22 juillet 1981 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'Hôtel de la monnaie, Paris, mercredi 22 juillet 1981.

Mesdames,
- messieurs,
- Je tiens d'abord à dire que ces discours que je viens d'entendre, qui sont plus des exposés que des discours, sont remarquables, tant par leur contenu que par leur expression.
- Je voudrais rappeler, aujourd'hui, qu'il m'est arrivé souvent de passer dans votre quartier qui est aussi le mien et de saluer au passage, tel ou telle d'entre vous en blouse bleue ou grise. Tout le long de ces rues, à l'heure des repas surtout, ils voulaient bien échanger quelques propos.
- Le 10 mai est arrivé et voilà qu'aujourd'hui, je me retrouve chez vous. Il m'a fallu parcourir à toute allure un trajet organisé par un protocole à la précision rigoureuse. Cela ne m'a pas empêché de percevoir combien les travailleurs de la monnaie, à tous les niveaux, m'ont accueilli... disons, avec coeur.
- Je ne veux pas savoir ce que chacun d'entre vous pense devant ce grand changement politique. Je sais seulement qu'il existe un grand mouvement populaire collectif, qu'il s'est établi une sorte de relation, comme un dialogue non exprimé qu'il fallait concrétiser. Lorsqu'un peu plus tard, j'ai reçu votre message accompagné des deux médailles que j'ai sur mon bureau, j'y ai vu la marque d'une qualité particulière dans cette relation que je viens d'évoquer.\
Il ne me sera pas possible d'aller partout, comme je le fais ici, rencontrer les travailleurs, là où ils exercent leur tâche professionnelle pour assurer leur propre vie, celle de leur famille et, aussi, pour s'accomplir eux-mêmes. Car cela va un peu plus loin, vous l'avez fort bien dit au travers de ces médailles, de ces monnaies, de la qualité artistique et artisanale : à mon avis, ces deux termes ne doivent pas être séparés. Il y a là comme une sorte de fonction remplie : on va un peu au-delà de soi, on a l'impression - la certitude, même - d'un service rendu à la nation, ce qui anobli toute chose. Déjà, la valeur du travail, en soi, est très importante. Si, en plus, le travail comporte une signification symbolique, je crois que celui qui l'exerce se sent porteur d'une mission particulière.
- J'ai pu rencontrer dans vos ateliers plusieurs de vos camarades au travail. J'ai bien noté chez chacun d'eux cette attention, cette vigilance, cette rigueur sans lesquelles le travail n'est pas ce qu'il doit être.
- Nous voilà tous un peu comme en récréation grâce-à cette rencontre informelle, tout-à-fait inhabituelle. Je n'ai pas tellement l'occasion, actuellement, de rencontrer des travailleurs dans leur entreprise. Je suis un peu derrière mes murs, par nécessité pour le moment, ce qui, pour moi, donne tout son -prix à cette rencontre d'aujourd'hui. J'ai voulu profiter de cette occasion qui m'était offerte par vous, par l'initiative simple, discrète et très sympathique dont j'ai été l'objet.\
Vous avez parlé et c'est votre droit - c'est aussi la bonne occasion - de vos problèmes professionnels. Je vous ai dit tout à l'heure que le ministre de l'Economie et des Finances 'Jacques DELORS' est là, même s'il ne peut pas répondre immédiatement par oui ou par non à toutes les questions qui se posent.
- Je suis rentré cette nuit du Canada `conférence d'Ottawa` et je pensais ce matin que nous étions exactement au terme du premier mois d'exercice du Gouvernement issu des élections législatives. Vous savez, en un mois, il est difficile de faire autant qu'on le voudrait. Mais la façon dont vous avez posé vos problèmes, le sentiment de responsabilité qui éclate, cette façon que vous avez de relier vos problèmes à ceux du pays tout entier, me montrent qu'il n'est pas nécessaire de réfléchir beaucoup pour s'apercevoir à quel point votre syndicat est responsable. Cela ne peut que m'incliner à insister auprès du Gouvernement pour que,dans les limites de ce qu'il peut faire et des intérêts dont il a la charge, il se hâte de répondre comme il convient aux questions posées, dès lors qu'elles sont celles du bon sens et de la justice.\
Laissez-moi vous dire, mesdames et messieurs, le plaisir que j'ai de venir, ainsi, une petite heure parmi vous, en pleine journée de cette fin du mois de juillet. J'arrive d'un grand voyage où j'ai dû traiter des problèmes internationaux `conférence d'Ottawa`. Croyez-moi : rien ne serait possible pour le chef de l'Etat s'il devait perdre ce contact avec celles et ceux qui font la France - dont vous êtes - qui en connaissent la peine, la difficulté, qui produisent, qui créent, qui font la France, qui sont la France. En fait, je n'ai pas fait à votre égard un geste tellement étonnant. En venant vous voir, je me suis rendu service à moi-même.
- Si, en plus, a pu s'établir, grâce à cette visite, un courant de sympathie mutuelle qui me donne plus de courage encore pour mener ma tâche à bien, je vous en remercierai.
- Voilà l'expression de mes remerciements pour les propos qui m'ont accueilli, pour la présence de celles et ceux qui ne m'auront pas dit autre chose que "bonjour" en passant, pour ceux qui, avec leurs appareils photographiques, veulent marquer le souvenir de cette belle journée. J'espère, dans tous les cas qu'elle vous sera utile. Elle l'est pour moi, soyez-en sûrs.\