14 mai 1982 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion du dîner offert à l'hôtel de ville de Hambourg, par le Bourgmestre et Mme Dohnanyi, vendredi 14 mai 1982.

Madame le Bourgmestre,
- Je suis heureux que cette visite en Allemagne m'ait permis de connaître votre libre ville hanséatique de Hambourg, et je vous remercie des aimables paroles d'accueil que vous venez de prononcer à mon égard comme à celui de ma femme.
- Monsieur le chancelier,
- Madame,
- Mesdames et messieurs,
- Dans une salle de cet hôtel de ville, je sais que l'on peut admirer cinq peintures murales qui représentent les plus anciennes villes-Etats que furent et que sont Athènes, Rome, Venise, Amsterdam et Hambourg. Fierté légitime car l'histoire de Hambourg symbolise celle de l'Europe.
- Par la combinaison de la pierre, de l'espace, de l'eau, de l'arbre, Hambourg exprime le génie urbain, le mot n'est pas trop fort, sans lequel l'Europe d'aujourd'hui ne serait ce qu'elle est. Ce n'est pas à vous que je l'apprendrai. Fondée par Charlemagne, figure qui nous est commune, Hambourg fut comme tant de grandes villes de notre continent, un foyer de rencontre, un lieu d'asile, un creuset, où hommes, concepts, objets se mêlaient, se rencontraient, une de ces sources d'où jaillirent tout au long de notre histoire, culture et civilisation.
- Hambourg, j'ai pu le constater, en-particulier du haut du balcon de cet hôtel de ville, est belle de son passé, est belle de son présent et si elle porte la marque d'épreuves tragiques, j'ai pu aussi remarquer à quel point ses épreuves étaient surmontées. Son architecture, son urbanisme, toutes ses formes d'expression sont restés créatrices d'avenir.
- Bien entendu, chaque fois qu'on vient nous voir, on ne peut échapper au sillon des discours qui doivent porter, comme le mien ce soir, sur Hambourg, ville carrefour, ville portuaire dont la prospérité a été due aux échanges entre l'Europe centrale, l'Europe occidentale, la Scandinavie, par la Mer du Nord, la Baltique, les villes de la Hanse, et avant l'ouverture sur l'Atlantique £ eh bien, naturellement on le dit parce que c'est vrai et que cela continue d'être vrai, alors vous me pardonnerez si je le répète une fois de plus !\
Mais ce qui est plus intéressant, c'est de percevoir à quel point votre ville a su rester fidèle à sa vocation, de quelle façon elle a su demeurer le premier port allemand, se réorienter vers l'Europe de l'Ouest en son entier, maintenir un trafic multiséculaire avec plusieurs pays de l'Europe de l'Est, et su développer rapidement ses relations avec la France. Ce qui fait que nous sommes aujourd'hui votre premier client et malheureusement, votre quatrième fournisseur. L'ouverture ces dernières années à Hambourg de bureaux nombreux, de banques et d'entreprises françaises, rend compte de ce développement.
- Et comment n'aurais-je pas ressenti tout à l'heure, au travers des rues de votre ville, avec cette foule assemblée pour fêter à la fois sans doute notre rencontre mais aussi tout simplement l'une des occasions pour Hambourg de se retrouver soi-même £ comment n'aurais-je pas observé cette allégresse et cette force fidèle, sans doute, aux souvenirs mais tout entière tournée vers le progrès et vers l'action ? Le séjour que ma femme et moi-même effectuons dans votre ville à l'invitation de mon ami le chancelier, Helmut Schmidt, m'a donné l'occasion, l'heureuse occasion de le rencontrer pour la onzième fois depuis mon élection comme il sied aux responsables de deux pays voisins, et partenaires dont le destin est lié, de même que ce séjour m'a permis de m'adresser aux membres du Club d'Outre-mer que je tiens encore à remercier.\
Je veux rendre ici hommage, vous le comprendrez, en ces lieux où il fit son apprentissage d'homme politique, à celui qui est aujourd'hui un homme d'Etat dont j'ai pu mesurer l'autorité internationale pour le bien de l'Allemagne sans doute mais aussi pour celui de notre communauté, de l'Europe tout entière sur la scène du monde et, rendant hommage à Helmut Schmidt, je dirai avec quel plaisir je me suis retrouvé dans sa propre maison, dans son foyer, en compagnie de Mme Schmidt, façon qui en vaut bien d'autres de connaître les responsables de la vie internationale.
- J'aimerais, madame le bourgmestre, j'aimerais aussi, madame Von Dohnanyi, que vous vouliez bien transmettre au maire de la ville, le premier bourgmestre, et vous madame, à votre mari, les regrets que j'éprouve à n'avoir pu le rencontrer, les voeux que je forme pour son rétablissement et le souvenir fidèle que j'ai de nos rencontres déjà nombreuses en différents points d'Allemagne ou à Paris où je l'ai toujours vu comme l'un des éléments moteurs de la politique de ce pays, et toujours en symbiose avec le mien.
- Je ne répéterai pas ici ce que j'ai dit et longuement devant le Club qui me recevait tout à l'heure sur-le-plan économique, social, culturel, bref sur la politique générale et celle de nos deux pays. Je voudrais simplement dire qu'en me rendant demain à Lubeck, je serai heureux de continuer à découvrir, de pouvoir mieux connaître la beauté de cette région d'Allemagne `RFA`, l'Allemagne du Nord que les Français, moi le premier, ignorent trop souvent. J'aurai surtout conscience d'être aussi proche qu'on peut l'être des signes déplorables de la division de l'Europe, réalité que je connais comme vous-même, qui nous est quotidienne mais dont l'aspect tangible doit nous faire réfléchir.\
Bref, je vous épargnerai un plus long discours en disant seulement ce que j'ai à vous dire, monsieur le chancelier, madame le bourgmestre, mesdames et messieurs, il n'est guère, il n'est peut être pas de problème actuel que la France et l'Allemagne puissent affronter séparément. Quand je vous remercie pour la qualité de votre accueil, c'est sans doute, veux-je exprimer mes sentiments personnels, ceux de ma femme, mais vous savez que parmi vous sont d'assez nombreuses personnalités françaises qui ont bien voulu soit m'accompagner, soit me rejoindre ici, d'ordre gouvernemental et politique mais aussi d'ordre de la science, de la recherche, du droit, de l'industrie, bien entendu de notre diplomatie : ils sont mêlés dans vos rangs, et je vois dans cette assemblée de ce soir un symbole.
- En levant mon verre, je forme l'espoir que Hambourg puisse continuer de jouer à travers le temps le rôle qui est le sien, dans l'histoire de l'Europe démocratique, dans l'amitié avec la France, rôle à la hauteur de son passé et qu'on peut lui promettre pour l'avenir. Je veux que ces souhaits se portent vers vos personnes, à vous responsables à des titres divers de l'Allemagne fédérale `RFA` aujourd'hui. Je souhaite que ces voeux se portent sur les habitants de cette ville et vous me permettrez de dire, en finissant, vive l'Allemagne, l'Allemagne fière et libre.\