes, qui dans ce village, vous permettrez le mot, de Caveirac donne aujourd'hui l'exemple de ce que peut être, quand elle le veut, la France.\