13 juillet 1981 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue des consultations franco-allemandes, Bonn, lundi 13 juillet 1981.

Mesdames et messieurs,
- Je vous serais d'abord reconnaissant de bien vouloir transmettre, pour ce qui est des journalistes allemands, mon salut au peuple allemand de l'Allemagne fédérale, lui dire que j'ai été heureux de venir sur son sol, m'entretenir avec ses dirigeants de grands problèmes qui touchent à sa vie, à ses intérêts comme à ceux du peuple français. Venir en Allemagne dans ces circonstances, c'est avoir le sentiment de contribuer à la construction d'un grand édifice, celui de la solidarité franco - allemande non seulement dans les relations bilatérales, mais aussi à l'intérieur de la Communauté `CEE`, mais aussi sur la scène du monde et avoir pour partenaire le grand peuple allemand. C'est une force et une satisfaction que je vous demande de bien vouloir transmettre à vos lecteurs.
- Je dirai ensuite à monsieur le Chancelier de la République fédérale qu'après avoir eu l'occasion de le rencontrer à Paris, lors de son voyage de retour de Washington, je me réjouis d'avoir pu approfondir, au-cours de longues conversations et sur de nombreux sujets, à la fois notre connaissance personnelle et notre capacité de travail ensemble. Je crois que, d'une façon générale, ce sommet franco - allemand s'inscrit dans une tradition déjà longue, la coopération continue, elle doit s'approfondir, ce que j'ai appelé l'amitié privilégiée entre la France et l'Allemagne reste une pierre angulaire de la construction de l'Europe, de l'Europe occidentale, de l'Europe de la Communauté `CEE`. Cela deviendra de plus en plus un élément déterminant de la politique internationale. Et je l'ai bien ressenti tout au long de ces conversations, conversations en tête-à-tête, conversations à quelques-uns, conversation plénière, j'y viendrai dans un moment lorsque l'interprète aura traduit la première partie de cette déclaration.\
Sur-le-plan de nos relations bilatérales, nous sommes arrivés, d'une façon générale, aux termes de bons accords, nous avons insisté sur l'aspect culturel de ces relations et j'ai pu confirmer au Chancelier que je comptais, en France, mettre en oeuvre l'Institut d'information sur l'Allemagne contemporaine à Paris avec relais à Strasbourg, dont il avait été fait -état précédemment sans que l'on soit véritablement entré dans la réalisation. De même, sur-le-plan de nos échanges, de nos enseignements, de nos éducations nationales. Nous avons parlé des relations bilatérales dans tous les domaines que vous pouvez imaginer, technologique, industriel, sur-le-plan nucléaire civil bien entendu - sur-le-plan de l'armement, enfin bref tous nos intérêts, des intérêts de la France et de l'Allemagne, qui ont besoin à tout moment de s'ajuster, et qui s'ajustent parce que nous sommes dans un climat de bonne coopération.
- Nous avons abordé les problèmes de nos relations dans-le-cadre de la Communauté `CEE`. Je crois que nous avons mis au-point - et cela sera précisé d'ici peu - une approche commune du débat budgétaire. Nous souhaitons que la Communauté puisse appréhender véritablement les problèmes énergétiques, nous souhaitons qu'elle développe son approche industrielle, et j'ai insisté, comme vous le savez, sur l'utilisation des procédures européennes en-matière sociale pour que de plus en plus, on soit en mesure de développer chez les travailleurs la conscience de l'Europe où ils doivent avoir la place qui leur revient.\
Nous avons développé nos conversations autour des relations franco - allemandes dans-le-cadre des conversations au sommet, sommet occidental, et notamment des prochaines conversations qui auront lieu au Canada. Alors là on connaît bien les questions à traiter. Il y a celles qui touchent aux relations entre les pays industriels et les pays en voie de développement `relations Nord-Sud`, comment faire accéder les pays en voie de développement à de plus grandes responsabilités, pouvoir intervenir eux-mêmes dans les décisions, nous pensons à la Banque Mondiale, au Fonds monétaire international `FMI` et pour avoir des objectifs moins ambitieux en-tout-cas, la création d'une filiale énergie de la Banque Mondiale - de ce point de vue, Allemands et Français ont une optique, je crois, commune des choses -, développement des relations entre nous, pays participants, notamment relations du Japon avec les pays d'Europe occidentale, avec les Etats-Unis d'Amérique autour de la politique monétaire, économique et fiscale de ce pays, notamment les problèmes posés par les taux d'intérêts et par les différences trop sensibles de change, des problèmes touchant au développement du Tiers monde, mais spécifiques comme le problème de la Namibie et du souhait que nous avons de voir perpétuer le mandat des cinq.\
`Relations Est - Ouest` Et puis, bien entendu, nous avons parlé des problèmes touchant à ceux de l'équilibre du monde, de l'équilibre des forces au travers d'événements aussi concrets que ceux de l'Afghanistan et de la récente démarche faite par Lord Carrington au nom des dix auprès de l'Union soviétique et nous avons aussi parlé de l'équilibre des forces au travers de cette discussion, dont vous connaissez tous les aspects, sur l'éventuelle négociation entre l'Est et l'Ouest afin de parvenir à définir d'une façon plus claire les conditions de la sécurité collective et, en-tout-cas, du désarmement. Voilà, sans que je puisse approfondir davantage les sujets traités, il me suffira de vous dire que cette rencontre à Bonn hier et aujourd'hui, a permis aux deux délégations et en-particulier au Chancelier et à moi-même de connaître de façon plus claire ce que sera notre démarche commune, qui n'a pas rencontré d'obstacles sur des problèmes importants, démarche qui continuera là où restent des problèmes délicats à régler, démarche qui s'affirmera dès la semaine prochaine, lorsque nous nous retrouverons ensemble à Ottawa. Je terminerai en disant que j'ai été très heureux de l'accueil que j'ai personnellement reçu dans ce pays, accueil prometteur pour ce qui concerne l'avenir de nos relations.\
QUESTION.- Monsieur le Président, nous avons lu dans une interview que vous avez donnée au journal Stern, que vous pensiez qu'il fallait d'abord réarmer et ensuite négocier. Est-ce que vous pensez qu'il y a une différence ici avec le gouvernement fédéral qui pense qu'il faudrait une simultanéité de ces deux actions ?
- LE PRESIDENT.- Il n'y a pas de difficulté, d'abord réarmer c'est ce que nous faisons puisque la négociation n'a pas commencé, du moins à ma connaissance. Ce qu'il faut, c'est que les bases de la négociation soient claires. Et, de ce point de vue, il convient que les responsables des puissances occidentales disent comment ils conçoivent l'accord futur, si accord il y a £ actuellement il existe un dispositif soviétique important d'armes de théâtre à moyenne portée, on va dire nucléaires ou atomiques tactiques, ce sont essentiellement les SS 20 ou Backfire et ce dispositif peut atteindre la totalité du dispositif occidental.
- J'en parle très librement puisque je n'appartiens pas en ma qualité de représentant de la France à l'organisation intégrée de l'OTAN et que mon pays dispose d'une force de dissuasion nucléaire autonome, mais les conditions de l'équilibre mondial m'intéressent et particulièrement les conditions d'équilibre européen.\
`Désarmement` Donc je suis pour la négociation, mais je veux savoir de quoi on parle et sur quoi on négocie et je pense que si on négocie, c'est pour qu'il n'existe plus de menaces pour personne. J'ai donc besoin de savoir quelque chose de plus du côté soviétique. Si ce quelque chose de plus est dit, bien entendu j'en jugerai en tant que responsable de la France, mais je n'aurai pas à en juger pour ce qui concerne la négociation particulière en ce qui concerne l'OTAN. Et je comprends très bien la différence de situation entre celle du peuple allemand qui ne dispose pas de moyens nucléaires militaires et dont le sol est bourré d'explosifs de toutes sortes, ce qui n'est pas le cas de la France.
- Donc si l'on veut résumer mon propos, je dirai pour que je me place en position de négociation, il faut que l'équilibre des forces soit assuré, mais pour cela je veux bien négocier et même j'approuve la négociation. Il ne faut pas que les Américains finissent par rechercher la force pour la force ou simplement le rapport de forces dominantes. Voilà ce que je pense, je l'ai dit dans dix autres interviews autres que celles de Stern. Je crois, en adoptant cette position, chercher la charnière exacte, elle n'est pas facile à trouver, entre le point d'équilibre des forces Est - Ouest et la nécessité de négociation.\