6 juin 1982 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue du sommet des pays industrialisés, notamment sur le système monétaire international, les relations financières avec les pays de l'Est, les conflits internationaux, château de Versailles, dimanche 6 juin 1982.

Mesdames et Messieurs,
- Nous allons, si vous le voulez bien, commencer cette conférence de presse qui a été précédée comme vous le savez d'une déclaration que j'ai faite en ma qualité de président du sommet des pays industrialisés, qui se bornait à une déclaration unilatérale sans discussion, sans dialogue. Je m'exprimais au nom des huit, mais je n'ai pu entrer dans le détail des discussions. C'est l'occasion, ce n'est pas une invite à ce qu'on ne discute plus qu'il ne faut, ce n'est pas un encouragement, ce n'est pas une incitation à la débauche de dialogue, car je ne dispose au maximum que de trois quarts d'heure, mais je me contenterai de deux quarts d'heure, si vous le voulez bien, cela dépend de vous.
- Quels sont les textes ? Une déclaration. Cette déclaration s'appelle "déclaration des sept chefs d'Etats et de gouvernement, et des représentants des Communautés européennes". Vous savez de qui il s'agit.
- Cette déclaration, qui touche à beaucoup de sujets, est suivie d'une pièce jointe qui s'appelle : "engagement monétaire international".
- Un autre texte, mais qui a déjà été diffusé et qui n'est pas lié à celui-ci, porte sur le bilan. Vous devez le connaître.
- D'autres questions n'ont pas fait l'objet de communiqués, notamment l'affaire des Falklands ou Malouines £ des discussions ont eu lieu entre ministres compétents, affaires étrangères d'une part, économie et finances de l'autre, parfois ensemble. Certaines des délibérations de ces réunions éclairent les textes en question. C'est le tout qui fait foi pour apprécier les résultats du sommet de Versailles.\
Je vais, si vous le voulez bien, faire très rapidement l'inventaire des questions traitées dans la déclaration. Elle commence par des affirmations générales, essentiellement centrées sur la lutte contre l'inflation et le chômage et sur le développement de la croissance, croissance durable, sur la nécessité de sauvegarder la sécurité du monde occidental et du Japon, sur la confiance dans les valeurs démocratiques. Il est bien entendu que sont menées de pair les actions pour la lutte contre l'inflation, pour les niveaux d'emploi et pour la croissance.
- Un certain nombre de résolutions s'ensuivent, sur la croissance et l'emploi, pour réaliser ces objectifs : lutte contre l'inflation, je viens de vous le dire, afin de faire baisser les taux d'intérêts aujourd'hui insupportables, et de réaliser des taux de change plus stables... c'est l'entrée en matière, nous en parlerons davantage tout à l'heure. Pour réaliser cette réduction essentielle des taux d'intérêt élevés, la déclaration prévoit un ensemble de moyens : une politique monétaire prudente et la maîtrise des déficits budgétaires, l'intensification de la coopération économique et monétaire, en-particulier entre les monnaies d'Amérique du Nord, du Japon et de la Communauté européenne `CEE`.
- Ensuite la croissance du commerce mondial £ nous réaffirmons notre engagement de renforcer le système ouvert de commerce multilatéral représenté par le GATT et de maintenir son rôle effectif. Refus des mesures protectionnistes : donc l'ouverture des marchés. Une participation active à la prochaine conférence ministérielle, fin août ou début septembre, du GATT.
- Pour en revenir aux considérations générales : nous sommes convenus de conserver à l'égard de l'URSS et des pays de l'Europe de l'Est une approche prudente et diversifiée compatible avec nos intérêts politiques et de sécurité. D'où une action dans trois secteurs clés : amélioration du système international des exportations de biens stratégiques, échanges d'informations économiques commerciales, financières, gestion prudente des relations financières avec l'URSS et les pays de l'Est, de manière à assurer qu'elles soient conduites de façon économiquement saine en tenant -compte de la prudence que requièrent les relations commerciales, dans-le-cadre des relations économiques et financières en général, en limitant aussi les crédits à l'exportation, en procédant à un examen périodique du développement de ces relations, etc...\
Les progrès que nous avons déjà accomplis ne diminuent pas le besoin de poursuivre la politique d'économie d'énergie £ là nous sommes allés plus loin que lors des conférences précédentes. Toute une partie de la déclaration vise les pays en voie de développement, avec quelques notations majeures. Il faut maintenir un niveau élevé de flux financier d'aides publiques et même accroître leur montant et leur efficacité. Lancement de négociations globales : c'est l'objectif majeur, en référence au récent projet de résolution du groupe des 77, reconnu comme constructif. A Versailles un accord général a été atteint sur le fait que cet accord peut servir de base de consultation avec les pays du tiers monde.
- Perspective positive pour le lancement prochain de négociations globales et leur succès, sous réserve que l'indépendance des institutions spécialisées soit garantie, thème que connaissent déjà les spécialistes mais qu'il n'était par mauvais d'écrire noir sur blanc.
- Coopération, innovation au sein de la Banque Mondiale, soutien aux banques de développement régional, progrès à faire pour lutter contre l'instabilité des recettes issues des matières premières. Encouragement, parallèlement, au développement des aides publiques, encouragement aux aides et aux capitaux privés. Vous pourrez noter que nous reconnaissons également la nécessité des dispositifs temporaires spéciaux pour surmonter les problèmes de financement de l'AID VI et un démarrage rapide de l'AID VII.
- Ceux qui ont suivi ces problèmes savent de quoi il s'agit : la plupart des pays ont réduit leur contribution à l'AID. Seuls, quelques pays ont résisté à l'entraînement : les pays scandinaves, la France et, en partie, la Grande-Bretagne vis-à-vis de pays comme l'Inde, et nous avons demandé que ces contributions maintenues puissent être gérées de façon particulière. C'est ce qui fait ici évoquer les possibilités de dispositifs temporaires spéciaux.
- Production alimentaire et énergétique dans les pays en développement, balance des paiements : nous souhaitons donc vivement, pour la balance des paiements, un progrès à l'occasion de la réunion annuelle du Fonds monétaire international qui, lui, se réuniit en septembre, pour régler la question de l'accroissement des quotas du Fonds.
- Le dernier paragraphe exploite les propositions que j'ai été amené à faire sur-le-plan technologique : technologie, croissance, emploi, avec une référence explicite à mon rapport et la volonté clairement expliquée de poursuivre de façon concrète les différentes directions que j'avais proposées £ un groupe de travail est déjà constitué £ il devra soumettre son rapport avant le 31 décembre 1982.
- Les conclusions du rapport, les actions qui en résulteront seront examinées, donc suivies, au prochain sommet, en 1983, aux Etats-Unis d'Amérique.
- Enfin, pour ce qui est de l'engagement monétaire international si vous me posez des questions, je vous en donnerai lecture. Je pense que j'ai assez monologué. Auriez-vous l'obligeance de me poser des questions...pas tous à la fois...\
QUESTION.- A Ottawa, vous aviez considéré comme un point positif que les 7 acceptent de combattre conjointement l'inflation et le chômage. Depuis Ottawa, quels progrès avez-vous noté et, au-delà, par-rapport à cette Conférence, quels succès ou quels échecs, quelle avancée ou quel recul ?
- LE PRESIDENT.- Il n'y a pas du tout de recul, il y a une avancée entre Ottawa et Versailles. Quant à la conception selon laquelle sont liées les différentes formes de lutte contre l'inflation, contre le chômage et la solution des problèmes de croissance, sont apparues de plus en plus dans nos textes et, j'espère, dans notre action, des notions d'emploi, de plein emploi et de croissance, auparavant souvent absentes. J'ai déjà eu l'occasion de l'expliquer hier.
- C'est une dispute vaine que de croire que certains veulent lutter contre l'inflation mais pas contre le chômage, tandis que d'autres combattent le chômage et non l'infation ! Mais, comme il s'agit des deux termes d'un couple infernal, selon qu'on met l'accent sur l'un ou sur l'autre, on semble délaisser celui qu'on ne cite pas en premier et c'est là que s'intercalent les différences de politique, non pas quant aux objectifs - l'objectif politique d'un responsable ne peut être que la réduction de l'inflation et du chômage pour la rreprise de la croissance - mais selon quel rythme ? C'est là qu'interviennent les différences : certains pays veulent écraser l'inflation, quel qu'en soit le risque du côté de l'emploi. D'autres veulent combattre l'inflation sans amonceler les décombres du côté de l'emploi.
- Alors, c'est un choix difficile à faire, d'ailleurs, qui aboutit à ce que, dans certains pays, les taux d'inflation ont beaucoup baissé - c'est le cas des Etats-Unis d'Amérique, et puis c'est le cas de l'Allemagne `RFA` - ils ont d'ailleurs baissé partout, mais très sensiblement, tandis que le chômage s'accroît très vite. Ou bien on aboutit au cas d'un pays comme la France, dont l'inflation a baissé, mais à un rythme moins rapide que dans ceux dont j'ai parlé, mais qui a par contre considérablement limité l'accroissement continu du chômage constaté depuis huit ans, c'est-à-dire à un tassement de la courbe d'augmentation. Nous ne sommes pas encore parvenus à renverser la tendance, c'est-à-dire à diminuer l'accroissement du chômage.
- Je suis obligé de parler avec précision, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguité entre nous. Donc, les résultats de l'inflation ont été plus sensibles là où l'on a moins tenu compte des problèmes de l'emploi £ ils sont moins sensibles là où la priorité de la lutte contre le chômage a été reconnue dans les faits. Mais partout l'inflation a baissé, partout le chômage a augmenté £ ici il est considérablement augmenté suivant une courbe continue, ailleurs - ce qui est notre cas - la courbe a commencé à fléchir. C'est donc une indication de tendance intéressante, étant bien entendu qu'au bout du compte, seuls les pays qui seront capables de produire disposeront de l'arme déterminante contre toute forme de chômage.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous l'avez signalé, le texte mis au point par les sept sur le Liban l'a été avant que l'on connaisse les derniers développements. On vient de signaler l'approche de deux brigades syriennes dans la zone des combats. Est-ce que, depuis le communiqué qui a été lu dernièrement, il y a eu un nouveau communiqué des sept, une nouvelle déclaration des sept, et quelles vont être les actions de la France dans cette région ?
- LE PRESIDENT.- Nous sommes, à l'évidence, dans une situation constamment évolutive. L'action des troupes israéliennes au Liban, se dirigeant dans deux directions différentes, en-particulier le long de la côte, et dans la zone contrôlée par la Syrie, n'était sans doute pas faite pour s'arrêter tout aussitôt. A compter du moment où elle se poursuit, les développements sont, eux aussi, continus et nous ne pouvons pas publier un communiqué par quart d'heure. Par contre, et vous avez eu raison de le dire, il y a des événements repères, et, autant on peut déplorer, nous déplorons et je le déplore, l'intervention israélienne sur le territoire du Liban, pays qui, en dépit de ses déchirements, reste un pays souverain, autant nous déplorons et donc nous reprochons, le choix de la violence comme moyen de résoudre le problème en question, autant nous savons bien que c'est un événement nouveau si un tiers pays est amené à intervenir. Mais, vous me le dites... moi, je ne le savais pas au moment où je m'exprime. Je savais qu'il y avait des mouvements de troupes à l'intérieur de la Syrie, je n'avais pas encore entendu parler de mouvements à l'extérieur de la Syrie. Je me contenterai donc de commenter cet événement, s'il se produit, quand il se sera produit.
- Les chefs d'Etat et de gouvernement seront réunis, non pas en séance, mais quand même réunis, à Versailles, jusqu'à 21h., 22h., pour Mme Thatcher, et 23h., 23h30 pour les autres £ nous aurons encore le temps, s'il le faut, de réagir à un événement de ce calibre.
- Pour le reste, je le répète malheureusement ce n'est qu'une évolution prévisible dans les relations directes d'Israel et du Liban.\
QUESTION.- Monsieur le Président, à ce propos, quels sont les moyens à la disposition de la France auxquels vous avez fait allusion à la fin de la déclaration lorsqu'il est dit que chaque pays se réserve d'utiliser les moyens à sa disposition pour rétablir la paix et la sécurité ? Est-ce que vous en avez parlé à Sept ? Quels sont les moyens de la France ?
- LE PRESIDENT.- Non, non... Les moyens de la France sont de plusieurs ordres. Ils sont de-l'ordre diplomatique, avec le rôle de la France dans le domaine international. Nous sommes membres du Conseil de Sécurité, nous avons donc une responsabilité particulière dans-le-cadre de l'Organisation des Nations unies. Là, nous pouvons agir conformément à nos conceptions, qui ont toujours tendu, vous le savez, à défendre l'intégrité d'Israel, et qui ont également toujours tendu à reconnaître le droit des autres à disposer d'une patrie, enfin à la solution pacifique du conflit et non pas à sa résolution violente. Nous pouvons adapter constamment, par nos actions au sein des Nations unies, notre pratique à cette définition.
- Et puis, sur le terrain, la France n'est pas mêlée en tant que telle aux événements du Liban. Elle y est représentée par des soldats, mais ces soldats ne sont pas sous commandement français, ils sont là en tant qu'éléments d'une force internationale. C'est donc une question qu'il faut poser aux Nations unies et non pas à la France. La présence de soldats français signifie quoi ?
- D'une part, que la France est presque toujours volontaire lorsqu'il s'agit de remplir une mission pacifique dans-le-cadre des Nations unies.
- Cela veut dire ensuite que le problème du Liban nous intéresse au premier chef, car il y a des relations traditionnelles d'amitié entre le Liban et la France. Mais, c'est le point sur lequel j'insiste, nous ne voulons pas, nous n'avons pas l'intention de nous substituer à la décision souveraine du Liban lui-même, qui dispose d'un gouvernement légitime. Il appartient à ce gouvernement de prendre les initiatives, de faire les démarches, que nous examinerons si elles nous sont faites. Nous n'avons pas du tout d'intention interventionniste. Nous voulons simplement - le Premier ministre `Pierre Mauroy` l'a dit au-cours d'un voyage récent à Beyrouth - que le Liban sache que la France fait partie du cercle des pays amis, mais est respectueuse avant tout de la souveraineté de ce pays.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous avez dit tout à l'heure au palais des congrès que la déclaration commune avait été rédigée de telle façon qu'elle ne pouvait pas prêter à des interprétations divergentes. Alors, vous pourriez sans doute nous aider à dissiper une double ambiguité qui a régné dans cette conférence depuis deux jours. La première concerne les affaires monétaires. La délégation française, par la bouche des différents ministres qui ont pris la parole, peut-être par vous-même, avait dit que le principe d'intervention sur le marché, avait été accepté d'un commun accord. Les Américains, eux disent : oui, intervention dans le cas de mouvements erratiques - "disordonate conditions" et ils ajoutent : ceci est conforme à notre doctrine constante, conforme aussi à l'article 4 du Fonds monétaire, donc rien de fondamentalement nouveau dans notre disposition, ajoutant même que le groupe d'étude qui doit se réunir devra trancher la question de savoir s'il faut intervenir plus ou moins. Par conséquent, la question reste ouverte.
- Le deuxième malentendu portait sur l'affaire du commerce avec l'Est, la délégation française insistant surtout sur le fait que la déclaration ne comporte pas de restriction particulière à l'octroi de crédits, alors que les Américains insistent sur le fait qu'il est fait -état de limitations - "do limit", je crois que le verbe a le même sens en anglais et en français - à l'octroi des crédits. Pourriez-vous, sur ces deux points, nous éclairer ?
- LE PRESIDENT.- D'abord, moi, je sais généralement ce que je dis, et je porte la responsabilité de ce que je dis. Je ne sais pas ce que sont les "on dit", et je n'ai pas observé dans votre première remarque une telle différence entre ce qu'auraient dit les Américains - dans votre première remarque sur le sujet monétaire, pas dans la deuxième sur le sujet commercial - et ce que j'ai dit. Je n'ai jamais dit autre chose, j'ai même employé l'expression. Elle était sur le papier, je n'ai pas eu grand mérite hier soir - "à moyen terme". Le texte qui s'est ajouté - après tout, c'est vous qui commentez, donc je vais vous en donner lecture, et puis vous verrez bien ce que vous avez à en penser - dit en effet : "... interventions, si nécessaire ..." le "si nécessaire" comportant naturellement des fluctuations insupportables, ce qui, pour l'instant, n'a pas lieu. La dernière fois que cela a eu lieu, c'est lorsque la Communauté européenne `CEE` est venue au secours du dollar, il y a quelques années. En sens contraire, cela ne s'est pas produit.
- Alors, comme il serait vain d'en discuter, je vais essayer de vous retrouver le texte, d'abord celui de la déclaration générale, et ensuite celui de la pièce jointe. Puis j'y ajouterai un élément qui n'est ni dans l'une ni dans l'autre de ces pièces. Nous sommes convenus de conserver à l'égard de l'URSS et de l'Europe orientale une approche prudente et diversifiée. M. Fabra parle du passage où il est dit : "En troisième lieu et compte tenu des considérations économiques et financières existantes, nous sommes convenus de gérer avec prudence les relations financières avec l'URSS et les autres pays d'Europe orientale, de manière à s'assurer qu'elles sont conduites de manière économiquement saine, y compris la nécessité de la prudence que requièrent les relations commerciales en limitant aussi les crédits à l'exportation". Le développement des relations sera périodiquement examiné, c'est une autre affaire, ce n'est pas là-dessus que vous m'interrogerez. Donc, vous voulez savoir s'il y a limitation £ limitation de quoi ? La limitation, ou la prudence devant tendre à la limitation, s'applique à l'ensemble des relations économiques et financières avec l'Union Soviétique et les pays d'Europe orientale. Voilà le premier point.\
Deuxièmement, puisque l'on veut une précision, c'était là-dessus que devait porter la discussion, il y avait la difficulté sur les crédits à l'exportation. Si vous avez suivi de près cette discussion, ce dont je ne doute pas, vous savez qu'il s'agissait initialement de demander la limitation des aides publiques à l'exportation considérées comme des subsides accordées à l'Union Soviétique. Aides publiques accordées par qui ? Par deux pays l'Italie et la France. Oui, j'avoue que j'ai refusé cette vue un peu étroite des choses. Remuer un troupeau d'éléphants pour écraser cette puce qui s'appele les crédits publics à l'exportation italiens et français en direction de l'Union Soviétique `URSS` et des Pays de l'Est, cela me paraissait disproportionné. J'ai donc fait valoir que cela devait s'appliquer avec la même prudence partout. La prudence, chaque pays en est juge. Cela devait s'appliquer aux crédits à l'exportation. S'agirait-il des crédits privés, alors vous seriez fondés à dire : cela ne s'applique-t-il pas non plus aux crédits publics ?
- Pour les crédits à l'exportation, je vais prendre un exemple : le Japon a un important mouvement de crédits privés par ses banques, sans contrôle d'Etat, sans intervention de l'Etat, à 8 %. L'aide publique française, qui a été considérablement élevée au-cours de ces derniers mois, està 12 %. Faudrait-il donc permettre l'aide privée à 8 % et interdire une aide publique à 12 % ? Les uns aident-ils par des subsides l'Union Soviétique, tandis que les autres ne le feraient pas ? Je vous donne ces éléments d'appréciation, qui expliquent cette phrase, dont je ne sais si elle est ambigue £ mais , si elle l'est, alors elle est permissive, et si elle est permissive, elle l'est à l'égad de chacun, et pas simplement à l'égard des deux pays qui pratiquent une aide publique, je le répète, l'Italie et la France.
- Voilà l'explication qui paraîtra simple à ceux qui suivent de très près ces problèmes, qui peut paraître compliquée à ceux qui ne sont pas des spécialistes. Ils n'auront qu'à se reporter au texte, que je vais compléter par la lecture du document suivant qui s'appelle : "Engagement monétaire international".
- Primo, nous acceptons la responsabilité conjointe qui est la nôtre de travailler à une plus grande stabilité du système monétaire mondial. Là, je réponds déjà à la deuxième question, j'en termine avec l'affaire des crédits à l'exportation (et non pas des aides publiques à l'exportation) et j'en arrive au système monétaire, à l'ébauche du système monétaire ou à la réalité : celle sur laquelle vous vous interrogez. S'agit-il de mouvements erratiques ? Je reprends mon discours de tout à l'heure, mais en l'éclairant par le langage monétaire international et, plutôt que commenter, il vaut mieux que je vous lise le texte, que vous avez peut-être déjà.\
1) Nous acceptons la responsabilité conjointe qui est la nôtre de travailler à une plus grande stabilité du système monétaire mondial. Nous reconnaissons que les progrès de la stabilité reposent en premier sur la convergence de politiques destinées à réduire l'inflation, à développer l'emploi, à faire redémarrer la croissance et à maintenir de la sorte la valeur interne et externe de nos monnaies. Nous sommes déterminés à nous acquitter de cette obligation en collaboration étroite avec tous les pays et toutes les institutions monétaires concernées.
- 2) Nous attachons une importance majeure au rôle du FMI en tant qu'institution monétaire et nous lui apporterons notre plein appui dans ses efforts pour promouvoir la stabilité.
- 3) Nous sommes prêts à renforcer notre coopération avec le Fonds monétaire international dans l'exercice de sa surveillance et à développer cette surveillance sur une base multilatérale en prenant particulièrement en compte les monnaies qui composent le droit de tirage spécial.
- 4) Nous excluons l'utilisation de nos taux de change pour obtenir des avantages indûs de compétitivité.
- 5) Nous sommes prêts, si nécessaire, à procéder à des interventions sur les marchés des changes pour contrecarrer des situations de désordre selon les dispositions de l'article 4 des statuts du Fonds monétaire international.
- Ceci se relie à ce qui se trouve énoncé dans la première page de la déclaration générale où il est dit : Pour réaliser cette réduction - cela aidera à faire baisser les taux d'intérêt aujourd'hui insupportables et à réaliser des taux de change plus stables - nous appliquerons d'urgence des politiques monétaires prudentes et maitriserons davantage les déficits budgétaires. A cet égard, nous travaillerons à une évolution constructive et ordonnée du système monétaire international par une coopération plus étroite entre les autorités représentant les monnaies d'Amérique du Nord, du Japon et des Communautés européennes `CEE`, en vue de poursuivre des objectifs économiques et monétaires à moyen terme. A cet effet, nous avons pris l'engagement contenu dans le texte ci-joint que je viens de vous lire.
- On doit en conclure que l'idée de coordonner, par une évolution constructive, ce qui est appelé ici le système monétaire international, bien qu'il n'y en ait pas, en précisant la coopération des monnaies d'Amérique du Nord, du Japon et des Communautés européennes, en vue de poursuivre les objectifs économiques et monétaires à moyen terme, c'est, monsieur Fabra, ce que je vous ai dit hier soir. Donc, je n'ai pas dit : "c'est tout de suite, c'est demain matin" £ j'ai dit : "à moyen terme". Le texte sur l'engagement monétaire international peut comporter à court terme, si nécessaire, des interventions sur les marchés des changes.\
Enfin, il existe un troisième document, qui lui n'est pas un document du même niveau, c'est le document qui lie les ministres des finances des sept pays en cause, et je vois : groupe de travail, suite à donner (c'est le titre de cette note) au texte précédent : 1) - Nos représentants se réuniront d'ici, aujourd'hui et demain pour nous proposer la manière dont il convient de coopérer avec le FMI, mettre en oeuvre la décision qui sera adoptée au-titre du paragraphe 3 de la déclaration monétaire internationale. Le paragraphe 3, c'est ce que je viens de vous lire.
- 2) Dès le mois de juin, nos représentants au sein d'un groupe de travail présidé par un Français, prendront les mesures appropriées pour définir le champ et la forme de l'étude surles interventions.
- 3) Les ministres et les représentants de la Communauté économique européenne `CEE`, qui assistent au sommet, se réuniront à Toronto à l'occasion de l'assemblée du Fonds monétaire international pour examiner les progrès accomplis en ce qui concerne cette étude... Bref, le principe de la coordination et de l'ordonnancement : ordonner, ce n'est pas seulement coordoner un système monétaire international (expression qu'on n'avait pas retrouvée depuis très longtemps dans une déclaration de ce type), c'est prévoir un système efficace à moyen terme. La déclaration ci-jointe précise qu'on pourra procéder, si nécessaire à des interventions sur le marché des changes pour contrecarrer les situations de désordre. Enfin, les ministres des finances se sont déjà réunis pour se mettre immédiatement à l'oeuvre.
- Alors, bien entendu, je ne veux pas maintenant forcer l'interprétation, tout cela part d'une divergence de points de vue, j'estime qu'on est arrivé, par-rapport à la situation antérieure, où l'on évitait même de parler de ces choses, à un réel progrès. Est-il suffisant pour estimer que l'on va demain contrôler les mouvements désordonnés ? Cela correspond à un engagement que nous avons pris. Quant au rythme et à l'ampleur de ces décisions, seule la pratique vous en fera juge.
- Je me suis attardé sur ce sujet, non seulement parce que le journaliste qui m'a posé cette question méritait que je lui réponde de cette façon, mais aussi parce que je sais que vous êtes nombreux à vous interroger là-dessus et que cela m'évitera d'avoir à me répéter, du moins je le suppose.\
QUESTION.- Le Liban est victime d'un conflit international. Ne mérite-t-il pas la convocation d'uneconférence internationale pour y rétablir la paix et l'indépendance ? La France ferait-elle une proposition pareille ?
- LE PRESIDENT.- C'est certainement une idée qui en vaut bien d'autres. Vous avez peut-être trouvé la clé, moi, je la cherche encore. Tout ce qui permettra à la société internationale de préserver, ou plutôt de rétablir l'indépendance et l'unité du Liban, et ce, par des moyens pacifiques et non par des actions violentes, sera le bienvenu. Mais cela suppose toujours que le "top" soit donné par le gouvernement du Liban.
- Quant au Conseil de sécurité, vous savez que le Secrétaire général des Nations unies `Perez de Cuellar` a déjà, depuis ce matin, réuni ou appelé à se réunir à diverses reprises les responsables qui se trouvent actuellement présents à New York. C'est donc une affaire à suivre.\
QUESTION.- Puis-je vous demander, monsieur le Président, en revenant un peu à la question antérieure, de nous dire dans quels domaines vous estimez avoir le plus progressé et ceux dans lesquels vous estimez avoir le moins avancé durant ce sommet.
- LE PRESIDENT.- Vous savez ce n'était pas une course où l'on s'acharnait à savoir lequel était arrivé avec une poitrine d'avance sur l'autre. Aucun d'entre nous ne s'est trouvé dans la situation de Sébastien Coe hier soir en-train de battre le record du monde à Bordeaux du 2000 mètres, avec plusieurs longueurs d'avance sur ses concurrents. Donc, les choses ne se font pas tout à fait comme cela, ce n'est pas une épreuve sportive. Disons que personnellement, je reste sur ma faim pour les taux d'intérêts...
- QUESTION.- Monsieur le Président...
- LE PRESIDENT.- Je n'avais pas tout à fait fini, monsieur. Je répondais à M. Vernay... Je reste sur ma faim en ce qui concerne les taux d'intérêts, bien qu'il y ait une référence explicite aux taux d'intérêt réels dans-un-cadre d'action qui, tout de même, commence à marquer la volonté que je signalais tout à l'heure à M. Fabra, d'ordonner cette situation dommageable. Je considère que c'est une avancée sur-le-plan des relations avec le tiers monde, par-rapport à ce qui s'est produit au-cours de ces six derniers mois, que l'on reparle de l'AID, que l'on reparle des négociations globales, que l'on approuve la résolution des 77. Faut-il insister pour remarquer que ce n'était pas le langage entendu depuis de long mois, peut-être depuis le retour de Cancun. Sur-le-plan du système monétaire international, je ne vais pas me répéter, mais je le dis pour M. Vernay, il y a une terminologie qui était abandonnée. Elle est reprise et, la pratique faisant foi - là-dessus, je ne suis pas le seul maître - le seul fait de pouvoir examiner les interventions sur le marché des changes, alors qu'il n'en était pas question, marque pour moi une satisfaction. Autant que je l'aurais voulu, non, puisque moi je désire la mise en place la plus rapide possible d'un système monétaire international £ donc, cela va moins vite que je ne le voudrais mais cela va beaucoup plus vite que d'autres le souhaiteraient.
- Je ne veux pas faire preuvre d'amour-propre d'autre mais je pense que la dimension procurée au sommet par nos propositions à caractère technologique pour lutter en faveur de l'emploi, pour la croissance et, surtout, pour donner un nouvel élan à nos sociétés dès maintenant et pour les années à venir, a été introduite d'une façon très claire dans un texte £ c'est nouveau et c'est important.\
Quant aux relations avec les pays de l'Est, disons que la situation est à peu près étale. On a sans doute précisé davantage la volonté commune de ne pas disposer des marchandises de haute valeur technologique pouvant avoir des applications militaires. Le texte est plus clair qu'il ne l'était auparavant. Ou plutôt, disons que la volonté est plus grande.
- Sur les crédits, je m'en suis expliqué. Je serais très intéressé de savoir quel est le premier de nos pays qui annoncera qu'il a réduit ses crédits. A cet égard, j'espère que ce sera clair pour tout le monde. Je suis toujours favorable à des mesures de coopération dans ce domaine, mais ce commerce entre l'Union Soviétique et le monde occidental est tellement faible - cela représente une somme inférieure à 1 % du produit intérieur brut de l'Union Soviétique - que vivre dans l'idée qu'une action sur ce moins de 1 % pourrait modifier la politique russe et diminuer son potentiel militaire, moi, personnellement, je ne vais pas jusque-là, en contre-partie, on risque de se lancer dans une forme au demeurant très partielle de blocus économique, dont deux seuls pays - l'Italie et la France - auraient seuls été comptables si l'on avait suivi les propositions initiales.
- S'il s'agit de dire qu'on n'aide plus l'Union Soviétique, il faut aussi supprimer tout commerce, toute exportation. Que signifie le fait de parler de "subsides" parce qu'il y a une aide publique, si l'on subventionne des agriculteurs pour vendre du blé ? Je veux dire par là que c'est une mesure générale, et que s'il s'agit de mesures particulières, leur effet sera très réduit.
- Mais enfin, je veux être honnête jusqu'au bout, de même que je me réjouis de l'idée du système monétaire international, de même que je me réjouis de l'idée de négociations globales, de même j'accepte l'idée que si les efforts sont communs à tous, il puisse y avoir, selon les circonstances, limitation. Voilà ce que je veux dire à ce sujet.\
QUESTION.- Monsieur le Président, je pense que c'est dans le domaine monétaire que les plus grandes précisions ont été données. C'est la première fois depuis que le FMI existe qu'il a obtenu le droit de regard sur les économies nationales occidentales. Je trouve que ceci est extrêmement grave car, comme l'a dit Michel Jobert, hier, le FMI dépend pour 85 % des Etats-Unis et, moi, j'ajouterai des anglo-américains. Donc, cette décision-là constitue une attitude à la sûreté nationale.
- D'autre part, je m'étonne aussi qu'on parle de développement pour le tiers monde, en même temps qu'on ouvre les portes de nos économies au FMI qui est précisément l'institution qui a posé des conditions d'austérité atroces aux pays en voie de développement. Je voudrais que vous nous éclaircissiez cette question.
- LE PRESIDENT.- C'est un angle de vue romanesque : il n'est pas dit que les formes romanesques soient détestables, mais en l'occurence, il s'agit d'un roman d'imagination car je ne vois pas quel est le quart de phrase, la moitié de mot, les deux lettres réunies qui permettent de penser qu'on vient de donner au FMI des attributions nouvelles. Je ne vois pas du tout, absolument pas. J'ajoute que pour ce qui concerne le FMI, il faudrait être à ma place pour connaître les démarches que je fais au nom des peuples d'Afrique ou de Madagascar pour obtenir du FMI qu'il adopte telle ou telle mesure qui contribuera au développement des économies des pays en question. Certes, ces pays se plaignent souvent de ce que le FMI ait des conceptions soit un peu archaiques, soit trop conformes à la manière dont on considère un budget équilibré dans un pays capitaliste avancé... Bien qu'aucun des pays capitalistes avancés n'ai de budget en équilibre. Celui qui est le plus équilibré du monde, c'est le nôtre... et si je vous lis bien, ce n'est pas peu dire.
- Donc, premièrement, le FMI n'a obtenu aucun droit de regard supplémentaire qui puisse faire dire qu'il y ait perte ou danger pour l'indépendance nationale. Il n'y a rien de nouveau. S'il s'agit de préserver l'indépendance nationale, c'est autant mon affaire que la vôtre et vous pouvez compter sur moi autant que sur vous. Je n'aperçois rien, rien qui permette d'affirmer ce que vous venez de dire, et que par déduction vous disiez que puisque le FMI vient altérer notre indépendance nationale, il empiétera plus encore sur les pays en voie de développement : c'est le dernier chapître de cette version romancée d'une déclaration qui ne permet aucune de ces conclusions. Si l'on considère que le FMI pèse trop sur les économies nationales, alors il faut s'en prendre aux gouvernements qui ont accepté la création du FMI qui, selon moi, autant que je me souvienne, a dépendu des accords de Bretton Woods, c'est-à-dire en 1945... C'est bien cela, non ? Et tous les gouvernements, depuis cette époque, ont continué de l'accepter, ce qui recouvre à peu près la totalité de l'horizon politique français, en dehors de ceux qui n'ont pas pour vocation de gouverner, même s'ils ont vocation naturelle à participer au débat politique.\
QUESTION.- Monsieur le Président, concernant la guerre en Irak - Iran, vous avez abordé le sujet mais dans quel sens l'avez-vous abordé et pourquoi n'y a-t-il pas eu de communiqué en ce qui concerne le Liban, par exemple ?
- LE PRESIDENT.- Nous en avons parlé, monsieur, en effet, nous considérons, d'une façon générale - mais là je ne suis pas chargé d'interpréter une résolution qui n'a pas été prise - que l'ampleur de ce conflit apparaît de plus en plus. Longtemps, on l'a contenu dans des considérations, disons localisées, on s'aperçoit aujourd'hui que ses conséquences en sont beaucoup plus vastes. Nous en avons parlé mais nous n'avons pas présentement une possibilité réelle de paix sur la décision de l'un ou de l'autre et, en tout cas, des deux à la fois. De telle sorte qu'en général, on prend garde à ne pas prendre des résolutions totalement inopérantes ou vaines. Ce que je veux vous dire, c'est que nous en sommes très préoccupés, pour ce qui touche la France. Le jour où on en parlera d'une façon plus complète, vous saurez que nous n'avons pas été absents dans les démarches faites pour parvenir à un arrêt des hostilités.\
QUESTION.- Si vous permettez, monsieur le Président je ne voudrais pas évoquer la question du Liban, quoiqu'il s'agisse de ma propre mère, de mes huit frères et soeurs qui sont coincés, à cette heure ci entre l'artillerie, les blindés, l'aviation, à quelques kilomètres à l'est, mais, tout en reconnaissant votre générosité je dois voir aussi les limites des pouvoirs de votre fonction et je poserai donc une question sur le taux de chômage.
- Je crois comprendre que vos partenaires ont admis l'évidence, qui a toujours été prônée par la délégation française, qu'il y a un seuil, qu'il y a des frontières au-delà desquelles le chômage ne serait pas tolérable.
- Est-ce qu'il n'y a pas aussi un seuil pour l'assassinat et la mort, ou doit-on faire confiance à la précision, à la sophistication du matériel américain qui saura distinguer cette fois-ci entre objectifs civils ou non civils, comme cela des gens comme les miens seront épargnés ou auront plus de chance que d'autres ?
- Je m'excuse d'avoir introduit cette question, c'est le Général Haig qui nous a ouvert la route, puisqu'il s'est déclaré réjoui hier de se retrouver de nouveau à Cancun, et lorsqu'il s'agit de Cancun...
- LE PRESIDENT.- Monsieur, vous avez fait des considérations sur le Liban avec émotion. Je le comprends £ nous sommes quelques-uns à beaucoup aimer le Liban, je suis de ceux-là et à souhaiter participer le plus possible au rétablissement d'une situation juste pour ce pays, à la sauvegarde des vies humaines, à la sauvegarde des biens, à la sauvegarde de ce peuple et de cette nation. Mais, vous avez mêlé à ces consisérations des propos sur le chômage en France qui ont beaucoup altéré, je vous prie de le croire, la qualité de votre intervention car elle prenait une couleur de petite attaque politique sur un sujet qui ne le méritait pas.
- Je n'ai pas compris ce que vous attendiez de la France, sinon qu'elle vous aide davantage. Je vous répète que la France n'hésite pas à condamner l'intervention israélienne, pas plus qu'elle n'a hésité à condamner les autres interventions militaires sur le territoire du Liban, dès lors qu'elles se faisaient contre la volonté des dirigeant légitimes du Liban. Nous n'avons jamais cessé, par notre diplomatie, de contribuer à défendre ces principes d'unité, d'indépendance, de souveraineté, d'aide. Nous nous sommes bornés aux actions diplomatiques parce que tel est notre rôle. Si nous sommes mêlés militairement, c'est dans-le-cadre des forces internationales et non pas au-titre de la France. Enfin, si cela devait être au-titre de la France, cela ne serait pas possible par l'initiative de la France, seul le gouvernement libanais a autorité dans ce domaine. Nous examinerons les propositions du gouvernement libanais s'il en fait, et quand il en fera. Voilà tout ce que je peux dire à ce sujet.\
QUESTION.- Je reviens sur votre commentaire sur les crédits de l'URSS £ comment expliquez-vous que les Américains soient si contents qu'ils aient dit : c'est la première fois que les nations industrialisées ont accepté de limiter le package deal, c'est-à-dire les relations commerciales avec l'URSS. Est-ce qu'il n'y a pas une source de malentendus ?
- LE PRESIDENT.- C'est possible, pour l'instant, il est admis que c'est tout le monde ou personne. Moi je suis tout prêt, s'il y a danger pour la paix, à considérer que les restrictions pourraient être nécessaires. Comme le commerce américain est beaucoup plus important que le commerce français, j'agirai certainement dans ce cas là comme ils le feront eux-mêmes, en cas de danger naturellement... Bref, c'est tout le monde, ou c'est personne... Pour l'instant, c'est personne. Ce sera peut-être tout le monde, mais chaque pays restera souverainement juge de la prudence que requièrent les relations commerciales, expression qui figure en toutes lettre dans ce texte, que vous n'aviez peut-être pas remarquée.\
QUESTION.- Excusez-moi, monsieur le Président, mais je voudrais revenir encore sur le Liban. Dans le communiqué du sommet à propos des derniers développements vous dites, dans la dernière phrase, que "chacun de nos gouvernements utilisera tous les moyens à sa disposition pour atteindre ce but". Je voudrais savoir si les mesures et les moyens que vous autoriserez seront semblables à ceux que vous avez pris à l'égard de l'Argentine.
- LE PRESIDENT.- C'est possible, comme il est possible que non. Ce qui est certain c'est qu'il faut que les nations responsables soient un peu plus logiques avec elles-mêmes, c'est-à-dire que la violence doit être refusée partout. Lorsque le délégué de la France s'exprimera à ce sujet, il estimera sans aucun doute que la violence doit être rejetée également ici et là. Dans l'affaire argentine, la grande difficulté tient au fait que, l'initiative de l'agression étant de la responsabilité de l'Argentine, si l'on condamne la violence, on commence par condamner l'Argentine. Ensuite, c'est l'enchaînement des circonstances, qu'il est difficile d'éviter. Mais comme l'objectif - de la France, en tout cas - (je ne peux, sur ce terrain là, engager que moi-même, que mon pays) c'est d'affirmer sa solidarité avec la Grande-Bretagne contre cette violation du droit, et de préserver autant que faire se peut les relations très importantes qui unissent la France, l'Europe occidentale, aussi, et l'Amérique latine, cela signifie qu'au-cours des jours qui vont venir, toute une série d'actions seront rendues nécessaires.\
QUESTION.- Monsieur le Président, ma question précédente. J'aimerais vous demander si la déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement va plus loin dans le sens de la solidarité avec la Grande-Bretagne que les positions qui avaient été prises jusqu'ici, et d'autre part si les chefs d'Etat et de gouvernement se sont mis d'accord, non seulement sur la nécessité d'un cessez-le-feu local, mais sur celle d'un cessez-le-feu qui engloberait toutes les nations qui sont parties prenantes du conflit actuel, autrement dit sur le fait que l'Argentine ne puisse plus continuer à harceler les positions britanniques dans les Malouines lorsque le droit aura été rétabli ? LE PRESIDENT.- Ecoutez, soyons simples. Il n'y a pas eu de texte adopté sur l'affaire des Falklands - Malouines... Je dis Falklands - Malouines, parce que si je dis Malouines, vous traduirez Falklands, et si je dis Falklands, d'autres traduiront Malouines ! Mais il s'agit de la même chose. Donc, je ne vais pas faire de discours inutile à ce sujet.
- Ce qui est vrai, c'est que l'Argentine à préféré régler par la force un vieux débat qui l'opposait à la Grande-Bretagne. Ce qui est vrai aussi, c'est que nombre de pays n'ont jamaais reconnu ni défini le droit de souveraineté de la Grande-Bretagne, et pourtant nous sommes aux côtés de la Grande-Bretagne. Pourquoi ? Parce qu'elle a été agressée, parce qu'elle est notre amie et notre alliée et qu'à-partir du moment où l'agression a eu lieu, s'est engagé un engrenage d'événements dont nous ne sommes pas maîtres. Nous avons soutenu dès l'abord la Résolution 502 des Nations unies. Nous nous en tenons là. Nous avons, d'aure part, adopté au sein de la Communauté européenne `CEE` un embargo sur les échanges commerciaux avec l'Argentine, qui nous paraissait la conséquence normale de notre condamnation de la violence. Ce qui s'est produit depuis lors, et notamment l'avance britannique sur le sol des Falklands - Malouines, fait partie d'un événement sur lequel la France n'a pas prise, sinon indirectement par le fait qu'elle participe à cet embargo, c'est vrai. Simplement, nous considérons que ce que l'on pourrait appeler un événement nouveau, dans ce jeu de la fatalité, serait constitué par le fait que la Grande-Bretagne aurait récupéré le sol qui lui était contesté. A-partir de là, une nouvelle phase commencera - ce n'est pas un principe que j'émets, c'est une évidence politique - qui, je l'espère, se terminera dans le délai le plus bref par un cessez-le-feu ou un armistice, appellez-le comme vous voudrez, et la France sera naturellement du côté de ceux qui plaideront ce dossier là.\