2 décembre 1981 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion de la réception des Lettres de créance de M. Evan G. Galbraith, ambassadeur des Etats-Unis, Paris, Palais de l'Élysée, mercredi 2 décembre 1981

Monsieur l'ambassadeur,
- C'est avec un grand plaisir que je reçois les Lettres par lesquelles le Président des Etats-Unis d'Amérique vous accrédite auprès de moi en qualité d'ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire.
- Avec vous c'est d'abord un familier de la France et de l'Europe que j'accueille aujourd'hui comme ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique à Paris. Vous connaissez donc bien, je le sais, les réalités de notre pays notamment dans les domaines économique et monétaire.
- Je suis convaincu que les relations de travail et de confiance qui existent actuellement entre l'ambassade des Etats-unis et les autorités françaises se poursuivront et que votre mission apportera une contribution positive au dialogue franco - américain et à l'amitié entre nos deux pays.
- Cette amitié, cette alliance, nous les avons encore commémorées récemment à Yorktown. Ma présence là-bas, aux côtés du président REAGAN, manifestait la fidélité de la France aux engagements qu'elle a librement souscrits et aux idéaux qu'elle s'est toujours enorgueillie d'assumer. Faut-il le répéter ? La France et les Etats-Unis ont beaucoup en commun. D'abord de n'avoir jamais oublié les conditions de leur naissance en tant qu'Etat moderne en 1781 et en 1789. Ensuite, d'essayer sans cesse dans un monde de bruit et de fureur d'être profondément fidèles à elles-mêmes.
- Aujourd'hui le respect de l'individu, l'exigence de la justice pour les hommes et de l'indépendance pour les peuples nous demandent les mêmes efforts acharnés que nos prédécesseurs ont consacrés dans ces grandes luttes pour le droit où nos deux peuples se sont retrouvés côte-à-côte.
- Au x périls anciens, discordes entre les nations et menaces sur la paix, s'ajoutent les périls nouveaux de la crise économique mondiale, du chômage, des désordres monétaires et commerciaux, la misère frappant des milliards d'hommes. Pour y répondre il faut bien sûr attaquer chez nous le mal à ses racines et préserver ainsi cette aire de stabilité et de démocratie que sont les pays industrialisés. A cet égard, notre amitié et nos intérêts convergent dans le maintien d'une Europe libre, stable et respectée. Je n'ai pas manqué de rappeler combien notre attachement à l'Alliance atlantique était ainsi à la mesure des valeurs essentielles que vous et nous défendons à travers elle.
- Mais il faut aussi regarder au-delà de notre jardin. L'appel de tous ceux qui luttent pour vivre libres doit être entendu d'où qu'il vienne. Si la paix doit être sauvegardée à l'échelle mondiale par l'équilibre des forces et la négociation, la crise économique doit être surmontée par l'instauration d'un ordre international où la justice et la solidarité remplacent l'arbitraire.\
Pour appliquer ces principes, la France a choisi sa voie, ses moyens. Ils expriment à la fois sa personnalité propre et quelque chose qu'elle ressent comme universel. La communauté d'idéaux qui existe entre votre pays et le mien doit déboucher sur la complémentarité de nos actions dans le respect de notre indépendance réciproque. Je ne doute pas que la France et les Etats-Unis sauront, dans cet esprit, maintenir une fructueuse coopération.
- Depuis l'origine, c'est-à-dire depuis la guerre d'indépendance, les relations franco - américaines ont eu quelque chose d'unique. Certes, nos -rapports ne peuvent être toujours exempts de nuages. Cela est normal. Ce qui importe, c'est que dans les grands choix auxquels le monde se trouve confronté, nos deux pays se retrouvent côte-à-côte et solidaires.
- Cette communauté de destin n'exclut nullement les différences d'appréciation car nos deux payx déterminent en toute souveraineté ce qui constitue leurs intérêts nationaux. Primordiale à cet égard est la vertu de compréhension. Nous nous efforcerons toujours quant à nous de comprendre vos motivations. Aucun préjugé, hormis sans doute celui de l'amitié, ne viendra affecter la qualité de nos -rapports. Nous vous demandons un effort égal pour reconnaître la "vision" que nous avons du monde actuel, un monde où s'impose un devoir de solidarité avec les nations déshéritées.
- Ainsi nos chemins pourront s'entrecroiser, s'éloigner parfois, se rapprocher le plus souvent : l'important est qu'ils nous conduisent, en toute responsabilité, vers un monde de justice, de liberté et de paix.
- Soyez assuré, monsieur l'ambassadeur, de trouver auprès de moi-même et de mon gouvernement tout l'appui qui vous sera nécessaire pour l'accomplissement de votre haute mission.
- Je vous serais obligé de bien vouloir transmettre au président REAGAN l'assurance de mon amical souvenir et des voeux que je forme pour lui-même et pour le grand peuple américain.\