11 avril 2017 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-guinéennes, à Paris le 11 avril 2017.
Monsieur le Président de la République de Guinée, cher Alpha CONDE,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis de la Guinée et de la France,
Avec vous ce soir, je reçois, non pas un président, mais trois présidents. Président de la République de Guinée, vous l'êtes depuis 2010.Vous êtes aussi depuis janvier dernier Président de l'Union africaine. Enfin, je l'ai découvert, vous êtes Président à vie de la Fédération des étudiants d'Afrique noire en France. C'est le titre le plus enviable, d'abord de l'être à vie et ensuite d'être toujours étudiant.
Vous êtes ici ce soir, si je puis dire, chez vous. Car, vous avez vécu pendant des années en France c'était des années d'exil et il était logique que vous puissiez être accueilli, comme vous l'êtes ce soir, pour une visite d'Etat.
Vous êtes venu nous dire que l'Europe doit regarder vers l'Afrique avec les yeux du futur. Nos destins sont liés et si nos relations ont un caractère familial, alors, c'est un rapport de fraternité qu'il nous faut construire.
Cette fraternité, nous en avons fait la démonstration lorsque votre pays a été frappé par l'épidémie Ebola, qui a causé plus de 2 500 décès entre 2014 et 2016. Je salue les victimes et je rends hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont fait preuve d'un dévouement extraordinaire pour venir à bout de l'épidémie : les médecins, les chercheurs, les personnels soignants, les militaires, les membres des organisations non gouvernementales et tant d'autres. Certains sont ici et je veux leur exprimer toute ma reconnaissance.
La fraternité, c'est aussi le souvenir de ce qu'ont été, hélas, les guerres. Deux guerres mondiales qui virent tant de tirailleurs, dits sénégalais, venir en France pour libérer notre territoire. Parmi ces tirailleurs, beaucoup de Guinéens qui ont payé le prix du sang pour la France.
Je vais en citer un, Addi BÂ. C'était un jeune Guinéen qui était arrivé en France à l'âge de 21 ans. Il s'était engagé dans l'armée française en 1939. Fait prisonnier, il parvient à s'échapper. Arrêté de nouveau, fin 43, il est torturé et sa vie s'achève devant un peloton d'exécution à Epinal. Il avait 27 ans.
La reconnaissance de la France ne fut pas toujours à la hauteur du sacrifice des tirailleurs. Je pense aux anciens combattants qui eurent tant de difficultés à faire valoir leurs droits. C'est la raison pour laquelle j'ai facilité l'accès à la nationalité française des tirailleurs résidant en France.
Cette fraternité d'armes vaut encore aujourd'hui. Au Mali, des soldats français et guinéens sont ensemble pour faire face aux défis du terrorisme. Neuf soldats guinéens, 19 soldats français sont morts dans ce combat contre la barbarie.
Lors des commémorations de la bataille de Verdun, j'avais été choqué par la campagne menaçante et violente pour empêcher un concert d'Alpha DIALLO, plus connu comme BLACK M. Je tenais à ce qu'il soit présent aujourd'hui comme pour saluer l'amitié entre la France et la Guinée. Car, on peut être Français et Guinéen.
Les relations entre nos deux pays ont traversé, comme l'on dit en langage diplomatique, des périodes tumultueuses. Mais elles ont résisté à l'épreuve du temps. Votre accession à la Présidence y a été pour beaucoup. Nos rapports personnels aussi. Je n'oublie pas l'accueil que vous m'aviez réservé à Conakry, il y a près de deux ans, où la foule rassemblée criait « prési prési prési » ! J'ai compris que ça voulait dire « président ». C'était pour nous deux.
La France a fait de la Guinée l'un des pays prioritaires de sa politique de développement. Nous intervenons dans les domaines de l'éducation, de la formation professionnelle, de l'agriculture, de l'énergie ou encore de la santé. De nombreuses entreprises françaises sont actives en Guinée et les réformes que vous avez engagées, Monsieur le Président, les efforts que vous avez consentis pour achever un premier programme avec le Fonds monétaire international ont porté leurs fruits et ont largement contribué à ce climat de confiance.
Pour la France, la croissance africaine est à la fois une opportunité économique, mais aussi une nécessité. Il s'agit de ralentir le flux des jeunes qui traversent le désert, puis la Méditerranée et qui y laissent souvent leurs illusions et parfois leur propre vie.
Monsieur le Président, c'est souvent surtout par la culture que beaucoup de Français connaissent la Guinée. Camara LAYE, dont le livre « L'Enfant noir » a eu un retentissement considérable, Mory KANTE, auteur du célèbre « Yeke Yeke » que nous entendrons ce soir sont autant d'ambassadeurs de la culture guinéenne.
Et puis, il y a la langue, la langue que l'on dit française, mais qui est une langue partagée, qui est un patrimoine. Je me réjouis que Conakry devienne dans quelques jours la Capitale mondiale du livre.
Plus de 30 000 Guinéens vivent en France. Leurs représentants sont présents ce soir. Ils sont travailleurs, entrepreneurs, universitaires, musiciens, écrivains, sportifs et contribuent à la vitalité de nos deux pays.
Mais nous avons eu aussi un combat commun pour la réussite de la COP 21, qui a abouti à l' Accord de Paris, pour lequel vous êtes engagé. Laurent FABIUS présidait la Conférence, Ségolène ROYAL représentait la France. Il y a eu là une décision très importante pour les énergies renouvelables et l'électrification de l'Afrique, qui est un enjeu majeur. Vous y avez donné une impulsion et lors du dernier Conseil d'administration qui s'est tenu à Conakry début mars et auquel Ségolène ROYAL a participé, dix-neuf projets continentaux ont été sélectionnés et bénéficieront d'un soutien financier de la France et de l'Union européenne. Nous avons aujourd'hui lancé un projet de construction de quatre barrages qui contribueront à l'électrification de votre pays et au développement de votre agriculture.
En défendant l'idée d'un autre modèle de développement, en luttant contre les inégalités à l'échelle de la planète, en faisant en sorte que nous puissions porter les valeurs de liberté et de démocratie, vous êtes fidèle à vos idéaux de jeunesse, à votre internationalisme qui nous avait donné le plaisir de nous connaître au sein d'une organisation qui portait ces valeurs d'internationalisme.
C'est au nom de cette fidélité, de cette amitié, que je suis très heureux de partager avec vous et votre délégation et tous nos convives le dernier dîner d'Etat de ma Présidence. Il fallait que ce soit vous, il fallait que ce soit la Guinée, l'Afrique, qui puisse correspondre à ce qu'est le message de ce quinquennat.
Je me souviens du premier rendez-vous que j'avais eu comme Président de la République, accédant ici aux responsabilités de la France Jean-Marc AYRAULT et Laurent FABIUS étaient là c'était pour accueillir le Président du Bénin, qui était Président de l'Union africaine. Voilà, mon premier invité était le Président de l'Union africaine, le dernier invité est le Président de l'Union africaine.
Vive la Guinée ! Vive l'Afrique ! Vive la France !