29 avril 1982 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'Institut français, Copenhague, jeudi 29 avril 1982.

Je suis heureux de vous rencontrer en cet après-midi à l'Institut français, pour prendre contact, avec la plupart d'entre vous, approcher autant qu'il est possible la vie de ceux qui vivent dans ce pays. C'est pour moi une excellente occasion d'apprendre davantage ce que je devrais retenir de ce bref voyage au Danemark.
- Je vous remercie d'être venus, représentants des quelques, m'a-t-on dit, 2500 Français qui vivent au Danemark et je suis flatté qu'à cette heure-ci assez peu commode dans un voyage qui, bien entendu, comporte bien des obligations d'Etat, nous ayons pu ensemble disposer de quelques quarts d'heure. Après un bref exposé, dans la réception qui a été organisée, je me ferai un plaisir de circuler parmi vous pour connaître aussi peu que ce soit, mais tout de même de votre boouche, les quelques problèmes qui peuvent se poser à vous.
- Je remarque, dans la note qui m'a été remise que c'est la quatrième visite d'un chef d'Etat français qu Danemark, le dernier en date étant M. René COTY, dont je me rappelle avoir été le ministre, il y a bien longtemps. C'est M. COTY qui, en 1955, avait posé la première pierre du bâtiment où nous nous trouvons et je me réjouis d'en voir aujourd'hui le résultat. Peut-être a-t-on oublié de me faire poser une première pierre quelque part. J'espère que, indépendamment de la construction d'un bâtiment public, il me sera possible de marquer ce voyage d'une façon ou d'une autre.\
Il est vrai que, au-cours des années passées, les siècles passés, les relations entre la France et le Danemark ont été constantes, mais assez espacées. Il faut dire que la géographie du temps s'y opposait. Et puis, la plupart des Français qui se sont trouvés dans ce pays, il faut le dire, tentaient d'échapper à une France troublée, parfois inhospitalière. Ce furent les huguenots du 17ème siècle, les émigrés de toutes sortes du 18ème, les réfugiés des guerres mondiales du 20ème. Et je dois dire que même si cette symbiose s'est réalisée dans la peine, ces Français-là ont souvent montré leur talent industrieux, leur faculté d'adaptation. On trouve leur marque dans les monuments, dans la culture, dans les diverses formes d'évolution de l'art. Je suis sûr que beaucoup de Danois, aujourd'hui, s'inspirent encore de traditions familiales, dont les sources françaises restent réelles. En tout cas, cela prouve qu'à travers le temps, l'hospitalité danoise a été réelle et souvent chaleureuse. Mais, aujourd'hui, à l'heure où je parle, il s'agit surtout d'occasions, de contacts, de pénétration de nos deux cultures par de nouveaux cheminements.\
La Communauté européenne `CEE` notamment donne à votre implantation une signification différente et puis, aussi bien d'autres facilités qu'à ceux qui arrivaient, émigrés ou chassés de leur pays. Je pense au droit d'établissement communautaire, à la protection sociale danoise et, vous-mêmes, si j'en juge par les éléments qui m'ont été fournis, témoignez de l'étroitesse des liens personnels entre la France et le Danemark par le fait que 90 % des ménages français au Danemark sont des couples franco - danois. D'autre part, l'activité, la diversité professionnelle qui se répartissent sans dominante particulière dans la plupart des secteurs de la vie locale, sauf peut-être dans les professions agricoles.
- Je ne sais évidemment par un simple regard qui vous êtes, d'où vous venez de France, quelles sont vos professions, quels sont vos choix. Ces derniers ne me sont pas indifférents, il ne sont pas de mon domaine et vous en être bien libres. Votre attachement à la France, votre présence et aussi tous les efforts réalisés dans cet institut montrent que cet attachement reste vivant. Quant à vos soucis, aux questions que vous vous posez, aux problèmes qui souvent frappent vos familles, quant à vos difficultés sociales que votre origine soit de la fonction publique ou bien que vous ayez des activités privées qui touchent au domaine du négoce, au domaine de la culture, quelle que soit la -nature de votre présence au Danemark, sachez que j'ai conscience d'assurer du mieux possible le présent et le devenir des Français, ici et ailleurs et qu'il n'y a pas dans mon esprit de préférence pour ceci ou cela. L'essentiel, c'est de faire avancer nos affaires communes dans-le-cadre de cette communauté, où je dois le dire, la parole de la France reçoit un écho d'autant plus remarquable qu'il n'est pas toujours habituel et, cependant, si écho il y a, à l'intérieur de l'Europe des Dix, cet écho est toujours plus fort au Danemark qu'ailleurs où généralement dès les premiers moments où j'ai dû assumer la responsabilité que vous savez, j'ai trouvé dans les représentants du Danemark au-sein de la Communauté européenne `CEE` un -concours amical et utile.
- Je n'ignore pas non plus les efforts qui sont les vôtres et les efforts qui viennent à la rencontre des vôtres et qui sont ceux de la France au Danemark, sans doute très insuffisants. Le moment viendra où vous me le direz. Mais, enfin, il y a le lycée français de Copenhague la scolarisation que nous essayons d'améliorer, des programmes, des bourses. Il m'arrive assez souvent de parler de ces sujets. Je connais bien l'Alliance française, les différents instituts à travers le monde. Il m'est arrivé dans les années passées d'y faire des séries de conférences. Et puis familialement, j'ai toujours vécu à l'ombre de l'Alliance puisque dans la famille de ma femme, se trouve l'un de ses dirigeants qui me parlait encore récemment, de l'Alliance du Danemark et de son institut.\
Je sais que vous vous êtes associés dans trois organisations françaises et franco - danoises. Il y a aussi sans doute celles et ceux d'entre vous qui n'appartiennent à aucune association du tout. Je reconnais assez bien là le caractère français. D'ailleurs, moi, j'ai toujours eu personnellement beaucoup de peine à entrer dans quelque association que ce soit y compris dans un parti politique `PS`, même s'il m'est arrivé de le diriger. Je sais que les activités de votre institut sont multiples. C'est d'ailleurs sa -nature même et son objet. J'ai remarqué naturellement que la semaine qui s'ouvre - je ne pense pas que c'est commencé - sera marquée par le cinéma africain francophone. Après tout s'intéresser à Copenhague au cinéma africain, qui plus est francophone, c'est la marque d'un esprit assez universel dont je me réjouis. Je pourrais le dire le mois prochain quand je me trouverai à mon tour en Afrique noire. Je ne sais pas si je trouverai là-bas, à Dakar par exemple, une semaine sur le cinéma franco - danois...\
Cette dernière remarque me fait penser que, depuis quelques temps, obéissant à des invitations multiples, je suis assez souvent hors de France. Mais on exagère quand même dans la critique qu'on en fait. Dans le premier trimestre, je suis parti six jours mais dans trois pays différents. Bientôt, je serai appelé un peu à travers les autres continents à continuer de voyager. Alors, j'en éprouve déjà un peu de remords. A Paris, il y a aussi beaucoup de travail et j'aurai l'occasion de m'entretenir des problèmes qui nous sont propres devant la presse demain après-midi pour tirer des conclusions de ce voyage, et aussi parler de tout et peut-être de rien, au travers de ces conférences rituelles qui sont cependant bien utile.
- Je vien de vous le dire : notre rencontre sera comme un très rapide moment vécu. Comment faire autrement ? Je peux difficilement m'installer là et, d'autre part, j'ai tout à fait soif de mieux connaître ces communautés nationales, si réparties à travers le monde. Car si vous êtes proches par la distance géographique, il n'en reste pas moins que vous vivez au-coeur d'une culture associée à la nôtre, aussi ancienne que la nôtre, aussi digne d'estime que la nôtre, mais très différente par la langue, par les structures du langage, par tout ce qui plonge dans les racines de nos Moyen-Age.
- C'est pour vous, sans doute, un motif très puissant d'intérêt et peut-être aussi une difficulté de communication. Et, puis, vous ne pourrez pas, vous n'aurez pas le temps, ni le loisir sans doute de me dire ce qui, pour votre vie de chaque jour, représente un risque, une difficulté qui pourrait être dominé avec le -concours de la puissance publique française. J'espère que vous pourrez le dire à M. l'ambassadeur, que je salue. J'espère que vous pourrez me faire parvenir tout ce que vous souhaiterez me dire. J'en prendrai connaissance, croyez-le, avec la plus grande attention.\
Je suis accompagné de cinq membres du gouvernement français, en-particulier M. le ministre des relations extérieures `Claude CHEYSSON`. Vient de nous rejoindre M. le ministre des affaires européennes `André CHANDERNAGOR`. Nous a quitté tout à l'heure M. le ministre des postes et télécommunications `Louis MEXANDEAU` et se trouvent parmi nous plusieurs secrétaires d'Etat, notamment, Mme DUFOIX chargée de la famille, M. ABADIE chargé du tourisme, M. CELLARD chargé de l'agriculture. Tandis que m'entoure un certain nombre des dirigeants de mon secrétariat ou du secrétariat général de l'Elysée. J'ai aussi amené avec moi quelques invités de choix. Je ne peux pas vous les présenter sans créer, bien entendu, une sorte de fausse hiérarchie entre eux, ce qui serait très embarrassant pour moi.
- Laissez-moi vous dire seulement que, dans quelques domaines que ce soient, je veille à ce que ceux qui m'accompagnent puissent représenter les diverses formes d'activités françaises. Je suis très heureux et, en-particulier, j'aperçois ici François-Régis BASTIDE qui, pour s'être intéressé récemment dans un roman remarqué à la Suède, pourrait très bien porter ses regards, le cas échéant, sur le Danemark. Il représente, aujourd'hui, auprès de moi comme d'autres écrivains l'ont fait récemment au Japon, ce que j'estime être l'une des formes les plus actives du temps présent, c'est-à-dire la création, la création intellectuelle dont nous avons tant besoin pour donner corps et pour lier tout ce qui représente la communauté nationale.
- Mesdames et messieurs, j'en ai assez dit. Sinon pour vous répéter que je suis heureux d'être parmi vous et pour maintenant gagner un peu de temps afin de circuler parmi vous.\